J'ai eu la chance hier lundi et avant-avant-hier samedi d'être invité à un famadihana, celui de la famille Khâ. Cette cérémonie improprement traduite par "retournement des morts" est très
pratiquée et très chère aux malgaches. Indispensable pour l'honneur des ancêtres, il faut la pratiquer tous les 5 ou 7 ans. Un astrologue consulte les ancêtres pour fixer la date longtemps à
l'avance. Sylvain, l'astrologue qui a réglé le famadihana auquel j'ai assisté, a même décidé il y a quelques mois de l'orientation du tombeau avant qu'y entrent les premiers défunts (parmi
lesquels Marie-Antoinette dont le rôle a été si important pour que naisse la Maternelle de Ramena). Pour déterminer le jour et l'heure du famadihana, il s'appuie beaucoup sur la lune et le
zodiaque. En ce qui concerne la direction de la dépouille du défunt, il tient compte aussi des souhaits et des goûts de ce dernier. Ainsi, Mama Khâ est orientée vers la mer, son élément. Pas de
rupture entre la vie et la mort chez les malgaches, c'est un continuum. Les tombeaux sont de véritables demeures pour l'éternité. Autrefois les tombeaux étaient même à l'intérieur des domiciles
des vivants.
Organiser un famadihana coûte très cher : il faut héberger et nourrir des centaines de personnes (300 pour celui auquel j'ai assisté, certains venus à la voile depuis Diego) pendant 3 ou 4 jours,
payer le rhum, les honoraires de l'astrologue, les zébus du sacrifice, les nattes, les linceuls, les musiciens, les taxes administratives, les déplacements des membres de la famille qui habitent
loin etc Ces frais sont répartis entre tous les membres de la famille et comme une famille malgache est toujours très nombreuse, les dons sont nombreux.
Les ancêtres ont un statut intermédiaire entre les dieux et les hommes. Ils veillent sur ces derniers et il faut donc tout faire pour que les ancêtres soient bien traités. Ils représentent les
racines de la vie, l'origine du peuple, les fondements de la famille. Invoqués, consultés à de nombreuses occasions, ils sont particulièrement choyés, cocoonés et dorlotés lors des famadihanas.
Le culte qui les célèbre manifeste clairement que la mort n'est ni une rupture, ni une fin, elle sublime la vie et permet d'accéder à une forme supérieure de connaissance. Un famadihana est donc
l'occasion de réjouissances intenses où les repas, les boissons alcoolisées, les danses tiennent une place importante, et où les chants occupent une place centrale.
Au signal, de l'astrologue, les invités et la famillle quittent le village et se rendent en chantant jusqu'au tombeau sur lequel le drapeau malgache est hissé. L'ordre dans lequel les corps sont
sortis revêt la plus grande importance, on commence souvent par sortir le dernier ou le premier entré. Les dépouilles sont ensuite déposées sur un autel où tout le monde pourra venir les voir et
leur parler pendant 2 ou 3 jours. Rituellement, certains membres de la famille se chargent du nettoyage du tombeau : il faut préparer symboliquement l’arrivée des ancêtres le lendemain.
C’est à ce moment-là qu’est cuisinée et dégustée la bosse du zébu du sacrifice au pied du tombeau. Le lamba de chacun est remplacé par un autre linceul neuf. De nouveaux objets chargés de
signification y sont glissés. Les membres de la famille font danser les ancêtres au-dessus de leur tête en chantant et effectuent tournent 7 fois autour du tombeau les pieds en avant avant le
retour dans le tombeau.
J'ai assisté à un famadihana dont les rites sont propres à la région Vakinankaratra. 12 ancêtres étaient concernés (un 12è nom manque sur la photo de l'urne en carton : Tovy Kely). Quatre sont
venus de Tana. 3 de Nosy Be. 5 étaient déjà à Ramena. Le deuxième jour, les descendants se disputent les nattes qui ont servi à transporter les ancêtres et à les faire danser car elles portent
bonheur. Ces nattes se retrouvent donc déchirées car chacun veut avoir sa part de ces porte-bonheurs. Moment cosmique, physique, métaphysique, émotionnel, mémoriel, musical, vocal, dansé, humain.
Lorsque les ancêtres sont ramenés dans le tombeau, c'est l'occasion de nouvelles danses, nouveaux rites, nouveaux chants. Puis lorsque chacun a regagné sa place exacte dans le tombeau,
l'astrologue cimente l'entrée pour 7 ans.