@ demain
LES TRAVAILLEURS
Mais entends-tu la cloche aux lointaines volées ?
Sous la main du planteur elle annonce le jour.
Sa voix lente, roulant dans le creux des vallées,
Remonte, appelant l'homme aux travaux du labour.
Les Noirs, à son appel, quittent les toits de chaume,
Secouant à leur front un reste de sommeil.
Le firmament sourit et la savane embaume;
Mais pour l'esclave est-il des fleurs et du soleil ?
Ils viennent, on les compte, et le Maître gourmande;
La glèbe aride attend leurs fécondes sueurs.
Ils s'éloignent, suivis du Chef qui les commande,
Et la plaine a reçu l'essaim des travailleurs.
Vois-tu ce Commandeur, hélas! comme eux esclave,
Du fouet armé, debout sous l'arbre du chemin ?
Un chien est à ses pieds; lui, sur un bloc de lave,
Il surveille pensif son noir bétail humain.
Le fer creuse et gémit; la bande aux bras d'athlètes
Fouille le sol brûlant sous l'astre ardent et clair;
Parmi les blonds roseaux luisent les noires têtes;
L'oiseau libre et joyeux passe en chantant dans l'air !
O dure servitude ! ô sort! ô lois cruelles !
Au joug de l'homme ainsi l'homme se voit plier !
Ah! loin de ces tableaux navrants ouvrons nos ailes !
Fuyons, doux bengali ! fuyons pour oublier !
Poèmes et paysages 1852
Auguste Lacaussade
un sang d'encre
c'est la fête de la synthèse chlorophyllienne
mais le vert paradis des amours enfantines
Moesta et errabunda Baudelaire
Je possédais aussi les tubes Lefranc Vermillon et Carmin. Ces couleurs-là, celles de la colère et de la passion, j'ai bien conscience qu'il leur faut une éruption volcanique. Elle viendra ! Je la rajouterai aussitôt que le piton de la Fournaise le décidera. D'ici là, vous vous contenterez des flamboyants que j'ai photographiés ce matin, du « Concert » de Nicolas de Staël, des cardinals que j'avais pris dans la ravine Saint-Gilles, de fleurs diverses et variées, de couchants, de parapentes et vos souvenirs suppléeront : petit chaperon de Perrault, Lacryma cristi, Sangre de toro (catalunya) ou plus simplement goût du rouge à lèvres de la dernière femme embrassée passionnément.
Demain, pas de blog. Vendredi au mieux un petit. Samedi pas de blog (ascension du Dimitile). Dimanche : suite de nos palpitantes aventures.
J'ai fait quelques ajouts dans des articles passés :
- un poème de Nicolas Gerodou « compagnie des nuages » dans l'article « nuages »
- un autre, « Grands bois » dans l'article « la nouvelle »
- une photo de Laurent M dans « safran or citron »
Grâce à Christine, je dispose depuis ce soir d'une version allégée du chant du bulbul et je vous mets ça en ligne dès que possible pour remplacer l'actuelle qui pèse 3M° soit beaucoup trop. Il faut être patient que voulez-vous. Le touch-pad et le clavier de mon ordinateur haut-de-gamme acheté en juin sont cassés, j'ai acheté clavier USB et souris. Demain, le même ordi me sert à passer des vidéos à mes élèves et je fournis aussi le cable HDMI bien sûr (l'éduc nat !). Free m'ayant sucré un site, j'ai cherché et trouvé un autre magasin pour stocker le fichier son.
Le collectionneur
J’ai descendu trop vite les derniers virages. A faire crisser les pneus. Je gare ma voiture à l’entrée du pont, là où la vue sur l’océan est dégagée, parfaite.
Il est temps.
Le soleil, comme une grosse orange, va s’écraser dans le métal gris de la mer. Il descend vite, moitié d’orange sanguine, puis fine pelure de feu au contact avec l’horizon. Et, au final, l’éclat vert.
Me voici, les pieds collés au bitume, le gouffre en dessous et la tête dans les astres. Sidérée comme toujours, éblouie par le vert ultime.
Une voix me fait sursauter.
- Vous l’avez vu ?
Il y a quelqu’un derrière moi, un drôle de bonhomme, avec un bonnet de laine, un visage fatigué et des lunettes sombres, un carnet d’écolier à la main.
- Vous l’avez vu ?
De surprise, je reste sans voix. L’inconnu, lui, semble bavard :
- C’est la première fois que je rencontre ici un autre amateur de rayon vert. Je suis collectionneur, voyez-vous, voici mon mille neuf cent vingt-troisième rayon, quatre cent cinquantième pour l’Océan indien, n° 3 sur l’échelle de l’éclat, assez modeste, somme toute, catégorie émeraude medium. Un de plus, fêtons cela ensemble, voulez-vous ?
Il n’attend pas la réponse et continue :
- J’ai la plus belle collection du monde et la seule qui ne se puisse montrer : mille neuf cent vingt-trois exemplaires de rayons verts ont impressionné ma rétine et mon âme d’esthète … mais je vous ennuie avec mes chiffres.
Je dis bêtement : vous faites des photos ?
- Des photos ? Pourquoi ? Vous connaissez quelqu’un qui serait intéressé par une collection de clichés de ce genre ? Non, j’ai un carnet, un crayon, une mémoire visuelle hors norme et le classement que j’ai inventé.
D’abord l’échelle de l’éclat : intensité de 1 à 12. 12, c’est le maximum, je n’en ai que vingt-et-un en tout, des 12. Je note la dimension en « centifuges », c’est moi qui ai inventé cette mesure. Ensuite, bien sûr, la nuance. Par catégorie : jade, olivine, chou, véronèse, gazon anglais, turquoise, émeraude, etc. Parfois deux ou trois nuances se font concurrence ou se succèdent en un même rayon.
J’ai visité, savez-vous, presque toutes les mers et quantité de déserts du monde, oui, beaucoup voyagé. Je peux vous raconter les rayons verts des Iles Laquédives, ceux du détroit de Bab-el-Mandeb, du Cap d’Ambre ou du Grand Erg, le rayon de Roche Percée, celui de Bonne Espérance, de Timimoune, de Lampaul, des Lofoten … Mais, finalement, le plus beau c’est toujours le dernier, quelle que soit sa catégorie.
Voyons …Rayon vert du Pont sur le bras de la Plaine.
Heure : 18 heures vingt quatre. Chacun, sur mon catalogue, porte à la fois un numéro et un nom intime. Celui-ci …Comment vous appelez-vous ? Vous ne répondez pas ? C’est que je note aussi les rencontres, mais elles sont rarissimes, surtout dans les déserts…
Devant mon air perplexe, il interrompt un instant son soliloque.
- Venez, dit-il encore, en s’avançant, venez regarder ma collection de rayons verts.
L’inquiétude doit se lire sur mon visage
- Mais comment cela, vous avez dit que…. ?
Il se met à rire, son visage se détend et paraît soudain plus jeune, presque enfantin, candide et malicieux à la fois.
- N’ayez plus peur, regardez-moi. Regardez-moi bien en face.
Alors seulement, il retire ses lunettes de soleil.
Je vois son visage éclairé par des yeux verts, verts, d’une intensité incroyable, d’une beauté fascinante.
Alors, sans hésiter une seconde, je prends la main que me tend le collectionneur.
Depuis je ne l’ai plus quitté.
L’Entre-Deux, novembre 05