novembre
noir novembre il paraît que tu viens de novem (neuf en latin) : pour un mois qui commence par la fête des morts : quel humour
novembre mois des jours les plus courts, des accidents de la route, des décès, des chutes, des abandons
novembre mois des suicides
novembre merci de nous offrir l'occasion de rendre hommage aux suicidés
nous n'avons pas été à la hauteur de leur courage à refuser la vilénie humaine, à dénoncer les dégâts causés par la lie des homo sapiens, les definitely brain damaged : Gérard de Nerval, Virginia
Woolf, Stefan Zweig, Paul Celan, Romain Gary, Jean Seberg, Jean-Joseph Rabearivelo, Nicolas de Staël, Mark Rothko, Gabrielle Russier, Gherasim Luca, Primo Levi, j'arrête là cette liste de
victimes de l'abyssale bêtise de tant de nos congénères, liste qui fait honte au genre humain et qu'il serait si facile de rallonger
ce qui est terrible chez les survivants, c'est que certains s'arrogent le pouvoir d'interdire de se suicider ! ils imposent aux autres une sursouffrance, on ne sait au nom de quel droit
suicidés, cette promenade au Canal de La Martinière est pour vous.
elle est particulièrement dédiée à Marielle, prof d'éco gestion du lycée Malraux de Béthune, 48 ans, maman, TZR depuis 10 ans, qui se plaignait de ses classes surchargées, qui se disait oppressée
par la hiérarchie de son établissement, et qui s'est suicidée le 21 octobre dernier ; sa dernière volonté, comme par hasard, était qu' "aucun représentant de l'Education Nationale ne soit présent
à ses obsèques"
cette promenade commence par la chapelle de Bethléem, entre St-Jean de Boiseau et Le Pellerin
suicidés, cette foulque macroule, ce grèbe, ces feuillages, ces fruits rouges, ces reflets de peupliers (cette schize, ce dédoublement), ces corbeaux de la tour de Buzay, photographiés cette
après-midi, sont pour vous.
Les Corbeaux
Seigneur, quand froide est la prairie,
Quand, dans les hameaux abattus,
Les longs angélus se sont tus ...
Sur la nature défleurie
Faites s'abattre des grands cieux
Les chers corbeaux délicieux.
Armée étrange aux cris sévères,
Les vents froids attaquent vos nids !
Vous le long des fleuves jaunis,
Sur les routes aux vieux calvaires,
Sur les fossés et, sur les trous
Dispersez-vous, ralliez-vous !
Par milliers, sur les champs de France,
Où dorment des morts d'avant-hier,
Tournoyez, n'est-ce pas l'hiver,
Pour que chaque passant repense !
Sois donc le crieur du devoir,
Ô notre funèbre oiseau noir !
Mais, saints du ciel, en haut du chêne,.
Mât perdu dans le soir charmé,
Laissez les fauvettes de mai
Pour ceux qu'au fond du bois enchaîne,
Dans l'herbe d'où l'on ne peut fuir,
La défaite sans avenir.
Arthur Rimbaud
Brumes et pluies
Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,
Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue
D'envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau
D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.
Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue,
Où par les longues nuits la girouette s'enroue,
Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveau
Ouvrira largement ses ailes de corbeau.
Rien n'est plus doux au coeur plein de choses funèbres,
Et sur qui dès longtemps descendent les frimas,
Ô blafardes saisons, reines de nos climats,
Que l'aspect permanent de vos pâles ténèbres,
- Si ce n'est, par un soir sans lune, deux à deux,
D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.
Baudelaire