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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 19:28

le vieil homme publie.net

Il y a des jours comme ça où la lutte contre les requins va au-delà de l'épuisement. Où l'espadon ne suffit plus, on ne pourra pas empêcher que le bateau, Santiago et Manolin soient mangés aussi.

Lorsqu'on lit que l'éditeur Gallimard craint qu'une nouvelle (et meilleure) traduction du célèbre roman d'Ernest Hemingway fasse vaciller son empire, on se dit qu'on vit dans une drôle d'époque.

François Bon a certainement apporté des milliers de lecteurs à Gallimard. Est-ce qu'Antoine Gallimard n'est pas en train d'en perdre en s'en prenant à quelqu'un qui fait aimer autant la littérature ? La psychose du plagiat et le guet aux allures d'embuscade qu'assurent certains propriétaires de droits d'auteur deviennent très inquiétants. A moins que ce ne soit un signe de plus que François a raison quand il annonce que nous vivons les débuts d'une révolution aussi importante que la multiplication des presses d'imprimerie à la fin du quinzième siècle ? Publie.net est petit mais il fait peur à Gallimard. Faut-il rire ou pleurer ?

On peut télécharger gratuitement la traduc de Dutourd sur le net, bizarre hein ?

 

copie_colle_du_site_tiers_livre 

Gallimard demande des dédommagements pour 22 exemplaires téléchargés de ma traduction du "Vieil homme et la mer"

 

addendum 9 – 19/02/2012, 8h54

Merci de vos nombreuses visites, mais vous risquez d’être déçu : y a pas grand chose à voir, et il ne s’est vraiment pas passé grand-chose.

Résumé : ce dernier vendredi, les éditions Gallimard s’adressent aux diffuseurs de publie.net (mais sans aucun message ni d’avertissement, ni aucune prise de contact d’aucune sorte, ni à publie.net, ni à moi-même), pour leur enjoindre de cesser la vente d’une traduction personnelle de Le vieil homme et la mer, d’Ernest Hemingway, disparu en 1961 et que je croyais du fait tombée dans le domaine public. J’ai procédé immédiatement au retrait de cette vente, dans les 10 minutes : that’s all, folks.

À cette heure je n’ai toujours reçu aucune demande ni avertissement des éditions Gallimard, je n’ai pas l’intention de me battre en justice pour faire reconnaître le droit éventuellement gagnable de maintenir cette diffusion : les droits numériques n’étant probablement pas explicitement spécifiés dans l’accord de commercialisation de l’oeuvre établi dans les années 80 qui fait de Gallimard le cessionnaire exclusif (quelle expression) des héritiers du vieux lion. Le droit français est très ferme, de toujours, sur le périmètre de ce qu’enferme un contrat, et qui doit y être dûment mentionné. Ce serait à eux de produire la justification de leur mainmise pour en exiger le retrait, et c’est probablement pour cela qu’ils ont préféré jouer l’intimidation sur les diffuseurs (qui vendent bien plus de Gallimard light et ultra-light que de publie.net) plutôt qu’envoyer cette demande à publie.net EURL.

D’autant que les éditions Gallimard ne proposent pas de version numérique de cette oeuvre que je considère, comme beaucoup, faisant partie du patrimoine universel). En ligne depuis quelques jours seulement, ma traduction du Vieil homme et la mer n’avait été téléchargée qu’à 22 exemplaires, je n’imagine donc pas que cela ait lésé beaucoup les héritiers Hemingway, ni les éditions Gallimard.

Ce genre d’histoire arrive souvent dans l’édition, et la complexité grandissante des législations concernant le domaine public va les rendre encore plus fréquentes. Cette affaire qui a donc duré exactement 10 minutes m’a fichu un coup au moral, parce que de propos délibéré les éditions Gallimard s’en prenaient à mes diffuseurs sans m’avertir, ni même prévenir publie.net, petite muflerie qui n’est pas un signe neutre de la part du président en exercice du SNE, et qui me pose de lourdes questions sur notre petite aventure d’édition, qu’on maintient contre vents et marées, mais combat trop inégal si ces messieurs nous considèrent comme des gêneurs, parce que sur le numérique ils restent des incapables de première classe.

C’est sans doute cela qui a provoqué cette étonnante et disproportionnée boule de neige sur le web : regardez, la veille j’avais mis en ligne un billet concernant le très beau livre de Pierre Patrolin, Une traversée de la France à la nage, d’ailleurs distribué par Gallimard (ah, ils m’y reprendront...), 454 lectures à l’instant, contre 12 600 et quelques pour ce billet en moins de 48 h : y a quand même un malaise, non ? Allez plutôt voir Une ville, 13 boucles sur publie.net si vous voulez avoir idée de ce qu’on fait et pourquoi ça les dérange.

Je n’ai pas jeté d’eau sur le feu, j’ai refusé tout échange avec les journalistes qui me sollicitaient, je n’ai pas utilisé de #hashtags irrespectueux, j’ai juste un petit goût aigre à la bouche parce que ça fait 2 jours de perdus, mais c’était le prix de mon erreur juridique – c’est le procédé, qui m’a déplu. Que le CNL refuse de considérer publie.net comme un éditeur, vu l’étroitesse de notre chiffre d’affaire, c’est clair et net, que le patron du SNE trouve indigne de nous prévenir d’une mise en ligne qu’il considère comme abusive, mais s’en serve comme moyen de pression sur ceux qui nous diffusent, j’ai peur. Lorsque le CNL lui accorde des subventions pour numérisation des Pléiade Breton (les droits numériques ont été dûment accordés par les héritiers, c’est sûr ?), je ne me plains pas de la disproportion de la taille de nos cuisines.

Ceci dit, le retrait de cette traduction (qui continuera sa vie là où elle voudra, j’ai toujours traduit pour moi, y a pas mort d’homme, et je suis pas Claro ni Marko...) a provoqué la naissance d’une série remarquable de réflexions dépassant de très loin l’affaire évoquée ci-dessus, lire André Gunthert, Lionel Maurel, Hubert Guillaud et plein d’autres. Cela n’aura donc pas été inutile, loin de là – et merci à eux tous.

Il n’y a donc pas d’affaire, je n’imagine pas Gallimard me poursuivre pour une mise en ligne qui a cessé avant même qu’ils m’intiment d’y procéder. Il y a juste le titre d’Hubert : Nous n’échapperons pas à reposer la question du droit.

addendum 8 – 18/02/2012, 19h16

Ci-dessous un extrait de Georges Bataille, paru dans Critique, mars 53, et repris dans OC tome 12 (merci Yoann Gentric), où il parle de la traduction Dutourd. Je n’avais pas connaissance de ce texte en réalisant ma propre traduction (sinon, je crois que ça m’aurait terrorisé – je m’y reconnais pourtant bien). Je n’ai pas travaillé d’ailleurs en référence ou contre-référence au texte de la trad 1952, ne l’ai même pas à la maison, avais jeté un oeil dessus chez Gibert juste après avoir terminé.
addendum 7 – 18/02/2012, 17h24

Uniquement si vous habitez le Québec, puisque là-bas au moins cette traduction aura le mérite de pouvoir survivre légalement, vous la trouverez en PDF sur le site d’Annie Rioux, écriture & dérivés. Et si elle vous convient, échange de bons procédés, prenez connaissance sur publie.net du magnifique et violent texte d’Annie : Filles du Calvaire. Gagnant-gagnant. Je répète, par précaution légale : si et seulement si vous téléchargez depuis le Québec.

addendum 6 – 18/02/2012, 10h10

- ci-dessous une liste non exhaustive des sites et blogs qui sont intervenus sur ce différend – et merci d’arrêter d’appeler ça une guerre, je n’ai fait la guerre à personne, j’ai obtempéré à une demande de retrait qui ne m’a même pas été adressée, point barre, les moucherons ne s’attaquent pas aux bulldozers, et c’est pas moi qui vais racheter Flammarion à leur place... Je commence quand même à comprendre pourquoi je me suis trompé sur cette question de domaine public et comment ça fonctionne, merci à Cécile Dehesdin sur slate.fr pour cette analyse détaillée.

addendum 5 – du lendemain

Réveil un peu douloureux, impression que c’est un mauvais rêve. Floraison de messages un peu partout, mais j’aimerais tellement que ça concerne plutôt le travail collectif de recherche et de création qu’on mène ?

Des messages aussi qui imaginent que, Gallimard bloquant pour encore 20 ans les droits d’Hemingway (qui s’est suicidé il y a 50 ans, mais ses héritiers ayant apparemment renouvelé en 1980 le copyright par je ne sais quelle astuce juridique), et Gallimard méprisant son propre public en ne proposant pas de version numérique du texte concerné, encore moins une traduction moins obsolète que la Dutourd 54, qu’ils pourraient utiliser la mienne : ce genre de message ça me fait un peu mal. Suffit de la goujaterie, pas envie de jouer les domestiques. Pas avec eux, pas chez eux. Ce qui les gêne, c’est publie.net, et c’est bien pour cela qu’hier, au lieu de m’adresser un message à moi (ce n’était pas difficile), ils ont décidé de faire pression sur nos diffuseurs.

Alors s’il vous plaît, respect là-dessus. De même, je n’ai jamais utilisé une seule fois dans mes quelques relais twitter d’hier des #hashtags dont je ne porte pas la responsabilité. De même, je n’ai relayé à aucun moment les messages qui annonçaient que ma propre traduction était maintenant accessible sur des serveurs libres, je ne l’ai pas choisi, j’ai fait mon deuil (enfin non, quand même, sentiment intérieur de profond gâchis), mais désormais c’est comme ça – qu’elle vive sa vie sans moi.

Je rappelle que le travail de publie.net sur les textes de domaine public a une fonction vitale pour notre plateforme : c’est la seule cagnotte dont je dispose pour rémunérer les 2 codeurs-créateurs en charge de nos epubs textes contemporains, dont la diffusion à elle seule ne permettrait pas cette rémunération, retour à mon 1er paragraphe. Et c’est probablement la raison de cette attaque lourde et délibérée de M Gallimard, dont on aurait supposé qu’il avait autre chose à penser mais non.

On souhaite bon courage à toutes celles et ceux qui continueront de lire Le vieil homme et la mer dans la traduction de Jean Dutourd pendant 20 ans encore.

Mes traductions de Lovecraft et le Bartleby restent à votre disposition sur publie.net, et il y en aura d’autres – c’est un exercice du soir pour moi important, depuis deux ans, ou le dimanche (oui, traducteur du dimanche), y compris parce que ça m’aide à gérer la déconnexion. Et que je ne saurai plus lire la littérature américaine sans mettre les mains dedans.

addendum 4 – 19h29, affaire close

J’ai eu connaissance à 12h45 de la lettre comminatoire de Gallimard à mes diffuseurs, les enjoignant de retirer immédiatement de la vente ma traduction du Vieil homme et la mer.

J’ai procédé à 12h50, principe de précaution, au retrait de cette vente via la plateforme de mon diffuseur l’Immatériel-fr. Elle a été effective dans la minute chez l’essentiel de nos diffuseurs, dont notre propre plateforme, ePagine, iTunes, délai de quelques heures pour Fnac et Amazon.

J’estime donc avoir obtempéré à la demande qui ne m’a toujours pas été communiquée, les éditions Gallimard considérant indigne d’eux-mêmes une telle démarche.

Fin de l’affaire. C’est un petit morceau de moi ce soir qui m’est enlevé. Quelques amis ont lu ce travail qui me tenait à coeur, c’est l’essentiel. Je continuerai à publier et à traduire.

L’hostilité active du Syndicat national de l’édition à notre égard, le lobbying de ces messieurs les riches et puissants est trop insupportable – j’ai décidé d’annuler 2 conférences sur mutation numérique du livre, et ne parlerai plus de ces problématiques qu’à l’étranger. Je ne mettrai pas les pieds non plus au Salon du livre de Paris. Par contre, on continue le projet Impression à la demande, on continue avec nos auteurs.

Merci à tous de votre soutien. La meilleure façon de l’exprimer c’est de nous lire, pas mes textes à moi, ceux de nos auteurs.

Je laisse la conclusion à Hubert Guillaud : Nous n’échapperons pas à reposer la question du droit.

addendum 3 – 18h30

Désolé, amis journalistes, mais je n’ai rien de plus à ajouter. Tout est dans le blog, et réciproquement. Le dis, et le redis : la vraie révolution, c’est quand vous commencerez à parler de nos auteurs et de nos textes, et pas venir respirer par ici sous prétexte que M Gallimard vient nous fiche un étron sur la figure (ai déjà subi ça dans les bizutages école d’ingénieur en 1972, c’était déjà symptômes d’un monde qui mourait, pas le même, mais même histoire). Et JE NE ME SERS PAS DU TÉLÉPHONE.

addendum 1 – 15h50

Merci à tous pour messages amicaux.

Il y a 2 points essentiels :
- le premier concerne l’obsolescence globale du système actuel de droits d’auteurs ;
- il a comme corollaire l’axiome essentiel du droit français, qu’un contrat ne vaut que pour ce qu’il nomme – je travaille avec mon conseiller juridique, le copyright d’Hemingway pour les publications américaines appartient à ses héritiers, mais le texte lui-même relève du domaine public ; il semble qu’il soit plus que risqué à Gallimard, qui a procédé par la menace auprès de mes distributeurs, sans avoir même la politesse de m’informer, d’affirmer sans pièces disposer d’un droit d’exclusivité pour l’exploitation numérique de l’oeuvre concernée, sinon les droits concernant la traduction 1954 de Jean Dutourd ;
- la deuxième me touche de façon plus affective : une position de pouvoir et de lobbying dans le système éditorial français, qui tente de faire pression sur nos diffuseurs pour léser notre travail de création.

Évidemment, pas question de céder. Je prends 3 jours pour réfléchir. Il se peut que je suspende l’activité de publie.net quelques mois, le temps de recréer la structure à Bruxelles et prendre un peu de distance.

Et si cette lettre comminatoire s’avérait une poursuite abusive, je serai mieux à ma place qu’à la leur.

Mais, sur le fond, il se joue quelque chose de beaucoup plus important. La culture numérique ne peut pas se décalquer sur les formes actuelles de distribution du livre. C’est là qu’il nous faut inventer.

À suivre. Mon téléphone est coupé. Pour pas craquer, je retourne à traduction en cours d’un autre texte immense, Pour demain, de Conrad (à noter d’ailleurs que la traduction Gide de Typhon est sur des tas de sites gratuits et que Gallimard n’a pas l’air de s’en formaliser) et j’ai plein de bricolos à réparer dans ma maison.

Remerciements plus particuliers, pour leurs billets blog, à :
- Claro (pas rien, ami, écrivain, mais quel traducteur) : Gallimard l’a amer ;
- Benoît Mélançon, heures de partage montréalaises : Appui à François Bon ;
- Laurent Margantin (qui vient de proposer magnifique traduction des ultra-brefs de Kafka – et je rappelle que dès entré dans le domaine public, G-A Goldschmidt comme B Lortholary avaient publié leurs propres retraductions de Kafka, est-ce que ça abîmait notre révérence à Vialatte ?) : En faveur du Vieil homme et la mer.
- Numérama, Gallimard pousse un passionné de littérature etc. ;
- Korben, Qui se gallimarrera le dernier ;
- Christophe Grossi qui avait été le premier avec Marc Pautrel (La chose pour laquelle on est né) à lire et propulser cette traduction, sur le blog ePagine
- Mahigan Lepage, C’est à la création qu’ils en veulent
- sur CultureVisuelle (site qui m’est indispensable), Pierre-Alexis Vial, lettre ouverte

NOTA : merci, chers journalistes qui n’avez jamais parlé des textes de publie.net, de s’intéresser si soudainement à nous. Mais voyez, c’est pas le jour, et pas de cette façon-là.

addendum 2 – présentation publie.net de la traduction retirée de la vente

"Le vieil homme et la mer" paraît en 1952. Ce sera le dernier livre d’Ernest Hemingway avant son suicide en 1961.

Est-ce cela qui donne à cette fable à la fois dépouillée et immense comme la mer son universalité ?

L’entrée d’Ernest Hemingway dans le domaine public autorise la réalisation de ces rêves d’enfance : reprendre ces textes si rares qui pour soi-même ont été une révélation de la littérature – pourquoi, parce que moi aussi je vivais devant la mer, et que j’avais le savoir des mains des pêcheurs, et la lenteur de leur parler ?

Traduire c’est reprendre un texte comme du gravier, lentement. Par rapport aux autres textes d’Hemingway, presque un travail de statuaire : si peu de mots, et le tournoiement de leurs répétitions, des didascalies qui détourent les phrases comme un vitrail. Le jeu précis de miroitements entre les paroles que le vieil homme dit à haute voix pour le ciel, le poisson ou lui-même, et son monologue intérieur. Le travail comme sur du marbre entre homme et animal, et l’égalité terrible devant mort et destin.

L’énorme défi de ce texte, c’est comment l’universel tient à ce rythme, et ce concret. Puis la violence de la fable, l’émergence crue de beauté qui en est le complément nécessaire, presque incestueux.

Hemingway a ajouté une page, et quelle page, au livre unique et universel de notre humanité.

FB

Gallimard versus publie.net

L’ensemble des diffuseurs de publie.net (mais pas moi) viennent de recevoir la lettre suivante :

Chers libraires,

L’éditeur Publie.net a mis en vente, peut-être via votre plateforme, une édition au format numérique de Le Vieil homme et la mer d’Ernest Hemingway.

Les Editions Gallimard sont propriétaires des droits d’édition (y compris des droits d’édition au format numérique) pour cet ouvrage.

Elles demandent à l’éditeur Publie.net de retirer cet ouvrage de la vente, dont la publication et la commercialisation constituent un acte de contrefaçon.

Si vous proposez cet ouvrage à la vente, nous vous demandons de procéder à son retrait immédiat de votre plateforme.

Cordialement,

Eric Marbeau

Partenariats et Diffusion numérique – www.gallimard.fr

La lettre reçue par iTunes fait d’autre part mention de dédommagements fonction du nombre d’exemplaires téléchargés.

J’ai procédé dans la minute même à ce retrait. Quelques faits :

Hemingway, disparu en 1961, est dans le domaine public aux USA et Canada.

Rappelons que les États-Unis, sous la pression des éditeurs européens, viennent d’adopter une loi selon laquelle la durée du domaine public dans le pays d’origine doit s’appliquer au pays de diffusion.

Traduire Le vieil homme et la mer était pour moi un projet ancien, avec des souvenirs venus d’une enfance dans un recoin pauvre, le littoral vendéen à l’Aiguillon-sur-Mer, ses ostréiculteurs, le travail sur la digue où j’accompagnais mon père et mon grand-père. Parler lent, parler rare, épreuve continue des éléments de nature.

La traduction proposée par Gallimard depuis 1954 est due au futur académicien Jean Dutourd. Elle s’établit selon les canons d’époque, faisant parler le pêcheur comme doit parler selon la littérature un illettré de Cuba. J’ajoute que cette traduction n’est pas disponible au format numérique.

J’ai préféré la vieille leçon de Maurice-Edgar Coindreau, premier traducteur de Faulkner, qui disait s’être souvenu du parler vendéen pour entrer dans Faulkner.

J’ai mis en ligne la semaine dernière ma propre traduction de Le vieil homme et la mer. Vingt-deux exemplaires exactement en ont été téléchargés.

Ce matin, M. Antoine Gallimard, adresse rue Gallimard, Paris VIe arrondissement, officier de la Légion d’honneur, président du Syndicat national de l’édition, membre du Conseil d’administration de la Bibliothèque nationale de France, demande le retrait immédiat de cette traduction, et réclame des dédommagements.

Je suis usé, poussé à bout, irrité. C’est à la création que ceux-là en veulent. Ils sont prêts à tous les gâchis pour maintenir leur pouvoir.

J’ai décidé d’interrompre momentanément les publications prévues sur publie.net, et me donne trois jours pour décision d’en arrêter totalement l’activité – du moins faire autre chose, ailleurs, et selon d’autres modes de diffusion. Je ne peux pas continuer dans un contexte de telle hostilité dont toutes les manoeuvres bureaucratiques récentes ont bien montré la collusion avec le pouvoir politique.

Je m’excuse sur absence des réseaux dans les trois jours à venir, pas de mail, pas de twitter, je dois prendre des décisions graves.

C’est la première fois que j’ai affaire à une réaction de mépris, d’arrogance, d’hostilité aussi délibérée. C’est trop pour une petite structure comme la nôtre.

Ci-dessus, photographie de mon père devant la mer. Cette traduction du Vieil homme et la mer lui était à chaque page dédiée.

Je remercie tous les auteurs, lecteurs, diffuseurs qui durant ces trois ans nous ont soutenu sans faille et permis une telle aventure.

Je vous souhaite du bonheur. Par la lecture, quand même et malgré eux. Quelque chose se fissure : ce jour, c’est M Gallimard lui-même qui nous pousse à trouver d’autres formes que l’édition et la librairie numérique pour notre travail de créateurs.

C’est à cela qu’il nous faut tous réfléchir ensemble.

Désolé pour premiers contributeurs, je préfère fermer commentaires sur ce billet. Mais libre à vous de vous exprimer bien sûr sur tous autres vecteurs. Merci de votre compréhension. FB.

http://www.actualitte.com/actualite/monde-edition/justice/exclusif-la-contrefacon-d-hemingway-n-est-pas-banale-estime-gallimard-32127.htm

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