Le volcan en éruption
Dans un communiqué, la préfecture indique que "depuis 2h45, cette nuit, une éruption de faible intensité est en cours, après une reprise de l’activité sismique. La lave s’écoule à mi-pente à l’intérieur du cratère Dolomieu. Sous réserve d’analyses plus complètes qui seront réalisées dans la matinée, cette éruption semble d’intensité comparable aux deux précédentes. Elle ne présente, à ce stade, aucun danger particulier pour la population. Compte-tenu de ces éléments et en l’absence de risque supplémentaire, l’autorité préfectorale maintient le niveau de « vigilance volcanique » du plan de secours spécialisé volcan, en vigueur depuis le 14 octobre dernier. L’accès au public à l’enclos reste strictement limité aux itinéraires balisés. L’accèssentier dit du « tour des cratères » et l’accès au cratère lui-même restent interdits. Toute évolution significative de la situation fera l’objet d’un nouveau communiqué".
La troisième de l’année
L’observatoire volcanologique du piton de la Fournaise a enregistré hier, entre 10h20 et 14h20, une crise sismique considérée comme "de forte ampleur, avec plusieurs centaines de séismes".
"Plusieurs séismes de forte intensité (d’une magnitude supérieure à 2,5) ont été observés", précisait hier Thomas Staudacher, responsable de l’équipe scientifique, dans un bulletin d’information
mis en ligne sur le site internet de l’observatoire. Cependant, aucune déformation significative du sommet (pouvant indiquer des mouvements d’ascension du magma) n’a été enregistrée, ce qui
semblait ne pas accréditer l’hypothèse d’une éruption à très court terme. La situation était stationnaire hier en cours de soirée, des séismes continuant d’être enregistrés toutes les trois à
cinq minutes, toujours avec des événements de forte intensité, une crise peu commune, selon Valérie Ferrazzini, sismologue à l’observatoire. Depuis l’effondrement du cratère Dolomieu en avril
2007, deux éruptions se sont succédé ces derniers mois à l’intérieur du cratère Dolomieu, le 21 septembre et le 27 novembre, la seconde apparaissant comme une suite de la première et ayant pris
naissance au même endroit exactement, dans une zone où le magma semble trouver facilement sa voie vers la surface. La semaine dernière (notre édition de mercredi), l’observatoire volcanologique
estimait une nouvelle éruption possible dans un délai de trois à six semaines.
Éruption, acte 3
Sortira, sortira pas ? Entre dimanche 10h et hier 2h45 du matin, les scientifiques de l’observatoire volcanologique du piton de la Fournaise se sont interrogés sur les intentions de notre volcan. Une certitude, nous sommes en présence de la troisième phase d’une éruption dont le premier épisode s’est joué à partir du 21 septembre dernier et pendant dix jours, suivi d’un acte deux à partir du 27 novembre, pendant 26 h.
Débit assez faible
Les volcanologues s’attendaient à ce que le magma jaillisse une nouvelle fois dans le cratère Dolomieu mais la lave allait-elle se répandre à partir des mêmes points de sortie que le 21 septembre et le 27 novembre derniers ? La réponse nous est donnée lorsque nous émergeons en lisière du sommet, hier matin peu avant 8 h. Le sommet joue à cache-cache avec les nuages. L’éruption s’est déplacée. Alors que les deux manifestations précédentes se situaient exactement au même endroit au pied du Bory, cette fois, deux fissures se sont ouvertes. La première se situe au nord-nord-est, un peu à l’est de la Soufrière en grande partie effondrée, la seconde zèbre le rempart nord-est, opposé au cratère Bory. L’éruption n’a que quelques heures, mais elle a déjà construit deux petits cônes à mi-pente sur le flanc nord - nord-est. L’un d’entre eux est complètement ouvert et laisse apercevoir des entrailles de feu. De petites projections montent par instant vers le ciel. Deux bras de coulée descendent vers le lac figé alimenté par les deux manifestations précédentes. Une tache noire plus sombre s’élargit en surface. L’autre, de construction presque parfaite, est ouverte à sa base. Face au Bory, l’activité est moins intense. Les coulées ont du mal à rejoindre le plancher du cratère. Alors que dans l’ensemble l’activité se joue sur un mode mineur, parfois les choses s’emballent. Le cône ouvert se met à bouillonner intensément. Des coulées dévalent la pente soulevant des nuages de poussière. En fond sonore, le roulement sourd des éboulements que l’on entend mais que l’on a du mal à voir. Le Dolomieu joue comme une vaste caisse de résonance.
La fête jusqu’à noël ?
Notre volcan continuera-t-il à faire la fête jusqu’à Noël et le jour de l’an ? Bien malin celui qui pourrait lire dans ses pensées. Hier soir, le trémor éruptif semblait commencer à baisser, corroborant les observations visuelles selon lesquelles la sortie de lave dans le rempart est du Dolomieu semblait tarie. A cette heure, à peine un quart des coulées du mois de septembre dernier était recouvert par les nouvelles laves. Aucun prélèvement n’a été possible hier : le débit trop faible et l’absence de vent n’ont pas permis la dispersion des gouttelettes de lave comme cela s’était produit lors des deux premières phases éruptives. Aucun cheveu de Pélé n’a pu être collecté
Textes et photos : Alain Dupuis François Martel-Asselin
Coup de chapeau au sommet
Thomas Staudacher, directeur de l’observatoire volcanologique du piton de la Fournaise depuis 1995, s’est porté comme à l’accoutumée au chevet de l’éruption hier matin. Le 1er janvier, il confiera l’intérim de la direction à sa collègue sismologue Valérie Ferrazzini en attendant mi-2009 l’arrivée de son successeur Andrea di Muro, comme cela a été annoncé au mois d’octobre dernier. Notre volcan a-t-il voulu saluer à sa manière le départ de Thomas Staudacher ? On ne lui avait peut-être pas tout dit : si le scientifique laisse la barre de l’observatoire, il demeure plus que jamais fidèle au piton de la Fournaise qu’il continuera à ausculter en tant que chercheur, déchargé des tâches administratives. En treize années de présence, il a déjà assisté à près de trente éruptions
La première de Gilbert
Avant de quitter la Réunion pour s’installer à Toulouse il y a de cela 34 ans, Gilbert n’avait jamais assisté à une éruption du piton de la Fournaise. Il n’était même jamais monté au volcan. Depuis son départ pour la métropole, Gilbert n’avait jamais revu son Saint-Denis natal. “Quand j’ai décidé de revenir en vacances, confie-t-il, ma famille qui habite encore ici avait prévu une sortie au volcan. Pas pour voir une éruption, simplement pour me montrer le sommet. C’était programmé depuis des mois.” Hier matin, Gilbert accompagné de ses proches et de Jacky, un Réunionnais habitant Lyon, prennent le chemin du pas de Bellecombe. Ils ne savent pas qu’une éruption a débuté dans le Dolomieu quelques heures plus tôt. La petite troupe descend dans l’enclos, traverse en direction de la chapelle de Rosemont et là, ignorant l’interdiction d’accès au sommet, pourtant plantée bien en évidence, elle s’engage sur le sentier en direction du Bory. Le balisage blanc dissimulé sous de la peinture noire ne l’arrête pas. Au sommet du Bory, Gilbert et ses compagnons découvrent médusés l’éruption à leurs pieds. “Vous avez devant vous un créole heureux”, confie-t-il à chaud. “Quelle chance tu as”, lui glisse à l’oreille une parente. “Ces photos valent de l’or.” Juste le temps d’immortaliser l’événement et Gilbert et sa famille s’éclipsent prestement. L’hélicoptère de la gendarmerie n’est pas bien loin…