Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
22 juillet 2009 3 22 /07 /juillet /2009 11:17
Terre des hommes (Ka.Ty D)

Les acryliques de Lucille Piquenot-Frestin (21 ans) ont une force incroyable. Dans sa "Démarche de l'exposition", elle écrit :

« Dans la mondialisation des échanges et son brassage culturel, les identités s'hybrident, deviennent multiples. Tout au long de notre histoire, les peuples se sont découverts, cotoyés, mélangés et affrontés. L'art prend part à ce processus. Les images elles-mêmes donnent lieu à des chocs interculturels. Dans ces rencontres, celles de l'Europe avec des grands continents comme l'Amérique ou l'Afrique, l'art s'est inspiré des nouvelles formes qu'il y a trouvées. Des surréalistes aux expressionnistes et aux land artistes, le style artistique la mythologie et la philosophie de ces peuples ont été retraversés. Nos continents sont plus proches qu'ils ne l'ont jamais été. Mais cette évolution n'est pas toujours favorables aux deux parties. Un écart Nord-Sud se creuse de plus en plus. Où sont les richesses ? Où sont les ressources ? Dans un même temps, toutes les cultures ne nous sont pas parvenues, et beaucoup s'éteignent encore. Aujourd'hui, elles sont à découvrir et à préserver ».

 

Dans la lettre que j'ai adressée à l'Inspection des Lettres de Nantes au printemps 2008, j'ai écrit : « Lorsque je me retourne sur mon parcours, je vois bien que les questions sur la cohabitation des cultures, les choix de traduction, le déracinement ne m'ont jamais quitté. C'est le métissage, la créolisation, la mondialité (comme dirait Edouard Glissant) qui m'ont conduit à demander La Réunion [...] Comme le monde va continuer de se décloisonner, les questions sur les médiations et transferts culturels vont se multiplier ». C'est dire à quel point je suis d'accord avec ce qu'écrit Lucille.

 

Quant à Ka.Ty Deslandes, pour présenter son expo Noir ou l'origine du monde de décembre 1998 à l'Hôtel de Région à Saint-Denis, à l'occasion du 150è anniversaire de l'abolition de l'esclavage, elle écrivait : « Hommage aux cultures noires, mon expression s'inspire des hommes et des terres que je rencontre : la Mélanésie, l'Australie aborigène, l'Afrique, les îles de l'Océan indien. Auprès d'eux mon expression se forge et se nuance. Message par ses thèmes, mon travail tente d'affirmer que de tels peuples, maîtres de vie, de savoir-vivre ancestral, d'harmonie primordiale, aussi à l'origine du monde, n'auraient jamais dû être maltraités, décimés, déportés ».

 

Voilà pourquoi ces deux artistes exposent ensemble sous le même titre : « Escale aux confins du monde ».

 

 

 

Davina (Ka.Ty D)

Partager cet article
Repost0
21 juillet 2009 2 21 /07 /juillet /2009 22:38
clarté océane (Nlle Calédonie)

Lorsqu'on lit la bio de Ka.Ty Deslandes, on est impressionné par l'étendue de l'oeuvre, le nombre d'expos individuelles et collectives, de collectionneurs privés, de pays et de continents inspirateurs, de Prix. L'australie, la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie, les îles Vanuatu, l'île Maurice, Mayotte, les Comores, Madagascar, l'Allemagne, les Etats-unis, la Polynésie, la Suisse, le Maroc, l'Inde, la Réunion sont parmi ses pays privilégiés. La préfecture et le Rectorat de Mayotte, le FRAC et le Conseil Régional de la Réunion ont acquis des oeuvres de Ka.Ty Deslandes.

Mais c'est surtout l'émotion ressentie lors de la rencontre avec ses toiles, l'une après l'autre, que l'on retient. A force d'entrer en elles, on sent monter au fond de soi un besoin de créer à son tour, de prolonger la toile.

C'est sans doute que la thématique des rives et rivages est celle des lèvres, de la sensualité de celles-ci, des échanges incessants qu'elles permettent, du contact, des baisers interminables, volés, repris et rendus que terre et mer ne se lassent pas de se donner : grèves où la mer rend sous forme de sable les galets qu'elle a roulés, où elle dépose les coquilles de gastéropodes qui ont vécu en son sein, où pondent tant d'oiseaux et de tortues, où le va et vient des vagues rythme les millénaires, où les éléments se rejoignent

rives de la Loire et de la Mayenne

rivages des îles et des continents

marées, vagues, houle, courants

le thème est cosmique, peut-être eschatologique

« La vague est la régulation tranquille et continue de l'énergie. M'approcher du rivage, c'est retrouver un ami. Je m'y repose en toute confiance. Le prédateur en ce lieu ne peut être que l'humain : le sable ne me trompe jamais quant à sa constance à porter mon corps, l'hospitalité de son grain. Le lagon clair ne me déçoit pas quant à sa faculté de m'abreuver et de me détendre. » écrit Ka.Ty en 2004

Alors, en voyant avant-hier midi à Grez-Neuville, que la maison et la galerie de Ka.Ty étaient, comme à La Réunion, au bord de l'eau, tournées vers l'eau, je n'ai pas été étonné. Lorsqu'elle m'a dit qu'elle s'apprêtait à faire du canoë, je ne l'ai pas été non plus.

Les choses et les lieux ont une âme. Entre ce village, la Mayenne et Ka.Ty l'accord est profond.

Son expo Rives et rivages sera aussi présente à Grisy les plâtres (95) les 19 et 20 septembre.

 

nuit océane (Anjouan, Comores)

 

 

 

trébeurden

 

 

reflet de Mayenne (la rivière qui passe devant la galerie)

 

Loire d'enfance (Montjean/Loire)

 

détail de Loire d'enfance

 

chamane (australie)

 

femme (madagascar)

 

au pied des toiles : galets peints, coquillages, coraux, algue, sable de Loire et sable marin

 

 

 

plage océane (île Nagazidja, Comores)

 

profondeur océane (Nosy Be, Madagascar)

Partager cet article
Repost0
20 juillet 2009 1 20 /07 /juillet /2009 22:22
L'autre Roussin
Ainsi titrait le JIR du dimanche 28 juin afin de rendre hommage au grand dessinateur/peintre Georges Roussin, le fils d'Antoine. Un artiste honteusement oublié. Sans son petit-fils Bernard et un collectionneur du Sud, le JiR n'eut pas pu réaliser ce numéro. Né à Saint-Denis en 1854, parti en métropole en 1873, mort en Algérie en 1941, ce rényoné aura-t-il un jour les honneurs d'une expo ?













Partager cet article
Repost0
17 juillet 2009 5 17 /07 /juillet /2009 19:32

Ka.Ty Deslandes vit et travaille 6 mois par an aux Colimaçons, non loin de ma case, sur la commune de saint-leu, une chance pour moi de goûter à sa peinture doucement aquatique, sensuelle et sereine. Pour ce premier billet sur son oeuvre, je me contente de copier-coller le bel article que Kenneth White lui a consacré en 2004 et de déposer quelques photos que j'ai prises dans son atelier fin juin. Je vous invite à faire un tour dans son site www.katydeslandes.com et à vous rendre à son exposition

« Rives et rivages » Galerie l'Aquarelle Place de l'église, Grez-Neuville

Ka.Ty  invite Lucille Piquenot Frostin pour une « Escale aux confins du monde »

Atelier 18 18 rue du Grand Logis, Grez-Neuville 49220

VERNISSAGES  SAMEDI 4 juillet à 18h00.

Expositions ouvertes jusqu'au 26 juillet tous les week-ends et jours fériés de 15h à 19h et sur rendez vous : tél.  06 75 64 94 01 et 02 41 95 36 07

jute goni, bois flotté, métal rouillé, clous, carton, fibres de coco, sable, tissu, corail, écorce de papacagnaouli, coquillages, algues séchées, ficelle, cordage, lave, bambou, os de seiche

retour vers l'élémentaire, le premier, le primordial, l'avant, l'amniotique, le caressant

avec Ka.Ty, la frontière entre terre et mer s'efface un peu



L'art des rivages de Ka.Ty Deslandes, géopoétique de l'Océan Indien, par Kenneth White

Parmi les artistes dont les travaux font partie du grand courant géopoétique, Ka.Ty Deslandes occupe une place particulière. Occidentale (née près de Paris), blanche (mousoungou , comme on dit à Mayotte), elle connaît bien la spiritualité orientale en général et la spiritualité indienne en particulier. Elle n' ignore pas qu'en Inde, la poésie, et par la même occasion l'art plastique, est un yoga. C'est justement Art Yoga qu'elle intitule la première série de ses travaux (1971-1980), où s'exprime une conception de l'art sortie à la fois de la spiritualité indienne (cf. le livre d'Ajit Mookerjee, Art Yoga , avec ses diagrammes du shri-yantra et ses mandalas) et les théories d'artistes occidentaux modernes tels que Kandinsky (Du spirituel dans l'art ) ou Klee (Théorie de l'art moderne ). Ka.Ty Deslandes connaît aussi, physiquement, le Grand Océan. Mandatée  par le Ministère des Affaires Étrangères françaises pour « développer un art mélanésien contemporain », elle a vécu et travaillé à Vanuatu de 1984 à 1986, fréquentant les îles de Vaté, Tana, Mallicolo... À partir de 1987, elle passe six ans à Mayotte, où elle occupe un atelier qui domine la baie de Boueni, en pleine brousse, et navigue vers Anjouan, la Grande Comore, Mohéli, Madagascar. Depuis 1994 c'est à La Réunion qu'elle a installé son atelier. Au cours de toutes ces années océaniques Ka.Ty Deslandes a fait entrer dans son art toutes sortes d'éléments, et a traversé plusieurs phases. Si l' inspiration reste « yogique » (recherche d'unité et d' harmonie), elle n'a pas échappé à des vicissitudes, des turbulences et des perturbations. Les titres de ses séries de travaux en sont le reflet. Après Art Yoga , il y a eu Failles (1981-1983), les diaporamas « Fantasmes africains », « Chant des failles » et « Terres à rejoindre ». De 1984 à 1998, ce fut Noir-Ethno-Mythique. De 1984 à 1985, Terres d'Océanie. De 1987 à 1993, Métissage , de 1994 à 1999, D'Îles et d'amour . Dans toutes ces séries, sont plus ou moins évidents, outre un élan individuel et une inquiétude personnelle, des thèmes d'époque, ainsi que des références à tel ou tel contexte traditionnel (kanak, australien,africain) qui pouvaient aller jusqu'à des représentations anthropomorphes. Mais ce qui prime chez Ka.Ty Deslandes, ce sont les éléments : eau, terre, air, feu, avec tous les paramètres de l'espace sensible (lumière, couleur). Et sa source primordiale est l'océan même.

Dans Malaise dans la civilisation , Freud évoque ce qu' il appelle « le sentiment océanique » (das ozeanische Gefühl ). « À l'origine, écrit-il, le moi inclut tout. Plus tard, il exclut de lui le monde extérieur. Par conséquent, notre sentiment actuel du moi n'est rien de plus que le résidu rétréci d'un sentiment d'une étendue plus vaste, si vaste qu' il embrassait tout, et qui correspondait à une union plus intime du moi avec son milieu. » Cette notion, que Freud n'évoque qu'en passant, est développée par Sandor Ferenczi dans Thalassa . Dans cette étude, Ferenczi va de la psychanalyse à la biologie, du malaise dans la civilisation (pour Freud, irrémédiable) à un processus d'océanisation. En découvrant « l' inconscient biologique », une « biologie des profondeurs », Ferenczi a l' impression de « débarquer aux rivages d'une nouvelle science. » On pense aussi dans ce contexte à la théorie de l'être humain comme « système ouvert », théorie selon laquelle le langage profond de l'être humain n'est pas fondamentalement différent du langage des choses, du langage de l'univers.

Avec ces références bio-psycho-cosmiques nous sommes en plein dans la pratique artistique de Ka.Ty Deslandes. La jeune enfant qui, dans un jardin près de Paris, observait la nature (feuilles, fleurs, écorces, cailloux...) et se délectait de ses rythmes (nuit et jour, succession des saisons), qui augmentait ces premières sensations au bord de la Loire et de la Mayenne et sur les rivages atlantiques, n'a jamais rien perdu ni rien oublié de son élan et de son ouverture. Ses expériences ultérieures dans le Pacifique et dans l'océan Indien lui ont permis au contraire de leur donner plus d'ampleur et plus d'exactitude. Il y a eu évolution constante.

Si l'espace général de l'art de Ka.Ty Deslandes est océanique, il existe pourtant dans cet espace un lieu spécifique qui l'attire plus particulièrement : c'est le rivage. Sur nos terres construites, souvent surconstruites, voici, enfin, en bout de territoire, un espace en principe sans constructions. L'être peut s'y espacer. Et puis, il se trouve là face à l'ouvert, avec un pied encore dans le contexte humain, mais l'autre dans le contexte non-humain, plus qu' humain. Le rivage est donc un lieu spécialement propice à la méditation. C'est pour cela qu'un vieux texte celte parle du rivage comme d'« un lieu de prédilection pour les poètes. »

Sur les rivages du monde qu'elle a fréquentés, que ce soit ceux de l'Atlantique, ceux du Pacifique ou ceux de l'océan Indien, Ka.Ty Deslandes a toujours accompli cet acte premier qu'est la cueillette : cueillette de galets, d'algues, de coraux, de pierres ponces, de morceaux de lave. Et ce sont les éléments de cette cueillette, alliés à la couleur (huile, acrylique, pastel), sur des supports tels que le bois ou la toile de jute, qui forment la matière de son art.

« Art brut », diront certains, plus soucieux d' insérer des oeuvres dans une catégorie établie que de les voir dans leur espace ouvert, plus soucieux de classifier que de contempler. Non, art géopoétique. Ce qui fait qu'un art est géopoétique, et pas seulement « brut », c'est une dimension - une dimension de l'esprit. Ce qui compte en peinture, disait Klee, c'est la poésie. Et la poésie en question est une poétique du monde.

Dès ses débuts en art, à l'âge de onze ans, Ka.Ty Deslandes voulait, disait-elle, « fabriquer des mondes ». Si de sa mère elle a hérité la capacité d'observer la nature, de voir le monde à l'oeuvre, de son père, artisan menuisier, elle a hérité une habileté manuelle et inventive.

Avec la série Entre vagues et rivages (2000-2004), qui comporte des grands formats sur toiles de jute, des petits et moyens formats réalisés avec des matériaux cueillis sur le rivage, ainsi que des oeuvres en volume et des installations, cet art atteint une plénitude.

Il s'est à la fois épuré et amplifié. Plus de messages thématiques, plus de figures mythiques, plus de symbolisme. Mais des choses, une disposition - et une dimension que je ne veux appeler ni « spirituelle », ni « cosmique » (ces mots, avec d'autres, faisant entrer dans l'espace méditatif trop de connotations), mais, comme je l'ai dit plus haut, géopoétique .

Je regarde « M' Tsanga Baharini » , « Mariage sacré », « Cap Lahoussay » , « Kavadi » « Le souffleur », « Fenêtre bleue », « Tonga soa », « Rivages », « La mer la nuit », « Par 30 noeuds », « Banc de sable », « Le récif », « Enedsa » et je me dis que, malgré le bruit et la fureur, malgré les invasions du pouvoir borné et les colonisations de la bêtise, il est encore possible de vivre géopoétiquement, et de créer un art qui soit à la hauteur du monde, qui réponde aux houles de l'océan, qui suive les étendues du désir d'être.

 

mer d'enfance

 

jeanne brezé (poète)

 

bush hunters

 

goré

 

série des mahaba

 

au-dessus : peinture sans nom ; au-dessous : la pointe des châteaux

 

trébeurdun

 

outre loire

 

outre-loire : gros plan

 

récif

 

récif : détail

 

par 30 noeuds

 

enedsa

 

mandala

 

sculpture de jean-claude barbier

 

namasté

 

bruno scaco

Partager cet article
Repost0
24 juin 2009 3 24 /06 /juin /2009 08:49






merci aux cyclones Jade, Eric et Gaël !
Partager cet article
Repost0
19 juin 2009 5 19 /06 /juin /2009 15:40

Et voilà l'autre expo de John : S2D «  Savates deux doigts »  en 2006
Pour en rendre compte, je me réfère à la revue EXPRESSIONS n°29  Mai 2007 Dialogue entre les arts : de recherches disciplinaires et pédagogiques Publication semestrielle de l'IUFM de la Réunion, allée des Aigues marines, Bellepierre, 97487 Saint-Denis cedex
http://www.reunion.iufm.fr/Recherche/Expressions/Accueil.htm
« Parler de la peinture est un exercice salutaire car l'image aujourd'hui nous manque moins que le langage. Il faut des mots pour voir. Nous avons besoin de mots si nous ne voulons pas traverser les salles de musée en aveugles, affairés et photographiant. À quoi bon s'employer, par les fracassantes manifestations du tourisme culturel, à réduire la fracture sociale si c'est pour aggraver, en laissant le vocabulaire se raréfier, la fracture de tous avec le monde sensible ».
Alain Finkelkraut, introduction à « Répliques » du vendredi 17 novembre 2006, France-Culture : « Sauver l'obscur ; autour des peintures noires de Goya ».
Parler donc, à la suite d'une exposition personnelle au Muséum de Stella Matutina en mai 2006, de deux expériences singulières et complémentaires : celle de l'artiste (parfois), amateur d'art (toujours) et celle du professeur chargé de former, dans le champ disciplinaire des arts plastiques, les professeurs d'école en IUFM.
Ici, à la Réunion, créole ou non, entre le sol et soi, on n'a la plupart du temps que des « savates deux doigts ». chaussés ou déchaussés, les Réunionnais marchent sur les chemins, les falaises basaltiques qui ceinturent une grande partie de l'île. Quant aux savates, elles finissent par briser leurs liens sur un sol aussi ingrat. On les retrouve ainsi gisantes, délavées, déglinguées, emportées par les pluies sur les plages de l'île.
La déambulation avec ma compagne est à l'origine de leur découverte, entre Étang-Salé et Saint-Louis, en un lieu hors-tourisme, lieu de laisses de mer, de déchets et rebuts, signe-trace qui raconte la vie ordinaire. Il y a là un véritable gisement de savates deux doigts. Saisis par leur potentiel à la fois symbolique, expressif et esthétique, j'ai passé la fin de l'après-midi à les photographier en me fixant une règle : cadrer sans intervenir sur leur composition aléatoire. J'ai poursuivi le travail de photographie durant des semaines en constatant que tout le littoral était couvert de S2D jusque sur les plages d'olivine nouvellement apparues.
Est-il possible de rendre compte, par une exposition photographique, de leur situation précaire entre terre et mer, du hasard de la chute et de l'échouage et, de manière métaphorique, de la trace de notre marche aléatoire sur cette planète ?
La découverte d'un ballon solitaire sur une petite plage, ma passion pour l'astronomie et les sciences du vivant m'a conduit à présenter les S2D dans une enveloppe sphérique, un ballon, une planète, une cellule... entre sable qui enfouit et vagues qui roulent et déchirent. Raccourci en suspens qui lie l'origine et la fin. Les liens brisés s'ouvrent et font signe, dès le premier regard. Ici ils deviennent écriture et code fascinant dans leur énigmatique réalité.
Et puis le tsunami du 26 décembre 2004 a ébranlé une grande partie de la poétique des images. Comment poursuivre sans être indécent ? Terminer pourtant et, avec ce nouveau sens si prégnant, ouvrir le travail sur la mémoire : ne pas oublier la misère et la souffrance de millions d'êtres humains, par des images bien différentes de celles qu'on nous a montrées aux premières heures du drame ? Comment ne pas voir que ces objets, fragiles et délabrés, chargés de leur propre histoire dérisoire, portent en eux toute l'humaine condition.

Vers une installation multimodale
Savates deux doigts semées sur le littoral réunionnais, une droite, une de travers, une gauche, une bleue, une verte, une froissée, une craquelée, une déchirée, une brûlée, une moisie, une amputée...
D'autres rebuts voisinent.
Plage pas encore plage, déserte.
Plage souillée, pourtant...
Lavées par la pluie et le vent, l'océan et le soleil, en partance pour l'oubli, les savates deux doigts sont belles, émouvantes dans l'océan de sable.
Épaves immergées un peu, beaucoup, pas du tout. Le sable les caresse et prolonge leur forme en de voluptueuses ondulations. Le soleil y écrit leurs ombres ; anamorphoses.
Photos, des semaines durant.
La dernière installation « Sablier » est achevée, vacuité.
Est-ce une nouvelle rencontre ?
Comment répondre à l'exceptionnelle présence de ces objets alors que tout leur sens est ici, sur ces plages abandonnées ?
Savate deux doigts, chaussure minimale qui dit le pied d'un homme.
L'expression, si elle prend corps, sera minimale elle aussi, sinon rien ; rien d'autre que mes visites, nos visites régulières, silencieuses dans le fracas des vagues.
Savate deux doigts qui dit en creux le plein d'un pied, le plein d'un vide fait du passage et de l'absence.
Du corps, j'aime le pied (entre autres), cet éternel exilé aux limites du corps, en bas, au contact de la terre, sous le poids du corps dressé, vertical.
Trop souvent oublié, négligé, parfois méprisé (il serait bête), caché enfermé, emprisonné.
J'aime marcher pieds nus ou en tongues . Je les préférais aux charentaises.
Savate deux doigts, c'est comme ça qu'on les appelle ici. C'est tout un peuple qui l'a adoptée pour soulager à bas prix, made in China , la rudesse d'un sol ingrat, dans la liberté retrouvée aux deux extrémités du corps, le droit de se chausser et de porter chapeau. Tampons entre ciel et terre.
Les gens d'ici en parlent volontiers, jeunes et vieux la revendiquent comme une marque de leur identité, comme un symbole de liberté. Même si ce n'est pas totalement vrai, ils vous diront qu'on peut courir entre le Dimitile et le Piton des Neiges en savates deux doigts.



lit de sable et caractères
 

Marche

Alon alé entre les hauts et les bas, au travers des ravines, en allant bat'carré .

Marcher sur la Terre, sur un caillou nommé Réunion, l'île-volcan.

Richard Long, Michel Serres Jean-Jacques Rousseau et d'autres, innombrables, philosophes, poètes, écrivains me disent la marche et la pensée :

être dans et par le déplacement, le mouvement. Toi, compagne qui marches ou cours à ton rythme et imagines tes prochains écrits.

Traces d'une rupture déjà bien amorcée : on marche moins, on se déplace en voiture sur un long cordon de bitume engorgé, souvent mortel.

Un instant méditatif, sur les remparts au-dessus de la Plaine des Sables, les images se superposent. Les sangles déchirées, tordues font signe, trace, elles relient nos migrations imposées ou voulues, jusque sur la Lune et Mars bientôt : traces de pas sublimes.

 

Vie

Les sangles déchirées comme un code mystérieux : chromosomes.

Insularité absolue, de la cellule aux galaxies ; île de la Réunion, île-continent, île-planète : Gaïa.

La vie dans une membrane qui la protège, pourtant poreuse : échanges.

La vie s'écrit, se lit, s'invente sans cesse !

 

Sable

Sable, désagrégation des roches, usées par le vent et l'eau avant le retour dans le magma.

Sable de mon enfance que je caresse de tout mon corps, qui me caresse, blanc, sur les plages et les dunes de la côte d'Opale, dans le Pas-de-Calais.

Sable de mes châteaux d'enfant, maintenant avec mes petits-enfants.

Sable pulvérulent sous les pieds d'Armstrong, un soir d'été. Des gens se rassemblent devant un téléviseur de magasin. Images floues, en noir et blanc.

Et un film, 2001, Odyssée de l'espace réalisé par Stanley Kubrick.

Sable rouge de Mars, empreintes de roues ; une image de la sonde Viking que j'exploite pour une exposition présentée en Champagne-Ardennes

Sable de grands bas-reliefs d'un travail ancien recevant les mythes venus du passé.

Sables des déserts de Le Clézio ou de Théodore Monod.

Sable et oeufs des tortues marines de Mayotte pleurant la vie et traçant le retour.

Sable noir aux couleurs du ciel bleu et orange d'Étang-Salé, aux linéaments ténus de grains de corail blanc.

Sable au fond des eaux de la Pointe au Sel ou de Boucan Canot, sous les surplombs des massifs de corail ; je le soulève, le mets en mouvement comme au sein de ces boules de verre qui font rêver les enfants.

Sable blanc, sable noir, sable doré, Réunion.

Tas de sable d'une maison que je restaure en Champagne ; une truelle m'échappe dans un angle droit et vient se planter dans mon pied chaussé d'une tongue. Tu devrais mettre des chaussures de chantier me dit le médecin...

Je gâchais aussi beaucoup de plâtre en ce temps là. J'aimais ça le plâtre, depuis les Beaux Arts.

 

Plâtre

Coulées, moulages, corps convulsés sur le site archéologique de Pompei, corps de lave redressés dans l'enclos du Volcan.

Réunion, volcan, coulées fluides qui se figent en recouvrant la végétation, la lave noire, le sable olivine, jusqu'à l'océan.

Moulages en plâtre de mes modelages, leur placement in situ à Charleville-Mézières et l'exposition des photographies déjà accompagnées de graffitis.

Le plâtre s'écoule et se fige sur le sable, en moulant les traces laissées par les enfants d'une école de Bourgogne.

Ici, noir du sable, blancheur du plâtre.

 

Eau

Eau qui use nos galets, brise les coraux et les nefs.

Fracas des vagues, murs d'eau dans lesquels je ne peux plus plonger, jusqu'à l'ivresse.

Écume, signe-écriture sur l'étale des vagues d'Étang-salé.

Eau qui baigne la vie au sein des cellules puis la dilue avec force ou douceur.

Eau qui roule un ballon d'enfant, perdu.

Eau qui emporte et rapporte les savates deux doigts.

Échouages et remises à l'eau.

Eau dans le plâtre doux qui durcit dans la chaleur puis s'évapore.

Eau, étendue immense qui porte nos départs, nos exils voulus ou imposés : Réunion.

 

Écriture

Écrire pendant un an, chaque jour, en accompagnant une photo autobiographique de l'année précédente.

Écrire sur le sable, avec les pieds et lire avec mes enfants, du haut des falaises, des prénoms, des mots choisis : regarder les vagues ou la marée tout effacer.

Souvenir d'une affiche en noir et blanc, étudiée avec des stagiaires : « H2 Omo » écrit sur le sable et à moitié effacé par une vague polluée de mazout.

Écriture-mémoire, gravée dans la pierre, un temps, ici ou ailleurs.

« Centre d'écriture de l'Entre-Deux » gravé sur un bloc de basalte parallélépipédique.

Monuments gravés à la mémoire des marrons, des déportés, des soldats, des victimes de nos guerres civilisées.

Archéologie, rechercher des signes passés, des écritures anciennes, des traces de passages, en rechercher le sens.

Écriture de la vie, chromosomes, ADN.

Écriture indéchiffrable des sangles brisées des S2D.

 

traces : signes négatifs
moulage avec tube PVC
caractères
signes positifs

Transposition-réalisation

Savates deux doigts : je ne peux, je ne veux les présenter, les utiliser dans une quelconque organisation plastique. J'en ressens trop le formalisme. Du reste, Dietmann a fait cela avec force au Palais aux Sept Portes de la Réunion : savates en voûte céleste au dessus des chapeaux feutres créoles.

Après de nombreuses manipulations numériques, solarisations négative et positive, saturation, découpages, montages, des liens se tissent peu à peu et l'écriture s'impose.

Mais il y a, dans l'immobilité du travail devant l'écran, quelque chose d'insatisfaisant, comme un ensablement tautologique. J'ai besoin d'action concrète, de transformations, de métamorphoses.

Le sable, l'eau, le volcan, le plâtre, l'écriture vont s'articuler à la mémoire dans la création et l'expérimentation d'une nouvelle technique : la « sérigraphie de plâtre sur sable »

Blancheur du plâtre, noir du sable.

 

L'installation sera comme un monument, une pseudo-archéologie qui dit la mémoire d'un et la réalité d'un présent qui révèle bien des tensions, où des mondes s'opposent, Nord/Sud, nantis/déshérités, blanc/noir, géométrie/chaos, vie/mort...

Un hymne recueilli à la vie confrontée aux forces destructrices.

Un questionnement sur la beauté dans une esthétique retenue de la catastrophe. Le parallélépipède monolithique retenu, rectangle d'or, dressé, vertical, de l'architecture triomphante n'est en fait qu'une construction de sable (tour de Babel). Tout en faisant allusion à S. Kubrik et C. Clark, il rappelle maintenant le drame du 11 septembre 2001.

Les plaques de sable/plâtre, posées au sol sur un lit de sable circulaire, se disjoignent peu à peu à partir du monolithe jusqu'à l'écran de projection. Elles convoquent bien des images aussi : le dessous des cartes, les glissements et les chocs des plaques tectoniques qui disent la redonne, le mouvement, la redistribution, le jeu, l'impermanence, les cartes à jouer, les tablettes d'écriture, la blancheur des os au verso, la chaleur et le grain de la peau au recto, et bien d'autres choses qui m'échappent sans doute. La projection numérique de l'image des sphères et de la vague qui éclaire en partie la sculpture renvoie au de décembre 2004 qui s'est produit alors que je travaillais cette création.

La présentation des savates deux doigts dans des sphères est une allusion directe à la vie, à sa force, sa résistance, ses migrations, à sa capacité d'être à la fois en relation avec son environnement et de s'en protéger par une membrane. Une allusion aussi aux planètes lointaines, encore inconnues, peut-être vivantes comme Gaïa, la terre. Elles sont graines venues d'ailleurs, déplacées. Elles contiennent dans cet instantané tout un passé et tout un avenir.

S2D renvoie dès le début, par un jeu de mots - est-ce deux dimensions ? - à la confrontation de l'image et de la présentation, de la représentation et de la présence. L'image, faiblement pixellisée, perd une partie de sa force dans sa proximité au sable et aux plaques, et par l'ombre des spectateurs qui passent entre l'écran et le projecteur durant leur déambulation circulaire. Ce que j'anticipais se réalise : un besoin irrépressible du spectateur de « toucher » le sable, au risque d'abîmer le fin graphisme. La problématique plastique s'inscrit dans cette confrontation de l'image numérique pixellisée au bas-relief étendu au sol. Elle multiplie l'imbrication des niveaux paradigmatiques, des grains de sable aux mosaïques de la définition vidéo, aux signes sculptés, aux plaques-pages, et ainsi de suite, dans un va-et-vient constant entre l'espace réel et la fiction spatiale de l'écriture iconographique informatisée. Elle donne à percevoir le concept d'émergence dans la rupture de la continuité entre les différents niveaux de réalité, qu'ils soient d'ordres physique, biologique, cosmologique et surtout d'ordre symbolique.





Voilà donc ce texte que je relis (relie) avec émotion. Sa fonction était moins d'expliquer l'oeuvre que de donner à comprendre comment naît une création à la fois simple et complexe.

Je me souviens des enfants qui sont venus voir cette installation, accompagnés par leur professeur-stagiaire. Ils tenaient fièrement à la main une feuille et plus impatients de questionner l'artiste que de regarder son . J'ai dû me transformer malgré moi en animateur afin que, plutôt que d'interroger l'artiste, ils interrogent les formes, à la suite d'un véritable regard.

Je me souviens aussi de ces enseignants du premier degré en stage avec moi. J'avais cru pertinent, dans le cadre du cahier des charges de l'inspection de circonscription (art et langage), de les inviter à observer cette rencontre dans l'après-midi, à la suite d'une réflexion dans la matinée sur la préparation et la conduite d'une visite d'élèves à une exposition d'art. Mal m'en a pris.

Les stagiaires m'ont vite fait comprendre qu'ils ne connaissaient rien en art et qu'ils désiraient seulement qu'on leur apprenne des techniques. Après mon courtois et moult tentatives d'expliquer la non-pertinence d'un tel point de vue, la matinée fut un fiasco. En début d'après-midi, quelques stagiaires arrivèrent en retard sans avoir vu l'installation avant les enfants. Ce moment fut ponctué par les grincements de la porte de sortie : les stagiaires partaient et il n'en resta que trois ou quatre pour faire un bilan. Je connaissais pour la première fois un échec cuisant. Etait-ce dû à l'articulation explicite entre mon travail de plasticien et mon travail d'enseignant ?

Il m'a fallu un peu de temps pour me libérer d'une forme de découragement, signe sans doute d'une blessure narcissique qu'il n'est pas bon d'ignorer dans ce métier. Il m'a permis de comprendre l'écart qui existe entre les artistes et le public et de l'accepter avec patience. Il est compréhensible si on admet qu'il y a deux moments dans l'art. Celui de l'émergence et de la rupture et celui du consensus. Dans un premier temps, l'art est vivant justement parce qu'il n'est pas reconnu par le plus grand nombre. Il ne l'est, il ne peut l'être que par quelques personnes qui le comprennent dans l'intuition de l'évidence de sa pertinence. Elles le défendent, l'aident contre tout et contre tous. Cet art est toujours de nature subversive en s'attaquant aux formes du langage devenues obsolètes. Avec le temps, la forme nouvelle s'inscrit dans la culture et devient une référence artistique pour le plus grand nombre. Mais cet art n'est plus vivant dans le sens où il s'inscrit désormais dans le passé et doit être contextualisé pour être pleinement compris. Son risque est de se voir sacralisé dans une idée de beau en soi. Cet art est mort s'il ne participe plus à la transformation du présent, à la transformation permanente des langages. Constatons et admettons qu'un grand nombre de futurs enseignants, voire d'enseignants confirmés ont un point de vue doxique, le point de vue du plus grand nombre. On les entend souvent dire : « ça, c'est de l'art ! ? », ou encore « j'en ferait autant !» Il reste dans une représentation marquée par le savoirfaire, l'excellence dans la technique dont l'origine s'est construite peu à peu dans nos sociétés occidentales, sans doute depuis Platon. Ils n'ont pas compris les transformations sociales dans les représentations et l'importance essentielle donnée aujourd'hui à des expériences qui s'ancrent dans une dyde vie qui avait toujours été occultée jusqu'ici. Le paradoxe est que, dans le référentiel des compétences à acquérir pour enseigner, ils auront, ils ont pour mission de développer, dans un cadre transdisciplinaire, les capacités créatives de l'enfant, son imaginaire, sa sensibilité et lui donner une première culture artistique. Vaste programme ! Il va de soi qu'un tel programme 'articule d'abord sur la capacité à transformer son point de vue. Cette transformation du point de vue, cette métamorphose, devrait-on dire, est difficile car elle est une émancipation des « prêts-à-penser ». Les difficultés sont autant pour le « formé » que pour le formateur car elles peuvent être d'ordres relationnel, psychologique, religieux et philosophique. Car l'art, l'artistique devrais-je dire, parle toujours de la vie, de la mort, de l'amour, de l'existence. Enseigner une des formes d'expression les plus troublantes de l'homme peut susciter des conflits, créer des doubles contraintes insurmontables : « Émancipe-toi », dit l'enseignant. On reconnaît cette aporie qui est peut-être l'objectif ultime et informulable de tout enseignement artistique : « Désobéis moi ! » On connaît la suite : si tu me désobéis, tu m'obéis donc tu ne m'as pas désobéi !

Dans sa forme, il y a toujours une grande proximité voire une connivence entre l'art et la religion, de l'ordre du sacré, qu'elle soit de la ou de l'épistémè . Aujourd'hui, à l'heure où se développent de plus en plus de conflits idéologiques, de replis identitaires, de communautarismes, d'exclusions au sein d'un monde hyper-technologique et destructeur, l'art, au sens le plus large, participe à la représentation du monde et de l'homme. Il est, au même que la science, la philosophie, la religion, une lumière, une raison éclairant dans une vibration incessante, notre réalité paradoxale dans le monde du vivant et, osons le dire, si monstrueuse parfois. Un grand nombre d'artistes

contemporains, soutenus par des hommes de science, des économistes, des religieux, des philosophes, des enseignants, participent dans leur(s) langage(s) à cette nécessité sur un mode esthétique, c'est-à-dire un mode où l'émotion, le trouble sont convoqués. Cet éclairage, cette réflexion ne peuvent pas faire l'économie non seulement d'une culture artistique mais surtout d'une culture scientifique, dans une véritable « pulsion épistémique ». Cette pulsion a essentiellement pour origine l'étonnement, la curiosité, l'émerveillement, voire l'effroi. Nous verrons plus loin comment des artistes contemporains occupent dans leur pratique différents champs disciplinaires. Que retenir de la rencontre de ces deux expériences, artistique et pédagogique ? Au risque de se répéter, c'est la nécessité de sensibiliser nos futurs collègues et nos collègues à l'importance d'une éducation à l'art dans un projet qui prend en compte le temps. C'est du temps qui est nécessaire pour regarder avec précision et sensibilité à la lumière de l'imagination et de la mémoire. Est-ce encore possible dans une civilisation de la vitesse et de la étition, des flux tendus, de la rentabilité et du bruit ? Une civilisation qui, malgré ses discours éthiques, objective et instrumentalise de plus en plus les êtres humains. Il est impossible de comprendre le sens d'un texte écrit si on saute deux mots sur trois. Il en va de même pour les arts visuels. Les enfants qui ne voient pas, entre autres, que le sable que j'ai posé au sol est animé d'un graphisme en forme d'onde, non seulement ne peuvent approcher une partie du sens que j'ai voulu, mais ne peuvent en créer d'autres plus personnels. L'apprentissage de la lecture des arts visuels est une nécessité tout comme l'apprentissage de la lecture de l'écriture. La création d'écrits comme la création plastique s'élaborent dans un va-et-vient continuel entre ces deux pôles.

Quant aux médias, ils formatent nos enfants à l'idolâtrie en détournant cyniquement le besoin naturel d'un enfant ou d'un adolescent de s'affirmer et de construire son identité. Academy et bien d'autres avatars télévisuels en sont des exemples. Comment ne pas s'étonner que, lors de la visite d'une exposition en présence du plasticien, ils focalisent leur intérêt sur lui jusqu'à lui demander des autographes, au détriment d'une lecture personnelle et d'une émotion authentique ? Le professeur qui les accompagnait est, bien sûr, responsable de l'absence de pertinence du questionnaire. Au moins a-t-il déplacé ses élèves. Mais, plus sûrement, le système de formation qui ne lui a pas permis de construire des compétences professionnelles à partir d'une intégration sensible du fait artistique est plus responsable encore. Les professeurs stagiaires font souvent le constat qu'il y a bien peu d'enseignements en arts visuels dans les classes qu'ils visitent. Feront-ils mieux ? En l'absence d'une volonté forte de se donner le temps et les moyens d'initier véritablement les jeunes à la réalité et aux problématiques de l'art, il est probable que ce constat risque de perdurer. Les conseils techniques, uniquement d'ordre didactique dans un temps trop court, ne favorisent pas la conviction que l'art est une dimension essentielle à la construction de son humanité. La posture artistique ne s'improvise pas. Elle nécessite une véritable imprégnation qui est la seule garante d'un engagement pertinent auprès des enfants.

Quant à l'attitude des professeurs d'école durant l'observation des élèves à l'exposition, est-il possible de la comprendre comme la conscience diffuse d'un manque profond qui s'exprime par un refus et un rejet de l'Autre et de sa singularité ? Le manque de culture artistique peut être vécu, dans la confrontation avec elle dans un cadre institutionnel, comme une véritable épreuve qui peut fragiliser certains collègues. La prudence s'impose et il est

nécessaire de respecter l'autre, surtout dans ses manques. Je garde la convic tion que l'art n'est pas réservé à une élite imbue d'elle-même. À l'inverse, le risque est de glisser insensiblement sur le versant de la médiocrité et de la démagogie au travers d'activités dirigées vides de sens. La confrontation d'un adulte qui a des responsabilités éducatives avec la prise de conscience de lacunes doit être accompagnée avec compréhension et franchise. En rien, la personne n'est en soi diminuée. Au contraire, une existence riche et généreuse est ponctuée de doutes, de remises en question, de nouveaux apprentissages. « Apprendre à apprendre », disait Beteson, est certainement l'enjeu

essentiel pour « une vie poétique et artistique ». Cette double posture, du pédagogue et de l'artiste n'est pas facile à tenir. Disons qu'il faut assumer cette fonction souvent décrite de passeur qui implique la difficulté d'être jamais totalement à l'aise ni dans l'une ni dans l'autre et de s'en tenir à un attitude humble et discrète. En parler même n'est-ce pas déjà revendiquer un statut d'originalité reconnue qui enferme à nouveau dans une nouvelle double contrainte.

Poursuivre en parlant de la dernière exposition que j'ai vue à Paris, à la fondation Cartier en janvier 2007. Gary Hill projette sur un écran géant un aigle numérique virtuel majestueux, prisonnier d'un pylône haute tension sur un fond d'un noir intense. Ses ailes battent au gré des fluctuations des indices de la bourse et heurtent violemment les câbles hautes tension dans un bruit de assourdissant. L'image se reflète en symétrie dans un immense bassin empli d'huile noire. Quand les ailes semblent toucher l'huile, celle-ci est mise en mouvement et des ondes lentes viennent vers nous en passant autour d'un petit îlot central qui est en fait un lingot d'or sur lequel est gravé cette phrase énigmatique : « wonder, wondering ». L'oeuvre est fantastique. Des classes viennent, accompagnées de leur professeur. Beaucoup d'élèves nécessitent une surveillance. Ils sont chahuteurs et les enseignants se sentent obligés d'expliquer l'oeuvre. Évidemment, ça ennuie la plupart d'entre eux qui n'écoute pas. Les réflexions qui me viennent sont d'abord qu'ils ont la

chance de voir des réalisations d'une telle qualité. Puis le doute s'empare de moi. Je me revois dans mon exposition. Même si des classes étaient venues aussi nombreuses, étaient-elles prêtes à l'accueillir ? Non, sans doute, pas plus à Paris qu'ici. Les professeurs font ce qu'ils peuvent mais c'est toute une société qui est en crise. La pression des médias, la rapidité des clips, le bruit incessant, le sport et l'argent, la mode et l'exclusion, la violence du monde sur les écrans, le rapport enfants-parents, le chômage... Que faire ?

L'art c'est d'abord le temps, du temps et aussi du silence. Une exposition comme celle de Gary Hill ou la mienne ne peut être vue rapidement, ni dans le brouillage de paroles stéréotypées incessantes, et je crains qu'aujourd'hui, pour faire écho à une opinion de Jacques Attali et de bien d'autres, le temps et le silence soient le luxe de demain. Le trouverons-nous ? Y parviendrons-nous ? Je ne peux qu'espérer et souhaiter que des forces vives emportent cette bataille. Nous devrons y participer en prenant le temps, en changeant le rythme de notre relation aux enfants et aux stagiaires. Combien de temps et d'errance nous a-t-il fallu pour savoir le peu que nous savons aujourd'hui ? À mon sens, c'est une des révolutions majeures qui s'annonce pour contrer le bruit qui parasite notre pensée et notre sensibilité.

La vie d'un professeur-formateur est heureusement faite aussi de satisfactions. À l'occasion d'un stage de formation continue en direction des candidats aux CAFIPEMF (certificat d'aptitude au fonction d'instituteur ou de professeur des écoles maître formateur), la dernière séance était consacrée à l'étude d'une reproduction d'une oeuvre contemporaine au choix en vue d'une exploitation à l'école. Les stagiaires choisirent la reproduction d'une oeuvre difficile à leurs yeux : « Le déjeuner en fourrure », de Meret Oppenheim, 1936. Il s'agit d'une tasse sur sa coupelle et d'une petite cuillère, le tout recouvert soigneusement de fourrure. Ils l'ont choisie courageusement parce qu'elle les fait sourire et parce qu'ils ne comprennent ni le sens ni l'intérêt de la proposer dans une valise-musée pour des enfants. La date de création les étonne. Une analyse leur permet peu à peu d'en comprendre les différents sens et même d'en trouver des transpositions didactiques extrêmement pertinentes. Sans rentrer dans les détails de ce travail, je dirais ici que, confrontés à la banalité du quotidien, au caractère parfois dérisoire des objets qui nous entourent face au grand mystère de notre existence, de nos désirs et nos pulsions, nous pouvons, par l'art, créer un théâtre de l'absurde contre l'absurde qui nous assaille souvent aux risques du découragement, de l'« à quoi bon », voire d'un sentiment de déréliction. En cela, l'oeuvre de Marcel Duchamp, le théâtre de Beckett et, plus près de nous, de Valère Novarina ou de Jacques Rebotier sont emblématiques de l'art d'aujourd'hui. Pour vivre dans l'ordre des choses, il y a une nécessité d'en faire le procès par des juxtapositions conceptuelles d'ordre linguistique et plastique qui mettent en jeu l'humour, la dérision, l'absurde. Littéralement, ici, mettre nos désirs et nos pulsions à fleur de peau d'un réel banal et trouver un accord entre soi et le monde dans le plaisir et la jubilation de la découverte et de la création. Une création qui nous crée fine . Créer des ruptures au-delà du bon sens, c'est revitaliser nos désirs et notre curiosité, c'est jouer avec la culture, celle de la société dans laquelle nous vivons, celle de notre culture personnelle ; « combiner », pour paraphraser le titre d'une période créative de Rauschenberg, artiste américain des années 1950 et présentée fin 2006 au Centre G. Pompidou à Paris ( ). Combiner pour casser les rythmes qui nous enferment, rythmes de l'autre, rythme de la famille, rythmes du clan, rythmes d'une société. C'est aussi s'approprier des concepts et les faire fusionner dans 'effusion pour ne pas s'endormir dans l'ennui des stéréotypes. C'est ici aussi la possibilité de créer des concepts qui n'ont pas pour objectif la simple description au risque de l'inanité tautologique. C'est prendre en compte une des formes de l'intelligence humaine : l'intelligence existentielle. Il est temps que je me taise pour retrouver un peu de temps pour ma nouvelle création : D et plus si infinité. Je laisserai la parole à une personne qui a chaleureusement écrit dans le livre d'or de l'exposition en la remerciant, elle et tous les autres, de tout coeur. Elles sont aussi une aide précieuse pour poursuivre : « Les pas que l'on croyait perdus s'inscrivent parfois dans l'univers comme autant de signes vagues qu'il appartient à chacun de découvrir et de comprendre... »

Au moment de terminer cette analyse, j'ajoute que rédiger celle-ci m'a conduit à présenter de nouveau D à l'IUFM dans le cadre de la « Semaine des arts » en mars 2007. L'accueil des stagiaires, leurs commentaires, leurs questionnements, leur intérêt authentique montrent bien que l'initiation au champ artistique des professeurs-stagiaires ne peut se passer d'une véritable implication plastique du professeur-formateur, au-delà du langage écrit ou parlé, trop souvent redondant et abstrait dans la formation, même si j'en conçois bien la nécessité et la pertinence.








retour du sable sur la plage
Partager cet article
Repost0
19 juin 2009 5 19 /06 /juin /2009 13:53

Dans 2 ou 3 jours, je vous parlerai d'une plasticienne géopoétique et océanique (das ozeanische Gefühl) : Ka.Ty Deslandes. Magique de beauté. C'est grâce à elle que j'ai vu avant-hier un film mexicain qui m'a ému aux larmes, un film d'une sobriété à couper le souffle, qu'on pourrait sous-titrer la beauté des silences et que je retournerais bien voir : Lake Tahoe de Fernando Eimbcke (sortie en salle 2008). Mais Aujourd'hui, c'est d'un autre artiste que je veux vous entretenir : John.

Je l'avais choisi pour animer l'atelier photo-poésie de mon lycée en 2009-10, mais l'éduc nat', jamais avare en règlements incompréhensibles, a trouvé qu'un intervenant ne pouvait pas être titulaire du ministère de l'éduc nat', en retraite ou non. John est en effet prof d'arts plastiques à l'IUFM de Saint-Denis.

Il a fêté dignement ses 60 balais et son prochain départ à la retraite les 13 et 14 juin en visionnant des vidéos d'artistes, dont deux portaient sur son propre travail. L'une est une collection de photos intitulée « Eloge de l'autre » dont j'extrais quelques photos ci-dessous. Dans l'autre, qui fait l'objet de l'article suivant, en bon carme déchaux des arts plastiques, il retrace l'expo sandale deux doigts (S2D) qui eut lieu en 2006 à Stella Matutina.

 

le marchand de corbeilles

 

 

 

 

antsirabé

Partager cet article
Repost0
30 mai 2009 6 30 /05 /mai /2009 18:12

"le Barreau" carte postale vendue par le Musée Léon Dierx

L'amérique du nord a donc eu Jean-Jacques Audubon, l'amérique du sud Alcide d'Orbigny, l'océan indien Antoine Louis Roussin. Comptez le nombre de rues, de collèges et de lycées qui portent leur nom en France métropolitaine. Comparez avec la médiatisation de Johnny Halliday, Bigard, Doc Gynéco et Arthur par l'Elysée et vous aurez tout compris.

 

Le prof

« Pour un original, c'était un original que le peintre Roussin. La première fois que nous prîmes contact avec lui ce fut évidemment au lycée. Notre première leçon de dessin qu'enseignait en ce moment le vieil artiste - c'était vers les 1884, - restera gravée dans notre mémoire.

Il entrait dans la classe pleine de turbulence, de son pas ouaté de feutre, le chapeau un peu de côté, et tout de suite, après un « hum » sonore qu'il lançait, dès l'entrée, le silence se faisait.

Le verbe très haut, M. Roussin ne prétendait pas au langage des Précieuses. Il ponctuait ses conseils, ses admonestations de mots que la morale puérile et honnête réprouvait quand il ne les « illustrait » pas d'une bourrade bien appliquée. On ne s'en offusquait pas. Loin de là. C'était matière à plaisanterie. Une classe sans un juron du vieux professeur manquait de sel, de saveur.

Dans la classe, il faisait deux parts : ceux qui avaient le feu sacré, qui voulaient apprendre et pour qui la Vénus de Milo par exemple dont le plâtre dressait le torse impeccable au dessus de nos têtes folles disait quelque chose, et les cancres, ceux qui passaient des années à dessiner un petit rond dans un rond plus grand.

C'est aux premiers seuls qu'il s'intéressait, il fallait voir avec quelle tendresse, quelle passion même. Car il aimait son art, ce vieil artiste ; il nous aimait aussi tous, bons élèves et cancres, l'île enchanteresse qui l'avait captivé et pris tout entier, corps et âme. »

La Revue de l'île de la Réunion, 22 novembre 1913, n°28 (A.D. de la Réunion)

 

La presse lithographique

Au début de son séjour réunionnais, Roussin découvre une presse lithographique, en bien mauvais état, dans un coin du magasin général de la Marine, à Saint-Denis. « Tour à tour mécanicien, chimiste, imprimeur, dessinateur, il a dû reconstruire cette presse en entier, composer ses crayons, composer les matières qu'exige la préparation du papier et de la pierre, surprendre chacun des procédés de l'inventeur, deviner enfin un à un tous les moyens d'exécution » peut-on lire dans le Bulletin de la Société des Sciences et Arts du 21 juillet 1856 (Ed Bailly).

 

 

« Les Souvenirs qui permettent à Roussin de s'essayer à la lithographie sont le point de départ d'une plus vaste entreprise. Dès 1848, il travaille déjà à l'élaboration de l'Album de l'Ile de la Réunion. En 1856, il obtient du Conseil Général une souscription pour quarante exemplaires de chaque livraison. C'est une aide considérable apportée à cette publication, unique pour toutes les colonies françaises, et soutenue par le Ministère de la Marine.

En 1878, Roussin lance une souscription pour la réimpression de l'Album, en quatre volumes. Il propose une nouvelle édition revue et corrigée, projetant d'éliminer les articles qui ne sont plus d'actualité et de consacrer une large part bien méritée aux travaux du port de la Pointe des Galets et du chemin de fer. Les conditions ne sont plus les mêmes, il ne s'occupe plus de l'impression. Des problèmes financiers vont vite se poser ; la période faste de la colonie passée, l'abonnement du Conseil Général est supprimé. Les quatre tomes terminés, en 1886, Roussin se voit contraint d'arrêter sa publication avec le sentiment frustrant de laisser une œuvre inachevée. »

Antoine-Louis Roussin 1819-1894, Martine Engles-Akhoun et Valérie Pascaud, 1991, Océan éditions

Le journaliste

Avec La Malle, il obtient un brevet d'imprimeur (1859) et oublie cet hebdo 7 mois. En 1861, il publie La Semaine, une revue illustrée consacrée aux arts, au théâtre, à la littérature. Il s'occupe, en 1863 du Bulletin de la Société d'Acclimatation et d'Histoire Naturelle de l'Ile de la Réunion. Membre de la Société des Sciences et Arts, il est l'imprimeur de son Bulletin de 1861 à 1872.

 

Le photographe

Garder intactes son époque et son île, se faire leur fidèle témoin, le projet de Roussin  s'accordait parfaitement avec cette nouvelle technique : la photographie.  

 

 

 

Célimène : la muse créole de la Saline

http://pedagogie2.ac-reunion.fr/clglasaline/Celimene/celimene.htm

 

La vieille Célimène

Je suis cette vieille Célimène
Très laide mais non vilaine
Cette infortunée créole
qui n'a pu aller à l'école.
Légère en conversation
Mais très posée en actions,
j'ai la tête remplie de vers
Et je les fais à tors et à travers.

Froissée je satirise
Mais impoli qui me ridiculise
Mais jamais je ne me déguise
Quand je l'habille largement à ma guise
Si je bijotte, le chante et le bascule
Et fait connaître son ridicule
Il faut que celui qui avance, recule
Reste honteux et gobe la pilule.

Je respecte la vraie dévote
Et crains beaucoup la bigotte
Avec les sots je suis sotte.
Avec les fous, je fais la folle
Je ne perds jamais la boussole.
Pour éviter les avaries
Les gros, les grands et les petits
Blancs, noirs et gris sont mes amis.

J'aime et admire l'aristocratie
Respecte et plains la démocratie;
Mais j'appartiens à la dernière
Quoique je chéris la première
Car ma vie n'a pas été que fleurs
Et dans mes plus grandes douleurs
Les mains de toutes les couleurs
Sont venues essuyer mes pleurs.

 

Missiè L...

Missiè L... est Blanc malhonnête.

Na na figure comme bébête,
Na na le coeur galet,
Na na la langue comme zandouillette,
Na na li dents comme foursettes,
Na na tas de contes comme in gazette,
Toujours il est dans la goguette,
En goguette... et en Goguette,
Ah ! Ah ! Ah ! Eh ! Eh ! Eh !
Ah Ah Ah !
Cer ami, langaze qui causez.

Li na la tête comme in boulette,
Ca même tire pas son casquette,
Na na zié comme cevrette,
Na na les zambes comme roues charrettes,
Na na son nez comme baionnette,
Na na sa gueule sale comme serviette,
Na na sourcils comme garette,
Na na la barbe comme taquette,
Na na zoreilles comme tartelette.
Ah ! Ah ! Ah ! Eh ! Eh ! Eh !

Li na poitrine comme bavette,
Na na li bras comme queue de jaquette,
Na na li doigts comme cigarette,
Na na li ventre comme canivette,
Na na l'ombris comme gargoulette,
Li bas sa semise sert son serviette,

Li na la jambe comme baguette,
Na na pieds plats comme tablette,
Zamais ne lave son saucettes,
Na na le dos plate comme in banquette,
Enfin na tournire d'in grosse bête,
Ah ! Ah ! Ah ! Eh ! Eh ! Eh !

 

"De Saint-Denis à la Possession, Service Public"

 

 

Edmond Albius

l'inventeur de la fécondation artificielle du vanillier (1863)

 

Sarda Garriga : l'homme de l'abolition de l'esclavage

 

Partager cet article
Repost0
30 mai 2009 6 30 /05 /mai /2009 15:19
le martin (1861)

Aujourd'hui, au Musée Léon Dierx, se termine une expo assez extraordinaire consacrée à Antoine Louis Roussin (1819-1894). Ce dessinateur-peintre-photographe exceptionnel est presque absent de Wikipedia, de Google-images et des livres consacrés à la Réunion. On a vu qu'un sort comparable avait été réservé à Chazal à Maurice. Les expos qui se consacrent à ces deux artistes en ce début de 3è millénaire réparent donc une injustice. Dans l'article "j'aime ta couleur café" du 24 janvier, figure une lithographie de Roussin.

Les deux recueils qui rassemblent les centaines de lithographies qu'il nous a laissées sont :

Souvenirs de l'Ile Bourbon 1847

Album de l'île de la Réunion 1860 et 1878 (1ère et 2è éditions)

Curieusement, le Conseil Général et le Conseil Régional de la Réunion n'ont pas subventionné la réalisation d'un catalogue pour cette expo dont les commissaires sont Anne Sachot et Lionel Lauret. Pour se documenter sur elle, il faut se procurer l'ouvrage de Martine Engles-Akhoun et Valérie Pascaud
Antoine-Louis Roussin 1819-1894
Océan éditions
9782916533582
28€
dédicace par les auteures chez Gérard (Saint-Denis) samedi 5 juin aprem

http://www.ocean-editions.fr/pages/livre.php?TypeArborescence=auteurs&Parametre=p&LivreId=429

Martine Akhoun et Valérie Pascaud avaient déjà commis un titre semblable chez le même éditeur en 1991 (épuisé), mais celui de 2009 est encore plus riche. Dans la préface de Thierry Rosset de l'édition de 1991, on lit : « Homme modeste, il ne crut jamais qu'il œuvrait pour la postérité ». ça fait drôle hein, de lire ça, quand on voit tant de célébrités nullissimes de nos jours ?

 

 

Une biographie concise et sûre de A-L Roussin est donnée dans le site du lycée Antoine Roussin à Saint-Louis :

Louis Antoine ROUSSIN, né le 3 mars 1819 à Avignon, débarque à La Réunion en 1842, en qualité de sergent de la marine. Après son service militaire il reste sur l'île. Il installe un atelier de peinture, et se marie le 14 février 1846 avec une Créole, Louise Élisabeth Petit. Il découvre dans le fond d'un magasin une presse lithographique délabrée qu'il remet en état. Roussin publie ses premières lithographies en 1846 sous le titre « Souvenirs de l'Ile Bourbon », œuvre qui, après la révolution de 1848, prend le titre actuel de « Souvenirs de l'Ile de La Réunion ». Il travaille dès lors à une œuvre plus vaste, qu'il publie vingt ans plus tard sous le titre « Album de La Réunion », et à laquelle il se consacre près de quarante ans. Cette œuvre iconographique, véritable panorama de son époque, est un remarquable témoignage de la vie sur l'île, à travers la diversité de ses habitants, et celle de ses paysages ; elle traduit aussi l'évolution économique de l'île sur cette période. Il participe à de nombreuses expositions, reçoit différents prix et recueille la reconnaissance de la Société des Sciences et des Arts.

 

 

Curieux de tout, et essentiellement de son époque, il s'essaye aussi à la presse et publie plusieurs journaux - La Malle (1859), La Semaine (1861) et Le Courrier de La Réunion (1872) - et revues - Bulletin de la Société d'Acclimatation et d'Histoire Naturelle de l'Ile de La Réunion (1863), Bulletin de la Société des Sciences et Arts (1861 à 1872). Parallèlement, Roussin exerce le métier de professeur de dessin au lycée Impérial de Saint-Denis, de 1855 à 1888. Il meurt le 18 septembre 1894, laissant derrière lui une œuvre toute de talent, d'esprit et de cœur où « Bourbon, le vieil Eden fleuri, et si pittoresque, s'épanouit (...) comme une fleur sauvage et toute parfumée ».

http://lycee-antoine-roussin.ac-reunion.fr/spip.php?rubrique1

Ce site contient 3 diaporamas très précieux (plus de 50 lithographies)

D'autres liens que m'indique Laurent M :
http://www.livranoo.com/livre-Reunion-Album-de-l'ile-de-la-Reunion-768.html

restauration d'un tableau et bio:

http://www.potomitan.info/galerie/roussin/

 

1 calfat (gros-bec Padda)

2 cardinal

carte postale en vente au musée Léon Dierx

 

 

 

roussaille (cerise de Cayenne)

 

jamrosa et oiseaux blancs

 

l'oiseau vert et lichi

 

mangue auguste et bec rose du Sénégal

 

coulée volcanique dans l'océan

 

route de saint-gilles à saint-paul

 

plage de Saint-Gilles

 

viaduc de la grande ravine

 

prochain article A-L Roussin portraitiste, professeur, imprimeur, journaliste, photographe

 

 
Partager cet article
Repost0
7 décembre 2008 7 07 /12 /décembre /2008 07:38
Oscar Wilde a eu bien raison de dire : "c'est la nature qui imite l'art" (The picture of Dorian Gray)
J'en veux pour preuve ces trois tableaux d'une exécution exemplaire et réalisés hier ou avant-hier.
Regardez attentivement la touche de ce ciel nuageux, les traces de la brosse sont visibles : on dirait un Boudin.
"Le soleil du peintre n'est pas celui de l'univers" Diderot


Appréciez à présent la précision avec laquelle l'artiste a su, avec une grande économie de pigments, représenter les ombres et les zones éclairées des cratères lunaires.


Enfin, quelle réussite que cette scène de genre ! avec quel soin, le peintre a-t-il su retrouver le coup de marker maladroit du récoltant  sur le carton ! on croirait voir une photo


ce post était dédié à superfafa*
* dont la célébrité va être durablement assurée quand on connaît ses nombreux talents
Partager cet article
Repost0