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Naissance d'un CP à Ramena
La recette :
1/ apporter en plusieurs voyages depuis la France ou de la Réunion, en bagage soute et cabine, voire frêt cargo, 30 ardoises, 450 buchettes, des séries usagées (Crocolivres, Ratus, Comme un
livre, Boscher) (merci Milie, Isabelle, Marielle, Roseline), crayons de couleur, pâte à modeler, jeux, cahiers, craies, gilets gonflables (pour apprendre à nager) etc
2/ avoir la chance d'arriver au moment (mars) où l'association "La maternelle de Ramena" de Swanie, Monique et Dadapierre http://www.normada.com/maternelleramena/, a décidé de se lancer dans
l'aventure du CP. Les parents des élèves des 3 sections petite moyenne et grande, 30 élèves chacune, veulent éviter l'école publique (70 élèves / classe). Après beaucoup de péripéties pour
trouver le terrain où construire la salle de classe, la situation se débloque fin août. Mais quelqu'un (comme ça personne n'est visé) nous a quand même fait croire plus d'un mois qu'il voulait
bien nous louer un terrain ... qui ne lui appartient pas !
Première semaine de septembre, la présidente se rend à Mayotte et le Lion's club met la main à la poche. C'est gagné
3/ Dadapierre, qui veut créer une autre école au Burkina-Faso, a la bonne idée de me rencontrer en mai et de me demander de prendre la suite de son rôle de conseiller : pour moi qui ai commencé
ma carrière d'instit stagiaire en prenant en charge le CP de l'école d'application de l'école normale d'instituteurs d'Angers en octobre 1967, c'est du pain bénit. Oui, 1967, j'avais dû demander
une dérogation au recteur car j'étais trop jeune, j'ai retrouvé ça dans mon dossier administratif fin août, 43 ans après, on ne rit pas.
La pratique :
Arrivé le 22 septembre sur la Grande île au lieu du 1er, j'ai d'abord donné la priorité au lycée où 11 classes étaient sans prof d'histoire des arts / arts plastiques depuis 3 semaines. 4
semaines après le cauchemar des 9 jours d'hospitalisation à St-Pierre, la main droite continue bravement de faire le job que la gauche refuse de faire. Et c'est ainsi que dès samedi 25, ma 4L
(bien chargée, réparée la veille et l'avant-veille) m'a emmené à Ramena d'une main. Certes, j'ai dû l'abandonner lundi aprem non sans avoir tapé comme un malade sur le démarreur pour le décoller,
mais qu'importe ! un petit voyage en taxi-brousse n'a jamais fait de mal à personne. Au départ : 17 passagers. A l'arrivée environ 25 + des chèvres sur le toit. Pour une 404 pick-up, c'est pas
mal. Ce qui n'est pas rassurant, ce sont les déformations incessantes de la carrosserie, les crissements du métal lors du franchissement des passages bosselés de la piste, et les kilomètres de
descente moteur coupé pour économiser le gas-oil. Mais bon. Une amie malgache m'a dit tout à l'heure que son taxi-brousse avait transporté 40 passagers sur le même trajet la veille. Ajoutons que
la vaillante 4L (qui a dépassé les 500 000 kilomètres depuis longtemps) ne démarre le matin que si je lui verse son fond de verre d'essence au fond du gosier (le carbu) comme une bonne alcoolo.
J'irai la chercher samedi prochain avec une pompe à essence d'occas.
Je rentre le soir épuisé (maux de ventre en dépit du colicalm et du bactrim, les malgaches eux ont le Kibouvi c'est-à-dire un ventre en fer), vent incessant à décorner les zébus, complications
administratives et douanières, torture permanente du spectacle de malgaches qui crèvent la faim, qui font la manche et qui sont persuadés que le vasaha que je suis va les tirer de la misère alors
que je ne suis pas résident ou expat mais en contrat local (même salaire qu'un malgache), mais Edwige ma femme de ménage pense à tout : cuisine, lessive, courses, ménage, je n'ai plus qu'à
essayer de dormir (pas facile avec la lune et les aboiements des bonchiens).
Donc, lundi matin, Aretha m'accueille dans sa salle de classe. 17 élèves seulement (dont Romain, vasaha) : beaucoup d'absents. La veille, avait eu lieu une grande fête vocale et musicale sur la
plage ! Ritualité : les enfants récitent les phrases d'usage : "Bonjour Maîtresse, bonjour les amis ... mains en l'air, mains aux épaules et en avant ... " puis l'appel, chacun répond "présent(e)
maîtresse", des petits poulets circulent sous les tables, et on passe à la date du jour : "les 7 jours de la semaine sont lundi, mardi etc [...] quel jour on était hier ?" etc Chaque bonne
réponse est suivie d'un fracas d'applaudissements. Mais voilà qu'un petit pleure à chaudes larmes. Son papa ne lui a pas mis de sirop dans sa gourde. Voilà justement le papa (alerté comment ?)
qui arrive, parle en malgache à son fils. Que lui dit-il ? Sans aucun doute, qu'il n'a pas d'argent ce matin. Sans doute aussi qu'il en aura demain. Mais personne pour lui expliquer qu'il n'a pas
besoin d'acheter du sirop chimique. Un peu de sucre de canne et des fruits de tamarin feraient l'affaire presque gratuitement. Chacun écrit (ou essaie d'écrire) son prénom en minuscules et en
majuscules sur son ardoise. Puis l'alphabet, les nombres de 1 à 10, le nombre de doigts que Maîtresse montre.
A la récré, Aretha et moi, on se creuse pour résoudre le problème de l'affichage dans cette salle provisoire. Problème aussi de lecteur MP3. Lavage des mains très soigneux. Des enfants
disciplinés et motivés qui m'adoptent. Emouvant.
Aretha ne me cache pas qu'elle compte sur mon soutien. Elle n'a jamais enseigné qu'en maternelle. Je vais faire de mon mieux. Mais samedi prochain, je ne ferai que l'aller-retour, je ne verrai
pas les enfants : je dois être à Tana le lendemain pour une semaine de stage d'Histoire des Arts. La veille, dimanche 26, un orchestre (bon) avait égayé les clients du Badamera Café. Un bon
moment et une diversité musicale qui passait par des morceaux franco-français des années 50. Nostalgie.
Dès que j'ai un moment, je vous parle un peu de ce que je prévois pour les 250 élèves qu'on me confie au lycée français. Pour l'instant, c'est surtout emmener à la déchetterie des m3 et des m3 de
matériaux usagés et nettoyer pour que je puisse entreposer un minimum de matériel de dessin dans ma salle. A côté du cagibi attenant à ma salle de classe, les écuries d'Augias sont une
plaisanterie. En dépit de mon onduleur/régulateur, les surtensions ont eu raison de mon acer aspire one en 48h. Dur. Heureusement, j'ai encore le MSI. Et 3 disques durs externes de 500G° bien
organisés. J'ai acheté une imprimante/scanner/photocopieuse et elle marche ! Heureusement car trouver de l'aide en informatique ici ce serait difficile difficile.
Pour consoler ceux qui ont peur (je les comprends) et ceux qui n'ont pas l'argent du billet d'avion, voici quelques liens. Pour ceux qui veulent seulement lire, voyez Octave Mannoni, Jean
Paulhan, Antoine (le chanteur).
Pas très bien compris les 4 ou 5 collègues qui ont désapprouvé mon départ, le bonheur serait-il dans le fric ? Je rappelle quand même que depuis que j'ai déposé mon dossier de retraite en
février, la Réunion (Université, IUFM, Rectorat) ne m'a jamais rien proposé.
http://www.linternaute.com/video/62477/antoine-vous-emmene-a-madagascar/
http://patriciabourgeois.uniterre.com/29409/Passage+du+Cap+d%26%23039%3BAmbre.html
http://spiritua.typepad.com/round-the-world/madagascar/
http://madagascar.blog.lemonde.fr