Ministre du repos, Sommeil père des songes,
Pourquoi t'a-t-on nommé l'image de la mort ?
Que ces faiseurs de vers t'ont jadis fait de tort,
De le persuader avecque leurs mensonges !
Faut-il pas confesser qu'en l'aise où tu nous plonges,
Nos esprits sont ravis par un si doux transport,
Qu'au lieu de raccourcir, à la faveur du sort,
Les plaisirs de nos jours, Sommeil, tu les allonges.
Dans ce petit moment, ô songes ravissants !
Qu'Amour vous a permis d'entretenir mes sens,
J'ai tenu dans mon lit Élise toute nue.
Sommeil, ceux qui t'ont fait l'image du trépas,
Quand ils ont peint la mort ils ne l'ont point connue,
Car vraiment son portrait ne lui ressemble pas.
II 6
Chère Isis, tes beautés ont troublé la nature,
Tes yeux ont mis l'Amour dans son aveuglement,
Et les dieux occupés après toi seulement,
Laissent l'état du monde errer à l'aventure.
Voyant dans le soleil tes regards en peinture,
Ils en sentent leur cœur touché si vivement
Que s'ils n'étaient cloués si fort au firmament,
Ils descendraient bientôt pour voir leur créature.
Crois-moi qu'en cette humeur ils ont peu de souci
Ou du bien ou du mal que nous faisons ici ;
Et, tandis que le Ciel endure que tu m'aimes,
Tu peux bien dans mon lit impunément coucher.
Isis, que craindrais-tu, puisque les dieux eux-mêmes
S'estimeraient heureux de te faire pécher ?
II 9