Je viens de découvrir un recueil de fables de La Fontaine traduit en créole par Claire Bosse en 1975 : "Voila-la Claire Fontaine"
Bien sûr en 1975, c'est la graphie étymologique, mais elle a son charme. Je vous copie-colle 4 fables des plus célèbres.
Le loup et l'agneau
Un tout p'tit mouton lété en train d'boire
Dan fond d'une ravine ; lété un soir.
Un vilain loup que lavé l'vente vide,
Y arrive coté d'lui. Méchant et perfide.
Comment p'tit frisé, vi connaît pas vive !
Ça, c'est ma rivière et vi promèn su la rive ?
En plusse, vi met à boire mon l'eau ?
Vous lé bien osé... l'agneau !
Quitte à moi boire... moi lé en bas de vous ;
De l'eau qui passe ici, y repasse pas par vous ;
Toute droite, elle y file par en bas...
Mi peu pas salir à elle... ça là, mi gagne pas !
Assez ronfler et arrête dire du mal de moi.
L'année dernière vous la mal parlé su moi.
Ah non, vi trompe... moi lété pas même né.
Si lé pas vou, c'est vot parenté...
Moi lé tout seul... moi lé un zenfan trouvé...
Alors, c'est vot patron que la dit, la fé !
Vot zamis chiens y fé à moi la guerre ;
Pou zot toute vous va paye cher.
Sur ce le loup y trangue la p'tite bête
Lu croque à elle, y fé la fête.
Moralité :
Le plus fort na raison su la terre
Si vous lé faibe, supporte vot' misère.
La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf
Grenouille lé surement en train.
De louque le boeuf depuis ce matin.
Elle y voudrait peut'ète fé l'amour
Ensemble ce bonhomme gros et lourd !
Ça y peut pas ète vrai ça ?
Mi demande à elle : coça vi fé là ?
Gros comme lui, mi veut tête !
Laisse à moi rire ; le dent lé bête
Vous lép'tit com puce, vi veut gale sa grosseur ?
Vous lé envieuse... vous la pas peur ?
Non, mi commence gonfler... attention !
Voilà qu'elle y ramasse sa respiration ;
Son vente y grossit... son estomac y ronfle...
Elle y grossit toujours... sa bouche y gonfle...
Mon Dieu ; moi lé zémue pou elle,
Va rive un malheur... mi prie pou elle.
Arrête grenouille, vous va faire pouf !
Non, dis à moi si mi lé encore loin
De sa grosseur ? ... réponde zamie ! Ouf !...
Mi regarde pu... vous lé encore bien loin !
Alors ma souffe toujours... ma arrête ta l'heure
Mi dis à vous : va rive à vous malheur ...
Coça c'tapage là ? C'est son vente que la pété...
C'est bien la mort que lé arrivée.
Moralité :
Pou vive heureux, guète pas saque nana gros quat' sous
Saque nana gros l'auto ; marche droite devant vous.
Si vous na point ni devant ni derrière
Casse pas la tête, coça va faire ?
La cigale et la fourmi
La cigale la gagne chanter
Tout le temps de l'été
Maint'nant la pôve diabe lé foutue !
N'aura point du tout d'manger pou lu
Pas même un kaniki de coco de pain
Pou le méchant temps qui peut v'nir demain.
Pou l'hiver y faut fé des provisions.
Dans son p'tit l'imagination
Elle y sava vitement
Secouye ses ailes d'argent
Chez la fourmi grand galop !
Zamie, lé vide mon jabot !
Et na point d'grain dans mon godon !
Foi de cigale, bien pardon
Prête à moi un peu d'manger.
Mi court vraiment un grand danger.
Quant cardinal, va rougir,
Quand l'ote lété va revenir,
Ma rende à vous toute, zamie
Prends pitié de moi ma mie
La fourmi y aime pas prêter ;
Son main, son coeur lé bien fermés
Coça vous la fé depuis l'ôte jour ?
Ah ! moi lété qui chantait
Le jour la nuite mi valsait
Le vente vide ? dit la cruelle
Alors chante encore dans la ruelle !...
Et la fourmi su cette leçon
La quitte la cigale sans façon.
Moralité :
Tit'fille y fé mal la faim.
D'accord pou rire, chanter, danser,
Mais pou gagne la vie, faut manger,
Alors, met de côté d'abord vot riz, vot pain
Goni vide y tient pas deboute
Et puis zaprès, fais la fête et fais le fou.
La laitière et le pot au lait
Une p'tite femme, Perrette lété qui descendait
En bas là bas, St-Denis. Su sa tête,
Elle l'avait un ferblanc plein d'lait.
Dan' sentier Brulé, un peu follette,
Elle y allait vite, en rêvant...
Avec son caraco rouge, sa jupe à plis,
Son soulier plate, elle y volait vraiment.
Le récipient bien callé su le sombli,
Elle y maginait toute saque elle y achétrait
Ensembe l'argent de ce bon lait frais
D'abord un, ma chère un bon peu d'zoeufs
Ma mette couver, coté parc boeufs
Quand va éclore, ma veille chat marron
Faut pas lu gagne souque la bande poussins
Ma vende à zot grand marché ; moi lé malin
Avec l'argent ma achète un p'tit cochon
Ma engraisse à lui ensembe maïs pays
Gras à point, ma vende à lu un bon prix
Après ça, ma achète un' vache et son veau
Que mi voit d'ici, sauter dan' troupeau
Légère comme un zoiseau, elle aussi y saute;
Elle y oublie saque elle nana su la tête...
Comme le p'tit boeuf, elle y fé la fête !
Patapouf ! Perrette y fé un vol plané !..
Elle y roule su le coté... le lait y fane.
Le ferblanc lé net vidé et toute cabossé
Adieu tous les rêves partis dan' fossé
Adieu p'tites poules, cochon, vache, veau
Une épine choka y rente dans sa peau
Deboute su son deux pieds, elle y pleure fort
Coça va dire son mari ? Elle va mort
Quant ma raconte à lui ça, lu va batte à moi
Ma sauve marron, Moi lé en zémois !
Moralité :
Faut pas fé trop grands rêves nous là !
Laisse nos deux pieds su la terre Bon Dieu
Faut pas faire comme ce p'tit fille là..
Faut bien mette not l'esprit sérieux
Toute not courage pou travaille vraiment
Et puis zaprès pas faire trop d'bonniment