Et si je te disais
Si je te disais
Ton visage de demain
Gravé à la cime de nos Pitons
Nos trois Cirques marrons
Se donneront la main pour fêter
Ton retour à la terre
Ton retour à la sueur
Ton retour au sang de tes veines
Ton retour à la femme tendresse
Qui se réveille à quatre heures du matin
Pour préparer ton repas du jour
Sur le feu de bois
Sur le feu d'amour
Tandis que le dernier-né sommeille encore
Dans la chaleur de son corps
Evanoui dans la nuit
Des clairs matins
Le coeur crépite à l'aube du jour nouveau
Le regard flamboie
Les mains se réveillent au galop
Se jettent à l'assaut
Des gestes familiers qui font danser
Le soleil en son reposoir
Car seul le couchant ramènera tes pas
A ta case le soir
Si je te disais
Réunionnais
Petits Blancs des Hauts
Malabars de Champ-Borne et de Grand-Bois
Cafres du Littoral accidenté
Z'arabes des villes et des mosquées
Chinois de la rue Sainte-Anne des quartiers
Zoreil de la Métropole créole
Si je vous disais
Votre visage de demain
Scellé dans le ciment de l'Atome
A votre courage
A vos sourires
A vos ancêtres
A vos racines iliennes
Qui n'ont pas oublié la terre de vos mains
Vous vous reconnaîtrez à votre âme
Comme un père reconnaît son fils
Comme la mère reconnaît son chant
Comme le temps naît au beau temps
Comme l'avenir se bâtit au présent
Vous vous reconnaîtrez mille mains
Car il n'est pas d'autre chemin
Si je vous disais
La parole entendue
Le souffle du lagon
Nous danserons au pays des Cirques
Ils se réveillent sous nos pas
Et grandissent dans nos combats
Nous les ferons courir du sud au nord
Des îles aux continents
De l'orient à l'occident
Car nous serons ce rêve éveillé
Qui féconde le monde
Ce cyclone libéré
Qui laboure le ciel
Aux cris des bâtisseurs éternels
En avant âme frangipane
En avant en amont des cascades
En avant amants d'une île
Qui nous ouvre ses flancs
Pour de libres épousailles
En avant flamme océane
Nous ferons chanter la rose des bois.
Le Cri du lagon, 1981
Jean-François Sam-Long