"J'ai appris à piloter des avions. J'ai volé un peu partout dans le monde. [...] J'ai ainsi vécu seul, sans personne avec qui parler véritablement, jusqu'à une panne dans le désert du Sahara, il
y a six ans. Quelque chose s'était cassé dans mon moteur, Et comme je n'avais avec moi ni mécanicien, ni passagers, je me préparai à essayer de réussir, tout seul, une réparation difficile.
C'était pour moi une question de vie ou de mort. J'avais à peine de l'eau à boire pour huit jours.
Le premier soir je me suis donc endormi sur le sable à mille milles de toute terre habitée. J'étais bien plus isolé qu'un naufragé sur un radeau au milieu de l'océan."
Vous avez reconnu le début du Petit Prince de Saint-Exupéry.
En choisissant d'enregistrer ce récit en .mp3 pour www.audiocite.net Lydia ne s'est pas trompée sur sa force symbolique et poétique.
Christian et Yves, vos départs anticipés fin août et début septembre m'ont d'abord été inadmissibles.
Pourquoi faire partir Christian à 32 ans d'une maladie de coeur ? Pourquoi faire partir Yves Claer à 58 ans d'un neuropalu cette saloperie ?
Christian, toi le mécanicien préféré de ma 4L, dont j'ai déjà parlé ici le 18 décembre dernier dans l'article "4L", tu n'aspireras plus l'essence pour amorcer le carbu (je t'ai souvent tendu une
bouteille d'eau pour te rincer la bouche).
Yves, j'ai souhaité qu'Agir me propose un poste à Accra pour te rejoindre (je n'ai eu qu'Abidjan que j'ai refiusé). On était voisins et collègues au lycée français. On aimait s'échanger des
bouquins d'économie. J'ai encore dans les oreilles le hululement gai de ta 2cv chaque nuit (voir ici article "2cv (1)" du 24 décembre 2011). Lorsque mon chauffeur de taxi m'a tout volé le 8
octobre 2010 et que je m'apprêtais à rentrer en France, tu m'as raconté que toi aussi tu avais tout perdu dans un cambriolage peu après ton arrivée et cela m'a aidé à choisir de ne pas abandonner
les élèves du lycée et les enfants de Ramena.
Comme dans l'histoire du Petit Prince, vous étiez dans un pays chaud, où poussent des baobabs.
Comme dans l'histoire du Petit Prince, mon avion est tombé en panne 24h vendredi dernier.
Comme dans l'histoire du Petit Prince, j'ai croisé un serpent devant l'école il y a une semaine (idem dans L'Enfant noir de Camara Laye).
Alors, j'ai compris pourquoi Lydia et moi, nous sommes allés sur la tombe de Dadapierre mercredi dernier (sur une bouteille remplie de cailloux, on lisait "de la part des enfants de Ramena")
j'ai compris que comme Philippe M., comme Dadapierre, Yves et Christian, vous avez un peu d'avance, vous nous aidez à ne pas oublier que notre départ à nous est juste un peu retardé, il est pour
bientôt, vous nous aidez à vieillir, à mourir, donc à vivre.
Christian
la 2cv de Yves
la tombe de Dadapierrre au Tampon (19 sept 2012)
Ce Boeing 737, en retard d'une 1h, en provenance de Dzaoudzi, va m'emmener à Saint-Denis (17 sept 2012), mais 4 jours plus tard, il est en panne. Retour à Diego reporté de 24h.
baie de Sakalava (1er septembre 2012)
serpent devant l'école des lionceaux (14 septembre 2012)