Mon voisin Christian disait avant-hier que La Réunion c'est le monde entier et c'est vrai. Sur ce caillou africain, se côtoient l'Asie et l'Europe, les échanges avec l'Océanie sont importants. Début août, l'éléphant de mer sur la plage de Saint-Philippe venait de l'Antarctique (dont on n'est séparé que par les Kerguelen d'où la force de la houle).
Les épidermes déclinent une gamme étendue de nuances que j'ai encore du mal à distinguer les unes des autres. Elles vont du cacao 100% des « noirs bleus » descendants d'esclaves africains (les cafres aux cheveux « congnés »), au rose bonbon de z'oreilles land (Saint-Gilles les bains), en passant par le tonimalt des malbars (indiens non-musulmans, souvent tamouls), le ricoré des z'arabes (indiens musulmans), le caramel mahorais, la réglisse malgache, le coquille d'oeuf chinois, le café au lait des créoles, le lait noisette des yabs et le chocolat noir des bel bel madames comoriennes avec leur lamb (pareo), sans oublier les taches de son des petits blancs des Hauts (« codindés ») dont le visage « l'est comme une tit' fig' mûre »). Métissages, hybridations et cousinages ont développé une culture des différences qui a conduit à la richesse et à la cohabitation pacifique actuelles.
Tous les corps sont beaux, toutes les peaux sont belles, leur diversité fait ressortir cette beauté sans que chacun d'eux ne cesse de raconter son histoire pi(g)mentée.
Ci-dessus deux photos de vendeuses ravies d'être prises en photo, l'une au marché couvert de St-Pierre, l'autre au marché de Saint-Leu hier matin où, déguisé en créole grâce au chapeau de paille traditionnel, j'ai dû me rendre à l'évidence : z'oreille je suis né, z'oreille je resterai.