NDLR : aucune voiture à Mafate ; on est à plusieurs heures de marche d'une route goudronnée avec des dénivellés très importants
Mafate : “c’est la plus belle école de la Réunion”
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C’est une école en l’air, un peu à l’écart, perchée dans les hauts de la Possession. Une école mafataise, composée de deux classes bois sous tôle, où la rentrée s’est faite sans stress apparent. Une école dont on pourrait penser a priori qu’y travailler est sans doute un peu galère. Mardi, à 8 h 15 tapantes, l’école Léonard Thomas de Grand-Place ouvre ses portes et ses fenêtres. Le tourniquet arrose en continue les semis de pelouse du futur terrain de foot. Deux enseignants permanents, un autre itinérant et, seulement, quinze élèves y ont rendez-vous pour entamer une nouvelle année scolaire. Avec un effectif aussi réduit, forcément, tout le monde se connaît. Alors rien d’étonnant à ce que la directrice accueille une élève de CM1, d’un “Tiens, voilà notre star !”. La star, c’est Coralie Thomas, en provenance de Cayenne, un charmant îlet situé en contrebas, à dix minutes de marche soutenue. Paillettes dans les cheveux, blouson à damier rose fluo qu’il faut, et, un sac à dos quasi vide, ne contenant que son goûter, Coralie a pris soin de faire une petite bise à sa maman avant de prendre le sentier buissonnier de l’école. Sa grande sœur, Sandrine l’accompagne. Elle travaille comme assistante d’éducation dans l’établissement. Il y a aussi deux journalistes qui l’amusent avec leur appareil photo et l’agacent avec leurs questions. “Alors, t’as la trouille de rentrer à l’école ?”, lui demandent-ils. La réponse est catégorique : “Non !”. Quelques virages plus loin, après s’être signée devant le “ti bondié” , le pas se fait moins pressé. Coralie ne connaît pas vraiment son nouveau maître, Olivier.
Ici, la pédagogie personnalisée est une évidence...
L’inquiétude est vite dissipée. Katia Bréger, la directrice fait tintinnabuler la clochette. Sept “nains” de maternelles et de CP se rassemblent devant sa classe. Les huit grands du cours moyens, en font autant de leur côté. Cette année, il n’y a aura pas de cours élémentaires. “Il y a un trou dans la démographie. C’est comme ça !”, indique, la directrice. Les effectifs de son école ont bien baissé depuis sa création, il y a vingt ans. Mais cette année, il y aura encore un petit nouveau, Miguel. Retour en classe. Une fois les présentations accomplies, Coralie prend la plume. Rédaction. Mister Denis (lire par ailleurs), leur professeur d’anglais, assiste à la scène. C’est sa toute première rentrée. Il sort de la classe et nous rapporte en chuchotant : “C’est incroyable, ça fait à peine quarante minutes qu’on est rentré et Olivier a déjà repéré les failles de chaque élève. Il sait sur quoi il devra travailler avec chacun”. La pédagogie individualisée, différenciée, personnalisée... Appelez-la comme il vous plaira, mais c’est un luxe que nombre d’enseignants des bas voudraient pouvoir mettre en œuvre. Car contrairement à ce que l’on aurait pu penser, enseigner à Grand-Place, c’est avoir la chance de pouvoir faire du “sur-mesure”. Les niveaux multiples dans chaque classe augmentent encore davantage le travail de préparation. Mais la satisfaction est énorme pour les enseignants. Katia est en poste ici depuis trois ans. Elle a du mal à s’imaginer travailler ailleurs. Hormis quelques problèmes d’intendances (lire ci-dessous), rien ne peut venir remettre en cause sa vie d’instit des hauts. La semaine commence ici le lundi après-midi et se termine le jeudi soir. Le mercredi, il y a école ! Mais après, il y a une pause de trois jours pour se remettre. Encore que, avec sept élèves, Katia reconnaît être privilégiée. La tête assommée par le bruit des marmailles, comme dans les grosses écoles d’en bas, elle ne connaît pas. “C’est la plus belle école de la Réunion, assure-t-elle crânement. Celle où les conditions d’enseignement sont les meilleures. On a un lien privilégié avec les enfants, les parents. Moi, mon école m’a manqué pendant les vacances. On s’y investit sans doute un peu plus que les enseignants dans les écoles des bas”. Au vu de cette première journée, on n’était pas loin d’en être persuadé
Yoann Guilloux
Quelques ombres au tableau...
Et vous, si on vous proposait d’enseigner à Grand-Place, vous répondriez quoi ? Les trois professeurs de cette école nous ont convaincus que sur le plan pédagogique, il était difficile de trouver mieux. Les deux classes sont loin, mais alors très loin d’être surchargées (sept et huit marmailles répartis en deux classes). Ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de toutes les écoles mafataises. A Roche-Plate, l’enseignante doit tenir d’une main de maître une classe de 21 élèves. Cela peut sembler tout à fait acceptable. Sauf que tous les niveaux y sont présents. Dur dur ! Rien de tel à Grand-Place. Avec des effectifs réduits, l’enseignement personnalisé devient un vrai plaisir. Mais il y a quelques ombres au tableau. Certes le cadre est magnifique mais, il faut composer avec les dépressions cycloniques, les tempêtes tropicales et même les fortes pluies. Une journée de pluie un lundi peut compromettre le retour de l’équipe. Et puis il y a la logistique. Il faut tout planifier. Encore plus qu’ailleurs. Lundi, un hélicoptère mis à disposition par le rectorat a livré tout le matériel nécessaire pour assurer les cours jusqu’aux vacances de janvier. Ce sera la seule et unique liaison prise en charge. Il faut aussi faire avec les aberrations et les lourdeurs administratives. Par exemple, l’école doit être dotée d’une quinzaine d’ordinateurs portables et d’un tableau numérique interactif, alors qu’il est déjà compliqué de faire tourner à l’énergie solaire l’actuel ordinateur de l’école... Le jour de la pré-rentrée, la directrice de l’école, Katia Bréger, découvrait avec stupéfaction, que les classes n’avaient pas été repeintes par la municipalité de la Possession comme promis. Une mésentente de plus. L’école devait aussi être équipée de deux nouveaux sanitaires - fort coûteux- pour cette rentrée. L’hélicoptère n’a rien livré. Mais le téléphone mafatais fonctionne entre enseignants. La directrice envie les écoles mafataises placées sous la houlette de la municipalité de Saint-Paul, dont le sort s’est paraît-il nettement amélioré.