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28 janvier 2009 3 28 /01 /janvier /2009 10:31

A la fin du billet posté le 14 janvier et intitulé Témoignages du samedi 3 janvier 1/4, j'indiquais l'existence de 3 dates pour célébrer la fin de l'esclavage, mais la défense de la dignité et de la liberté humaines dépasse les calendriers. Voici donc les quelques documents complémentaires promis.

D'abord l'adresse du blog de mon ami Laurent qui a filmé quelques minutes de la « fêt caf » de St-Denis : Insulaires.

Quelques extraits en vrac de ce qu'on lisait dans Le Quotidien, Clicanoo/JIR et Témoignages juste après le 20 désanm :

Oui ! à la Fête réunionnaise de la liberté. Non ! à la fête « cafre » ! Parler de fête « cafre », c'est une erreur historique. Le 20 décembre 1848, 62.000 esclaves ont été libérés. Certes une grande majorité venait de la côte d'Afrique, en particulier du Mozambique... mais ils étaient aussi nombreux à venir de Madagascar, d'Asie et de l'Inde. C'est pour cette raison qu'il conviendrait de parler de « Fête réunionnaise de la liberté ».

La culture du "fénoir" éclate en pleine lumière

160 ans après, c'est-à-dire un siècle et demi, nous avons à briser d'autres chaînes :
Celle de la misère,
Celle de la pauvreté,
Celle du chômage,
Celle de l'inégalité des chances,
Celle de la place de chacun de nous dans notre société réunionnaise.
Et surtout les 12 millions d'esclaves vendus, à ce jour, dans le monde... sans compter de nombreux enfants tués au travail forcé.

Il est criminel de la part des privilégiés de notre histoire, des nantis d'aujourd'hui de toujours chercher ailleurs des alibis pour minimiser la vérité historique sur l'esclavage à La Réunion.

160 ans après, notre jeunesse doit connaître l'histoire de ce pays pour s'armer, être forte, pour qu'à l'exemple des anciens, cette jeunesse continue de lever haut la tête et que, demain, elle soit responsable de sa destinée !

Nous avons notre propre personnalité réunionnaise qui est née du choc de nos cultures des cinq continents. Lorsque quelqu'un débarque pour la première fois sur cette île accueillante et foule aux pieds la personnalité du réunionnais, il aura du mal, des difficultés pour vivre avec les habitants de cette île.

L'homme Réunionnais porte en lui les gènes des cinq grandes civilisations du monde

Je fais mienne cette "définition" de la culture réunionnaise de Paul Mazaka, directeur des Affaires culturelles de la Ville du Port : « J'arpente le sentier de mes origines, et à chacun de mes pas se dévoilent : l'Inde, l'Asie, l'Orient, l'Afrique, l'Europe. Ce parcours intérieur me révèle une vérité que nul ne peut nier. L'homme Réunionnais porte en lui les gènes des cinq grandes civilisations du monde ».

32 ans après, "Moali l'Esclave" sera rejoué au stade de la Saline les Hauts par 30 comédiennes et comédiens. Venez nombreux rendre hommage aux esclaves tués, tombés pour notre liberté du 20 décembre 1848 et pour qu'aujourd'hui, nous vivons dans un pays de liberté. Nous ne les oublions pas : Anchaing, Bale, Bamboulou, Cimendef, Cote, Desmalé, Diampare, Dianamoise, Dimitile, Erico, Eva, Fanor, Landy, Latoine, Latouve, Laverdure, Mafate, Manonga, Manzague, Marianne, Matouté, Mazumba, Pyram, Raharienne, Renard, Sambe, Samson, Sarcemate, Sicille, Simanandé, Simangavol, Sankoutou, Simitave, Sylvestre, Tambi, Tangati, Rara, Vave...

« La lutte pour la défense des valeurs culturelles réunionnaises fait partie de notre lutte anti-colonialiste »

Au cours de son intervention, le président de la Région a précisé les raisons qui expliquent la dénomination du CRR en Centre Granmoun Lélé.

La moitié de notre Histoire, c'est ce que représente l'esclavage pour La Réunion, rappelle Paul Vergès. Et les séquelles de ce régime de « violence généralisée » sont encore présentes. Car l'abolition de 1848 n'a pas signifié la fin de la colonisation. Les rapports de force et la structure de la société sont restés les mêmes. Il a fallu encore un siècle de luttes pour opérer un véritable changement structurel avec l'abolition du statut colonial promulgué le 19 mars 1946.
Cela ne fait donc qu'à peine 60 ans que La Réunion a en droit rompu avec la société issue de l'esclavagisme.
Mais ces 60 dernières années ont été marquées par plusieurs réalités. Tout d'abord, les progrès sociaux énormes accomplis depuis 1946 n'ont pas bénéficié pleinement à toutes les catégories de la population réunionnaise. Les descendants d'esclaves et d'engagés sont ceux qui n'en ont pas le plus profité. Mettre fin à cette injustice, c'est une des conditions de la cohésion de la société réunionnaise.
Un autre fait marquant de ces soixante dernières années est la volonté du pouvoir parisien et de ses alliés locaux d'étouffer l'expression culturelle du peuple réunionnais. Le maloya a été interdit pendant plus de 25 ans. Il en a été de même de la célébration de l'abolition de l'esclavage. C'est dans la clandestinité que pouvait s'exprimer cette identité réunionnaise.
Paul Vergès rappelle que l'on a tout fait pour étouffer cette voix. En 1945, l'arbre de la Liberté planté au Barachois est arraché quelques jours plus tard. Le moring est interdit. Le président de la Région se souvient d'un 20 décembre avec Tégor dans sa cour, dans la clandestinité.
Paul Vergès rappelle le mérite de « tous ceux qui, malgré le racisme et la pauvreté, ont lutté ». « La lutte pour la défense des valeurs culturelles réunionnaises fait partie de notre lutte anti-colonialiste », souligne Paul Vergès.
La célébration du 20 décembre par l'Etat et les collectivités est « une victoire des Réunionnais contre l'opression ». Et si aujourd'hui, il est célébré partout, c'est grâce à des Réunionnais comme Granmoun Lélé, Granmoun Baba ou le Rwa Kaf. Ils ont sauvegardé l'essentiel : le maintien du patrimoine réunionnais.
Donner le nom de Granmoun Lélé au CRR, c'est un devoir de mémoire : « ce qui se faisait dans les champs de cannes, nous le faisons publiquement ». C'est aussi pour rappeler que « nous avons dans notre peuple des hommes et des femmes dévoués à notre Histoire, notre identité ». Malgré leur situation sociale difficile, malgré leur pauvreté, ils nous ont donné une part essentielle de notre culture.

Dans le Sud, les kabars, concerts, défilés se sont succédé durant tout le week-end.
A Saint-Louis, le 20 Désanm a débuté sous les couleurs du Théâtre Talipot vendredi soir sur le parvis de la Mairie de La Rivière et s'est achevé par un défilé accompagné de tambours à la ZAC Avenir.
Au Tampon, les festivités se sont déroulées, comme chaque année, à Trois Mares.
Retraite aux flambeaux et défilé avec les associations de moringue, de percussions, etc...
La soirée de danses et de chants s'est terminée chez M. Clovis Sénardière par un grand kabar, où Ti Fock, Gramoun Sello, Simangavol et bien d'autres se sont succédé sur scène.

  • «On nous offrait toute la liberté, tous les droits, tous les devoirs, toute la lumière»

"Le 27 avril 1848, un peuple qui, depuis des siècles, piétinait sur les degrés de l'ombre, un peuple que, depuis des siècles, le fouet maintenait dans les fosses de l'Histoire, un peuple torturé depuis des siècles, un peuple humilié depuis des siècles, un peuple à qui on avait volé son pays, ses dieux, sa culture, un peuple à qui ses bourreaux tentaient de ravir jusqu'au nom d'homme, ce peuple-là, le 27 avril 1848, par la grâce de Victor Schoelcher et la volonté du peuple français, rompait ses chaînes et, au prometteur soleil d'un printemps inouï, faisait irruption sur la grande scène du monde.

 Et voici la merveille, ce qu'on leur offrait à ces hommes montés de l'abîme, ce n'était pas une liberté diminuée ; ce n'était pas un droit parcellaire ; on ne leur offrait pas de stage ; on ne les mettait pas en observation, on leur disait : "Mes amis, il y a depuis trop longtemps une place vide aux Assises de l'humanité. C'est la vôtre".
 Et du premier coup, on nous offrait toute la liberté, tous les droits, tous les devoirs, toute la lumière. [...]

Aimé Césaire - extrait du discours prononcé le 21 juillet 1945 à l'occasion de la fête traditionnelle dite de Victor Schœlcher


  • Le devoir de mémoire

La complexité et les souffrances à la fois physiques et identitaires justifient le devoir de mémoire. Les différentes abolitions sont le symbole des changements de régime et donc de l'évolution des mentalités des gouvernements. La prise de conscience est là pour faire avancer les choses, pour se libérer des chaînes au sens propre et figuré, pour faire se lever les barrières de l'incompréhension. Parler, analyser et comprendre notre passé commun est un acte aux valeurs salvatrices permettant à l'Humanité de panser ses blessures et d'avancer. Le système ainsi mis en place a codifié et planifié les conditions de vie et l'existence même des esclaves.

Hubert Gerbeau, Dominique Ramassamy, Alain Lorraine - centre-histoire-ocean-indien.fr


  • Contre le marronnage, une législation très sévère

À l'aube du 18ème siècle, le marronnage se développa malgré les châtiments publics qui se voulaient dissuasifs : Jean Bengalle qui avait voulu s'enfuir à l'île de France fut fouetté en public par tous les Noirs de Saint-Paul, Henri dût porter une chaîne de 25 livres pendant cinq ans (...). Dans son article 31, le "Code Noir" de 1723 prévoyait pour l'esclave enfui pendant un mois ou plus les oreilles coupées et la marque d'une fleur de lys sur une épaule ; en cas de récidive, le jarret coupé et une fleur de lys sur l'autre épaule ; après une troisième tentative, la mort par pendaison : on comprend que certains marrons aient préféré le suicide (par exemple en se jetant dans les précipices) à la capture. (P.73)

Jean-Marie Desport, Agrégé de l'Université - "De la servitude à la liberté : Bourbon des origines à 1848" - Océan Edition

  • S'affranchir et être fiers de nos ancêtres «Maintenant, il faut s'affranchir. Comment s'affranchir? (...) Mais c'est simple, il faut être fiers, il faut s'affranchir nous-mêmes, qu'on s'affranchisse dans nos têtes, parce que nous sommes l'héritage de nos ancêtres. En étant fiers d'être descendants de ceux qui ont résisté dès le début de l'esclavage, de ceux qui ont tenté de résister, mais qui n'en avaient pas les moyens, parce que le système était tellement coercitif. On dit que les Antillais ont résisté. Pourquoi y a-t-il eu moins de révoltes à La Réunion? Parce que le système était encore vicieux, plus dur, et quand on dit ici que les Africains, les Réunionnais d'une manière générale, descendants d'esclaves ou anciens esclaves, ne se sont pas beaucoup révoltés, qu'ils étaient, eux, résignés, ou que le système était doux, c'est une absurdité, c'est faux. La raison est qu'on n'en avait pas les moyens, pas les moyens d'abord et qu'ensuite, les colons, l'administration coloniale, s'étaient arrangés pour diviser la population. Il n'y avait pas d'homogénéité culturelle.
    Vous avez des Indiens, des Malgaches des hauts plateaux, des Malgaches de la côte; vous avez des Africains, et l'Afrique, c'est un continent. Vous avez des Indiens du Nord, du Sud, vous avez des esclaves malais qui ont été emmenés ici. Ces groupes ne pouvaient véritablement pas se souder et le maître a entretenu la zizanie entre ces différents groupes, ce qui fait qu'ils ont vécu l'oppression, l'asservissement, cette nouvelle forme de servilité jusqu'au colonage, et dans la tête, pour beaucoup, cela continue. Nous continuons à vivre ce que j'ai appelé "les rémanences de l'esclavage". L'esclavage est terminé, juridiquement, - je parle du système traditionnel-, mais les images sont encore là. Alors il faut chasser ces images, et à mon avis, ce que nous faisons aujourd'hui et ce qu'il faut continuer à faire, ce qu'il faut faire surtout pour nos enfants est nécessaire pour se sentir comme des citoyens égaux et fiers d'être Réunionnais». (P.44)

Sudel Fuma, Docteur d'état, maître de conférence à l'Université de La Réunion - "Esclavage et colonisation" - Texte du colloque du 13 juin 1998 - Le Port, Centre de l'Image "Antoine Roussin" Commission Culture Témoignages

KAN Sarda l'ariv de Frans
Soidizan po libér anou
Nout tout zésklav la reprann konfians
La anbras la tér, la mars aznou

Ton zoli kozman la trinn anou
Dan la bou

Toué la di fé pa dézord
Dofé dann kann sa la pa bon
Sien mésan va pèrd lanvi mord
Mové mèt va ni bon patron

O Sarda toué la roul anou
Ton zoli kozman trinn anou
Dan la bou

Si la tér groblan ziska zordi
La klos i sone ansanm Véli
Po apèl zésklav konm dann tan lontan
Madam Débassyns lé ankor vivan
O Sarda toué la roul anou
Dan la bou

Zordi zésklav dokèr dann por
Zésklav mason in pé partou
Non lésklavaz lé pa bien mor
Sarda Garriga, toué la roul anou.

Axel Gauvin



l'esclave enchaîné

Dans le cadre de la commémoration du bicentenaire de la Révolution française en 1989, Jean-Claude Mayo, artiste sculpteur, d'origine réunionnaise, a réalisé une oeuvre à partir des ducs d'Albe de l'ancien embarcadère du bac de Mindin devant l'Eco-musée de Saint-Nazaire. Elle se compose de parties en bois pouvant suggérer les membrures d'un vaisseau négrier. Trois personnages en bronze soulignent les étapes de l'abolition de l'esclavage. 

l'esclave qui lutte pour sa libération (photo : écomusée)

l'esclave libéré qui regarde l'avenir

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