Je me trouvais avant-hier dans le 8è arrondissement de Paris et mon amie L P m'a offert un moment de ravissement : une promenade dans un parc faux, dans un lieu de trompe-l'oeil et d'illusions, le parc Monceau. www.parcmonceau.org
Aménagé par Jean-Charles Alphand dans les années 1860-70, il reste un havre de paix pour enfants et nourrices.
On trouve beaucoup de sculptures et de bustes d'artistes ou d'écrivains dans le parc : Gounod, Chopin, Musset... Celle de Maupassant est de Verlet (1857-1923). Une des raisons de cet hommage peut tenir à ces lignes de Fort comme la mort (1888) :
"Prenons par le plus long, dit-elle.
- Veux-tu rôder dans le parc Monceau ? c'est un endroit très gentil ; nous regarderons les mioches et les nourrices.
- Mais oui, je veux bien. "
Ils franchirent, par l'avenue Vélasquez, la grille dorée et monumentale qui sert d'enseigne et d'entrée à ce bijou de parc élégant, étalant en plein Paris sa grâce factice
et verdoyante, au milieu d'une ceinture d'hôtels princiers.
Le long des larges allées, qui déploient à travers les pelouses et les massifs leur courbe savante, une foule de femmes et d'hommes, assis sur des chaises de fer,
regardent défiler les passants tandis que, par les petits chemins enfoncés sous les ombrages et serpentant comme des ruisseaux, un peuple d'enfants grouille dans le sable, court, saute à la corde
sous l'oeil indolent des nourrices ou sous le regard inquiet des mères. Les arbres énormes, arrondis en dôme comme des monuments de feuilles, les marronniers géants dont la lourde verdure est
éclaboussée de grappes rouges ou blanches, les sycomores distingués, les platanes décoratifs avec leur tronc savamment tourmenté, ornent en des perspectives séduisantes les grands gazons
onduleux.
Il fait chaud, les tourterelles roucoulent dans les feuillages et voisinent de cime en cime, tandis que les moineaux se baignent dans l'arc-en-ciel dont le soleil enlumine
la poussière d'eau des arrosages égrenée sur l'herbe fine. Sur leurs socles, les statues blanches semblent heureuses dans cette fraîcheur verte. Un jeune garçon de marbre retire de son pied une
épine introuvable, comme s'il s'était piqué tout à l'heure en courant après la Diane qui fuit là-bas vers le petit lac emprisonné dans les bosquets où s'abrite la ruine d'un temple.
D'autres statues s'embrassent, amoureuses et froides, au bord des massifs, ou bien rêvent, un genou dans la main. Une cascade écume et roule sur de jolis rochers. Un
arbre, tronqué comme une colonne, porte un lierre ; un tombeau porte une inscription. Les fûts de pierre dressés sur les gazons ne rappellent guère plus l'Acropole que cet élégant petit parc
ne rappelle les forêts sauvages.
C'est l'endroit artificiel et charmant où les gens de ville vont contempler des fleurs élevées en des serres, et admirer, comme on admire au théâtre le spectacle de la
vie, cette aimable représentation que donne, en plein Paris, la belle nature.
Olivier Bertin, depuis des années, venait presque chaque jour en ce lieu préféré, pour y regarder les Parisiennes se mouvoir en leur vrai cadre. "C'est un parc fait pour
la toilette, disait-il ; les gens mal mis y font horreur." Et il y rôdait pendant des heures, en connaissait toutes les plantes et tous les promeneurs habituels.
Il marchait à côté d'Annette, le long des allées, l'oeil distrait par la vie bariolée et remuante du jardin.
"0h l'amour !" cria-t-elle.
Elle contemplait un petit garçon à boucles blondes qui la regardait de ses yeux bleus, d'un air étonné et ravi.
Puis, elle passa une revue de tous les enfants ; et le plaisir qu'elle avait à voir ces vivantes poupées enrubannées la rendait bavarde et communicative.
Elle marchait à petits pas, disait à Bertin ses remarques, ses réflexions sur les petits, sur les nourrices, sur les mères. Les enfants gros lui arrachaient des
exclamations de joie, et les enfants pâles l'apitoyaient.
Il l'écoutait, amusé par elle plus que par les mioches, et sans oublier la peinture, murmurait : "C'est délicieux !" en songeant qu'il devrait faire un exquis
tableau, avec un coin du parc et un bouquet de nourrices, de mères et d'enfants. Comment n'y avait-il pas songé ?
"Tu aimes ces galopins-là ? dit-il.
- Je les adore."
À la voir les regarder, il sentait qu'elle avait envie de les prendre, de les embrasser, de les manier, une envie matérielle et tendre de mère future ; et il
s'étonnait de cet instinct secret, caché en cette chair de femme.
Comme elle était disposée à parler, il l'interrogea sur ses goûts. Elle avoua des espérances de succès et de gloire mondaine avec une naïveté gentille, désira de beaux
chevaux, qu'elle connaissait presque en maquignon, car l'élevage occupait une partie des fermes de Roncières ; et elle ne s'inquiéta guère plus d'un fiancé que de l'appartement qu'on
trouverait toujours dans la multitude des étages à louer.
Ils approchaient du lac où deux cygnes et six canards flottaient doucement, aussi propres et calmes que des oiseaux de porcelaine et ils passèrent devant une jeune femme
assise sur une chaise, un livre ouvert sur les genoux, les yeux levés devant elle, l'âme envolée dans une songerie.
Elle ne bougeait pas plus qu'une figure de cire. Laide, humble, vêtue en fille modeste qui ne songe point à plaire, une institutrice peut-être, elle était partie pour le
Rêve, emportée par une phrase ou par un mot qui avait ensorcelé son coeur. Elle continuait, sans doute, selon la poussée de ses espérances, l'aventure commencée dans le livre.
Bertin s'arrêta, surpris :
"C'est beau, dit-il, de s'en aller comme ça."
Ils avaient passé devant elle. Ils retournèrent et revinrent encore sans qu'elle les aperçût, tant elle suivait de toute son attention le vol lointain de sa pensée.
Nuit de mai, Alfred de Musset
Ici le 22 octobre 1797, le français André-Jacques Garnerin réalisa à partir d'un ballon libre la première descente en parachute de l'histoire
fausse pyramide avec faux sphynx
et voilà. On court après une nymphette et on s'étonne de se blesser au pied
Le Parc Monceau, 1878, Monet, Metropolitan Museum of Art New York
source : kulturalna polska