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14 janvier 2009 3 14 /01 /janvier /2009 13:56

Conversation avec Paul Vergès - 2/4 -
« La richesse de l'apport de tous »
Le journaliste et intellectuel réunionnais Patrick Singaïny, qui vit et travaille en Martinique, a rencontré Paul Vergès le 20 août dernier pour une longue interview. Nous continuons à reproduire de larges extraits de cet entretien, publié par des confrères antillais (voir notre édition de samedi dernier). Dans le premier volet, paru donc samedi, il a surtout été question de la célébration du 20 Décembre, du 10 Mai et de la mémoire historique à cultiver autour de l'esclavage et du marronnage. Pour Paul Vergès, un des symboles forts de cette lutte des Réunionnais pour la liberté est le piton Cimendef, du nom de cet esclave marron qui signifie en malgache : « Celui qui ne courbe pas la tête »...
Patrick Singaïny : Donc, pour vous, la sérénité du moi ne peut être qu'une chose que l'on prend, que l'on arrache ?

Paul Vergès : C'est une chose que l'on revit en soi. Il s'agit d'un processus relativement inconscient.
Le premier signe de barbarie de l'espèce humaine se manifeste quand on se regarde sans connaître l'autre et qu'on le juge par la couleur de sa peau. Cette attitude a prévalu pendant des siècles.
Or, celui qui est sous le regard de l'autre, sous sa domination politique, physique, souvent violente, intègre cette dévalorisation. L'ambiguïté du métissage, c'est qu'il n'est pas reconnu comme valeur propre à la rencontre de deux êtres.
Parfois, le métis se sent fier d'avoir en lui une part de l'être perçu comme supérieur. On classe les gens selon des degrés différents de métissage. C'est une des valeurs les plus réactionnaires que je connaisse. Il faut la combattre jusqu'à la faire disparaître.
Une victoire inconsciente des Réunionnais, c'est qu'aujourd'hui, quand on demande à un Réunionnais ce qu'il est, il ne répondra pas qu'il est une couleur ; il dira : « je suis métis » ou « réunionnais ». C'est le début d'une prise de conscience de la richesse que représente l'apport de tous, sans que l'un ou l'autre soit privilégié.
Le passage au statut de Département

Quand on considère l'épopée de la conquête de la départementalisation, on est surpris, d'emblée, de découvrir que le cadre culturel de la lutte anticoloniale est paradoxalement franco-français.

Quand on est parvenu à vouloir abolir les étouffantes inégalités sociales, on s'est tourné instinctivement vers le modèle de la "métropole". Ce sont les luttes ouvrières de là-bas qui ont inspiré cette partie des salariés de La Réunion qui englobaient toutes les couches sociales, ouvriers agricoles, petits agriculteurs, ouvriers d'usines, cheminots, dockers...
Avec les grandes luttes du Front populaire est née simultanément à La Réunion et aux Antilles la revendication qui devait permettre en un seul acte d'acquérir toutes les lois sociales en vigueur en France : le passage au statut de Département.
Nous étions certes des citoyens français ayant le droit de vote, mais soumis au régime des décrets. On ne pouvait étendre les lois françaises que par décret du Ministère des Colonies. Les forces anticolonialistes ont donc pensé que si on abolissait ce régime des décrets et qu'on obtenait la pleine citoyenneté par la départementalisation, on aurait automatiquement le bénéfice égalitaire de ces lois.
Cette revendication portait en elle une contradiction qui s'est révélée ultérieurement, mais qui était alors masquée par l'ampleur de la conquête sociale. Si à La Réunion la loi était portée par Raymond Vergès - mon père - et par Léon de Lépervanche, c'étaient aux Antilles Aimé Césaire et Léopold Bissol, Gaston Monnerville en Guyane.
Les bénéfices de ces conquêtes, qui ont changé nos sociétés, ont primé sur les dangers que comportait cette réforme de caractère assimilationniste. Cette ambiguïté est d'ailleurs incarnée par Aimé Césaire lui-même, rapporteur de la loi du 19 mars 1946, lui qui avait déjà livré cet écrit fondamental qu'est "Le Cahier d'un retour au pays natal" (1939) et réveillé ainsi toute la société martiniquaise.
Une contradiction toujours portée par nos sociétés
Aimé Césaire a déclaré qu'il avait créé le néologisme "départementalisation" en remplacement du mot "assimilation" en songeant qu'avec un tel aménagement, il aurait été possible d'y revenir afin de faire évoluer le processus.

Il portait cela en lui. Cela explique à la fois la revendication d'autogestion du Parti Progressiste Martiniquais et celle d'autonomie du Parti Communiste Martiniquais qui ont abouti finalement à la revendication d'autonomie de nos pays. On essayait de concilier les conditions d'une intégration, notamment sociale, et le respect de l'identité propre de nos peuples. Cette contradiction est toujours portée par nos sociétés, dans des conditions autres.
(à suivre)
• Les inter-titres sont de notre Rédaction.
« La richesse de l'apport de tous »
Témoignages du lundi 5 janvier 2009 (page 3)
http://www.temoignages.re/article.php3?id_article=34360



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14 janvier 2009 3 14 /01 /janvier /2009 13:31
Interview entre Patrick Singaïny (intellectuel rényoné qui travaille en Martinique) et Paul Vergès Président du Conseil régional le 20 août 2008, publiée dans la presse antillaise

Patrick Singaïny : Pourquoi fêter le 10 mai alors que nous avons notre 20 décembre ?
Paul Vergès : Nous fêtons avec raison, dans nos îles, à des dates respectives, l'abolition de l'esclavage en exaltant nos luttes propres. Mais l'Hexagone, quelle date devait-il commémorer pour montrer qu'il rompait avec son passé colonial ?
On a beaucoup trop exalté 1848 comme un apport du peuple français, certes réel, à l'abolition de l'esclavage. Mais ce qui a été aboli a auparavant été institué. Et par qui l'esclavage a-t-il été instauré ? Il manquait la reconnaissance, par le pays colonisateur lui-même, de sa responsabilité dans l'établissement de ce régime inhumain.
Le 10 mai est une date nationale qui ne doit pas effacer le 20 décembre réunionnais, au contraire ! Le 10 mai marque le début d'une connaissance et d'une réappropriation de ce passé esclavagiste par le peuple français d'aujourd'hui, qui n'est pas responsable de ce qui s'est passé, mais qui doit s'interroger sur cet héritage tout de même constitutif de la France contemporaine.
Dans l'histoire de France, on ne doit pas seulement exalter des événements comme Valmy, la Révolution de 1789, etc...
Mais alors pourquoi, à La Réunion, fêter le 10 mai ?
Ici, notre date fondamentale est le 20 décembre. Mais le 10 mai signifie que, pour la première fois, les représentants du peuple de France ont reconnu à l'unanimité l'esclavage - institué par tous les peuples européens et d'autres - comme un crime contre l'humanité. Le peuple français doit célébrer cet acte. Ce n'est pas le point final, mais une étape nécessaire, au-delà de notre propre célébration.
Il est important que l'instauration de l'esclavage, sa prolongation par Napoléon, puis son abolition soient reconnues et étudiées comme une partie intégrante de l'Histoire nationale française. Il est important que cela fasse partie du fonds commun de la culture française. (1)
Pourquoi devrait-on éduquer les Français hexagonaux ? Pourquoi est-ce à nous d'assurer cette éducation ?

Nous, peuple réunionnais ? Nous n'avons pas mission d'éduquer le peuple français...
C'est pourtant ce que nous sommes souvent amenés à faire. Par exemple, Françoise Vergès, dans ses missions à la tête du Comité pour la mémoire de l'esclavage, se voit obligée de refaire constamment un travail pédagogique sur ces questions.
Tout bien considéré, c'est un service que les ex-colonisés rendent au colonisateur ; service que, en réalité, ils se rendent à eux-mêmes. En cela, nous percevons bien que sur le plan culturel, nous sommes dans un état de réflexion autrement plus avancé que lui.

C'est certain. Ma question suivante se veut plutôt philosophique car il m'a semblé que, par certains côtés, vous vous y adonnez. Marronnage, lutte, dépassement... : existe-t-il selon vous une autre voie pour acquérir sa sérénité, son soi ?
Nous n'avons pas fini d'étudier cette véritable épopée des Noirs marrons. On imagine difficilement ce que cela représente : des gens ont été déportés de leur patrie sans aucun espoir de la retrouver, mais ils étaient tellement attachés aux valeurs de liberté humaine qu'ils se sont exilés sur les hauteurs de l'île.
Les Mozambicains et les Malgaches de la côte ont dû aller dans les montagnes et affronter les températures extrêmement fraîches pour y survivre. Ils ont vécu sans moyens matériels ; ils ont été constamment pourchassés. Ils ont maintenu de génération en génération le flambeau de la liberté. Ils représentaient vraiment les personnes libres, sans commune mesure avec la liberté dont pouvaient se prévaloir leurs propriétaires esclavagistes. C'est dans leur camp que s'est battue durant près de deux siècles la liberté, et qu'y a survécu la dignité humaine. La diversité du peuplement ne permettait certes pas de créer une sorte de réalité institutionnelle étatique. Ils sont donc restés en groupes nomades.
Je vis dans la région du Port et de La Possession. J'éprouve une satisfaction fantastique à voir le piton Cimendef, réputé inaccessible et qui porte le nom d'un esclave malgache parti marron.
Cimendef signifie en malgache « Celui qui ne courbe pas la tête ». Isolé là-haut avec sa femme, il était l'exemple de l'homme libre pour tous les esclaves. Je ne connais pas de nom plus exaltant que « Celui qui ne courbe pas la tête ». Dans un univers esclavagiste, ce nouveau nom ne pouvait être qu'extraordinaire.
(à suivre)
« Nous n'avons pas fini d'étudier l'épopée des Noirs marrons »
Témoignages du samedi 3 janvier 2009 (page 3)
http://www.temoignages.re/article.php3?id_article=34354

(1) Remarque personnelle :

Si jusqu'au 20 décembre 1948, il était interdit aux réunionnais de célébrer l'anniversaire de l'abolition de l'esclavage (voir notre billet du 20 décembre dernier "20 décembre 1848"), on dirait qu'aujourd'hui, avec l'actuel Président de la République pourtant peu enclin à la repentance, c'est l'excès inverse qui risque de se produire. A preuve cet entrefilet du Quotidien de la Réunion du 11 mai 2008 :

LE 23 MAI, "UNE JOURNEE COMMEMORATIVE"

Le président Sarkozy a souligné hier que le 23 mai serait "une journée commémorative" de l'abolition de l'esclavage pour les associations qui regroupent les Français d'Outre-mer de l'hexagone et souhaitent "célébrer le passé douloureux de leurs aïeux". Le chef de l'Etat a fait cette déclaration lors du discours prononcé dans les jardins du Luxembourg à Paris, au cours de la cérémonie en mémoire de l'esclavage et de son abolition. Cependant le choix du 10 mai par son prédécesseur, Jacques Chirac, avait été contesté par les principales associations de Français originaires d'Outre-mer. Des associations et des partis, comme le PS, militaient pour le 23 mai, date d'une marche qui avait réuni en 1998 à Paris 40000 Français originaires des Antilles, de Guyane et de la Réunion. Bon nombre d'associations ultra-marines continuent à boycotter la date du 10 mai, jugée par elles illégitime. Dans une circulaire du Premier ministre début mai, l'Etat a finalement décidé de reconnaître le 23 mai comme date commémorative en métropole pour les associations regroupant les français d'outre-mer.


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14 janvier 2009 3 14 /01 /janvier /2009 12:24
“Si les Mahorais disent “oui”, le processus sera enclenché immédiatement”
CLICANOO.COM | Publié le 8 janvier 2009
Après une halte à la Réunion, le secrétaire d’État à l’Outre-mer entame aujourd’hui une visite de deux jours à Mayotte afin de préparer le référendum du 29 mars sur la départementalisation. Yves Jégo veut surtout expliquer “la feuille de route” du gouvernement. Et répéter que le processus sera long et progressif.
Quel est l’objectif de votre visite ? Avez-vous le sentiment d’arriver avec un cadeau de Noël historique pour les Mahorais ? Yves Jégo : “Cette visite, la quatrième pour moi en 9 mois, suit de quelques semaines la réunion que le Président de la République a tenue avec les élus sur le sujet essentiel de l’évolution statutaire de l’île. J’ai conscience de l’importance de l’enjeu pour les Mahorais qui attendaient ce rendez-vous depuis tant d’années. Il s’agit tout simplement de tenir les engagements du Président Sarkozy et de préparer l’avenir sur une base claire et connue à l’avance.
La Départementalisation de Mayotte est inscrite dans la loi. Pour l’Etat, l’impression est qu’il s’agit d’un mariage forcé alors que chez beaucoup de Mahorais on parle d’histoire d’amour... Il n’y a aucune contrainte de part et d’autre dans le dossier de la départementalisation. Bien au contraire, je rappelle que c’est l’Etat, par la voix du Président de la République, qui a initié le processus actuel, ce qui a permis au conseil général de Mayotte de se prononcer clairement sur la départementalisation. La délibération du conseil général du 18 avril a été suivie par une réflexion locale, par de nombreux échanges que j’ai conduits avec les élus et par un intense travail interministériel. Aujourd’hui, il s’agit que les Mahorais, dont la volonté sur ce sujet a été constamment réaffirmée par leurs élus, fassent un choix en toute connaissance de cause. La feuille de route que je viens leur présenter nous engagera tous pour les années à venir. Il n’y aura pas de surprise : si les Mahorais le décident, le gouvernement proposera ensuite au Parlement dès cet été des textes qui déclineront ce document. Et si, comme cela est toujours possible, les Mahorais ne le souhaitaient pas, l’État poursuivra, comme nous le faisons depuis des années, un partenariat renforcé et dynamique avec Mayotte qui garderait alors le statut de collectivité d’Outre-mer au sein de la République. L’amour exige plus que des discours langoureux, il exige, pour être durable, de se fonder sur un pacte de vérité.
La très grande progressivité (de 20 à 25 ans) de la mise en place des nouvelles prestations sociales, notamment l’instauration du RMI, ne risque-t-elle pas d’être mal accueillie à Mayotte et d’accroître les frustrations de la population ? La départementalisation de Mayotte sera progressive et adaptée, Nicolas Sarkozy l’a écrit aux Mahorais dans sa lettre de campagne électorale. Dois-je rappeler qu’en métropole et dans les DOM toutes les prestations qui existent aujourd’hui n’ont pas été créées en un jour. Elles sont le résultat de politiques successives, d’avancées sociales. Il faut surtout prendre garde à ne pas bouleverser la structure et l’équilibre social à Mayotte. Nous ne voulons pas non plus, en mettant en place brutalement certains dispositifs, accroître de façon insupportable les charges qui pèsent sur les entreprises et les salariés pour les prestations dont le bénéfice est lié aux cotisations prélevées sur les entreprises. Toutefois, dès 2010/2011, les allocations pour les personnes âgées, pour les adultes handicapés seront augmentées, de même pour les allocations familiales. Et puis nous allons faire un effort pour le logement puisque l’allocation logement actuelle verra son niveau aligné sur celui de la métropole et des DOM en 2010/2011 et que nous prévoyons de créer une allocation de logement social qui n’existe pas encore à Mayotte. Vous le voyez, si les Mahorais disent oui, le processus n’attentera pas 20 ans il sera enclenché immédiatement.
Combien l’État investira-t-il dans les retards structurels de l’île ? Lesquels vous semblent prioritaires ? Combien “coûtera” la Départementalisation à l’État par rapport à ses transferts financiers aujourd’hui et au contrat Etat-Mayotte pour la période 2008-2014 ? L’Etat a d’ores et déjà prévu d’investir 340 millions d’euros entre 2008 et 2014, c’est l’engagement du contrat de projet, qui concerne de nombreux secteurs et notamment les infrastructures dont a besoin Mayotte pour se développer. Mais évidemment, Mayotte va bénéficier aussi des mesures d’investissement du plan de relance. Par ailleurs, dans la feuille de route nous prévoyons la création d’un fond spécial dédié à Mayotte.
Pensez-vous que la Départementalisation s’accompagnera d’une ruée d’investisseurs extérieurs sur l’île ? Le monde économique réunionnais semble idéalement placé pour se lancer dans l’aventure... J’espère bien sûr que Mayotte va d’avantage s’ouvrir sur l’extérieur et prioritairement sur l’océan Indien. Les investisseurs réunionnais sont les bienvenus ! Mayotte offre de réelles opportunités pour le tourisme, l’aquaculture, l’agriculture ou encore les nouvelles énergies. Nous voulons enclencher une nouvelle dynamique économique pour créer de l’emploi local et de la richesse.
Certains détracteurs de la départementalisation - ils ne sont pas nombreux - reprochent à la départementalisation de créer une société basée sur l’assistanat et la consommation. En clair de gommer l’identité mahoraise. Que répondez-vous ? Je ne veux pas rentrer dans la campagne électorale. L’Etat est neutre dans ce scrutin. Nous ferons une campagne d’explication pour que chaque Mahorais connaisse et mesure bien les enjeux de son choix. Mais ce n’est pas à moi d’argumenter en faveur d’une option ou d’une autre. Il est clair que la départementalisation, si elle est choisie, va créer un bouleversement avec de nouveaux droits et de nouveaux devoirs, et qu’il faudra que chacun s’adapte.
La fin de la justice cadiale va bouleverser l’organisation et les traditions mahoraises. Ne craignez-vous pas de fortes résistances ? Les cadis sont-ils prêts à ne jouer qu’un rôle de “médiation sociale” ? Plus généralement, les nouvelles règles voulues par l’Etat sur l’égalité homme-femme ou les exigences dans la maîtrise du français ne vont-elles pas accentuer ces résistances ? J’évoquais à l’instant les nouveaux droits et les nouveaux devoirs liés à la départementalisation. Le maintien de la justice cadiale est incompatible avec un processus de départementalisation. Ce qui est possible c’est de rendre la justice sur la base des textes qui fondent le statut de nombreux Mahorais. C’est ce que l’on appelle le statut personnel, qui est garanti par notre constitution. Les magistrats de l’ordre judiciaire ont tout à fait la capacité à rendre la justice sur ces bases. S’agissant de la place des femmes dans la société mahoraise je sais que leur rôle est essentiel, et j’ai d’ailleurs prévu pendant mon séjour à Mayotte une rencontre spécifique avec leurs représentantes. L’alignement de leurs droits sur celui des hommes, notamment pour le mariage, est une évolution inséparable de l’idée de départementalisation. Sur ces sujets il faut que chacun soit informé des conséquences de son vote et puisse alors décider librement et en toute conscience.
Pensez-vous que la départementalisation, qui sera longue à mettre en place, va contribuer à un retour au pays des Mahorais installés en métropole ou à la Réunion ? La départementalisation, si elle est choisie, débutera très rapidement avec une élection en 2011. Je me réjouirais si ce processus permettait à de nombreux Mahorais de revenir à Mayotte et d’y développer de l’activité. L’une des forces de Mayotte c’est en effet cette diaspora qui souvent a réussi en dehors de l’Île.
La départementalisation risque de démultiplier l’immigration clandestine à Mayotte, en provenance des autres îles comoriennes et d’Afrique de l’Est. La France n’est-elle pas en train de construire le rocher de Monaco au milieu d’un océan de misère ? Nous aspirons au développement de toute la région, c’est le sens de la visite que j’ai effectué il y a quelques mois avec mon collègue Alain Joyandet en charge de la coopération au Gouvernement. Nous avons rencontré le Président de l’Union des Comores et j’ai bon espoir que les travaux du Groupe de travail de haut niveau aboutissent dès 2009 à de nombreux accords bilatéraux pour permettre à la fois de faire évoluer dans le bon sens la question migratoire mais aussi d’envisager les bases d’un nouveau développement partagé des quatre îles sœurs de l’archipel. Mais la question de la départementalisation ne changera pas grand-chose à la nature de ces questions qui demeureront cruciales quelle que soit la décision des Mahorais en mars prochain.
Pour beaucoup de Comoriens, “Mayotte est comorienne et le restera à jamais”. Comment expliquez-vous au président de l’Union qu’un référendum va avoir lieu ? J’ai rencontré au Québec au sommet de la francophonie le président Sambi et j’ai eu l’occasion de lui dire que cette consultation sur la départementalisation n’était en rien liée à ce débat. Les Mahorais ont fait un choix il y a 35 ans. Chacun doit respecter ce choix comme chacun doit respecter le choix différent fait par les autres îles.
Les investissements français aux Comores, les mesures prises dans le cadre du groupe de travail seront-elles suffisantes pour empêcher le déferlement de kwassa ? Nous continuerons de lutter contre l’immigration irrégulière avec des moyens renforcés et nous mettrons aussi l’accent, dès cette année, sur une lutte sans pitié pour ceux qui embauchent des clandestins et favorisent ainsi la poussée migratoire. J’ai demandé aux autorités d’être extrêmement sévères sur ce point. Les pistes que nous explorons dans le cadre du groupe de travail de haut niveau entre la France et les Comores pour favoriser les échanges réguliers entre les deux pays sont plus que jamais d’actualité. C’est bien par le développement des échanges commerciaux, économiques, culturels que la création de richesses et d’emplois dans les pays voisins, contribuera à maintenir leur population chez elles.”
A Mayotte, en brousse, “on n’est pas naïfs”
“Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, les Mahorais ne veulent pas la départementalisation pour le RMI ou les allocations. Ils la veulent parce qu’ils souhaitent être Français à part entière”, répètent régulièrement les élus mahorais, à commencer par le député Abdoulatifou Aly. Ils n’ont pas tort : le départementalisme effréné des Mahorais est bien plus profond que cette considération, même si, dans les villages, elle fait partie des priorités… Ouangani, en fin de matinée début décembre. Les ruelles grouillent de monde : les mères s’apprêtent à aller chercher leur enfant à l’école, les vieux reviennent des champs, les jeunes poursuivent leurs palabres. Autant de personnes placées dans la catégorie “inactifs” dans les statistiques officielles. Dans ce village du centre de Mayotte comme dans tous les autres, les hommes qui n’ont pas de travail sont légion. Pour eux, le département sonne comme une deuxième chance. “Moi, j’ai arrêté mes études au collège. Après, j’ai erré de formation en formation. Je n’ai aucun diplôme. Je n’ai jamais travaillé. Alors, bien sûr, que j’espère qu’avec le département, on aura droit au minimum pour vivre ici”, affirme sans hésiter Madjid, 25 ans. Il dit s’en sortir “grâce à la solidarité familiale”. “Mais pour combien de temps encore ?” s’inquiète-t-il. Selon son compagnon de palabres, Kamel, “beaucoup de Mahorais attendent de la départementalisation qu’elle nous offre les mêmes chances qu’en métropole. Pas seulement au niveau des allocations, mais aussi au niveau de l’éducation. Parce que si nous en sommes là nous, à discuter toute la journée au lieu de travailler, c’est parce qu’on n’a pas eu la même chance que les enfants de métropole ou des DOM.” Avec ce nouveau statut, croient-il savoir, ce sont des moyens financiers en plus qui alimenteront l’économie locale et les administrations.
“Comme une deuxième religion”
Quelques kilomètres plus loin, à Sada, Fatima, 33 ans, mère de trois enfants, espère elle aussi que ce fameux statut rimera avec RMI. “Cela permettra de stopper le départ de toutes les femmes à la Réunion ou en métropole. Rien que dans le quartier, il doit y en avoir 4 ou 5 qui sont parties faire “femme seule” à la Réunion ces derniers temps. Si le RMI est ici, alors elles reviendront.” Elle aussi y a pensé, mais elle a préféré rester. Elle ne se fait cependant guère d’illusions. “On n’est pas naïfs non plus. On a bien compris que la France ne nous donnera pas tout dès le début Le RSA ne sera applicable qu’en 2012, ndlr. Elle fonctionne comme ça depuis quarante ans. Mais on le veut quand même ce département. C’est une question d’honneur. On est français ou on l’est pas ! “ Le souhait du département est ainsi plus profond que la seule volonté d’obtenir plus de subsides de l’Etat. “On nous réduit souvent à de futurs gros consommateurs d’allocations. Peut-être. C’est vrai qu’il y a un grand nombre de potentiels chômeurs ou RMIstes. Mais cela ne veut pas dire qu’on veut la départementalisation uniquement pour cette raison”, assure Jihad, instituteur à Chiconi. “Pour les Mahorais, la départementalisation est surtout une assurance de ne plus jamais revenir dans le giron des Comores”, tranche-t-il. “Ce n’est pas une question d’attachement aux valeurs de la République, comme veulent le faire croire nos élus”, estime un de ses collègues, qui a tenu à garder l’anonymat. “Nous, on est musulmans et on croit en des valeurs musulmanes, pas françaises. Mais c’est une question d’égalité. Nos parents ont voulu être français ; nous le voulons aussi. Pourtant, nous ne le sommes toujours pas et nous vivons toujours sous le joug d’une administration coloniale. Seule la départementalisation permettra d’en finir avec ça et avec les patrons voyous.” “Réduire la volonté des Mahorais à une simple question financière est une sorte d’insulte”, pense Mlaïli, un enseignant de Chirongui, au sud. “Depuis tout petit, on nous apprend que le département est le statut qu’il nous faut. C’est ancré en nous ! Comme une deuxième religion. Certes, on le sait, avec un département, ce sont plus de sous qui arriveront. Mais pour nous, cela va plus loin”. Fabien Dombre, à Mayotte
http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=199408&page=article

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14 janvier 2009 3 14 /01 /janvier /2009 12:23
Pour documenter ceux qu'intéresse le référendum sur la départementalisation de Mayotte, je copie-colle un article récent de Clicanoo/JlR
Mayotte : les enjeux du référendum
CLICANOO.COM | Publié le 7 janvier 2009
DÉPARTEMENTALISATION -Yves Jégo, secrétaire d’État à l’Outre-mer, se rend demain à Mayotte pour y préparer le référendum du 29 mars sur la départementalisation. Ce devrait être l’une des dernières étapes d’un processus qui se fait désirer depuis cinquante ans. Quelques clefs pour comprendre ce moment historique.
 Pourquoi un référendum le 29 mars ? La demande des élus mahorais remonte à 1958 alors même que les Comores appartiennent encore aux colonies françaises. Face à cette revendication répétée mais jamais prise en compte par les gouvernements successifs, le Premier ministre Lionel Jospin commande en 1998 un rapport qui débouche sur la signature, le 27 janvier 2000, des “Accords sur l’avenir de Mayotte”. Le document prévoit que “l’appartenance de Mayotte dans la République française s’inscrit dans la Constitution”. Ce qui est le cas depuis 2003. De collectivité territoriale, Mayotte devient une collectivité départementale pour une durée de dix ans permettant le passage vers le droit commun. La loi prévoit que le conseil général de Mayotte pourra adopter en 2010 une résolution portant sur la modification du statut de l’île. En 2004, le conseil général récupère des compétences dévolues à l’Etat. Et, en 2008, la plupart des lois et règlements en vigueur en métropole sont applicables à Mayotte. En 2006, Mansour Kamardine, alors député, obtient du président Chirac l’avancement en 2008 de la consultation des Mahorais. Une résolution du conseil général est votée le 18 avril 2008 demandant au gouvernement d’organiser le fameux référendum. Entre-temps, le candidat Sarkozy s’était engagé en mars 2007 à respecter la parole du gouvernement. Le 16 décembre dernier, les élus mahorais sont invités à L’Élysée pour prendre connaissance de la “feuille de route” tracée par le gouvernement. Nicolas Sarkozy leur annonce que le référendum aura lieu le 29 mars 2009.
Quel est le calendrier retenu par le gouvernement ? Si les Mahorais votent “oui”, leur île ne sera pas, le soir du 29 mars, le cinquième département français d’outre-mer et le 101e département français. Il leur faudra attendre avril 2011 et l’installation d’une nouvelle assemblée unique résultat d’élections prévue début 2011. Le processus sera “long et progressif”. “Nous voulons des évolutions réalistes et acceptées car expliquées. Cela nécessite du temps”, souligne bien le “Pacte pour la départementalisation de Mayotte” rédigé par le gouvernement. Le calendrier fixe une série d’échéances. Il est prévu jusqu’à 2011 l’adoption d’une série de textes législatifs et réglementaires prévoyant les adaptations nécessaires à Mayotte au droit commun. S’agissant des prestations sociales, le gouvernement “considère qu’il n’est ni possible ni souhaitable de les verser immédiatement au même taux qu’en métropole ou dans les DOM”. Le RMI, l’allocation de parent isolé et allocation de solidarité spécifique, se situeront “à compter de leur mise en place en 2012, à environ un quart de ce qu’elles représentent en métropole ou dans les DOM”. La montée en charge de ces prestations “sera ensuite progressive sur une période de 20 à 25 ans, éventuellement plus rapide en fonction du rythme de développement économique de Mayotte”. La fiscalité de droit commun (taxe d’habitation, taxe foncière, taxe sur les ordures ménagères...) entrera en vigueur au 1er janvier 2014.
 Pourquoi un tel attachement des Mahorais au département ? Dans un article publié par le mensuel Kashkazi (n°59, janvier 2007), le journaliste Rémi Carayol analyse comment la revendication départementaliste ressemble à une religion. Une revendication qui se transmet de génération en génération. “Le statut de département fait figure de Graal à atteindre coûte que coûte - un Graal qui permet souvent aux élus de se dédouaner de leurs insuffisances et de détourner l’attention des électeurs”. Interrogé par le journal, Bacar Ali Boto, l’un des rares hommes politiques mahorais à s’être prononcé contre, explique qu’on ne peut que difficilement remettre en cause la départementalisation. “Quand on est contre, on est banni, c’est un sacrilège, mieux vaut pêcher, Dieu pardonnera, que s’opposer au département”. Dans Kashkazi, le député Abdoulatifou Aly souligne que les Mahorais veulent avant tout le droit commun. “Il est fondamental de demander la dignité d’être des Français comme tous les autres. Aujourd’hui, cette dignité, les Mahorais fuient la Réunion ou en métropole pour la trouver car, là-bas, ils jouissent totalement de la citoyenneté française et européenne”. Pour les Mahorais, la départementalisation représente surtout un ancrage définitif dans la République face à l’Union des Comores qui revendique ce territoire. Abdoulatifou Aly explique aussi qu’il s’agit “d’un réflexe sécuritaire pour nous protéger des autres îles”. Exprimant un sentiment partagé par beaucoup, le député dit se méfier des gouvernements français “qui font sans cesse des reculades” (pour en savoir plus, lire sur le site du CRESOI des articles sur l’histoire de Mayotte http://www.centre-histoire-ocean-indien.fr).
 Le résultat du référendum peut-il réserver une surprise ? La seule incertitude du référendum n’est pas de savoir si les Mahorais voteront “oui” mais dans quelle proportion. En 2000, 72,94% avaient voté en faveur des accords de Paris avec un taux de participation de 76%. Et la plupart de ceux qui avaient voté “non” estimaient que le processus de départementalisation était trop long à se mettre en route. L’attente est donc énorme. Dans ses voeux pour 2009, “année de la départementalisation”, le président du conseil général Ahamed Attoumani Douchina, a souhaité aux Mahorais de “vivre leur rêve, un rêve qui est né il y a plus de cinquante ans”. Mais certains intellectuels critiquent la vision paradisiaque du département reprochant à leurs compatriotes de n’être attirés que par l’argent des prestations sociales et une société d’assistanat. Les critiques visent aussi les coups portés à la culture et aux traditions mahoraises et le déluge de lois et de règlements auxquels doit se plier désormais Mayotte.
 La départementalisation de Mayotte va-t-elle provoquer un nouvel afflux de clandestins ? L’arrivée encore plus régulière de kwassa-kwassa, la perspective de dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants qui périssent en mer : c’est évidemment ce que craignent par-dessus tout le gouvernement français et les autorités mahoraises. Avec la départementalisation, le niveau de vie va encore progresser dans l’île française. Ces dernières années, le SMIC y a régulièrement augmenté. Le 1er juillet 2010, il doit représenter 85% du SMIC national. Mayotte sera encore plus attractive pour un pays aussi pauvre que les Comores. Paris veut donc éviter “un nouvel appel d’air qui aggraverait l’immigration irrégulière”. Dans son “Pacte pour la départementalisation”, il prévient que des outils juridiques adaptés à la situation mahoraise sont nécessaires et veut rassurer les élus locaux. Autrement dit, le gouvernement se montrera encore plus ferme dans sa politique et compte bien dépasser les 16 000 expulsions par an. Mais les méthodes employées par les autorités françaises sont pointées du doigt. Amnesty International a condamné la France fin décembre après la vidéo du centre de rétention de Pamandzi où l’on voit des sans-papiers entassés les uns sur les autres. Afin de “dissuader les flux illégaux”, Paris veut également mettre en avant la coopération économique et la recherche d’un accord, à travers le Groupe de travail de haut niveau (GTHN) sur la circulation des biens et des personnes entre Mayotte et les Comores. Optimiste, Yves Jégo affirme avoir jeté les bases d’une “nouvelle entente” entre les deux pays après son voyage en mai dernier.
 Qu’est-ce qui va changer pour la société mahoraise ? De nouveaux impôts. L’instauration d’une fiscalité de droit commun sera le revers de la médaille pour les Mahorais. Ceux-ci devront s’acquitter de nouveaux impôts qu’ils ne payaient pas jusqu’ici : la taxe d’habitation, les taxes foncières et la taxe sur les ordures ménagères. Ces ressources permettront aux 17 communes de l’île de disposer de moyens aujourd’hui inexistants pour assurer leurs missions (aide sociale, logement, assainissement, développement économique etc.). Les communes ne bénéficient actuellement que des transferts de l’Etat et du conseil général. Pour ce dernier, l’enjeu est également primordial, puisque les droits de douanes et l’essentiel des impôts (taxes sur les sociétés et sur le revenu par exemple) n’abonderont plus son budget comme aujourd’hui, mais celui de l’Etat. La fin de la polygamie. L’instauration du droit commun approfondira l’égalité hommes-femmes à Mayotte, notamment dans le mariage. L’âge minimum des femmes pour se marier sera relevé de 15 à 18 ans. Toute référence au tuteur matrimonial devra disparaître. Le mariage religieux n’est pas interdit mais le mariage civil devra avoir été célébré au préalable en mairie. Surtout, les mariages polygames seront formellement interdits, sous peine de sanctions, ce qui constitue une révolution même si la pratique de la polygamie serait en déclin ces dernières années. La fin de la justice cadiale. Élément de la culture mahoraise, la justice des cadis (juges musulmans), obéissant à la loi coranique, sera définitivement abolie car jugée incompatible avec les principes républicains. L’activité notariale des cadis concernant les biens immobiliers a disparu au 1er janvier 2008, celle concernant l’état-civil se limitera à un conseil et non à l’établissement d’actes généraux de droit. Le rôle des cadis, porteurs des traditions et parlant couramment les langues locales, serait recentré sur des fonctions de médiation sociale.
 Quels sont les principaux freins à la départementalisation ? L’état civil : Le casse-tête de la régularisation de l’état civil à Mayotte est un gros frein à la départementalisation. Nombre de Mahorais sont actuellement sans papiers. La CREC (commission de révision de l’état civil), en place depuis 2000 à Mayotte, avait encore en juin 2008 un stock de 14 000 dossiers en attente sans compter les nouvelles demandes. Les délais de traitement varient de 3 à 4 ans. La défenseure des enfants, Dominique Versini, a pointé du doigt une “situation extrêmement préjudiciable” après sa visite à Mayotte en octobre dernier. Sans carte d’identité, ni passeport, ni certificat de nationalité, ces Français d’Outre-mer ne peuvent se déplacer sur le territoire national, ne peuvent poursuivre des études supérieures hors Mayotte. Ils ne peuvent pas non plus se prévaloir de droits sociaux, notamment dans le domaine de la santé, ni de droits électoraux. Le pacte pour la départementalisation assure que “en 2009, la CREC va se renforcer pour accélérer le traitement des dossiers”. Jusqu’ici les moyens humains et informatiques ont été largement insuffisants. L’État s’engage à organiser “une opération générale de recensement de tous les Mahorais”. La langue française : 73 000 élèves sont actuellement scolarisés à Mayotte (contre 8 000 il y a 20 ans). L’État ne veut “pas opposer la maîtrise du français à la culture mahoraise”. Mais, il en appelle aux familles, aux structures locales et “à RFO” pour améliorer la diffusion du français, aux côtés de l’Éducation nationale. Selon le rapport de la défenseure des enfants, les familles parlent “à 70 % le mahorais et à 22 % le bushi”. L’échec scolaire est important. “80 % des jeunes de 6e ne sauraient pas lire”, relève Dominique Versini.
 Quel impact pour l’économie locale ? “La départementalisation doit rimer avec développement économique.” C’est le discours volontariste de l’Etat qui pense que de nouveaux moyens pourraient provoquer “un électrochoc”. “Le but n’est pas de créer un département pour créer un département”, souligne-t-on rue Oudinot. Le contrat de projet pour la période 2008-2014 prévoit 550 millions d’euros d’investissement, notamment avec les chantiers phares de l’extension du port de Longoni et la piste longue de l’aéroport de Pamandzi, ou encore la résorption de l’habitat insalubre. De nouveaux crédits d’Etat viendront compléter ce dispositif. Une chose est sûre les besoins sont immenses en terme d’infrastructures (assainissement, routes, bâtiments publics). Jusqu’à l’an passé, un collège et un lycée étaient inaugurés tous les ans. Le secteur privé doit connaître lui aussi un boom des investissements, notamment en matière de services. Le niveau de vie des Mahorais va augmenter avec la hausse programmée du SMIC, et les nouvelles prestations sociales. Comme cela s’est vu avec la forte poussée des ventes de voitures dans l’Ile aux Parfums, la hausse moyenne des revenus des Mahorais doit entraîner une croissance de la consommation locale.
 Mayotte accédera-t-elle au statut de RUP de l’Europe ? Normalement oui. En devenant Département français, Mayotte pourra prétendre à rejoindre les sept territoires ayant le statut de région ultrapériphérique (RUP) de l’Union européenne, et dont la spécificité est reconnue. Ce qui lui donnerait notamment accès aux riches dotations des fonds structurels comme le Fonds européen de développement régional (Feder) et le Fonds social européen (FSE). Mais la procédure, complexe, suppose entre autres que Mayotte puisse faire face à l’application de l’ensemble des règles communautaires.
 La départementalisation, nouvelle crise en perspective entre Paris et Moroni ? “Mayotte est comorienne et le restera à tout jamais.” L’affiche qui trône à Moroni résume le combat mené depuis l’indépendance en 1975 par beaucoup d’hommes politiques et d’intellectuels comoriens. Pour une très large partie de l’opinion publique comorienne, il est inconcevable que l’île voisine appartienne une fois pour toute à la République française. Après l’épisode Bacar, la perspective du référendum ouvre à coup sûr la voie à une nouvelle crise en Paris et Moroni. Autre certitude, ce scrutin risque d’affaiblir encore un peu plus le président Ahmed Abdallah Sambi auquel beaucoup de Comoriens reprochent de ne pas avoir tenu ses promesses en matière de logement et de lutte contre la corruption. Sans parler du niveau de vie. Le président Sambi doit donc faire face à une forte pression de son opinion publique qui n’accepte pas que les Comores perdent la face. D’autant plus que beaucoup n’oublient pas qu’en septembre dernier, il a retiré de l’ordre du jour de l’assemblée général de l’ONU l’épineuse question de Mayotte. L’autre certitude est que le chef d’Etat comorien ne souhaite pas se brouiller avec la France. Lors du dernier sommet de la Francophonie, on sait qu’Yves Jego l’a rencontré durant plus d’une heure pour lui expliquer que la départementalisation était le fruit d’un processus institutionnel mis en place depuis 2000. Ahmed Abdallah Sambi n’a pas semblé hermétique à ces explications. Reste que le chef d’Etat, qui vient d’obtenir du FMI une enveloppe de 17,5 millions de dollars d’aide d’urgence, ne peut se permettre de tourner le dos à son électorat. Le 28 décembre, à l’occasion de l’avènement de l’an 1 430 de l’Hégire, il a annoncé qu’il allait organiser au premier semestre un référendum pour mener la réforme institutionnelle du pays. Et il a fait savoir qu’il voulait rester un an de plus au pouvoir, jusqu’en 2011.
Dossier : Jérôme Talpin, Bérengère Nauleau, Sylvain Amiotte Photos : JT Demain la suite de notre dossier

 REPÈRES
 LES DATES CLEFS 25 avril 1841 : Mayotte devient colonie française après avoir été sous le joug d’un roi Sakalava de Madagascar. 24 septembre 1946 : Les Comores accèdent au statut de Territoire d’Outre-Mer (TOM). 14 mai : l’assemblée des Comores vote le transfert de la capitale de Dzaoudzi (Mayotte) vers Moroni (Grande Comore). Ce que n’accepteront jamais les Mahorais. 2 novembre 1958 : Réunion des notables mahorais de Tsoundzou qui demandent la départementalisation à Paris. 22 décembre 1974 : Référendum d’autodétermination des Comores (Mayotte dit non à l’indépendance à 65,47 %). 6 juillet 1975 : Déclaration unilatérale de l’indépendance des Comores. 8 février 1976 : Nouvelle consultation de Mayotte (Mayotte souhaite demeurer au sein de la République Française à 99,4 %) 24 décembre 1976 : Mayotte collectivité territoriale. Condamnation de l’assemblée générale des Nations unies et de l’Union africaine. 27 janvier 2000 : Signature “de l’accord sur l’avenir de Mayotte”. 16 décembre 2008 : Nicolas Sarkozy présente aux élus mahorais à Paris le Pacte pour la départementalisation.
 186 500 HABITANTS À MAYOTTE
 Selon le recensement de juillet 2007 de l’Insee, Mayotte compte 186 500 habitants contre 160 265 en 2002. Près de 35% de la population de l’île est constituée d’étrangers. Impossible de savoir combien y vivent de clandestins. En 2004, le taux de fécondité à Mayotte était l’un des plus important de France avec 4,5 enfants par femmes.
 Depuis 2006, plus de 16 000 clandestins sont expulsés chaque année aux Comores.
 Tous les ans, environ 10 000 Mahorais quittent leur île pour s’installer à la Réunion ou en métropole attirés par la qualité de l’enseignement, des soins mais aussi le RMI et les allocations familiales.
 Fin 2005, plus de 35 000 Mahorais étaient installés à la Réunion dont 52% de femmes seules avec des enfants (chiffres de l’ODR). Mais les jeunes Mahorais préfèrent plutôt le départ vers la métropole en raison des problèmes de racisme dans notre île.
http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=199299&page=article
“Si les Mahorais disent “oui”, le processus sera enclenché immédiatement”

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13 janvier 2009 2 13 /01 /janvier /2009 20:04
le logis du prieur

J’étais mercredi dernier dans le Prieuré de Saint-Cosme à Tours, et il ne s’agissait pas d’une simple visite de prof de Lettres. Certes, je me remémore volontiers les souvenirs de la classe de 3è que j’ai conduite là, au printemps 1998, et qui y a chanté des poèmes de Ronsard avec accompagnement de flûtes à bec (sur des musiques commandées par le Prince des poètes à ses amis musiciens) et d’une flûte traversière (bibi). Mais je suis venu si souvent avec ma marraine au Prieuré entre 1958 et 1964 que ce lieu n’est pas pour moi comme les autres. Affreusement défiguré par les bombardements alliés en 1944, il a pourtant gardé des éléments essentiels du XVIè siècle : son réfectoire avec porche en pointes de diamant, son logis prioral, une arcade du transept, ses buissons de rosiers et son atmosphère recueillie. Avant de prendre le trolley, on choisissait entre le jardin botanique (avec Bobby le phoque), le château de Plessis-les-Tours (métiers à tisser et évocation des cruautés de Louis XI), les trains et michelines du haut de la passerelle sncf, le pont de pierre avec la rue nationale, la place du Palais, la rue de Bordeaux et le nain Pépino avec ses cacahuètes, une virée à la Bourrelière à 12 kms en aval (Milo pêchait des ablettes), et le plus souvent : le Prieuré de Saint-Cosme.


arcade du transept



Mercredi dernier, la neige tombée l’avant-veille et la lumière le redessinaient, j’étais seul, la quiétude du lieu rappelait forcément celle que connut Ronsard pendant les 20 dernières années de sa vie (de 1565 à 1585), au point qu’il avait choisi de mourir et d’être enterré dans ce prieuré. En cinquante ans, j’ai vu peu à peu des espaces s’ajouter, des restaurations se réaliser, un accueil toujours mieux assuré. Pendant l’été prochain, j’espère rêver à La Possonnière, le manoir natal à Couture-sur-Loir dans le Loir et Cher où Pierre de Ronsard passa les 11 premières années de sa vie, mais aussi dans les prieurés de Croixval, de Sarceau, de St-Gilles de Montoire, à Talcy, à Bourgueil.



les ombres portées sur le réfectoire sont le travail des muses


L’œuvre de Ronsard est une réflexion sur l’inspiration et la nature du travail poétique. Quatre fureurs permettent à l’homme de s’élever au-dessus de son humanité bornée et éphémère : bachique, amoureuse, prophétique, poétique. C’est bien sûr cette dernière, la fureur d’Apollon, que Ronsard place au-dessus des autres.

La tradition prétend que l’évêque Grégoire de Tours apporta avec lui, en 573, des reliques de St Cosme et de St Damien (saints thaumaturges c’est-à-dire guérisseurs). Plus sûrement, on sait que l’un des 4 chemins menant à St Jacques de Compostelle partait de Tours. Les remparts carolingiens enserraient un espace trop petit pour accueillir tous les pélerins, aussi le prieuré, à partir de sa création officielle en 1012, devint pour eux une auberge appréciée.

En 1480, les prieurs sont nommés directement par le roi : système de la commende (commandare > confier). Le prieur, qui est rétribué, n’est pas tenu de résider dans son prieuré. En 1565, Ronsard reçoit de Charles IX la commende du prieuré de St Cosme. Il y fit de fréquents séjours, y reçut Catherine de Médicis, Charles IX, Cassandre, offrait des melons (appelés pompons) et des fruits de son verger à ses visiteurs.


porche d'entrée du réfectoire avec pointes de diamant




Son cabinet de travail (sa librairie) était une loggia à pans de bois qui donnait sur le chevet de l'église. Ronsard y écrivit les Sonnets à Hélène et La Franciade. Ci-dessous, 3 vues de l'intérieur de ce cabinet. D'un côté, des gravures de Baïf, de Rémi Bellau, d'Etienne Jodelle, de Du Bellay et de Ronsard; de l'autre celles de Dorat et de Pontus de Tyard.





rez de chaussée


copie du portrait (XVIIè) du musée de Blois



1er étage (la chambre)


Vers la fin de la première semaine de décembre 1585, Ronsard, alors âgé de 61 ans, alité à Croixval et très malade (arthrite), fit préparer son coche en osier pour rejoindre St Cosme « afin de jouir de cette dernière félicité d’y mourir et d’y être enterré ».

le coche du dernier voyage

Le temps est si abominable qu’il doit attendre 3 jours pour prendre la route. Le coche progresse lentement dans les chemins boueux et la pluie glacée : un paysage funèbre où tournent des corbeaux, le pays de l’enfance qui s’éloigne dans cette « meschante nuict d’hyver ». Quarante-cinq kilomètres parcourus en 3 jours. A 5h du matin, un dimanche de la mi-décembre, il entre dans la cour de St Cosme. Il a le temps de revoir son verger, ses rosiers, ses buis, son potager, puis il se couche.

 

Je n'ay plus que les os, un Schelette je semble,
Decharné, denervé, demusclé, depoulpé,
Que le trait de la mort sans pardon a frappé,
Je n'ose voir mes bras que de peur je ne tremble.

Apollon et son filz deux grans maistres ensemble,
Ne me sçauroient guerir, leur mestier m'a trompé,
Adieu plaisant soleil, mon oeil est estoupé,
Mon corps s'en va descendre où tout se desassemble.

Quel amy me voyant en ce point despouillé
Ne remporte au logis un oeil triste et mouillé,
Me consolant au lict et me baisant la face,

En essuiant mes yeux par la mort endormis ?
Adieu chers compaignons, adieu mes chers amis,
Je m'en vay le premier vous preparer la place.

 

Derniers vers, sonnet 1

 

Cassandre l’a oublié. Marie est morte depuis longtemps. Hélène se distrait à la Cour. Le 22 décembre, il dicte son testament. Le 26, il dicte deux sonnets et une dernière épitaphe :

Quoy mon ame, dors tu engourdie en ta masse

Quoy mon ame, dors tu engourdie en ta masse ?
La trompette a sonné, serre bagage, et va
Le chemin deserté que Jesuchrist trouva,
Quand tout mouillé de sang racheta nostre race.

C'est un chemin facheux borné de peu d'espace,
Tracé de peu de gens que la ronce pava,
Où le chardon poignant ses testes esleva,
Pren courage pourtant, et ne quitte la place.

N'appose point la main à la mansine, apres
Pour ficher ta charue au milieu des guerets,
Retournant coup sur coup en arriere ta vüe :

Il ne faut commencer, ou du tout s'emploier,
Il ne faut point mener, puis laisser la charue.
Qui laisse son mestier, n'est digne du loier.

 

Il faut laisser maisons et vergers et jardins

Il faut laisser maisons et vergers et jardins,
Vaisselles et vaisseaux que l'artisan burine,
Et chanter son obseque en la façon du Cygne,
Qui chante son trespas sur les bors Maeandrins.

C'est fait j'ay devidé le cours de mes destins,
J'ay vescu, j'ay rendu mon nom assez insigne,
Ma plume vole au ciel pour estre quelque signe
Loin des appas mondains qui trompent les plus fins.

Heureux qui ne fut onc, plus heureux qui retourne
En rien comme il estoit, plus heureux qui sejourne
D'homme fait nouvel ange aupres de Jesuchrist,

Laissant pourrir ça bas sa despouille de boüe
Dont le sort, la fortune, et le destin se joüe,
Franc des liens du corps pour n'estre qu'un esprit.

 

A son âme

Amelette Ronsardelette,
Mignonnelette doucelette,
Treschere hostesse de mon corps,
Tu descens là bas foiblelette,
Pasle, maigrelette, seulette,
Dans le froid Royaume des mors :
Toutesfois simple, sans relors
De meurtre, poison, ou rancune,
Méprisant faveurs et tresors
Tant enviez par la commune.
Passant, j'ay dit, suy ta fortune
Ne trouble mon repos, je dors.

(poème mis en musique par Maurice Ravel, cestuy-là qui a mis aussi en musique les chansons madécasses d’Evariste de Parny NDLR)

 

Il s’éteint quelques heures plus tard, le 27 décembre, vers 2h du matin. A deux pas, la Loire continue de charrier ses glaçons sous les rayons de la lune.

Pierre de Ronsard fut inhumé dans le choeur de la chapelle conformément à ses souhaits. En 1933, grâce à une fouille, on retrouva les restes du poète et on les réintégra dans un cercueil de chêne, sous une nouvelle dalle funéraire, avec pied de roses rouges et cep de vigne dans le gazon proche.




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10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 13:41

On commencera par 2 bonchiens costauds : Shiangha et Cheyenne. Shiangha, 60 kgs, 8 ans, habite ma rue en métropole. Son problème, c'est sa voix. Impossible de chuchoter, dès qu'elle s'exprime, le quartier entier en profite. On verra que le maître de Ty-top, deux maisons plus loin, a trouvé une solution. Cheyenne est le bonchien d'Alex à Cilaos. Il garde le gîte "Clair de lune". Je l'ai photographié le 22 décembre avec "une petite fille déjà grande" comme dirait Flaubert : Sarah qui a 6 ans.

Shiangha
Cheyenne

Ty-top
Ty-top, dit Nouvochien, remplace le bonchien Luis, mort en septembre dernier. Son maître, Bernard a bien connu La Réunion dans les années 60 car il était cuisto sur les navires qui reliaient Le Port au Havre, à Saint-Nazaire ou à Marseille. Ty-top étant fugueur et aboyeur, son maître l'a équipé d'un Petsafe qui lui envoie une décharge électrique s'il aboie.

Pirate
Pirate est un bonchien qui habite à St-Cyr/Loire en Indre et Loire, dont le dressage a été complètement raté par mes neveux, qui raffole du fromage et qui a pour habitude de se précipiter sur tout ce qui bouge : baballe, facteur, moumoute. A ce moment-là, sa maîtresse dit : "Oui Pirate c'est un bonchien". Comme si on pouvait confondre un bonchien avec un papillon.
Après les bonchiens, les moumoutes.

Moumoune
Moumoune habite Saumur depuis 10 ans. C'est un moumoute paradoxal. Au lieu d'habiter chez celui qui l'a élevé et lui a fourni un panier, Moumoune a toujours préféré vivre chez le Colonel J. B. qui est décédé en août dernier à l'âge de 100 ans. Or le Colonel n'a jamais aimé les moumoutes. Pire : Micheline a un jour de 2007 enfermé Moumoune involontairement dans la cave et la pauvre est restée 15 jours sans boire ni manger. Rien à faire, Moumoune continue d'habiter chez le colonel. Elle attend dans le froid les croquettes de Micheline tous les 2 jours et dédaigne celles du voisin pourtant "maître" légitime.

Pepette
Pepette est le moumoute le plus doux et le plus affectueux que j'aie jamais rencontré. Au point que la question se pose, lancinante : sa maîtresse préférée, Sylvie, a-t-elle vraiment mérité de vivre avec un moumoute aussi doux et affectueux ? N'y a-t-il pas quelque injustice ?
Situation opposée : les moumoutes sans maître, qui semblent avoir lu "Le loup et le chien" de La Fontaine : Lachaise, Chanoir et Chagri.

Lachaise
Lachaise vit dans le cimetière du père Lachaise. Il m'a regardé le 25 décembre photographier la tombe d'Evariste Parny et a constaté que je n'ai pas trouvé l'emplacement de celle de son épouse Grâce Vally le 6 janvier. La Conservation exigeait le jour et le mois de décès (12 mai) et je ne me souvenais que de l'année (1820). A suivre.

Chagri et chanoir
Photographiés ici sur le toit de ma varangue, Chagri et Chanoir, SDF notoires, ont un gros défaut : ils rêvent d'agrémenter l'ordinaire des croquettes placées pour eux devant ma porte avec un tartare d'oisillons ou une cuisse de mésange charbonnière. Aussi un long guet par moins 10° ne leur fait pas peur.

Dans 12 jours, nous retrouverons Fripon (et non pas Philippon comme je l'entends dire à La Fontaine) et Grisou. Le Père Noël les a munis d'une clochette le 23 décembre mais dès le lendemain Fripon ne l'avait plus : preuve que le fait de parler créole lui a permis de trouver une aide extérieure pour refuser le cadeau.
Merci à toutes celles et tous ceux nombreux qui m'ont souhaité une bonne année 2009. Je vais avoir du mal à n'oublier personne dans mes remerciements : excuses anticipées. J'ai été étonné d'entendre le Président de la République, le 31 décembre à 20h, dire à la télévision : "A chacun d'entre vous, j'adresse mes meilleurs voeux pour 2009" (j'ai tout de suite pris en note). Si quelqu'un me dit "je te souhaite une bonne santé en 2009", je comprends. Si quelqu'un me dit : "je souhaite qu'en 2009, tes voeux soient exaucés" je comprends. Mais, "je t'adresse mes meilleurs voeux", ou "Meilleurs voeux", je ne sais pas ce que ça veut dire.
Dans le blog de Pierre Assouline, j'ai été très intéressé par le billet du 6 janvier "Un roman que ce blog?"
Assouline y raconte l'engouement de certaine chercheuse en sémio-linguistique des textes et des discours pour la blogosphère. La linguiste tient le blogueur comme "le noeud actanciel d’une foule de locuteurs masqués", le blog d'Assouline serait "un roman dont les intervenautes seraient les personnages" Dès lors, que faire des lecteurs qui, par leurs commentaires, s’estiment co-auteurs d'un blog ? Début décembre, j'ai vu venir à moi dans la cour de mon lycée un groupe de demoiselles élèves de ma classe de seconde 6, un sourire jusqu'aux oreilles : "monsieur, monsieur ! Marion elle a réussi à trouver l'adresse de votre blog !!" (fou-rires de mes interlocutrices) J'ai fait promettre qu'elles ne mettraient pas de commentaires pour m'éviter de passer des heures à lire ceux-ci puisque qu'un blogueur est responsable juridiquement des commentaires. Elles ont promis et tenu parole comme je m'y attendais. Merci à elles. On voit bien par cet exemple que comme j'ignore l'identité des visiteurs (une trentaine par jour) et celles des commentateurs qui usent de pseudos, ce qui s'écrit ici n'est pas un roman. Sauf à changer la définition de ce genre littéraire.

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9 janvier 2009 5 09 /01 /janvier /2009 12:48
Ce n'est pas la première fois qu'il neige dans mon jardin, j'ai pris ces photos (rouge-gorges, pinson, verdiers, chardonnerets, mésanges bleues) depuis 2005.

4 janvier 2009





pic vert               photo : Jacques L

Nuit de neige

La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.


Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.


La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.


Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,
Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant ;
Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.


Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.


Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur oeil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas.

Guy de Maupassant

Au problème du froid, s'ajoute celui de la rareté de la nourriture et de l'eau. Avec mon frère aîné, nous avons vu le 1er janvier dernier, à quelques mètres de nous, dans la banlieue de Tours, un faucon crécerelle fondre sur un traquet motteux et l'emporter dans un nuage de plumes.
Mais, après les frimas, le printemps revient.
Chaque année, depuis 10 ans, j'ai 2 à 4 nichées de mésanges.

photo : Jacques L

4 janvier 2009

Grâce aux nids bois FSC / béton pour hirondelles de fenêtre vendus par la LPO, j'ai eu une nichée de cinq hirondeaux en juin 2006 et en juin 2007. Pourquoi pas en 2008 ? J'ignore la raison. Peut-être une sécheresse entre le Maroc et le Sénégal.






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8 janvier 2009 4 08 /01 /janvier /2009 22:03
Les paysages de notre enfance sont ineffaçables. Je suis passé lundi dernier à la Devinière, près de Chinon. L’émotion était intacte : ciel gris, incroyable ramure effeuillée des noyers au bord de la route dans cette plaine bosselée et moelleuse au fond de laquelle on aperçoit le château de Coudray-Montpensier (où vivait sûrement un géant), corbeaux, neige qui s’apprêtait à tomber, vigne de Pinot blanc, toponymes picrocholins (bile amère) : Le Grand Carroi (lieu de l’affront), La Roche-Clermault, le clos de Seuilly où Frère Jean des Entommeures a égorgeté 13622 soldats sans compter les femmes et les enfants, le gué de Vède (où la jument de Gargantua se soulage), Lerné, enfin et surtout, la maison familiale en tuffeau, propriété de son grand-père Guillaume, intacte depuis un bon demi-millénaire. Âgé d’une douzaine d’années, j’y suis venu à bicyclette avec mon frère, depuis Tours. Le docteur Jack Vivier, qui a créé le musée actuel avec l’aide de son père et de M. Dontenwille et qui est encore le Président des Amis de la Devinière à l’heure actuelle, a soigné mes parents, mes frères et sœurs et moi pendant des années. Peut-être les élèves de 3è (collège de Savenay) qui ont passé une semaine en classe de patrimoine dans l’abbaye de Seuilly en 1997 avec moi se souviennent-ils des fouaces qu’ils y ont fabriquées ?

On sait peu de choses sur Rabelais (impossible de savoir s’il est né en 1483 ou 1494). Mais ce qu’il a écrit, imaginé, pensé, nous reste indéfiniment indispensable. C’est comme si le paysage autour de Seuilly en restait imprégné pour toujours : n’est-ce pas de lui que Alcofribas Nasier s’est inspiré ? La visite de la Devinière donne soif, une soif de connaissances impossible à étancher.


La fuye, percée de 288 cases pour accueillir les pigeons




Le lit avec sa garniture de droguet gris brodé de croix de Malte


le rez de chaussée



Dans son "Guide à l'usage des pélerins de la Devinière", p.13, le Docteur Vivier écrit : "Le Pantagruelion ne fait pas partie, hélas, des plantes cultivées dans le jardin de la Devinière". La tendinite de mon genou gauche m'empêche malheureusement d'aller prendre une photo de pantagruelion, sinon je l'aurais prise pour vous très volontiers ;-) :


Une expo d'art contemporain (plasticiens italiens) a lieu actuellement dans les caves de La Devinière : Voyage à l'intérieur d'un géant.







Dans un petit bâtiment tout proche, on découvre le livre géant de Bernard Noël : _Chronique de la Gruélie_


Bernard Noël, qui a écrit le livre, a eu l'honnêteté de reconnaître que le livre n'est pas de lui ;-) :

"Pantagruel perdit ce livre le jour où il trouva l'usage de son kalibistri. Nous l'avons découvert sous les feuilles mortes de la Devinière et restauré de notre mieux. Il n'existe qu'à un seul exemplaire sans doute commandé par Gargantua pour l'offrir à Pantagruel."

Bernard Noël


Près de l'entrée, un petit bâtiment réunit 11 planches qui font le point sur Rabelais médecin :













La neige tombe : ce tapis blanc eût sans doute ravi le romancier, moine et médecin François Rabelais. J'ai longuement frotté ce panneau sur le Grand Carrois dans le parking pour pouvoir vous le photographier.


Comment les fouaciers de Picrochole prirent une raclée des bergers de Grandgousier. 


http://www.musee-rabelais.fr/

http://www.monuments-touraine.fr/

http://www.artpointfrance.org/besse/page2-22.htm

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3 janvier 2009 6 03 /01 /janvier /2009 15:44

A la suite de l'émission "Le plus grand cabaret du monde" du 31 décembre dernier (sur la 2, regardée avec passion par Mamie), un certain nombre de bonchiens et de moumoutes veulent eux aussi être mondialement connus :


Il s'agit d'abord de Zazi, Yoyo et Crocus, 3 moumoutes qui habitent la Varenne (49) et tiennent compagnie à un bonchien très sympa depuis 13 ans : Mousse.

à gauche yoyo fille de zazi, à droite crocus fils de yoyo

zazi, maman de yoyo, mamie de crocus

mousse

Deux candidats à la célébrité qui habitent Nantes :
Boris : chasse toute la nuit et rentre le matin. Il est rentré le 25 décembre au matin avec un collier rouge. Merci au Père Noël !
Mog : moumoute de 17 ans 1/2, fils de Banghee dite "brain-damaged"
Mog est si vieux qu'il ne peut plus faire sa toilette, aussi il pue, c'est "smelly cat", on le douche en été, on lui met du déodorant en hiver
boris

mog

Il faut le redire : Pierre Loti fit imprimer des cartes de visite libellées ainsi : "Mme Moumoutte blanche, première chatte chez M. Pierre Loti". Il a écrit Vie de deux chattes c'est-à-dire Moumoutte chinoise et Moumoutte blanche. Vivant au milieu des moumoutes toute sa vie (il appelait les petits moumouttes des "mimis"), il était inévitable que les instits des années 1910 et 1920 (lecteurs assidus de Loti) aient chez eux des moumoutes. Ainsi, lorsque j'ai eu sous les yeux avant-hier cette photo des années de 1950, prise chez ma marraine, ai-je reconnu tout de suite la Moumoute historique. Celle qui tournait en rond en essayant de mordiller sa queue et qui a un jour cassé un buste de plâtre après un saut de plus de deux mètres.
Moumoute                   Photo : Milo

Terminons avec une photo de la moumoute qui a vécu de 1996 à 2006 rue de la Belgique et dont les cendres ont été dispersées en Sologne.
Moumoute connue de centaines d'élèves et d'internautes et qui eut 2 fois 5 petits moumoutes. Education sportive :
elle va dans le terrain vague d'à côté chercher une souris en guise de ballon. Les petits moumoutes sont disposés aux différents coins du jardin à 2 ou 3 mètres autour de la souris. Elle donne le départ et les petits moumoutes se font des passes avec la souris et marquent des buts. Au bout de 5', la souris est fatiguée, ne bouge presque plus : moumoute va en chercher une autre et le jeu reprend.

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3 janvier 2009 6 03 /01 /janvier /2009 15:00
Sans connexion depuis 4 jours, il est temps que je souhaite une excellente année 2009 à tous les lecteurs de ce blog!
Que la vie vous soit douce, délicieuse et longue
Que les politiques se rappellent leurs promesses
Que médecins, policiers et juges deviennent inutiles
Que les méchants se suicident
Et que la race humaine cesse de déséquilibrer sa planète !
Je ne serai dans mes pénates que le 21 janvier et d'ici-là, il faudra donc être patient, il n'y aura pas d'article posté chaque jour. Outre "moumoutes et bonchiens 7" qui devrait être posté dans une heure, sont prévus dans les jours à venir, quelque chose sur les oiseaux du jardin, le 20 décembre 1848 et une ou 2 maisons d'écrivains de Loire-Atlantique ou du Maine-et-Loire.
J'ai ajouté récemment dans ce blog quelques liens :
- le site de Régine Detambel puisqu'elle vient début avril au lycée Evariste de Parny www.detambel.com
- le site www.museedubellay.com qui organise le concours de poésie dans le cadre de la semaine de la langue française 2009 (une élève de 2de du lycée Alcide d'Orbigny à Bouaye 44830 a gagné en 2008). Il s'agit, en 20 lignes maximum de prose ou 30 vers maximum, d'écrire un texte contenant les 10 mots suivants : ailleurs, capteur, clair de Terre, clic, compatible, désirer, génome, pérenne, transformer, vision
Il faut envoyer son texte avant le 9 février, accompagné de 4 timbres + une feuille où sont inscrits nom, prénom, adresse, n° de tel, courriel, date de naissance à :
Musée Joachim du Bellay
Concours de poésie
1 rue Ronsard
49530 LIRE
- le site www.terresdecrivains.com : "découvrir la littérature par les lieux, des plus prestigieux aux plus insolites
- le blog http://maisonsecrivains.canalblog.com consacré aux maisons d'écrivains
- le site de mon ami Eric Hoppenot consacré à Maurice Blanchot
Philippe, toi qui dois être en ce moment entre le Laos et le Kampuchea, pour répondre à ton commentaire sur l'article "Hadès", je dépose ici une photo de la tombe de Julien Gracq prise hier soir à la tombée de la nuit dans le cimetière de Saint-Florent le vieil. Je retournerai dans ce village prochainement pour rêver au long de la Promenade Julien Gracq qui suit la rive sud de la Loire. On ne passe pas les 14 premières années de sa vie au bord de la Loire, à Tours, sans séquelles ! La rive nord sera mon rivage des Syrtes.


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