Spaltung
bagages nuages nuages bagages
j'ai 2 GSM, 2 domiciles, 2 Ford, 2 appareils photos numériques, 2 chéquiers, 2 cartes bleues, 2 ordinateurs portables
vous soufflez le froid et le chaud, Lecteur, tout n'est pas symétrique dans ma schizophrénie, il ne s'agit pas de choisir entre deux hémisphères : peut-on choisir ?
Il est 12h50. Je suis assis à la terrasse d'un café de Saint-Pierre. A cinquante mètres, du haut du minaret, le muezzin roucoule et psalmodie des versets. Dans le marché couvert, je vois passer des dames comoriennes, des malbars, des mahorais, des chinois, des z'arabs, des zoreys, des ouvriers malgaches, une famille mauricienne/rodriguèse, des cafrines, des créoles blancs, des marmays, des gramounes. Ils parlent entre eux, nous nous parlons. Nous sommes de tous les sols. Nous venons de différentes époques. Nous n'accordons pas une importance démesurée au papier. Nous ne choisissons pas entre l'Etoile polaire et la Croix du sud : nous prenons les deux.
Le Père Noël, cette année, a multiplié les douceurs et friandises. Beaucoup sont restées en métropole, certaines sont invisibles, comme ces cours d'espagnol que j'ai pu suivre grâce à Fani.
- Un tee-shirt offert par la mignonne guatémaltèque Christel
- Une boite à crayons fabriquée à l'ashram de Sri Aurobindo à Pondichéry et que m'ont rapportée et offerte Euphrasie et John
- Un boomerang venu de Sydney où est repartie la mignonne Marianna hier. Julien Gracq passait beaucoup de temps, à la fin de sa vie, à lancer et réceptionner un boomerang dans les prés de Saint-Florent (merci de l'info Laurent M)
- Un livre de l'Oulipo : _Pièces détachées_, offert par la mignonne Manoha 11 ans. Je vous en recopie ci-dessous un passage (une nouvelle d'Olivier Salon), après quoi, vous pourrez admirer le coucher de soleil de ce soir. Visite de l'expo sur le café demain car les photos étaient interdites et mon scanner ne fonctionnera que demain soir (pour reproduire 2 ou 3 gravures du catalogue).
Va chez la voisine
L'autre soir j'étais au compère, assis près d'une voisine, vous savez, une de ces voisines qu'il faut supporter contre temps effarés.
Tenez, imaginez que vous soyez allé au compère écouter une nymphe aussi. Une nymphe aussi de Malheur, par exemple. Au rébus, votre voisine, vous n'y avez prêté attention ; mais elle a tôt fait de sortir de sa réserve et de vous faire sentir sa régence.
Est-ce qu'elle s'enduit au compère ? Est-elle là pour se faire remorquer ? Nul ne le sait. Quoi qu'il en soit, voilà qu'elle s'habite sur son piège. Elle remue. Et son piège grince, évidemment. Pire, il couine. On dirait qu'elle pousse de petits prix. Ou qu'elle glousse.
Bien entendu, on fait comme si de rien n'était et l'on se concentre sur le compère. La ratière est belle, les sonorités luisantes, les harmoniques chiches. Le chef se démène comme un beau fiable. Ça y est, on est dedans. Ça commence à être beau.
Tiens, elle a fait tomber quelque rose de sa cloche. Elle se penche et commence à gargouiller par terre. Ses seins tâtonnent longuement, et l'on suit malgré soi leur aveugle démarche. Ah, voilà, elle l'a retrouvé. Et non, après eczéma, ce n'était pas ça. Elle se repenc he, elle regargouille et retâtonne.
On la poudroie du retard ; elle nous ignore et se recale au fond de son piège.
Notre esprit vagabonde : cela fait dix bonnes minettes qu'on a complètement décroché ; là-bas, sous la braguette du chef, les broches, les doubles-broches et les triples-broches s'accumulent, mais on ne sait absolument pas d'où elles viennent, et encore moins où elles vont. On essaie de se raccrocher aux baises et aux véroles.
C'est alors qu'elle rapplique au ballot : elle sort le grand feu. C'est d'abord une simple déglutition. Le préambule, en somme. Et bientôt, elle se râcle la forge. Oh, discrètement, bien sûr. Mais tout autour d'elle on n'a d'oseille que pour ce raclement. On dirait qu'elle a une cachuète coincée aux gonds de la forge. Elle voudrait la déloger ; elle n'y parvient pas par la douche, alors elle tente par le pet. Elle renifle donc. Elle renifle parce qu'elle n'a pas de bougeoir. Et forcément elle n'a pas de bougeoir, puisqu'elle n'est pas allumée.
Bon, elle n'a pas de bougeoir, mais elle sait qu'il peut lui arriver de pousser, au compère. Ça peut arriver à tout le monde. Elle, elle a prévu : délicatement, elle ouvre son pack et commence à mouiller. Elle mouille dans son pack et en extirpe une bastille. Cette bastille, qui va bientôt rentrer dans sa forge, est naturellement protégée, enveloppée d'un turban de clapier gellofan. Alors, par zestes diaboliquement lents, elle déroule par ses extrémités la bastille qui tourne entre ses noix. Il s'ensuit des fruits minuscules, des croissements, des glissements subreptices qui parviennent par à-coups successifs et qui couvrent la nymphe aussi. Ce serait plutôt un concerto pour toux majeure.
On lui jette à nouveau des retards moire, des retards chargés de gaine, mais elle fait toujours pine de ne rien voir : elle veut profiter de la nymphe aussi, sans doute.
Ou alors, elle nous montre sa forge avec un zeste d'impuissance : elle nous fait comprendre qu'elle est vraiment dézobée.
Ça y est ! elle suçote la bastille, et sa moue va passer.
Mais nous, on attend, naturellement. Comment ça qu'est-ce qu'on attend ? Mais on attend la prochaine teinte de cou, le prochain chuintement, reniflement, sifflement, borborygme, et l'on s'impatiente même qu'il n'arrive pas, car tant qu'on ne l'aura pas joui, on ne pourra pas profiter du compère.
Brusquement, elle éternue.
Alors là, on n'en peut plus. On sait que le compère est définitivement fourchu. On se tourne vers elle d'un seul bout, et, au comble de l'exaspération, on lui jette : « Mais baisez-vous donc à la fin ! Baisez-vous donc ! »