Ce blog cesse (à moins d'un miracle) d'être alimenté jusqu'à samedi 24. Les troubles continuent à Antananarivo. Par chance, c'est à Diego-Suarez que je serai demain midi, ville du nord qui est
restée calme jusqu'à présent.
LEMONDE.FR | 12.03.09 | 15h50
L'armée a donné soixante-douze heures aux forces politiques pour mettre un terme à la crise qui agite le pays, mais la situation reste très chaotique à Antananarivo. Les lecteurs du Monde.fr racontent.
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"La situation est totalement chaotique" par Erika Ramananarivo
Depuis samedi, on vit dans la terreur. Au moment où je vous écris, je suis interrompue par des coups de sifflets et les cris des gens qui s'enfuient. J'entends également des coups de feu. Des voitures passent à grands coups de klaxon. On ne sait pas exactement ce qui se passe. Depuis trois jours, beaucoup de maisons de personnalités du régime ont été pillées et brûlées. Les gens ordinaires sont également touchés. Une des mes connaissances, qui possède une boutique, a déménagé toutes ses marchandises ce matin, de peur de se faire piller. Mes enfants sont obligés de subir ce stress. La situation est totalement chaotique. On ne craint pas seulement pour nos biens mais aussi pour nos vies.
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"Une anarchie sans précédent" par Ludovic Masson
A Tana, on assiste à une anarchie sans précédent. Mercredi 11 mars, je suis tombé sur un barrage érigé par les soldats mutins qui m'ont menacé avec leur Kalachnikov. Quelques minutes plus tard, j'ai croisé des manifestants qui quittaient la place du 13 Mai pour rejoindre les ministères et "en prendre possession". Plus tard, il y a eu sit in devant l'ambassade de France, où étaient régroupés les partisans d'Andry Rajoelina. Une grande surface et de nombreux entrepôts ont été pillés et saccagés. Les forces de l'ordre n'assurent plus leur fonction. Au lieu de protéger la population, l'armée fait des barrages et laissent les pillards agir.
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"Des militaires se baladent dans la rue avec des lance-roquettes" par Erika Ramananarivo
Entre un policier tué par la populace et pendu haut et court, des militaires qui se baladent dans la rue avec des lance-roquettes, des scènes de pillage inédites où les gens prennent ce qu'ils veulent juste sous le nez de quelques hommes en uniformes, la situation est totalement confuse. Je me pose la question de savoir si cette armée peut encore dire qu'elle est unie et en mesure de prendre en charge les affaires du pays.
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"Une prime spéciale 'obéissance' au pouvoir" par Charlotte S.
De passage à Madagascar pour des raisons professionnelles, j'ai vécu sept jours en centre ville début mars. Je cotoyais des Malgaches au jour le jour, sur un chantier en périphérie de la capitale. J'écoutais tantôt la radio de l'opposition, tantôt la radio nationale. J'ai également pu discuter avec des militaires. Ils sont entre le marteau et l'enclume. L'obéissance aveugle a pris fin. Mais il m'a été raconté de sources concordantes que certains généraux ont bénéficié d'une prime spéciale "obéissance" au pouvoir.
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"La protection accordée par l'ambassade de France au maire d'Antananarivo a été très mal perçue" par Sophie Benard
La prise du pouvoir par l'armée fait peur aux Malgaches, mais ils sont prêts à l'accepter si cela permet au pays de reprendre son cours normal. On sent une colère monter contre Andry Rajoelina, contre la France et contre les Français. La protection accordée par l'ambassade de France au maire d'Antananarivo a été très mal perçue. La France a été le dernier pays à reconnaître la légitimité de Ravalomanana et l'ancien président malgache, Didier Ratsiraka, vit aujourd'hui en exil à Paris. Il faut que la France pense à ses ressortissants sur place.
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"Les Malgaches sont irrités par l'ingérence française" par Leo S.
Un ressentiment lié au passé colonial subsiste dans le pays. L'ancien dictateur Ratsiraka est exilé en France. Pour ces raisons et bien d'autres, les Malgaches sont irrités par l'ingérence française. La France n'aurait pas dû intervenir dans le conflit entre Ravalomanana et Rajoelina. D'autres ambassades auraient pu protéger physiquement Rajoelina. Plusieurs radios de la capitale malgache diffusent en ce moment des commentaires d'auditeurs "anti-français". C'est nous, Français installés depuis longtemps à Madagascar, qui allons faire les frais de cette diplomatie maladroite.
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"Nous craignons une chasse aux Français" par Jean-Christophe Barre
La crise qui secoue Madagascar risque de laisser beaucoup de ressortissants français sur la paille. La situation dans la capitale, Antananarivo, est tendue. Les fausses informations et autres rumeurs causent des cas de psychose chez certaines personnes. Nous craignons une "chasse aux Français". A Ambatobe, le lycée français, les élèves sont restés bloqués par les manifestants vendredi et n'ont pu être délivrés par l'état-major mixte opérationnel national (Emmonat, qui chapeaute gendarmerie, police et armée) qu'aux alentours de 19 heures.
FIL INFO SOBIKA
18H58 : Monja Roindefo, premier ministre TGV a rencontré le premier ministre Jacques Rabemananjara a la primature. Pas de déclarations pour le moment
17H30 : Dans une interview donnée à Afrik.com, Elia Ravelomanantsoa est présentée comme "ancienne collaboratrice" de Andry Rajoelina (interview ci-dessous)
16H20 : La Communauté internationale à Madagascar met en garde dans un communiqué contre une prise de pouvoir non démocratique qui pourrait avoir des "conséquences sur notre capacité à
soutenir le développement du pays, au-delà de ses répercussions immédiates sur la population malgache qui a déjà trop souffert de la crise".
16H11 : Selon Radio Mada, une réunion de militaires, policiers, et gendarmes a eu lieu a Ankadilanana ( infos à suivre sur le contenu de cette réunion ).
16H00 : Dans un communiqué, l'Ambassade des Etats Unis encourage ses ressortissants à quitter Madagascar.
15H30 : Suite à l'incendie de la zone france Cpex le 9 mars tanjombato, l'usine a définitivement fermé. Employés au chomage
15H20 : selon RFI, les militaires auraient contacté Jacques Sylla pour le charger de demander à Marc Ravalomanana de quitter le pouvoir
14H30 : Conseil des ministres ce matin. Marc Ravalomanana considère toujours le vice amiral Mamy Ranaivoniarivo comme le Ministre de la défense.
14H01 : Pas de mobilisation à Mahamasina pour les partisans de Marc Ravalomanana
14H00 : Fin du meeting place du 13 mai. Mr Rasamoely, Benja Razafimahaleo, Gilbert Raharazatovo, Roland Ratsiraka étaient parmis les présents.
12H49 : Benja Razafimahaleo a pris possession du ministère des Finances à Antaninarenina
12H00 : La France a appelé mercredi, « toutes les parties à éviter toute provocation », « tous les protagonistes à se réunir et à rechercher ensemble par le dialogue », dans « le respect de la
légalité et de l'ordre constitutionnel ».
11H44 : Rappel infos d'hier : Assises nationales prévues ce jour ajournées - La Communauté internationale suspendra ses aides en cas de coup d'Etat -
11H40 : Naissance de "Unité Madagascar" à Paris suite à la manifestation pour la paix place du trocédero le 14 février dernier. Conférence de presse à venir
11H19 : Air Force One est bloqué à Ivato. Pneus dégonflés et avion sous garde militaire.
10H55 : En réponse à lettre de Marc Ravalomanana, Abdoulaye Wade (président du Sénégal ) invite Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana à se rendre à Dakar
10H45 : Selon le ministre des télécoms et nouvelles technologies du Sénégal, Marc Ravalomanana a sollicité par lettre l'intervention de Abdoulaye Wade le 11 Mars.
03H30 : Selon le quotidien La Vérité, une partie de la famille de Marc Ravalomanana aurait pris un vol pour l'Ile maurice hier. Selon une autre source, ils n'auraient pu embarquer et seraient
retourner sur iavoloha en hélicoptère.
01H30 : Tanjombato : les militaires tuent 5 personnes dans la nuit.
22H20 : le colonel André Andriarijaona, nouveau chef d'Etat Major de l'armée, a annulé l'ultimatum de l'armée lancé par son prédécesseur.
22H00 : Abdou Diouf, président de l'organisation internationale de la francophonie envoie un émissaire à Tana pour aider au règlement de la crise en la personne de Edem Kodjo, ex premier ministre
du Togo
Madagascar: Rajoelina "overwhelmed" by the crisis |
Thursday 12 March 2009, by Stéphanie Plasse |
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http://en.afrik.com/article15412.html
To better understand the political situation, Afrik.com interviewed, Elia Ravelomanantsoa, one of the presidential candidates during the 2006 elections and a former collaborator of Andry Rajoelina. She talks about why negotiations have failed and how the population can help bring this crisis to an end.
How true are claims that the situation has worsened since the election of Marc Ravalomanana in 2006?
Elia Ravelomanantsoa: The situation, in fact, got worse during the 2006 elections. During the elections, candidates asked for the electoral code to be changed. Among other demands was the implementation of the single ballot rule to avoid fraud. But as it turned out, the candidates, including myself, received the voters' list only 24 hours before the elections. From there, the opposition parties decided to express their disagreement with the electoral process by not offering more candidates. That is how the mayor of Antananarivo, Andry Rajoelina, got elected into office as an independent candidate. The situation has also worsened because the opposition and the civil society were deprived of the right to express their opinions on both television and radio. What do you think of the relatively new opposition leader, Andry Rajoelina?
Elia Ravelomanantsoa: I worked with him when he became mayor of Antananarivo, as part of a triumvirate. We worked tirelessly to help a young mayor who was struggling to cope with political attacks during his first nine months in office. Another issue was that the Antananarivo town council had been downgraded in terms of budget allocation, protocol ranking... and Andry Rajoelina's plan to help the capital was highly commendable. It is in this light that the television network, VIVA, was developed. It was a way for the council to directly involve the population in its development plans. When the TV station was shut down, I backed the democratic principle of giving people the necessary tools to express themselves. Freedom of expression must be respected. Initially, I did not disapprove of Andry Rajoelina's actions, however, with regard to the protests, I think that even Mr. Rajoelina himself did not expect such response. He is overwhelmed by the scale of the movement, but he has hardened his offensive for reasons best known to himself. In fact, the general feeling is that this demonstration is unorganized and lacks structure.
So he haboured no such ambitions when he became mayor of Antananarivo?
Elia Ravelomanantsoa: Absolutely not. His ambitions were not on a national level. He saw himself propelled into the forefront of an expression of frustration from several quarters: on social grounds, increased poverty, declining purchasing power, the increasing gap between the disadvantaged and rich with a monopoly on whole swathes of the economy.
Marc Ravalomanana fired into a crowd last February. Did he not sign his political death warrant?
Elia Ravelomanantsoa: It's a point of no return. The Malagasy people are peaceful. This is a nation of consensus. Their demonstration is a call to dialogue. It means they want to express themselves not to be repressed. And as this repression, organized by the army or interposed mercenaries, grows in strength the people may be made to keep quiet but they will cease to endorse the legitimacy of that power.
Does this military repression favour Marc Ravalomanana for the next elections in 2011?
Elia Ravelomanantsoa: For the moment, I think it is a one-day-at-a-time affair. He is pressed by two priorities: to see to the successful organisation of the African Union summit scheduled for July and the Francophonie summit in 2010, both earmarked to take place in Antananarivo. He is not concerned with electoral issues. There is also the fact that, as an entrepreneur, he has very important economic interests in the country.
We saw people looting "Tiko" stores belonging to Marc Ravalomanana during the protests led by Andry Rajoelina...
Elia Ravelomanantsoa: I think that, beyond the purely material aspect, people wish to react against the ongoing oppression. We are faced with a population that comprises 60% young people who refuse all forms of oppression without dialogue, in an age of technological advancement.
Do you think that there is an emergence of political consciousness among young people?
Elia Ravelomanantsoa: A political consciousness has been awakened (...) I stayed away fom the protests. I believe we need to intellectualise in times of crisis and encourage dialogue at all levels, gender issues for example. Being a woman politician and also part of a trans-generational group allows me to assemble ideas directed at encouraging dialogue to aid reconciliation. Young people should participate in politics (...) become part of a political structure (...) with social projects and shared visions. Andry Rajoelina's biggest problem is the lack of a carefully planned social movement. It happened so fast that nobody had enough time to structure anything with the right projections. That is why the situation has got out of hand.
The social movement is diminishing. Do you think it will disappear?
Elia Ravelomanantsoa: In my opinion, it won't. Whatever the case, this movement will remain latent. Most political parties are built around Marc Ravalomanana. But the President has only frustrated public opinion. We often speak of cyclical crisis in Madagascar. You know, we have had some protracted unrests, some lasting for 9 months. Just when one thinks that a social unrest is out of steam in Madagascar... This unrest can only be stopped if negotiations lead to something. February 7 proved that point. Just when we thought that the demonstrations were finally over the crowd got together again on Saturday!
What can Madagascar do to get out of the economic doldrums?
Elia Ravelomanantsoa: The country must enhance micro-credit. Young people are becoming aware of the limitations of big business. These young people are seeking to become employers. It will be essential to leverage "micro-entrepreneurship" and vocational training. From a social point of view, young mothers must be accompanied. There are many single parents in Madagascar. The country suffers from a lack of suitable social structures. In the past there were community based laws, but now mothers have to really fend for themselves, alone.
In your opinion, why have the negotiations have they failed?
Elia Ravelomanantsoa: It is due to the lack of will. Both sides have failed. Now, to look more closely at how things are evolving. When the president says he wants to negotiate and at the same time exercises repression through threats or arrests ... it gives another dimension to the conflict making negotiations fail automatically. On the other hand, it is difficult for two unequal structures to negotiate. What I mean is that on one hand we have a state apparatus and, on the other, the assembly of several movements that are not necessarily homogeneous. This could be the second reason for the failure of negotiations. The third reason is the lack of vision in the negotiations. It is not just about two people sitting around table to agree on issues. The question is; what issues should be negotiated? I think that all this comes from a lack of communication and also from the fact that the population is still excluded from these negotiations.
You think the UN's role has not been successful in these talks ...
Elia Ravelomanantsoa: It has not been conclusive so far. Perhaps the United Nations should go deeper, instead of reducing itself to the same policies they applied in Mauritania or elsewhere. We must dig deeper into the causes and evils of this crisis because it is not just about a conflict of two egos...
L'EXPRESS.FR
ANTANANARIVO - La situation est de plus en plus confuse à Madagascar, où la mutinerie s'étend au sein des forces de sécurité et des soldats dissidents encerclent la résidence du Premier ministre.
Dans un message à la radio nationale, jeudi, le président Marc Ravalomanana a exhorté l'armée et la police à "assumer leurs responsabilités" dans la lutte de pouvoir qui l'oppose à l'opposition et a fait 135 morts depuis le début de l'année.
Les mutins rassemblés devant le siège du gouvernement ont déclaré négocier avec les gardes du corps pour que soit investi un nouveau Premier ministre désigné par le chef de l'opposition Andry Rajoelina.
Le bras de fer entre Ravalomanana et Rajoelina s'est doublé ces derniers jours d'une situation incertaine au sein de l'état-major, au point que personne ne sait plus exactement qui contrôle les forces de sécurité.
Mercredi, le leader d'une mutinerie s'est proclamé chef d'état-major de l'armée, écartant de cette fonction le général Edmond Rasolomahandry qui avait donné à la classe politique trois jours pour résoudre la crise.
Dans la soirée, l'entourage de Rajoelina a semblé approuver pour la première fois l'action des mutins, disant : "Les forces de sécurité ont pris leurs responsabilités et n'ont pas voulu souiller leur honneur militaire par des actions de répression."
L'AMBASSADEUR AMÉRICAIN ALARMISTE
Le chef de la gendarmerie a apporté jeudi son soutien aux mutins. "Nous travaillons avec l'armée et la police nationale avec le nouveau chef d'état-major de l'armée. La priorité est de rétablir l'ordre", a déclaré le général Pily Gilbain.
Prié de dire si la gendarmerie interviendrait contre des manifestants civils, il a répondu : "Les protestations populaires sont des protestations politiques. Nous, les forces armées, ne sommes pas politiques, nous ne nous mêlons pas de politique."
"Notre priorité est de rétablir l'ordre public. J'appelle les forces de sécurité à assumer leurs responsabilités, à protéger la population, et à le faire dans la dignité", a pour sa part déclaré le chef de l'Etat à la radio nationale.
Lundi soir, l'Onu a placé sous sa protection dans une résidence diplomatique Andry Rajoelina, entré dans la clandestinité voici quelques jours de crainte d'être arrêté.
Les médiateurs espéraient organiser ce jeudi un tête à tête entre le chef de l'Etat et Rajoelina mais ce dernier a refusé d'y participer. "Le dialogue a été reporté en raison de problèmes de dernière minute", a commenté le médiateur des Nations unies, Drame Tiebile, sans autres détails.
L'ambassadeur des Etats-Unis, qui a estimé que le pays était "au bord de la guerre civile", encourage ses diplomates et ressortissants à quitter l'île.
La crise secoue depuis décembre une île qui est la quatrième du monde par les dimensions et dont la croissance économique dépend du tourisme ainsi que des investissements extérieurs dans l'exploration de ses vastes réserves pétrolières et minières.
Beaucoup de Malgaches estiment toutefois que les retombées de la croissance engrangées sous la présidence de Ravalomanana ne leur ont pas profité. Rajoelina, ancien disc-jockey de 34 ans passé à l'action politique, a capitalisé sur ce mécontentement.
Le président Ravalomanana, magnat de l'industrie laitière aujourd'hui âgé de 59 ans, a qualifié Andry Rajoelina de fauteur de troubles.
Le chef de la mission de l'Union européenne à Madagascar, Jean-Claude Boidin, a prévenu que tout coup d'Etat aboutirait à une suspension immédiate de l'aide au pays. "Ce n'est pas une possibilité, c'est une règle fixée par les accords de Cotonou."
A Antananarivo, sur la place du 13-Mai, épicentre des révoltes populaires depuis l'indépendance de la France en 1960, les boutiques sont restées fermées.
Version française Jean-Stéphane Brosse
http://www.lexpress.fr/actualites/2/confusion-a-madagascar-ou-la-mutinerie-s-etend_746345.html
QUATRE POEMES DE Jean-Joseph Rabearivelo
1928-1935
clair de lune
Sans rossignol autre que des songes
effeuillés au cœur de la nuit bleue,
ta tristesse de reine exilée,
Clair de lune qui mon front inondes,
enchantera de quelles musiques
sa nostalgie et ses sourdes peines,
sœurs en l'ennui, sœurs adultérines
de mes insidieuses fatigues ?
A ton intention sont ouvertes
mes fenêtres où bruit encore
le chœur du soir pacifique et rose
élevé dans le calme des herbes
comme à la rupture de tes charmes
le triomphe obscur de l'aube dans les palmes.
5
lys
Fils de la terre et des vivants,
des morts et de la Nature,
je te préfère au parfum qui dure,
ô lys que balancent les vents.
Comme mes jours passe ta gerbe,
fille étrange de la nuit,
qui répand son éclat inouï
jusques à sa chute sur l'herbe ;
héritière sans lendemain
du royaume de la lune
elle dépense en paix sa fortune
pour le plaisir des yeux humains,
ta gerbe sans lendemain
qu'a tressée en silence la lune.
6
regard
Sur quel monde englouti sans retour
te fermes-tu pour bientôt t'ouvrir
aux astuces vaines de l'Amour
sinon au piège amer du Mourir,
ô regard où pèsent divers poids ?
- Celui-ci, s'interrogeant au cœur
d'un miroir, ne voit que désarroi
où jamais ne s'est vu que de fleurs.
Cet autre qui s'attendait à voir
descendre la nuit sur son destin,
sent que jusqu'à la fuite du soir
prolonge l'éclat de son matin,
ô regard, innombrable tombeau
où gisent à la fois le laid et le beau.
7
horloge
Absence pure, ô l'insoupçonnée
serve sœur des ténébreuses Parques,
tous les jeux de notre destinée,
jalons sur ta route et nos cœurs, tu les marques.
Mais loin de faire de toi l'augure
inviolé, notre suffisance
veut exercer quelle dictature
sur le temps où s'oublie un peu ta présence !
Et ce n'est que lorsque le Narcisse
qui s'ignore au fond de nous encore
voit au bord d'un sombre précipice
- source vive autrefois - l'infernale aurore
parer de fleurs sa jeunesse morte,
que nous entendons se fermer une porte !
http://www.lehman.edu/ile.en.ile/paroles/rabearivelo.html