Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 mars 2009 6 21 /03 /mars /2009 15:00


Arrachement

pas d'autre mot

Mada est un pays passionnant où je retournerai vite.

J'essaierai, dans les jours qui viennent, en 4 ou 5 billets, de partager avec vous Diego-Suarez

Le calme a toujours régné avant et pendant mon séjour, aussi n'aurez-vous aucun scoop sur la situation politique. Je vous renvoie à vos journaux préférés et à un article de Michel Koutouzis du 9 février que je copie-colle ci-dessous.

Une telle misère m'a saisi, même si bien sûr je m'y attendais (bien des points communs avec Java où j'ai passé 5 semaines en 1974). L'indice de développement humain (IDH) du PNUD classe Madagascar parmi les pays les plus pauvres de la planète : 0,533/1 (143e rang sur 177 États). Dans ma rue, des hommes apportaient les morceaux de goudron qu'ils avaient ramassés pour les faire fondre dans des bassines. Ils ont pu goudronner ainsi une dizaine de mètres carrés devant l'église. Je n'ai pas voulu les photographier.

Les malgaches manquent de tout. Il y a 2 lits d'hôpital pour 1000 habitants. Les ¾ de la population sont analphabètes. Et pourtant, ils sont souriants, serviables, dignes et ne se plaignent jamais. Depuis 2 mois, à Diego, c'est pourtant la détresse. Plus de touristes, plus de trafic portuaire, beaucoup de gens ont perdu leur travail.


Les casseurs de pierre, Gustave Courbet, 1849


Vendredi 13 mars

Avant le décollage du Boeing 737-300, les hôtesses d'Air Madagascar aspergent la cabine de déodorant comme en Turquie. Peu avant, les agents de sécurité de l'aéroport de Gillot (St-Denis) avaient mis mon spray anti-moustiques à la poubelle car j'avais oublié de le faire voyager en soute. A l'aéroport de Diego, deux heures d'attente dans la chaleur aux postes vérification visa/ passeport/ douanes/ sécurité. Jasmin, le chauffeur de l'hôtel Emeraude m'attend.

 

Le balcon, Manet, 1868


Une heure plus tard, je descends la rue Colbert ému, impressionné, les yeux écarquillés. Chaque baraque de bois, chaque bâtiment raconte à sa manière, peinture écaillée, rouille, ouvertures délabrées, inscriptions effacées, toitures effondrées, une histoire vieille de plus d'un siècle. Enki Bilal aimerait déambuler dans une telle ville-fantôme dont toutes les rues sont défoncées et creusées de nids de poule, même la célèbre rue Colbert, l'artère principale. Avec ses palmiers qui poussent à l'intérieur, son style maure, l'Hôtel de la Marine renvoie vraiment à un passé qui n'en finit pas de mourir.




C'est un certain Alphonse Mortages, enrichi dans les mines d'Andavakoera, qui a fait construire ce bâtiment plein de portiques, de colonnes et d'arcades néo-mauresques. Avec ses palmiers intérieurs, c'est vraiment un lieu fantômatique.  Didier Daeninckx raconte les aventures de cet homme dans le site :

http://www.amnistia.net/biblio/recits/madagascar_802.htm



Sur l'ensemble de la ville, les arbres et les fleurs l'emportent sur les baraques de bois et de tôles. Tout est délicieusement déliquescent. 4L-taxis jaunes, pousse-pousses, 4X4 et taxi-brousses n'en finissent pas de se raconter leurs longues vies.

Je parle un peu avec un croupier du casino qui accepte de me changer de l'argent (les banques sont déjà fermées).

  • Vous êtes journaliste ! me dit-il

  • Comment l'avez-vous deviné ?

  • Tout ! tout ! ça se voit tout de suite !

Mon appareil photo et mes vêtements de bourlingueur sans doute.


L'Alliance franco-malgache (architecte : Gustave Eiffel)


Pas de touristes depuis 2 mois en raison des troubles. Cela accentue l'atmosphère de catalepsie, de torpeur générale. Quelques rényonés toutefois, venus passer comme moi une ou 2 semaines de vacances, et des vasahas-épaves restés après la décolonisation. Du matin au soir, il fait 32° et je suis donc complètement trempé. Vers 22h, beaucoup de monde dans la rue. Sur les trottoirs, les terrasses des cafés, de jolies et jeunes malgaches essaient de me ferrer en me fixant des yeux « vasaha ! ». Le Petit Futé et Le Routard m'avaient prévenu. Et les appâts ne sont pas une petite boulette de mie de pain. Mais on peut facilement recracher l'hameçon ou demander à être remis à l'eau.

Retour à l'hôtel à très petite vitesse car les rues ne sont pas éclairées, ce qui veut dire qu'avec mon problème d'oreille interne, comme j'ai oublié ma lampe frontale, je vacille à chaque pas et risque la chute.



Samedi 14 mars

A 3 reprises avec une attente d'une heure à chaque fois, j'ai essayé de me connecter à orange.fr dans un cybercafé, mais c'est impossible. Avec les autres sites, c'est possible mais très très lent (56K°).

Passage place Joffre d'où l'on aperçoit des épaves dans la rade. Le passage du porte-hélicoptère Jeanne-d'Arc dans la baie en 2008, a valu une plaque commémorative supplémentaire au monument dédié au Maréchal Joffre. Nostalgie néo-coloniale ? 48 ans après l'indépendance, ne peut-on célébrer d'autres figures plus authentiquement malgaches ? La plupart des rues de Diego portent un nom de militaire français : Sadi Carnot, Foch, Richelieu, général Duchesne, Dugay-Trouin, général Leclerc, Jean Bart, Villebois-Mareuil, Gallieni, cela ne suffisait pas ?



Pour finir, quelques aperçus éducatifs



le lycée français




Dans un monde où l'enfant peut devenir une marchandise, L'ECOLE EST LE CHEMIN DE SA LIBERTE.

Le genre de phrase qui dérange Xavier Darcos et Nicolas Sarkozy.


Demain le lac sacré et ses crocodiles



RUE 89

Madagascar : l'injustice économique engendre la révolte

Par Michel Koutouzis | Consultant | 09/02/2009

Quels sont les problèmes qui révoltent Madagascar ? L'île-continent souffre de l'enclavement de ses régions, de la prépondérance du secteur informel et d'une répartition des richesses particulièrement inique et qui divise la société en deux :  la poignée de profiteurs des richesses proches du gouvernement et l'immense majorité de ceux qui marchent pour survivre.

En premier lieu, l'enclavement des régions dû à la destruction systématique des routes et des chemins de fer. Pour un habitué de l'île, « systématique » est le mot important. Cela permet un éclatement des territoires, des pouvoirs et une mainmise (un partage aussi) des richesses entre les familles féodales, les clans, et des cités en situation de quasi-autonomie.

Les grandes familles sont identifiées par le produit dont elles ont le monopole (cela nous permet de ne pas les nommer, mais tout le monde s'y retrouvera) :  café, vanille, poivre, ilang-ilang, girofle, aigues marines, tourmalines, pierres industrielles (quartz), chromite, bauxite, etc.

Ainsi, les axes qui vont d'une région à une autre continuent a être impraticables, tandis que les routes régionales qui permettent l'exploitation (« prédation » est un terme plus adéquat), elles, existent bel et bien.

Il y a bien des produits et des cultures transversaux qui tendent soit à péricliter (riz) soit à être centralisés et devenir un quasi-monopole (produits laitiers). C'est sans doute cette dernière activité qui stimule (par le biais de la Banque mondiale), la mise en place de nouvelles routes et qui se porte à faux contre les habitudes du pays.

Le président actuel en sait quelque chose. Tandis que les petites parcelles de route sont construites, grâce souvent au dynamisme chinois, les infrastructures élémentaires restent au niveau du rêve. 

Electricité (le pays est connu pour ses pannes gigantesques et les trois quarts du pays vivent à la bougie), hôpitaux (moins de deux lits pour mille habitants), accès à l'eau potable (moins de 15% de la population rurale), chemins de fer (rien, hormis les fantômes des gares), écoles (6% de la population atteint le secondaire, les trois quarts sont analphabètes). 

L'informel, la deuxième plaie du pays

Tandis que le train-train d'un enrichissement sans fin continue pour les caciques, les fonctionnaires, les salariés, sont payés le prix d'un repas de touriste. J'en ai connu des médecins, des ingénieurs, des avocats qui se transforment en gueules noires dans les mines sauvages à Illakaka (saphirs), à Ambatondrazaka (rubis), autour d'Anstsirabé (tourmalines). Leur salaire est inférieur à ce que coûte la scolarisation de leurs enfants.

A ce niveau nous passons à « l'informel », deuxième plaie du pays. Qui dit Madagascar pense aux centaines de milliers de mineurs, de tout âge et toute « condition » qui partent, d'une mine « sauvage » à l'autre, à la recherche de la fortune.

C'est un leurre. Les pierres précieuses font la richesse de quelques caciques, d'une poignée de fonctionnaires du ministère des Mines et des douanes, des plus hautes sphères de tous les gouvernements, et surtout  des « compagnies » sri lankaises, thaï, sud-africaines, et de quelques occidentaux (américains, suisses, canadiens, etc.).

Eux, ils ont des hélicoptères, des avions, et ne veulent, comme dans la région d'Ambatobrazaka, surtout pas de routes. Que dire du textile, une autre activité désormais bien ancrée et ses usines offshore, délocalisées depuis Maurice, pays où l'on commence à subir une (minime) pression sociale. Oui, il y a toujours un endroit où l'on peut payer moins cher l'ouvrier.

Les pouvoirs politiques d'un côté, les petits qui marchent de l'autre

Que dire tout simplement de la terre, la terre nourricière qui continue à être la propriété de l'Etat ? Les paysans, « tolérés » qui la travaillent n'ont aucun droit, aucune manière de capitaliser leurs lots, ils ne peuvent qu'emprunter chez l'usurier en donnant comme gage la récolte suivante à un prix dérisoire.

A la présidence, un bâtiment coquet qui ressemble dans sa version tropicale à nos préfectures, les conseillers (souvent étrangers) du président manipulent les cartes terrestres et marines en les découpant en lots gigantesques de concessions alléchantes.

Reste le tourisme où chaque achat ou construction d'hôtel doit être négocié avec une multitude de pouvoirs, central bien sûr, mais surtout « locaux ». Et qui est l'apanage des aventuriers, qui seuls peuvent considérer tout investissement comme un défi à relever. Entre temps, les Malgaches continuent à marcher, chaque jour pendant des kilomètres. Sauf ceux qui ont eu la chance d'obtenir des vélos que le gouvernement chinois avait offerts.

Non, décidément rien, ou si peu, à changé à Madagascar.

Les voleurs de vie, ceux qui obligent les Malgaches de marcher des heures et des heures, à faire des kilomètres juste pour se nourrir, qui ont fini par introduire au sein de ce peuple une notion du temps particulière, celle d'une île-continent vivant au ralenti, sont passés à la vitesse supérieure :  présidence comme opposition jouent désormais avec la vie des autres, les affamés, les paysans déclassés, les ouvriers qui dépensent la totalité de leur salaire fantomatique en une seule journée...



Partager cet article
Repost0

commentaires

H
J ai sejourne 4/5 mois a Diego en 66......pour faire un carrenage(Marine Nationale)<br /> tres triste de voir cette misere.......c etait vivant l rue Colbert animée.......avec l arsenal en plus il y avait du boulot..............la plage de Ramen.....que de souvenirs....Merci de votre blog
Répondre
L
désinfectant, pas déodorant. C'est obligatoire et systématique sur tout vol.<br /> dugUay-Trouin
Répondre