14 janvier 2009
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Pour documenter ceux qu'intéresse le référendum sur la départementalisation de Mayotte, je copie-colle un article récent de Clicanoo/JlR
Mayotte : les enjeux du référendum
CLICANOO.COM | Publié le 7 janvier 2009
DÉPARTEMENTALISATION -Yves Jégo, secrétaire d’État à l’Outre-mer, se rend demain à Mayotte pour y préparer le référendum du 29 mars sur la départementalisation. Ce devrait être l’une des dernières étapes d’un processus qui se fait désirer depuis cinquante ans. Quelques clefs pour comprendre ce moment historique.
Pourquoi un référendum le 29 mars ? La demande des élus mahorais remonte à 1958 alors même que les Comores appartiennent encore aux colonies françaises. Face à cette revendication répétée mais jamais prise en compte par les gouvernements successifs, le Premier ministre Lionel Jospin commande en 1998 un rapport qui débouche sur la signature, le 27 janvier 2000, des “Accords sur l’avenir de Mayotte”. Le document prévoit que “l’appartenance de Mayotte dans la République française s’inscrit dans la Constitution”. Ce qui est le cas depuis 2003. De collectivité territoriale, Mayotte devient une collectivité départementale pour une durée de dix ans permettant le passage vers le droit commun. La loi prévoit que le conseil général de Mayotte pourra adopter en 2010 une résolution portant sur la modification du statut de l’île. En 2004, le conseil général récupère des compétences dévolues à l’Etat. Et, en 2008, la plupart des lois et règlements en vigueur en métropole sont applicables à Mayotte. En 2006, Mansour Kamardine, alors député, obtient du président Chirac l’avancement en 2008 de la consultation des Mahorais. Une résolution du conseil général est votée le 18 avril 2008 demandant au gouvernement d’organiser le fameux référendum. Entre-temps, le candidat Sarkozy s’était engagé en mars 2007 à respecter la parole du gouvernement. Le 16 décembre dernier, les élus mahorais sont invités à L’Élysée pour prendre connaissance de la “feuille de route” tracée par le gouvernement. Nicolas Sarkozy leur annonce que le référendum aura lieu le 29 mars 2009.
Quel est le calendrier retenu par le gouvernement ? Si les Mahorais votent “oui”, leur île ne sera pas, le soir du 29 mars, le cinquième département français d’outre-mer et le 101e département français. Il leur faudra attendre avril 2011 et l’installation d’une nouvelle assemblée unique résultat d’élections prévue début 2011. Le processus sera “long et progressif”. “Nous voulons des évolutions réalistes et acceptées car expliquées. Cela nécessite du temps”, souligne bien le “Pacte pour la départementalisation de Mayotte” rédigé par le gouvernement. Le calendrier fixe une série d’échéances. Il est prévu jusqu’à 2011 l’adoption d’une série de textes législatifs et réglementaires prévoyant les adaptations nécessaires à Mayotte au droit commun. S’agissant des prestations sociales, le gouvernement “considère qu’il n’est ni possible ni souhaitable de les verser immédiatement au même taux qu’en métropole ou dans les DOM”. Le RMI, l’allocation de parent isolé et allocation de solidarité spécifique, se situeront “à compter de leur mise en place en 2012, à environ un quart de ce qu’elles représentent en métropole ou dans les DOM”. La montée en charge de ces prestations “sera ensuite progressive sur une période de 20 à 25 ans, éventuellement plus rapide en fonction du rythme de développement économique de Mayotte”. La fiscalité de droit commun (taxe d’habitation, taxe foncière, taxe sur les ordures ménagères...) entrera en vigueur au 1er janvier 2014.
Pourquoi un tel attachement des Mahorais au département ? Dans un article publié par le mensuel Kashkazi (n°59, janvier 2007), le journaliste Rémi Carayol analyse comment la revendication départementaliste ressemble à une religion. Une revendication qui se transmet de génération en génération. “Le statut de département fait figure de Graal à atteindre coûte que coûte - un Graal qui permet souvent aux élus de se dédouaner de leurs insuffisances et de détourner l’attention des électeurs”. Interrogé par le journal, Bacar Ali Boto, l’un des rares hommes politiques mahorais à s’être prononcé contre, explique qu’on ne peut que difficilement remettre en cause la départementalisation. “Quand on est contre, on est banni, c’est un sacrilège, mieux vaut pêcher, Dieu pardonnera, que s’opposer au département”. Dans Kashkazi, le député Abdoulatifou Aly souligne que les Mahorais veulent avant tout le droit commun. “Il est fondamental de demander la dignité d’être des Français comme tous les autres. Aujourd’hui, cette dignité, les Mahorais fuient la Réunion ou en métropole pour la trouver car, là-bas, ils jouissent totalement de la citoyenneté française et européenne”. Pour les Mahorais, la départementalisation représente surtout un ancrage définitif dans la République face à l’Union des Comores qui revendique ce territoire. Abdoulatifou Aly explique aussi qu’il s’agit “d’un réflexe sécuritaire pour nous protéger des autres îles”. Exprimant un sentiment partagé par beaucoup, le député dit se méfier des gouvernements français “qui font sans cesse des reculades” (pour en savoir plus, lire sur le site du CRESOI des articles sur l’histoire de Mayotte http://www.centre-histoire-ocean-indien.fr).
Le résultat du référendum peut-il réserver une surprise ? La seule incertitude du référendum n’est pas de savoir si les Mahorais voteront “oui” mais dans quelle proportion. En 2000, 72,94% avaient voté en faveur des accords de Paris avec un taux de participation de 76%. Et la plupart de ceux qui avaient voté “non” estimaient que le processus de départementalisation était trop long à se mettre en route. L’attente est donc énorme. Dans ses voeux pour 2009, “année de la départementalisation”, le président du conseil général Ahamed Attoumani Douchina, a souhaité aux Mahorais de “vivre leur rêve, un rêve qui est né il y a plus de cinquante ans”. Mais certains intellectuels critiquent la vision paradisiaque du département reprochant à leurs compatriotes de n’être attirés que par l’argent des prestations sociales et une société d’assistanat. Les critiques visent aussi les coups portés à la culture et aux traditions mahoraises et le déluge de lois et de règlements auxquels doit se plier désormais Mayotte.
La départementalisation de Mayotte va-t-elle provoquer un nouvel afflux de clandestins ? L’arrivée encore plus régulière de kwassa-kwassa, la perspective de dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants qui périssent en mer : c’est évidemment ce que craignent par-dessus tout le gouvernement français et les autorités mahoraises. Avec la départementalisation, le niveau de vie va encore progresser dans l’île française. Ces dernières années, le SMIC y a régulièrement augmenté. Le 1er juillet 2010, il doit représenter 85% du SMIC national. Mayotte sera encore plus attractive pour un pays aussi pauvre que les Comores. Paris veut donc éviter “un nouvel appel d’air qui aggraverait l’immigration irrégulière”. Dans son “Pacte pour la départementalisation”, il prévient que des outils juridiques adaptés à la situation mahoraise sont nécessaires et veut rassurer les élus locaux. Autrement dit, le gouvernement se montrera encore plus ferme dans sa politique et compte bien dépasser les 16 000 expulsions par an. Mais les méthodes employées par les autorités françaises sont pointées du doigt. Amnesty International a condamné la France fin décembre après la vidéo du centre de rétention de Pamandzi où l’on voit des sans-papiers entassés les uns sur les autres. Afin de “dissuader les flux illégaux”, Paris veut également mettre en avant la coopération économique et la recherche d’un accord, à travers le Groupe de travail de haut niveau (GTHN) sur la circulation des biens et des personnes entre Mayotte et les Comores. Optimiste, Yves Jégo affirme avoir jeté les bases d’une “nouvelle entente” entre les deux pays après son voyage en mai dernier.
Qu’est-ce qui va changer pour la société mahoraise ? De nouveaux impôts. L’instauration d’une fiscalité de droit commun sera le revers de la médaille pour les Mahorais. Ceux-ci devront s’acquitter de nouveaux impôts qu’ils ne payaient pas jusqu’ici : la taxe d’habitation, les taxes foncières et la taxe sur les ordures ménagères. Ces ressources permettront aux 17 communes de l’île de disposer de moyens aujourd’hui inexistants pour assurer leurs missions (aide sociale, logement, assainissement, développement économique etc.). Les communes ne bénéficient actuellement que des transferts de l’Etat et du conseil général. Pour ce dernier, l’enjeu est également primordial, puisque les droits de douanes et l’essentiel des impôts (taxes sur les sociétés et sur le revenu par exemple) n’abonderont plus son budget comme aujourd’hui, mais celui de l’Etat. La fin de la polygamie. L’instauration du droit commun approfondira l’égalité hommes-femmes à Mayotte, notamment dans le mariage. L’âge minimum des femmes pour se marier sera relevé de 15 à 18 ans. Toute référence au tuteur matrimonial devra disparaître. Le mariage religieux n’est pas interdit mais le mariage civil devra avoir été célébré au préalable en mairie. Surtout, les mariages polygames seront formellement interdits, sous peine de sanctions, ce qui constitue une révolution même si la pratique de la polygamie serait en déclin ces dernières années. La fin de la justice cadiale. Élément de la culture mahoraise, la justice des cadis (juges musulmans), obéissant à la loi coranique, sera définitivement abolie car jugée incompatible avec les principes républicains. L’activité notariale des cadis concernant les biens immobiliers a disparu au 1er janvier 2008, celle concernant l’état-civil se limitera à un conseil et non à l’établissement d’actes généraux de droit. Le rôle des cadis, porteurs des traditions et parlant couramment les langues locales, serait recentré sur des fonctions de médiation sociale.
Quels sont les principaux freins à la départementalisation ? L’état civil : Le casse-tête de la régularisation de l’état civil à Mayotte est un gros frein à la départementalisation. Nombre de Mahorais sont actuellement sans papiers. La CREC (commission de révision de l’état civil), en place depuis 2000 à Mayotte, avait encore en juin 2008 un stock de 14 000 dossiers en attente sans compter les nouvelles demandes. Les délais de traitement varient de 3 à 4 ans. La défenseure des enfants, Dominique Versini, a pointé du doigt une “situation extrêmement préjudiciable” après sa visite à Mayotte en octobre dernier. Sans carte d’identité, ni passeport, ni certificat de nationalité, ces Français d’Outre-mer ne peuvent se déplacer sur le territoire national, ne peuvent poursuivre des études supérieures hors Mayotte. Ils ne peuvent pas non plus se prévaloir de droits sociaux, notamment dans le domaine de la santé, ni de droits électoraux. Le pacte pour la départementalisation assure que “en 2009, la CREC va se renforcer pour accélérer le traitement des dossiers”. Jusqu’ici les moyens humains et informatiques ont été largement insuffisants. L’État s’engage à organiser “une opération générale de recensement de tous les Mahorais”. La langue française : 73 000 élèves sont actuellement scolarisés à Mayotte (contre 8 000 il y a 20 ans). L’État ne veut “pas opposer la maîtrise du français à la culture mahoraise”. Mais, il en appelle aux familles, aux structures locales et “à RFO” pour améliorer la diffusion du français, aux côtés de l’Éducation nationale. Selon le rapport de la défenseure des enfants, les familles parlent “à 70 % le mahorais et à 22 % le bushi”. L’échec scolaire est important. “80 % des jeunes de 6e ne sauraient pas lire”, relève Dominique Versini.
Quel impact pour l’économie locale ? “La départementalisation doit rimer avec développement économique.” C’est le discours volontariste de l’Etat qui pense que de nouveaux moyens pourraient provoquer “un électrochoc”. “Le but n’est pas de créer un département pour créer un département”, souligne-t-on rue Oudinot. Le contrat de projet pour la période 2008-2014 prévoit 550 millions d’euros d’investissement, notamment avec les chantiers phares de l’extension du port de Longoni et la piste longue de l’aéroport de Pamandzi, ou encore la résorption de l’habitat insalubre. De nouveaux crédits d’Etat viendront compléter ce dispositif. Une chose est sûre les besoins sont immenses en terme d’infrastructures (assainissement, routes, bâtiments publics). Jusqu’à l’an passé, un collège et un lycée étaient inaugurés tous les ans. Le secteur privé doit connaître lui aussi un boom des investissements, notamment en matière de services. Le niveau de vie des Mahorais va augmenter avec la hausse programmée du SMIC, et les nouvelles prestations sociales. Comme cela s’est vu avec la forte poussée des ventes de voitures dans l’Ile aux Parfums, la hausse moyenne des revenus des Mahorais doit entraîner une croissance de la consommation locale.
Mayotte accédera-t-elle au statut de RUP de l’Europe ? Normalement oui. En devenant Département français, Mayotte pourra prétendre à rejoindre les sept territoires ayant le statut de région ultrapériphérique (RUP) de l’Union européenne, et dont la spécificité est reconnue. Ce qui lui donnerait notamment accès aux riches dotations des fonds structurels comme le Fonds européen de développement régional (Feder) et le Fonds social européen (FSE). Mais la procédure, complexe, suppose entre autres que Mayotte puisse faire face à l’application de l’ensemble des règles communautaires.
La départementalisation, nouvelle crise en perspective entre Paris et Moroni ? “Mayotte est comorienne et le restera à tout jamais.” L’affiche qui trône à Moroni résume le combat mené depuis l’indépendance en 1975 par beaucoup d’hommes politiques et d’intellectuels comoriens. Pour une très large partie de l’opinion publique comorienne, il est inconcevable que l’île voisine appartienne une fois pour toute à la République française. Après l’épisode Bacar, la perspective du référendum ouvre à coup sûr la voie à une nouvelle crise en Paris et Moroni. Autre certitude, ce scrutin risque d’affaiblir encore un peu plus le président Ahmed Abdallah Sambi auquel beaucoup de Comoriens reprochent de ne pas avoir tenu ses promesses en matière de logement et de lutte contre la corruption. Sans parler du niveau de vie. Le président Sambi doit donc faire face à une forte pression de son opinion publique qui n’accepte pas que les Comores perdent la face. D’autant plus que beaucoup n’oublient pas qu’en septembre dernier, il a retiré de l’ordre du jour de l’assemblée général de l’ONU l’épineuse question de Mayotte. L’autre certitude est que le chef d’Etat comorien ne souhaite pas se brouiller avec la France. Lors du dernier sommet de la Francophonie, on sait qu’Yves Jego l’a rencontré durant plus d’une heure pour lui expliquer que la départementalisation était le fruit d’un processus institutionnel mis en place depuis 2000. Ahmed Abdallah Sambi n’a pas semblé hermétique à ces explications. Reste que le chef d’Etat, qui vient d’obtenir du FMI une enveloppe de 17,5 millions de dollars d’aide d’urgence, ne peut se permettre de tourner le dos à son électorat. Le 28 décembre, à l’occasion de l’avènement de l’an 1 430 de l’Hégire, il a annoncé qu’il allait organiser au premier semestre un référendum pour mener la réforme institutionnelle du pays. Et il a fait savoir qu’il voulait rester un an de plus au pouvoir, jusqu’en 2011.
Dossier : Jérôme Talpin, Bérengère Nauleau, Sylvain Amiotte Photos : JT Demain la suite de notre dossier
REPÈRES
LES DATES CLEFS 25 avril 1841 : Mayotte devient colonie française après avoir été sous le joug d’un roi Sakalava de Madagascar. 24 septembre 1946 : Les Comores accèdent au statut de Territoire d’Outre-Mer (TOM). 14 mai : l’assemblée des Comores vote le transfert de la capitale de Dzaoudzi (Mayotte) vers Moroni (Grande Comore). Ce que n’accepteront jamais les Mahorais. 2 novembre 1958 : Réunion des notables mahorais de Tsoundzou qui demandent la départementalisation à Paris. 22 décembre 1974 : Référendum d’autodétermination des Comores (Mayotte dit non à l’indépendance à 65,47 %). 6 juillet 1975 : Déclaration unilatérale de l’indépendance des Comores. 8 février 1976 : Nouvelle consultation de Mayotte (Mayotte souhaite demeurer au sein de la République Française à 99,4 %) 24 décembre 1976 : Mayotte collectivité territoriale. Condamnation de l’assemblée générale des Nations unies et de l’Union africaine. 27 janvier 2000 : Signature “de l’accord sur l’avenir de Mayotte”. 16 décembre 2008 : Nicolas Sarkozy présente aux élus mahorais à Paris le Pacte pour la départementalisation.
186 500 HABITANTS À MAYOTTE
Selon le recensement de juillet 2007 de l’Insee, Mayotte compte 186 500 habitants contre 160 265 en 2002. Près de 35% de la population de l’île est constituée d’étrangers. Impossible de savoir combien y vivent de clandestins. En 2004, le taux de fécondité à Mayotte était l’un des plus important de France avec 4,5 enfants par femmes.
Depuis 2006, plus de 16 000 clandestins sont expulsés chaque année aux Comores.
Tous les ans, environ 10 000 Mahorais quittent leur île pour s’installer à la Réunion ou en métropole attirés par la qualité de l’enseignement, des soins mais aussi le RMI et les allocations familiales.
Fin 2005, plus de 35 000 Mahorais étaient installés à la Réunion dont 52% de femmes seules avec des enfants (chiffres de l’ODR). Mais les jeunes Mahorais préfèrent plutôt le départ vers la métropole en raison des problèmes de racisme dans notre île.
http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=199299&page=article
“Si les Mahorais disent “oui”, le processus sera enclenché immédiatement”
Mayotte : les enjeux du référendum
CLICANOO.COM | Publié le 7 janvier 2009
DÉPARTEMENTALISATION -Yves Jégo, secrétaire d’État à l’Outre-mer, se rend demain à Mayotte pour y préparer le référendum du 29 mars sur la départementalisation. Ce devrait être l’une des dernières étapes d’un processus qui se fait désirer depuis cinquante ans. Quelques clefs pour comprendre ce moment historique.
Pourquoi un référendum le 29 mars ? La demande des élus mahorais remonte à 1958 alors même que les Comores appartiennent encore aux colonies françaises. Face à cette revendication répétée mais jamais prise en compte par les gouvernements successifs, le Premier ministre Lionel Jospin commande en 1998 un rapport qui débouche sur la signature, le 27 janvier 2000, des “Accords sur l’avenir de Mayotte”. Le document prévoit que “l’appartenance de Mayotte dans la République française s’inscrit dans la Constitution”. Ce qui est le cas depuis 2003. De collectivité territoriale, Mayotte devient une collectivité départementale pour une durée de dix ans permettant le passage vers le droit commun. La loi prévoit que le conseil général de Mayotte pourra adopter en 2010 une résolution portant sur la modification du statut de l’île. En 2004, le conseil général récupère des compétences dévolues à l’Etat. Et, en 2008, la plupart des lois et règlements en vigueur en métropole sont applicables à Mayotte. En 2006, Mansour Kamardine, alors député, obtient du président Chirac l’avancement en 2008 de la consultation des Mahorais. Une résolution du conseil général est votée le 18 avril 2008 demandant au gouvernement d’organiser le fameux référendum. Entre-temps, le candidat Sarkozy s’était engagé en mars 2007 à respecter la parole du gouvernement. Le 16 décembre dernier, les élus mahorais sont invités à L’Élysée pour prendre connaissance de la “feuille de route” tracée par le gouvernement. Nicolas Sarkozy leur annonce que le référendum aura lieu le 29 mars 2009.
Quel est le calendrier retenu par le gouvernement ? Si les Mahorais votent “oui”, leur île ne sera pas, le soir du 29 mars, le cinquième département français d’outre-mer et le 101e département français. Il leur faudra attendre avril 2011 et l’installation d’une nouvelle assemblée unique résultat d’élections prévue début 2011. Le processus sera “long et progressif”. “Nous voulons des évolutions réalistes et acceptées car expliquées. Cela nécessite du temps”, souligne bien le “Pacte pour la départementalisation de Mayotte” rédigé par le gouvernement. Le calendrier fixe une série d’échéances. Il est prévu jusqu’à 2011 l’adoption d’une série de textes législatifs et réglementaires prévoyant les adaptations nécessaires à Mayotte au droit commun. S’agissant des prestations sociales, le gouvernement “considère qu’il n’est ni possible ni souhaitable de les verser immédiatement au même taux qu’en métropole ou dans les DOM”. Le RMI, l’allocation de parent isolé et allocation de solidarité spécifique, se situeront “à compter de leur mise en place en 2012, à environ un quart de ce qu’elles représentent en métropole ou dans les DOM”. La montée en charge de ces prestations “sera ensuite progressive sur une période de 20 à 25 ans, éventuellement plus rapide en fonction du rythme de développement économique de Mayotte”. La fiscalité de droit commun (taxe d’habitation, taxe foncière, taxe sur les ordures ménagères...) entrera en vigueur au 1er janvier 2014.
Pourquoi un tel attachement des Mahorais au département ? Dans un article publié par le mensuel Kashkazi (n°59, janvier 2007), le journaliste Rémi Carayol analyse comment la revendication départementaliste ressemble à une religion. Une revendication qui se transmet de génération en génération. “Le statut de département fait figure de Graal à atteindre coûte que coûte - un Graal qui permet souvent aux élus de se dédouaner de leurs insuffisances et de détourner l’attention des électeurs”. Interrogé par le journal, Bacar Ali Boto, l’un des rares hommes politiques mahorais à s’être prononcé contre, explique qu’on ne peut que difficilement remettre en cause la départementalisation. “Quand on est contre, on est banni, c’est un sacrilège, mieux vaut pêcher, Dieu pardonnera, que s’opposer au département”. Dans Kashkazi, le député Abdoulatifou Aly souligne que les Mahorais veulent avant tout le droit commun. “Il est fondamental de demander la dignité d’être des Français comme tous les autres. Aujourd’hui, cette dignité, les Mahorais fuient la Réunion ou en métropole pour la trouver car, là-bas, ils jouissent totalement de la citoyenneté française et européenne”. Pour les Mahorais, la départementalisation représente surtout un ancrage définitif dans la République face à l’Union des Comores qui revendique ce territoire. Abdoulatifou Aly explique aussi qu’il s’agit “d’un réflexe sécuritaire pour nous protéger des autres îles”. Exprimant un sentiment partagé par beaucoup, le député dit se méfier des gouvernements français “qui font sans cesse des reculades” (pour en savoir plus, lire sur le site du CRESOI des articles sur l’histoire de Mayotte http://www.centre-histoire-ocean-indien.fr).
Le résultat du référendum peut-il réserver une surprise ? La seule incertitude du référendum n’est pas de savoir si les Mahorais voteront “oui” mais dans quelle proportion. En 2000, 72,94% avaient voté en faveur des accords de Paris avec un taux de participation de 76%. Et la plupart de ceux qui avaient voté “non” estimaient que le processus de départementalisation était trop long à se mettre en route. L’attente est donc énorme. Dans ses voeux pour 2009, “année de la départementalisation”, le président du conseil général Ahamed Attoumani Douchina, a souhaité aux Mahorais de “vivre leur rêve, un rêve qui est né il y a plus de cinquante ans”. Mais certains intellectuels critiquent la vision paradisiaque du département reprochant à leurs compatriotes de n’être attirés que par l’argent des prestations sociales et une société d’assistanat. Les critiques visent aussi les coups portés à la culture et aux traditions mahoraises et le déluge de lois et de règlements auxquels doit se plier désormais Mayotte.
La départementalisation de Mayotte va-t-elle provoquer un nouvel afflux de clandestins ? L’arrivée encore plus régulière de kwassa-kwassa, la perspective de dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants qui périssent en mer : c’est évidemment ce que craignent par-dessus tout le gouvernement français et les autorités mahoraises. Avec la départementalisation, le niveau de vie va encore progresser dans l’île française. Ces dernières années, le SMIC y a régulièrement augmenté. Le 1er juillet 2010, il doit représenter 85% du SMIC national. Mayotte sera encore plus attractive pour un pays aussi pauvre que les Comores. Paris veut donc éviter “un nouvel appel d’air qui aggraverait l’immigration irrégulière”. Dans son “Pacte pour la départementalisation”, il prévient que des outils juridiques adaptés à la situation mahoraise sont nécessaires et veut rassurer les élus locaux. Autrement dit, le gouvernement se montrera encore plus ferme dans sa politique et compte bien dépasser les 16 000 expulsions par an. Mais les méthodes employées par les autorités françaises sont pointées du doigt. Amnesty International a condamné la France fin décembre après la vidéo du centre de rétention de Pamandzi où l’on voit des sans-papiers entassés les uns sur les autres. Afin de “dissuader les flux illégaux”, Paris veut également mettre en avant la coopération économique et la recherche d’un accord, à travers le Groupe de travail de haut niveau (GTHN) sur la circulation des biens et des personnes entre Mayotte et les Comores. Optimiste, Yves Jégo affirme avoir jeté les bases d’une “nouvelle entente” entre les deux pays après son voyage en mai dernier.
Qu’est-ce qui va changer pour la société mahoraise ? De nouveaux impôts. L’instauration d’une fiscalité de droit commun sera le revers de la médaille pour les Mahorais. Ceux-ci devront s’acquitter de nouveaux impôts qu’ils ne payaient pas jusqu’ici : la taxe d’habitation, les taxes foncières et la taxe sur les ordures ménagères. Ces ressources permettront aux 17 communes de l’île de disposer de moyens aujourd’hui inexistants pour assurer leurs missions (aide sociale, logement, assainissement, développement économique etc.). Les communes ne bénéficient actuellement que des transferts de l’Etat et du conseil général. Pour ce dernier, l’enjeu est également primordial, puisque les droits de douanes et l’essentiel des impôts (taxes sur les sociétés et sur le revenu par exemple) n’abonderont plus son budget comme aujourd’hui, mais celui de l’Etat. La fin de la polygamie. L’instauration du droit commun approfondira l’égalité hommes-femmes à Mayotte, notamment dans le mariage. L’âge minimum des femmes pour se marier sera relevé de 15 à 18 ans. Toute référence au tuteur matrimonial devra disparaître. Le mariage religieux n’est pas interdit mais le mariage civil devra avoir été célébré au préalable en mairie. Surtout, les mariages polygames seront formellement interdits, sous peine de sanctions, ce qui constitue une révolution même si la pratique de la polygamie serait en déclin ces dernières années. La fin de la justice cadiale. Élément de la culture mahoraise, la justice des cadis (juges musulmans), obéissant à la loi coranique, sera définitivement abolie car jugée incompatible avec les principes républicains. L’activité notariale des cadis concernant les biens immobiliers a disparu au 1er janvier 2008, celle concernant l’état-civil se limitera à un conseil et non à l’établissement d’actes généraux de droit. Le rôle des cadis, porteurs des traditions et parlant couramment les langues locales, serait recentré sur des fonctions de médiation sociale.
Quels sont les principaux freins à la départementalisation ? L’état civil : Le casse-tête de la régularisation de l’état civil à Mayotte est un gros frein à la départementalisation. Nombre de Mahorais sont actuellement sans papiers. La CREC (commission de révision de l’état civil), en place depuis 2000 à Mayotte, avait encore en juin 2008 un stock de 14 000 dossiers en attente sans compter les nouvelles demandes. Les délais de traitement varient de 3 à 4 ans. La défenseure des enfants, Dominique Versini, a pointé du doigt une “situation extrêmement préjudiciable” après sa visite à Mayotte en octobre dernier. Sans carte d’identité, ni passeport, ni certificat de nationalité, ces Français d’Outre-mer ne peuvent se déplacer sur le territoire national, ne peuvent poursuivre des études supérieures hors Mayotte. Ils ne peuvent pas non plus se prévaloir de droits sociaux, notamment dans le domaine de la santé, ni de droits électoraux. Le pacte pour la départementalisation assure que “en 2009, la CREC va se renforcer pour accélérer le traitement des dossiers”. Jusqu’ici les moyens humains et informatiques ont été largement insuffisants. L’État s’engage à organiser “une opération générale de recensement de tous les Mahorais”. La langue française : 73 000 élèves sont actuellement scolarisés à Mayotte (contre 8 000 il y a 20 ans). L’État ne veut “pas opposer la maîtrise du français à la culture mahoraise”. Mais, il en appelle aux familles, aux structures locales et “à RFO” pour améliorer la diffusion du français, aux côtés de l’Éducation nationale. Selon le rapport de la défenseure des enfants, les familles parlent “à 70 % le mahorais et à 22 % le bushi”. L’échec scolaire est important. “80 % des jeunes de 6e ne sauraient pas lire”, relève Dominique Versini.
Quel impact pour l’économie locale ? “La départementalisation doit rimer avec développement économique.” C’est le discours volontariste de l’Etat qui pense que de nouveaux moyens pourraient provoquer “un électrochoc”. “Le but n’est pas de créer un département pour créer un département”, souligne-t-on rue Oudinot. Le contrat de projet pour la période 2008-2014 prévoit 550 millions d’euros d’investissement, notamment avec les chantiers phares de l’extension du port de Longoni et la piste longue de l’aéroport de Pamandzi, ou encore la résorption de l’habitat insalubre. De nouveaux crédits d’Etat viendront compléter ce dispositif. Une chose est sûre les besoins sont immenses en terme d’infrastructures (assainissement, routes, bâtiments publics). Jusqu’à l’an passé, un collège et un lycée étaient inaugurés tous les ans. Le secteur privé doit connaître lui aussi un boom des investissements, notamment en matière de services. Le niveau de vie des Mahorais va augmenter avec la hausse programmée du SMIC, et les nouvelles prestations sociales. Comme cela s’est vu avec la forte poussée des ventes de voitures dans l’Ile aux Parfums, la hausse moyenne des revenus des Mahorais doit entraîner une croissance de la consommation locale.
Mayotte accédera-t-elle au statut de RUP de l’Europe ? Normalement oui. En devenant Département français, Mayotte pourra prétendre à rejoindre les sept territoires ayant le statut de région ultrapériphérique (RUP) de l’Union européenne, et dont la spécificité est reconnue. Ce qui lui donnerait notamment accès aux riches dotations des fonds structurels comme le Fonds européen de développement régional (Feder) et le Fonds social européen (FSE). Mais la procédure, complexe, suppose entre autres que Mayotte puisse faire face à l’application de l’ensemble des règles communautaires.
La départementalisation, nouvelle crise en perspective entre Paris et Moroni ? “Mayotte est comorienne et le restera à tout jamais.” L’affiche qui trône à Moroni résume le combat mené depuis l’indépendance en 1975 par beaucoup d’hommes politiques et d’intellectuels comoriens. Pour une très large partie de l’opinion publique comorienne, il est inconcevable que l’île voisine appartienne une fois pour toute à la République française. Après l’épisode Bacar, la perspective du référendum ouvre à coup sûr la voie à une nouvelle crise en Paris et Moroni. Autre certitude, ce scrutin risque d’affaiblir encore un peu plus le président Ahmed Abdallah Sambi auquel beaucoup de Comoriens reprochent de ne pas avoir tenu ses promesses en matière de logement et de lutte contre la corruption. Sans parler du niveau de vie. Le président Sambi doit donc faire face à une forte pression de son opinion publique qui n’accepte pas que les Comores perdent la face. D’autant plus que beaucoup n’oublient pas qu’en septembre dernier, il a retiré de l’ordre du jour de l’assemblée général de l’ONU l’épineuse question de Mayotte. L’autre certitude est que le chef d’Etat comorien ne souhaite pas se brouiller avec la France. Lors du dernier sommet de la Francophonie, on sait qu’Yves Jego l’a rencontré durant plus d’une heure pour lui expliquer que la départementalisation était le fruit d’un processus institutionnel mis en place depuis 2000. Ahmed Abdallah Sambi n’a pas semblé hermétique à ces explications. Reste que le chef d’Etat, qui vient d’obtenir du FMI une enveloppe de 17,5 millions de dollars d’aide d’urgence, ne peut se permettre de tourner le dos à son électorat. Le 28 décembre, à l’occasion de l’avènement de l’an 1 430 de l’Hégire, il a annoncé qu’il allait organiser au premier semestre un référendum pour mener la réforme institutionnelle du pays. Et il a fait savoir qu’il voulait rester un an de plus au pouvoir, jusqu’en 2011.
Dossier : Jérôme Talpin, Bérengère Nauleau, Sylvain Amiotte Photos : JT Demain la suite de notre dossier
REPÈRES
LES DATES CLEFS 25 avril 1841 : Mayotte devient colonie française après avoir été sous le joug d’un roi Sakalava de Madagascar. 24 septembre 1946 : Les Comores accèdent au statut de Territoire d’Outre-Mer (TOM). 14 mai : l’assemblée des Comores vote le transfert de la capitale de Dzaoudzi (Mayotte) vers Moroni (Grande Comore). Ce que n’accepteront jamais les Mahorais. 2 novembre 1958 : Réunion des notables mahorais de Tsoundzou qui demandent la départementalisation à Paris. 22 décembre 1974 : Référendum d’autodétermination des Comores (Mayotte dit non à l’indépendance à 65,47 %). 6 juillet 1975 : Déclaration unilatérale de l’indépendance des Comores. 8 février 1976 : Nouvelle consultation de Mayotte (Mayotte souhaite demeurer au sein de la République Française à 99,4 %) 24 décembre 1976 : Mayotte collectivité territoriale. Condamnation de l’assemblée générale des Nations unies et de l’Union africaine. 27 janvier 2000 : Signature “de l’accord sur l’avenir de Mayotte”. 16 décembre 2008 : Nicolas Sarkozy présente aux élus mahorais à Paris le Pacte pour la départementalisation.
186 500 HABITANTS À MAYOTTE
Selon le recensement de juillet 2007 de l’Insee, Mayotte compte 186 500 habitants contre 160 265 en 2002. Près de 35% de la population de l’île est constituée d’étrangers. Impossible de savoir combien y vivent de clandestins. En 2004, le taux de fécondité à Mayotte était l’un des plus important de France avec 4,5 enfants par femmes.
Depuis 2006, plus de 16 000 clandestins sont expulsés chaque année aux Comores.
Tous les ans, environ 10 000 Mahorais quittent leur île pour s’installer à la Réunion ou en métropole attirés par la qualité de l’enseignement, des soins mais aussi le RMI et les allocations familiales.
Fin 2005, plus de 35 000 Mahorais étaient installés à la Réunion dont 52% de femmes seules avec des enfants (chiffres de l’ODR). Mais les jeunes Mahorais préfèrent plutôt le départ vers la métropole en raison des problèmes de racisme dans notre île.
http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=199299&page=article
“Si les Mahorais disent “oui”, le processus sera enclenché immédiatement”