Dans Les Fées de Perrault (1697), des perles et des diamants sortent de la bouche de la cadette dès qu'elle prend la parole. Dans son Histoire des Oracles (1687), Fontenelle raconte que des savants croient à la présence d'une dent en or dans la bouche d'un enfant. Extraire une racine carrée, une dent de sagesse ou un diamant avant de le tailler, c'est du pareil au même. Passer des caries aux carats, ça porte chance, ça rapporte gros. La petite souris le sait bien.
J'ai déjà parlé ici (23 février 2011, Diego 22, minéraux) de la Sotromi, le magasin de Ricardo, et je ne suis guère étonné de la forme prise par la publicité fêtant les 20 ans de cette société (La Tribune de Diego du 7 au 20 sept 2011). Nous ne devons plus avoir peur de nous faire arracher une molaire : nos bouches sont des gisements qui valent de l'or. Pour mieux faire entendre les gisements aurifères, le mot "sort" revient 3 fois. Et pour souligner les desseins divins cachés dans les extractions, l'encart parle d'un "dentiste prédestiné".
La vie, c'est comme une dent
D'abord on y a pas pensé
On s'est contenté de mâcher
Et puis ça se gâte soudain
Ça vous fait mal, et on y tient
Et on la soigne et les soucis
Et pour qu'on soit vraiment guéri
Il faut vous l'arracher, la vie
Boris Vian
Fontenelle, Histoire des oracles, Première dissertation, chapitre IV (1687).
Assurons-nous bien du fait, avant que de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens, qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait, mais enfin nous éviterons le ridicule d'avoir trouvé la cause de ce qui n'est point.
Ce malheur arriva si plaisamment sur la fin du siècle passé à quelques savants d'Allemagne, que je ne puis m'empêcher d'en parler ici.
En 1593, le bruit courut que les dents étant tombées à un enfant de Silésie, âgé de sept ans, il lui en était venu une d'or, à la place d'une de ses grosses dents. Horstius, professeur en médecine dans l’Université de Helmstad, écrivit en 1595 l'histoire de cette dent, et prétendit qu'elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu'elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant pour consoler les Chrétiens affligés par les Turcs. Figurez-vous quelle consolation, et quel rapport de cette dent aux Chrétiens, ni aux Turcs. En la même année, afin que cette dent d'or ne manquât pas d'historiens, Rullandus en écrit encore l'histoire. Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la dent d'or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique. Un autre grand homme nommé Libavius ramasse tout ce qui avait été dit de la dent et y ajoute son sentiment particulier. Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu'il fût vrai que la dent était d'or. Quand un orfèvre l'eut examinée, il se trouva que c'était une feuille d'or appliquée à la dent avec beaucoup d'adresse; mais on commença par faire des livres, et puis on consulta l'orfèvre.
Rien n'est plus naturel que d'en faire autant sur toutes sortes de matières. Je ne suis pas si convaincu de notre ignorance par les choses qui sont, et dont la raison nous est inconnue, que par celles qui ne sont point, et dont nous trouvons la raison. Cela veut dire que non seulement nous n'avons pas les principes qui mènent au vrai, mais que nous en avons d'autres qui s'accommodent très bien avec le faux.
Bernard Le Bovier de Fontenelle : 1657-1757