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Le pétrel livre ses secrets
CLICANOO.COM | Publié le 22 février 2009
5 000 à 6 000 couples reproducteurs pour un nombre total d'individus de l'ordre de 20 000. Cela peut paraître beaucoup, mais le pétrel de Barau reste une espèce extrêmement menacée. Pour assurer sa survie, il est impératif de faire progresser les connaissances sur un oiseau dont on ne savait pratiquement rien avant 1995.
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À l'université et à la Société d'études ornithologiques de la Réunion des chercheurs sont mobilisés. Parmi eux, Patrick Pinet, dont les travaux de thèse ont déjà largement contribué à sortir de l'ombre le pétrel de Barau.
Le pétrel de Barau risque-t-il de rejoindre l'ibis, entre autres espèces, au panthéon des animaux disparus de notre île ? La question est plus que jamais d'actualité. Protégés en tant que tel depuis 1989, et dans son milieu depuis janvier 2001 (voir encadré), le pétrel de Barau et l'encore plus mystérieux pétrel noir sont l'un et l'autre exposés à des graves menaces qui hypothèquent à terme la survie de l'espèce. Sur les sites de nidification, les rats mais surtout les chats (voir encadré) constituent de redoutables prédateurs. Les jeunes à l'envol doivent ensuite éviter le piège mortel des éclairages publics sans parler des braconniers. Depuis plusieurs années, la Société d'études ornithologiques de la Réunion (SEOR) et des chercheurs de l'université travaillent de concert pour d'une part sauver le maximum d'oiseaux et d'autre part améliorer les connaissances sur l'espèce afin d'en assurer la préservation à long terme.
Un seul oeuf par couple
Patrick Pinet est l'un d'entre-eux. Après un master 1 et 2 sur la biodiversité des milieux tropicaux de notre île, il entame à l'université la deuxième de ses trois années de thèse sur le pétrel de Barau dans le cadre du laboratoire d'écologie marine de l'université de la Réunion sous la responsabilité de Mathieu Le Corre et de Marc Salamolard pour la SEOR. "Une colonie de pétrels de Barau dans le Bras des Étangs dans le cirque de Cilaos a été identifiée en 2001 et est suivie depuis 2004 par la SEOR, indique Patrick Pinet. Depuis 2007, les jeunes à l'envol sont systématiquement bagués." L'étude sur le terrain des pétrels de Barau se révèle extrêmement difficile à mener que ce soit dans le Bras des Étangs ou en dessous du Grand Benare. Les sites de nidification situés à proximité des plus hauts sommets de notre île ne sont pas faciles d'accès. Les pétrels de Barau adultes arrivent chaque année sur les sites de nidification dès la fin du mois d'août et repartent fin avril. Ils aménagent un terrier mesurant de 0,60 à 2 m de long creusé dans l'humus. La femelle ne pond qu'un œuf par an dans les premiers jours de novembre. L'incubation dure environ un mois et l'élevage des poussins un peu plus de trois mois et demi. Chaque année, l'envol des jeunes s'étale de la mi-avril à début mai. Les jeunes passeront environ cinq ans en mer avant de revenir nicher à La Réunion. Les observations sur le terrain ont grandement fait progresser depuis quelques années les connaissances sur l'oiseau. "Nous avons ainsi suivi une centaine d'œufs depuis la ponte jusqu'à l'éclosion et l'envol, illustre Patrick Pinet. Le temps d'incubation des œufs n'était pas précisément connu. Après la ponte de l'œuf, la femelle reste sur le nid et le mâle repart en mer pour se nourrir puis vient la relayer. Ils peuvent rester ainsi dix-sept jours sans se nourrir." L'étude fait désormais appel aux techniques les plus modernes. Ainsi l'an dernier, 22 balises Geolocator ont été posées sur l'une des pattes de pétrels de Barau adulte. Quinze le seront cette année. "D'un poids de 1,5 g, elles fonctionnent sur le principe jour - nuit. La durée du jour étant connu on arrive ainsi à savoir ce qu'a fait l'oiseau pendant 300 jours. Le pétrel de Barau s'est révélé un excellent migrateur que l'on retrouve jusqu'à l'est de l'Inde. Les résultats recueillis permettront de mettre en place des réserves marines océaniques protégées." Il y a quinze jours une nouvelle étape a été franchie avec la pose sur le dos de quatre pétrels de Barau adultes de balises Argos solaires d'un poids de 9 g. "Elles permettent de suivre les déplacements en mer en temps réel des oiseaux pendant qu'ils élèvent leur poussin, poursuit Patrick Pinet. Aujourd'hui, on ne sait rien des zones fréquentées par les pétrels pendant les deux mois de l'élevage. On sait seulement que les parents alternent les trajets longs et courts. Les trajets courts sont destinés à nourrir le poussin. Les trajets longs leur permettent de reconstituer leurs forces." Pour la petite histoire sachez qu'il est impossible de repérer à l'œil nu un pétrel de Barau mâle, d'une femelle. "Il faut recourir à des analyses de sang duquel on extrait l'ADN", confirme Patrick Pinet. Le chercheur bénéficie d'une bourse de la Région pour ses études. " L'objectif est de réunir un maximum d'informations ce qui est indispensable pour mettre en place une conservation de l'espèce aussi efficace que possible. L'étude des colonies permet d'identifier les sites qui sont le plus favorables à la reproduction et de mettre en place une protection renforcée. Le nombre de couples reproducteurs est actuellement estimé dans une fourchette de 5 000 à 6 000 pour un nombre total d'individus de l'ordre de 20 000. À la fin de l'année une nouvelle estimation sera réalisée."
Alain Dupuis
QUE FAIRE EN CAS DE DÉCOUVERTE D'UN OISEAU ? 1. Manipuler l'animal le moins possible. Ne pas chercher à le nourrir 2. Le placer dans un carton à l'abri des prédateurs. 3. Prévenir soit la gendarmerie, soit les pompiers, soit le vétérinaire le plus proche ou la SEOR au 0262 204 665. La Société d'études ornithologiques de la Réunion (SEOR) dispose de trois pôles de récupération d'oiseaux à travers l'île, animés par des bénévoles passionnés. En 2008, 358 pétrels de Barau récupérés ont pû être relachés dans de bonnes conditions.