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13 août 2013 2 13 /08 /août /2013 14:07

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Toutes les vidéos des 17è rencontres Ecrivains en bord de mer sont à présent en ligne (toutes téléchargeables) http://www.ecrivainsenborddemer.fr/ > vidéos 2013
Pour la 2è journée, le jeudi 18 juillet, plusieurs écrivains importants rencontraient lecteurs et critiques : Claro, Harry Matthews qui remplaçait Marie Chaix souffrante [ai été enthousiasmé par "L'été du sureau"], Christine Montalbetti, Alban Lefranc, Jakuta Alikovazovic, Emmanuelle Bayamack-Tam, Christian Garcin, Thalia Field et Vincent Broqua.
Impossible pour moi de détailler autant d'interventions aussi denses, mais il est bien possible que je revienne sur le travail de 2 ou 3 d'entre eux à l'avenir. Claro : lecture d'un long poème "work in progress" avec autocommentaires désopilants en live, entrecoupée d'épisodes de l'histoire de la vieille dame qui lisait Kant, se bourrait de gâteaux au chocolat et laissait une valise qui sert aujourd'hui de bureau à Claro. Christine Montalbetti : cow-boy, errance, Love Hôtel (écrit pendant et à proximité de l'explosion de la centrale de Fukushima) = à bientôt le + tôt possible. Alban Lefranc raconte de façon littéraire la vie de personnes réelles (avec Fassbinder en tête ou plutôt dans les yeux), le corps au centre de la situation tendue, plombée, créée par la bande à Baader. Jakuta Alikavazovic : une écriture qui dépasse la notion de focalisation car elle procède par plans successifs et pas de fondu-enchaînés , faussaire géniale, références et sources, le vrai passe souvent pour du faux et vice-versa.
Je parlerai un tout petit peu plus d'Emmanuelle Bayamack-Tam (qui a eu droit à 2 pages dans le Télérama du 17 juillet) dont je viens de lire "Si tout n'a pas péri avec mon innocence" (traduc d'un vers d'Ovide). Je recommande ce roman chaudement (c'est le terme approprié). L'interview menée par Alain Nicolas reste néanmoins fade car il aurait pu rebondir sur certaines phrases d' EBT. Quelques exemples :
AN : le roman est-il autobiographique ?
EBT : non, évidemment (ah bon ? pourtant Emmanuelle, on sent que tu inventes peu, et que parfois la narratrice relaie tes analyses (ô combien pertinentes))
EBT : quand je commence un roman je ne sais comment ça finira (tu sais quand même qu'il faudra finir)
EBT : beaucoup de parents pensent que le corps de leur enfant leur appartient (entièrement d'accord), l'éducation est une amputation (encore d'accord cf les ref à Salomé et Jean-Baptiste, mais l'éducation n'est-elle pas la moins mauvaise des amputations ?)
Rien d'étonnant à ce que Si tout n'a pas péri avec mon innocence ait obtenu le prix Alexandre Vialatte 2013 et le prix Ouest-France Etonnants voyageurs 2013 (décernés par des lecteurs âgés de 15 à 20 ans).

 

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Alban Lefranc et Claro

 

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Jakuta Alikavazovic

 

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Emmanuelle Bayamack-Tam

 

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Christian Garcin ("les nuits de Vladivostok")

 

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Claro

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coucher de soleil à La Turballe jeudi 18 juillet

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27 juillet 2013 6 27 /07 /juillet /2013 19:52

 

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17è édition "Ecrivains en bord de mer" 2013 à La Baule ; organisateurs = Brigitte et Bernard Martin, éditions Joca Seria (à la lettre : joyeux et sérieux) http://www.ecrivainsenborddemer.fr/ (7 vidéos 2013 téléchargeables) tweet #EBDM2013 mercredi 17 juillet

remerciements appuyés à Brigitte et Bernard Martin (qui continuent année après année à faire venir des écrivains aussi importants que Claro, Jacques Roubaud, Tanguy Viel, Emmanuelle Bayamack-Tam, Ron Padgett, Harry Mathews, liste non-exhaustive évidemment), sans oublier les partenaires CNL, Conseil Général 44 et ville de La Baule

On démarre très fort avec la lecture par Jacques Roubaud d'extraits de son Ode à la ligne 29 des autobus parisiens.  Cette ode, qui se compose, conformément au genre, de chants composés de strophes, est la première oeuvre (dans toute l'histoire littéraire) à utiliser les parenthèses en couleurs, afin de rendre compte des niveaux d'emboîtements des parenthèses.

"J'ai décidé qu'il fallait savoir qui commande, des mots ou moi, et j'ai décidé que ce serait moi." d'où parfois des graphies innovantes pour permettre la rime

Je lui ai demandé discrètement "tout de même, avec la place de l'Opéra, la gare St-Lazare, les voyageurs qui se marchent sur les pieds et même le métro de Zazie : il y a un hommage à Raymond Queneau", réponse "ah mais bien sûr, je suis fidèle à mon maître"

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Puis c'est François Bon et Marcel Proust (centenaire de la parution de "Du côté de chez Swann" en 1913)
"Proust est une fiction" de F Bon doit paraître en septembre. Evidemment, l'entrée en scène des inventions du dernier quart du XIXè siècle a la part belle : bicyclette, téléphone, électricité, automobile, métro, cinéma ... et les chemins de la création, retrouvés par François, sont convaincants.

 

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 19:28

le vieil homme publie.net

Il y a des jours comme ça où la lutte contre les requins va au-delà de l'épuisement. Où l'espadon ne suffit plus, on ne pourra pas empêcher que le bateau, Santiago et Manolin soient mangés aussi.

Lorsqu'on lit que l'éditeur Gallimard craint qu'une nouvelle (et meilleure) traduction du célèbre roman d'Ernest Hemingway fasse vaciller son empire, on se dit qu'on vit dans une drôle d'époque.

François Bon a certainement apporté des milliers de lecteurs à Gallimard. Est-ce qu'Antoine Gallimard n'est pas en train d'en perdre en s'en prenant à quelqu'un qui fait aimer autant la littérature ? La psychose du plagiat et le guet aux allures d'embuscade qu'assurent certains propriétaires de droits d'auteur deviennent très inquiétants. A moins que ce ne soit un signe de plus que François a raison quand il annonce que nous vivons les débuts d'une révolution aussi importante que la multiplication des presses d'imprimerie à la fin du quinzième siècle ? Publie.net est petit mais il fait peur à Gallimard. Faut-il rire ou pleurer ?

On peut télécharger gratuitement la traduc de Dutourd sur le net, bizarre hein ?

 

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Gallimard demande des dédommagements pour 22 exemplaires téléchargés de ma traduction du "Vieil homme et la mer"

 

addendum 9 – 19/02/2012, 8h54

Merci de vos nombreuses visites, mais vous risquez d’être déçu : y a pas grand chose à voir, et il ne s’est vraiment pas passé grand-chose.

Résumé : ce dernier vendredi, les éditions Gallimard s’adressent aux diffuseurs de publie.net (mais sans aucun message ni d’avertissement, ni aucune prise de contact d’aucune sorte, ni à publie.net, ni à moi-même), pour leur enjoindre de cesser la vente d’une traduction personnelle de Le vieil homme et la mer, d’Ernest Hemingway, disparu en 1961 et que je croyais du fait tombée dans le domaine public. J’ai procédé immédiatement au retrait de cette vente, dans les 10 minutes : that’s all, folks.

À cette heure je n’ai toujours reçu aucune demande ni avertissement des éditions Gallimard, je n’ai pas l’intention de me battre en justice pour faire reconnaître le droit éventuellement gagnable de maintenir cette diffusion : les droits numériques n’étant probablement pas explicitement spécifiés dans l’accord de commercialisation de l’oeuvre établi dans les années 80 qui fait de Gallimard le cessionnaire exclusif (quelle expression) des héritiers du vieux lion. Le droit français est très ferme, de toujours, sur le périmètre de ce qu’enferme un contrat, et qui doit y être dûment mentionné. Ce serait à eux de produire la justification de leur mainmise pour en exiger le retrait, et c’est probablement pour cela qu’ils ont préféré jouer l’intimidation sur les diffuseurs (qui vendent bien plus de Gallimard light et ultra-light que de publie.net) plutôt qu’envoyer cette demande à publie.net EURL.

D’autant que les éditions Gallimard ne proposent pas de version numérique de cette oeuvre que je considère, comme beaucoup, faisant partie du patrimoine universel). En ligne depuis quelques jours seulement, ma traduction du Vieil homme et la mer n’avait été téléchargée qu’à 22 exemplaires, je n’imagine donc pas que cela ait lésé beaucoup les héritiers Hemingway, ni les éditions Gallimard.

Ce genre d’histoire arrive souvent dans l’édition, et la complexité grandissante des législations concernant le domaine public va les rendre encore plus fréquentes. Cette affaire qui a donc duré exactement 10 minutes m’a fichu un coup au moral, parce que de propos délibéré les éditions Gallimard s’en prenaient à mes diffuseurs sans m’avertir, ni même prévenir publie.net, petite muflerie qui n’est pas un signe neutre de la part du président en exercice du SNE, et qui me pose de lourdes questions sur notre petite aventure d’édition, qu’on maintient contre vents et marées, mais combat trop inégal si ces messieurs nous considèrent comme des gêneurs, parce que sur le numérique ils restent des incapables de première classe.

C’est sans doute cela qui a provoqué cette étonnante et disproportionnée boule de neige sur le web : regardez, la veille j’avais mis en ligne un billet concernant le très beau livre de Pierre Patrolin, Une traversée de la France à la nage, d’ailleurs distribué par Gallimard (ah, ils m’y reprendront...), 454 lectures à l’instant, contre 12 600 et quelques pour ce billet en moins de 48 h : y a quand même un malaise, non ? Allez plutôt voir Une ville, 13 boucles sur publie.net si vous voulez avoir idée de ce qu’on fait et pourquoi ça les dérange.

Je n’ai pas jeté d’eau sur le feu, j’ai refusé tout échange avec les journalistes qui me sollicitaient, je n’ai pas utilisé de #hashtags irrespectueux, j’ai juste un petit goût aigre à la bouche parce que ça fait 2 jours de perdus, mais c’était le prix de mon erreur juridique – c’est le procédé, qui m’a déplu. Que le CNL refuse de considérer publie.net comme un éditeur, vu l’étroitesse de notre chiffre d’affaire, c’est clair et net, que le patron du SNE trouve indigne de nous prévenir d’une mise en ligne qu’il considère comme abusive, mais s’en serve comme moyen de pression sur ceux qui nous diffusent, j’ai peur. Lorsque le CNL lui accorde des subventions pour numérisation des Pléiade Breton (les droits numériques ont été dûment accordés par les héritiers, c’est sûr ?), je ne me plains pas de la disproportion de la taille de nos cuisines.

Ceci dit, le retrait de cette traduction (qui continuera sa vie là où elle voudra, j’ai toujours traduit pour moi, y a pas mort d’homme, et je suis pas Claro ni Marko...) a provoqué la naissance d’une série remarquable de réflexions dépassant de très loin l’affaire évoquée ci-dessus, lire André Gunthert, Lionel Maurel, Hubert Guillaud et plein d’autres. Cela n’aura donc pas été inutile, loin de là – et merci à eux tous.

Il n’y a donc pas d’affaire, je n’imagine pas Gallimard me poursuivre pour une mise en ligne qui a cessé avant même qu’ils m’intiment d’y procéder. Il y a juste le titre d’Hubert : Nous n’échapperons pas à reposer la question du droit.

addendum 8 – 18/02/2012, 19h16

Ci-dessous un extrait de Georges Bataille, paru dans Critique, mars 53, et repris dans OC tome 12 (merci Yoann Gentric), où il parle de la traduction Dutourd. Je n’avais pas connaissance de ce texte en réalisant ma propre traduction (sinon, je crois que ça m’aurait terrorisé – je m’y reconnais pourtant bien). Je n’ai pas travaillé d’ailleurs en référence ou contre-référence au texte de la trad 1952, ne l’ai même pas à la maison, avais jeté un oeil dessus chez Gibert juste après avoir terminé.
addendum 7 – 18/02/2012, 17h24

Uniquement si vous habitez le Québec, puisque là-bas au moins cette traduction aura le mérite de pouvoir survivre légalement, vous la trouverez en PDF sur le site d’Annie Rioux, écriture & dérivés. Et si elle vous convient, échange de bons procédés, prenez connaissance sur publie.net du magnifique et violent texte d’Annie : Filles du Calvaire. Gagnant-gagnant. Je répète, par précaution légale : si et seulement si vous téléchargez depuis le Québec.

addendum 6 – 18/02/2012, 10h10

- ci-dessous une liste non exhaustive des sites et blogs qui sont intervenus sur ce différend – et merci d’arrêter d’appeler ça une guerre, je n’ai fait la guerre à personne, j’ai obtempéré à une demande de retrait qui ne m’a même pas été adressée, point barre, les moucherons ne s’attaquent pas aux bulldozers, et c’est pas moi qui vais racheter Flammarion à leur place... Je commence quand même à comprendre pourquoi je me suis trompé sur cette question de domaine public et comment ça fonctionne, merci à Cécile Dehesdin sur slate.fr pour cette analyse détaillée.

addendum 5 – du lendemain

Réveil un peu douloureux, impression que c’est un mauvais rêve. Floraison de messages un peu partout, mais j’aimerais tellement que ça concerne plutôt le travail collectif de recherche et de création qu’on mène ?

Des messages aussi qui imaginent que, Gallimard bloquant pour encore 20 ans les droits d’Hemingway (qui s’est suicidé il y a 50 ans, mais ses héritiers ayant apparemment renouvelé en 1980 le copyright par je ne sais quelle astuce juridique), et Gallimard méprisant son propre public en ne proposant pas de version numérique du texte concerné, encore moins une traduction moins obsolète que la Dutourd 54, qu’ils pourraient utiliser la mienne : ce genre de message ça me fait un peu mal. Suffit de la goujaterie, pas envie de jouer les domestiques. Pas avec eux, pas chez eux. Ce qui les gêne, c’est publie.net, et c’est bien pour cela qu’hier, au lieu de m’adresser un message à moi (ce n’était pas difficile), ils ont décidé de faire pression sur nos diffuseurs.

Alors s’il vous plaît, respect là-dessus. De même, je n’ai jamais utilisé une seule fois dans mes quelques relais twitter d’hier des #hashtags dont je ne porte pas la responsabilité. De même, je n’ai relayé à aucun moment les messages qui annonçaient que ma propre traduction était maintenant accessible sur des serveurs libres, je ne l’ai pas choisi, j’ai fait mon deuil (enfin non, quand même, sentiment intérieur de profond gâchis), mais désormais c’est comme ça – qu’elle vive sa vie sans moi.

Je rappelle que le travail de publie.net sur les textes de domaine public a une fonction vitale pour notre plateforme : c’est la seule cagnotte dont je dispose pour rémunérer les 2 codeurs-créateurs en charge de nos epubs textes contemporains, dont la diffusion à elle seule ne permettrait pas cette rémunération, retour à mon 1er paragraphe. Et c’est probablement la raison de cette attaque lourde et délibérée de M Gallimard, dont on aurait supposé qu’il avait autre chose à penser mais non.

On souhaite bon courage à toutes celles et ceux qui continueront de lire Le vieil homme et la mer dans la traduction de Jean Dutourd pendant 20 ans encore.

Mes traductions de Lovecraft et le Bartleby restent à votre disposition sur publie.net, et il y en aura d’autres – c’est un exercice du soir pour moi important, depuis deux ans, ou le dimanche (oui, traducteur du dimanche), y compris parce que ça m’aide à gérer la déconnexion. Et que je ne saurai plus lire la littérature américaine sans mettre les mains dedans.

addendum 4 – 19h29, affaire close

J’ai eu connaissance à 12h45 de la lettre comminatoire de Gallimard à mes diffuseurs, les enjoignant de retirer immédiatement de la vente ma traduction du Vieil homme et la mer.

J’ai procédé à 12h50, principe de précaution, au retrait de cette vente via la plateforme de mon diffuseur l’Immatériel-fr. Elle a été effective dans la minute chez l’essentiel de nos diffuseurs, dont notre propre plateforme, ePagine, iTunes, délai de quelques heures pour Fnac et Amazon.

J’estime donc avoir obtempéré à la demande qui ne m’a toujours pas été communiquée, les éditions Gallimard considérant indigne d’eux-mêmes une telle démarche.

Fin de l’affaire. C’est un petit morceau de moi ce soir qui m’est enlevé. Quelques amis ont lu ce travail qui me tenait à coeur, c’est l’essentiel. Je continuerai à publier et à traduire.

L’hostilité active du Syndicat national de l’édition à notre égard, le lobbying de ces messieurs les riches et puissants est trop insupportable – j’ai décidé d’annuler 2 conférences sur mutation numérique du livre, et ne parlerai plus de ces problématiques qu’à l’étranger. Je ne mettrai pas les pieds non plus au Salon du livre de Paris. Par contre, on continue le projet Impression à la demande, on continue avec nos auteurs.

Merci à tous de votre soutien. La meilleure façon de l’exprimer c’est de nous lire, pas mes textes à moi, ceux de nos auteurs.

Je laisse la conclusion à Hubert Guillaud : Nous n’échapperons pas à reposer la question du droit.

addendum 3 – 18h30

Désolé, amis journalistes, mais je n’ai rien de plus à ajouter. Tout est dans le blog, et réciproquement. Le dis, et le redis : la vraie révolution, c’est quand vous commencerez à parler de nos auteurs et de nos textes, et pas venir respirer par ici sous prétexte que M Gallimard vient nous fiche un étron sur la figure (ai déjà subi ça dans les bizutages école d’ingénieur en 1972, c’était déjà symptômes d’un monde qui mourait, pas le même, mais même histoire). Et JE NE ME SERS PAS DU TÉLÉPHONE.

addendum 1 – 15h50

Merci à tous pour messages amicaux.

Il y a 2 points essentiels :
- le premier concerne l’obsolescence globale du système actuel de droits d’auteurs ;
- il a comme corollaire l’axiome essentiel du droit français, qu’un contrat ne vaut que pour ce qu’il nomme – je travaille avec mon conseiller juridique, le copyright d’Hemingway pour les publications américaines appartient à ses héritiers, mais le texte lui-même relève du domaine public ; il semble qu’il soit plus que risqué à Gallimard, qui a procédé par la menace auprès de mes distributeurs, sans avoir même la politesse de m’informer, d’affirmer sans pièces disposer d’un droit d’exclusivité pour l’exploitation numérique de l’oeuvre concernée, sinon les droits concernant la traduction 1954 de Jean Dutourd ;
- la deuxième me touche de façon plus affective : une position de pouvoir et de lobbying dans le système éditorial français, qui tente de faire pression sur nos diffuseurs pour léser notre travail de création.

Évidemment, pas question de céder. Je prends 3 jours pour réfléchir. Il se peut que je suspende l’activité de publie.net quelques mois, le temps de recréer la structure à Bruxelles et prendre un peu de distance.

Et si cette lettre comminatoire s’avérait une poursuite abusive, je serai mieux à ma place qu’à la leur.

Mais, sur le fond, il se joue quelque chose de beaucoup plus important. La culture numérique ne peut pas se décalquer sur les formes actuelles de distribution du livre. C’est là qu’il nous faut inventer.

À suivre. Mon téléphone est coupé. Pour pas craquer, je retourne à traduction en cours d’un autre texte immense, Pour demain, de Conrad (à noter d’ailleurs que la traduction Gide de Typhon est sur des tas de sites gratuits et que Gallimard n’a pas l’air de s’en formaliser) et j’ai plein de bricolos à réparer dans ma maison.

Remerciements plus particuliers, pour leurs billets blog, à :
- Claro (pas rien, ami, écrivain, mais quel traducteur) : Gallimard l’a amer ;
- Benoît Mélançon, heures de partage montréalaises : Appui à François Bon ;
- Laurent Margantin (qui vient de proposer magnifique traduction des ultra-brefs de Kafka – et je rappelle que dès entré dans le domaine public, G-A Goldschmidt comme B Lortholary avaient publié leurs propres retraductions de Kafka, est-ce que ça abîmait notre révérence à Vialatte ?) : En faveur du Vieil homme et la mer.
- Numérama, Gallimard pousse un passionné de littérature etc. ;
- Korben, Qui se gallimarrera le dernier ;
- Christophe Grossi qui avait été le premier avec Marc Pautrel (La chose pour laquelle on est né) à lire et propulser cette traduction, sur le blog ePagine
- Mahigan Lepage, C’est à la création qu’ils en veulent
- sur CultureVisuelle (site qui m’est indispensable), Pierre-Alexis Vial, lettre ouverte

NOTA : merci, chers journalistes qui n’avez jamais parlé des textes de publie.net, de s’intéresser si soudainement à nous. Mais voyez, c’est pas le jour, et pas de cette façon-là.

addendum 2 – présentation publie.net de la traduction retirée de la vente

"Le vieil homme et la mer" paraît en 1952. Ce sera le dernier livre d’Ernest Hemingway avant son suicide en 1961.

Est-ce cela qui donne à cette fable à la fois dépouillée et immense comme la mer son universalité ?

L’entrée d’Ernest Hemingway dans le domaine public autorise la réalisation de ces rêves d’enfance : reprendre ces textes si rares qui pour soi-même ont été une révélation de la littérature – pourquoi, parce que moi aussi je vivais devant la mer, et que j’avais le savoir des mains des pêcheurs, et la lenteur de leur parler ?

Traduire c’est reprendre un texte comme du gravier, lentement. Par rapport aux autres textes d’Hemingway, presque un travail de statuaire : si peu de mots, et le tournoiement de leurs répétitions, des didascalies qui détourent les phrases comme un vitrail. Le jeu précis de miroitements entre les paroles que le vieil homme dit à haute voix pour le ciel, le poisson ou lui-même, et son monologue intérieur. Le travail comme sur du marbre entre homme et animal, et l’égalité terrible devant mort et destin.

L’énorme défi de ce texte, c’est comment l’universel tient à ce rythme, et ce concret. Puis la violence de la fable, l’émergence crue de beauté qui en est le complément nécessaire, presque incestueux.

Hemingway a ajouté une page, et quelle page, au livre unique et universel de notre humanité.

FB

Gallimard versus publie.net

L’ensemble des diffuseurs de publie.net (mais pas moi) viennent de recevoir la lettre suivante :

Chers libraires,

L’éditeur Publie.net a mis en vente, peut-être via votre plateforme, une édition au format numérique de Le Vieil homme et la mer d’Ernest Hemingway.

Les Editions Gallimard sont propriétaires des droits d’édition (y compris des droits d’édition au format numérique) pour cet ouvrage.

Elles demandent à l’éditeur Publie.net de retirer cet ouvrage de la vente, dont la publication et la commercialisation constituent un acte de contrefaçon.

Si vous proposez cet ouvrage à la vente, nous vous demandons de procéder à son retrait immédiat de votre plateforme.

Cordialement,

Eric Marbeau

Partenariats et Diffusion numérique – www.gallimard.fr

La lettre reçue par iTunes fait d’autre part mention de dédommagements fonction du nombre d’exemplaires téléchargés.

J’ai procédé dans la minute même à ce retrait. Quelques faits :

Hemingway, disparu en 1961, est dans le domaine public aux USA et Canada.

Rappelons que les États-Unis, sous la pression des éditeurs européens, viennent d’adopter une loi selon laquelle la durée du domaine public dans le pays d’origine doit s’appliquer au pays de diffusion.

Traduire Le vieil homme et la mer était pour moi un projet ancien, avec des souvenirs venus d’une enfance dans un recoin pauvre, le littoral vendéen à l’Aiguillon-sur-Mer, ses ostréiculteurs, le travail sur la digue où j’accompagnais mon père et mon grand-père. Parler lent, parler rare, épreuve continue des éléments de nature.

La traduction proposée par Gallimard depuis 1954 est due au futur académicien Jean Dutourd. Elle s’établit selon les canons d’époque, faisant parler le pêcheur comme doit parler selon la littérature un illettré de Cuba. J’ajoute que cette traduction n’est pas disponible au format numérique.

J’ai préféré la vieille leçon de Maurice-Edgar Coindreau, premier traducteur de Faulkner, qui disait s’être souvenu du parler vendéen pour entrer dans Faulkner.

J’ai mis en ligne la semaine dernière ma propre traduction de Le vieil homme et la mer. Vingt-deux exemplaires exactement en ont été téléchargés.

Ce matin, M. Antoine Gallimard, adresse rue Gallimard, Paris VIe arrondissement, officier de la Légion d’honneur, président du Syndicat national de l’édition, membre du Conseil d’administration de la Bibliothèque nationale de France, demande le retrait immédiat de cette traduction, et réclame des dédommagements.

Je suis usé, poussé à bout, irrité. C’est à la création que ceux-là en veulent. Ils sont prêts à tous les gâchis pour maintenir leur pouvoir.

J’ai décidé d’interrompre momentanément les publications prévues sur publie.net, et me donne trois jours pour décision d’en arrêter totalement l’activité – du moins faire autre chose, ailleurs, et selon d’autres modes de diffusion. Je ne peux pas continuer dans un contexte de telle hostilité dont toutes les manoeuvres bureaucratiques récentes ont bien montré la collusion avec le pouvoir politique.

Je m’excuse sur absence des réseaux dans les trois jours à venir, pas de mail, pas de twitter, je dois prendre des décisions graves.

C’est la première fois que j’ai affaire à une réaction de mépris, d’arrogance, d’hostilité aussi délibérée. C’est trop pour une petite structure comme la nôtre.

Ci-dessus, photographie de mon père devant la mer. Cette traduction du Vieil homme et la mer lui était à chaque page dédiée.

Je remercie tous les auteurs, lecteurs, diffuseurs qui durant ces trois ans nous ont soutenu sans faille et permis une telle aventure.

Je vous souhaite du bonheur. Par la lecture, quand même et malgré eux. Quelque chose se fissure : ce jour, c’est M Gallimard lui-même qui nous pousse à trouver d’autres formes que l’édition et la librairie numérique pour notre travail de créateurs.

C’est à cela qu’il nous faut tous réfléchir ensemble.

Désolé pour premiers contributeurs, je préfère fermer commentaires sur ce billet. Mais libre à vous de vous exprimer bien sûr sur tous autres vecteurs. Merci de votre compréhension. FB.

http://www.actualitte.com/actualite/monde-edition/justice/exclusif-la-contrefacon-d-hemingway-n-est-pas-banale-estime-gallimard-32127.htm

le blog de dominique hasselmann

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14 septembre 2010 2 14 /09 /septembre /2010 17:11

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Le 16 avril dernier, j’ai accompagné ma classe de seconde à la nouvelle Bibliothèque Départementale de Saint-Denis inaugurée le 18 décembre 2009. Il s’agissait de découvrir les missions d’une bibliothèque moderne et aussi de rencontrer un écrivain, en l’occurrence un poète-dramaturge haïtien Guy-Régis Junior. (http://www.lehman.edu/ile.en.ile/paroles/regis.html) Les élèves ont d'abord dialogué 1h30 avec lui. Un échange passionnant sur le métier d'écrivain, l'inspiration, la mise en scène, la poésie, Haïti aujourd'hui, la créolité, la vie d'un artiste en résidence. Non seulement ils avaient lu des textes de lui avant, ils s’étaient même frottés à l’écriture d’une nouvelle, mais Guy-Régis Junior les a mis à l’aise, a répondu avec humour, attention et générosité à toutes leurs questions. Les élèves ont ensuite découvert les rayonnages de la BDR et ses contraintes (humidité, mesures empêchant les changements thermiques, pénombre), la Bibliothèque du Museum, le Museum et un parcours photographique dans le Jardin de l’Etat avec François-Louis Athenas.

Je copie-colle ci-dessous ma prise de notes pour les curieux. J’y ajoute le poème « Atteint » que les élèves avaient étudié avant de rencontrer GRJ.

Une des choses les plus intéressantes, c’est de pressentir ce qu’on savait mais qu’on était en train d’oublier : ceux qui ont le droit à une véritable instruction dans le monde actuel, représentent environ 10% de la population mondiale. GRJ explique qu’il s’est extrait miraculeusement de la misère. Pour quelques élèves, c’est l’électro-choc, la prise de conscience. Pour d’autres, c’est trop tard. Trompés par la vie facile, condamnés à rester immatures, ils n'auront jamais conscience d'être nés du bon côté dans un monde inégalitaire, un monde en morceaux. Peu leur importe si en Haïti, comme à Madagascar, aujourd’hui en 2010, un enfant sur deux seulement pourra apprendre à lire. 

Ce contexte donne un poids particulier à cette phrase de GRJ : « j’appartiens à une génération qui avait une scolarité intermittente, un mois le prof venait, un mois le prof ne venait plus ; ça paraît rigolo comme ça, mais il fallait une vraie volonté pour réussir sa scolarité car tu ne peux pas faire tout le programme tout seul […] il faudrait que vous ayez conscience de la chance que vous avez »

Dans mon ancien blog, j’ai expliqué hier soir pourquoi j’ai l’impression d’avoir quitté l’Education Nationale à un moment où elle est dans un triste état : (s') instruire aujourd'hui  http://emoidesmots.blogspot.com/

 

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carte de la Réunion datant de 1545

 

Rencontre élèves - GRJ

 

Pourquoi avoir écrit « Atteint » ?

Quand tu reçois une balle normalement tu sues tu as chaud beaucoup de noirs ont été victimes de ça

qu’est-ce que j’ai, qu’est-ce que j’ai,

quelles questions on se pose quand on est dans une situation pareille ?

j’ai assisté souvent à des fusillades dans mon pays ; rien qu’au sifflement d’une balle, je sais reconnaître de quelle arme il s’agit sans me tromper.

 

j’ai 36 ans

 

j’écris à partir de l’indignation, j’écris avec mon âme, j’écris pour ne pas devenir un kidnapper, un voleur, un dealer car j’ai été élevé dans un quartier…. Sur 100, je ne crois pas qu’il y en ait 10 qui ont été sauvés, moi j’ai eu de la chance, j’en profite et je continue ; par « sauvés » je veux dire devenir quelqu’un qui vous parle comme moi de littérature et d’histoire 

 

différence créole rényoné et créole haïtien : c’est du français au départ ; après oui il y a des différences ; dans le créole haïtien il y a des mots espagnols, indiens etc

 

en Haïti, il y a beaucoup d’écrivains

en musique, j’aime John Cage (musique sérielle, musique où s’introduit le hasard)

 

écrivains : on vit des droits qu’on touche sur les livres qu’on publie, environ 10 à 12% de la recette et de la vente

je vis de ce que j’aime, par passion, même le week-end je travaille

 

poème préféré : « Le Dormeur du val »

poètes préférés : Rimbaud, Saint-John Perse, Aimé Césaire

pièce de théâtre préférée : Dans la solitude des champs de coton (1985) de Bernard-Marie Koltès à cause du deal comme moteur d’une rencontre

 

j’appartiens à une génération qui avait une scolarité intermittente, un mois le prof venait, un mois le prof ne venait plus ; ça paraît rigolo comme ça, mais il fallait une vraie volonté pour réussir sa scolarité car tu ne peux pas faire tout le programme tout seul

pour ma fille je paie 1000 euros chaque trimestre pour ses frais de scolarité, sans compter les autres dépenses scolaires

il faudrait que vous ayez conscience de la chance que vous avez

 

en Haïti, la plupart des écoles sont privées

déçu par mon école privée, je suis allé dans une école publique

mais, pour ne prendre qu’un seul exemple, la prof de biologie n’a fait qu’un cours au premier trimestre et il portait sur les os ; au 2è trimestre, idem, un seul cours, sur les os ; au 3è idem

alors on allait à la bibliothèque pour se former par nous-mêmes

les plus intelligents en tout cas

pour réussir, il faut compter sur soi

puis je suis retourné dans une école privée

 

je ne fais pas qu’écrire du théâtre

je fais aussi de la mise en scène et des traductions

 

part de l’autobiographique ?

oui dans Le Père, août 2009

Cette pièce parle de la fascination qu’exercent les USA sur les pères haïtiens. Ils partent en principe pour faire fortune et revenir. Mais souvent le père ne rentre jamais. Dans ma pièce, il meurt et toute la famille attend son cercueil à Port au Prince. Dans ma vie personnelle, mon père (qui n’est pas mort) est parti quand j’avais 12 ans. Quand je l’ai revu, il avait 30 ans. 

 

Vous servez-vous d’un ordinateur ? oui ; mais il a un inconvénient : on ne voit plus les ratures, les brouillons, les états successifs d’un texte ; François-Louis Athénas regrette la beauté perdue des manuscrits ; sur nos tables en bois, il y a 40 ans, on avait des porte-plumes et des plumes en acier

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     Atteint

        Inquiétant. Ça devient inquiétant.
        Comment, pourquoi inquiétant ?
        De n'avoir jusqu'à présent pas été atteint.
        Atteint. Atteint de quoi ?
        D'une balle.
        De quoi ?
        D'une balle.
        Tu sais, un projectile qui court...

il court, il court et il rentre ; il court, il court, il court, il ravage ; il court, il court tout ravager ; il ravage tes muscles, tes os ; il court, il rentre et tout ravage en toi ; tu ne le sens pas qui court ; c'est le feu en toi ; cette chose brûle tout en toi, et toute cette chaleur qui monte subitement, tout ça, tout ça te bouleverse, tout ça, tu ne comprends pas ; tu ne penses même pas à comprendre, tu n'es pas habitué, tu parles, personne n'est habitué à cette chose-là, mais elle est là, là, rigide, tenace, téméraire ; elle arrête même de courir pour bien se loger dans un de tes muscles ; elle est même faite pour être logée en toi, dedans toi, oui, pense ; pense à ça, pense que c'est normal qu'elle se fiche dedans, dedans l'un de tes organes, pense, pense, vas-y, mais tu ne peux ; bien qu'elle soit là dans toi, tu ne peux pas, même ça, tu ne le peux pas, penser, la chose, la vérité de cette chose, elle est là, plantée dans ton corps même, elle l'est, oui, oui, oui, dedans même, elle s'installe, elle s'incruste, elle se plante, mais vas-y, défends-toi, défie-la, ose la défier, cette chose-là ; cette chose, à la vérité, elle finira en arrêtant de courir par t'arrêter toi-même ; toi, oui, toi-même ; les gens courent vite te transporter, tu saignes, tu perds ton liquide ; ça dégouline, ta sueur, ta morve, tout ton sang tu le vois se verser ; ça te bouleverse, et toi, pour l'instant, ce n'est pas ce qui compte, ce n'est pas ce qui compte pour toi, d'être bouleversé ; tu ne penses pas ; tu ne peux pas, tant que ça coule, tant que ça dégouline ; les gens sont bouleversés ; les gens, ceux qui te transportent, ils ne peuvent pas, ils n'osent pas te regarder ; mais pour l'instant, une fois de plus, ce n'est pas ce qui compte ; pour toi, ce n'est pas ce qui compte vraiment ; les gens et toi vous ne pouvez même vous regarder, même pas ; vos yeux expriment déjà une trop grande désolation ; une grande désolation s'abat sur vous, sur eux, sur les gens ; s'abat sur eux, sur tout le pays ; une grande désolation s'abat sur tout pour tous nous ravager ; pense, vas-y, pense ; je te défie de penser ; impossible pour l'instant ; ça, ça ne compte pas ; même les gens ne comptent pas pour toi ; même les gens, même le quartier, même la ville, même le pays tout entier ne compte pas ; pour l'instant ce qui compte vraiment pour toi c'est d'être sauvé ;  tu les effaces les gens, malgré leurs yeux éteints par la désolation, tu les effaces, tu les éteins ; toi, tu voudrais être sauvé, tu voudrais garder ton souffle, respirer, respirer, respirer, encore, encore, respirer, vivre, voir, encore, encore, respirer, entendre, vivre, pouvoir encore bouger, respirer, respirer, vivre, exister, exister encore, être encore, être en vie ; malgré eux, les gens, malgré tout, malgré nous tous, être encore capable de bouger ; pense, vas-y, pense, pense à pourquoi tu tiens tant à respirer encore ; pense, pense, pense ; non, tu ne sais même pas trop pourquoi tu voudrais continuer à respirer, à durer, à continuer à faire bouger ce corps qui finalement sera toujours cible dans cette ville, dans ce pays, où tout est déjà cible ; les murs, les fils électriques, les pylônes électriques, les gens, les femmes, les enfants, les militaires, les lâches, les braves, les défenseurs, les défendus, les policiers, les protecteurs, les protégés, les assaillants eux-mêmes, les murs, les fils électriques, les pylônes électriques, les gens encore, les femmes encore, les gosses encore, les assaillants encore eux-mêmes, les policiers encore, leurs bras encore, leurs mains encore, leurs ventres encore, leurs têtes encore ; pense, vas-y ; non, ce n'est pas bien d'être une cible, quoi que l'on fasse, qui que l'on soit, de quelque nature que l'on soit ; non, pas tentant du tout ; mais, pour l'instant, toujours et toujours, ce n'est pas ce qui compte pour toi ; pour toi, non, toujours pas ; toi, tu voudrais vivre ; tu voudrais respirer, respirer, encore, encore, encore, garder ton souffle, entendre, voir, toucher, respirer, encore, encore, voir, entendre, respirer, respirer, respirer encore, encore ; que la ville meure, que le pays se carbonise, s'enterre, s'incinère ; que le pays se carbonise, s'enterre, s'incinère ; que le pays se carbonise, s'enterre, s'incinère ; toi, tu veux planter ton mât, ton digne étendard d'homme ; toi, tu veux vivre ; pourquoi, mais pourquoi tu voudrais vivre, planter ton mât, ton digne étendard d'homme, ce pays encore se carbonise, s'enterre, s'incinère ; se carbonise, s'enterre, s'incinère ; se carbonise, s'enterre, s'incinère ; mais pourquoi, mais pourquoi, mais pourquoi pendant que toi tu voudrais vivre, respirer, ce pays se carbonise, s'enterre, s'incinère ; pourquoi mais pourquoi, mais pourquoi ce pays, mais pourquoi ce pays, mais pourquoi, mais pourquoi, mais pourquoi... ce pays...


        Arrête.
        Arrête de penser.
        Oublie. Dors.
        Il est minuit dehors.
        Oublie. Dors.
        Referme à nouveau les yeux. Referme-les.
        Dors. Dors.
        Tranquillement.
       
 Guy Junior Régis 2008

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3 avril 2010 6 03 /04 /avril /2010 20:25

En 1974, il se trouve que j'ai écrit dans la moiteur de l'extrême orient (Malaisie, Java, Bali, nord Thaïlande) des textes qui tournaient tournaient dans leur support, sans ponctuation ni majuscules et se faisaient autant calligrammes que poèmes. Je n'ai plus ces textes, nombreux, postés vers celle avec qui j'ai été marié ensuite 4 ans. Mais ils venaient d'une inspiratrice : Sophie Podolski.

http://www.pileface.com/sollers/article.php3?id_article=918

Je la lisais à chaque livraison de Tel Quel en 1971 et 1972

Je sais bien que c'est mal vu aujourd'hui d'avoir été maoïste mais j'assume, je l'ai été quelques mois en 1972 (merci à Andrée Barret, Jacques Henric, Guy Scarpetta ("toi, je te revois"), merci à l'Hôtel du phare de Belle Isle en mer à Sauzon)

jusqu'à une époque récente, il était impossible de trouver quoi que ce soit sur Sophie

ce soir, je découvre que Google propose plusieurs documents d'où mon émotion

 

Sophie a écrit à Philippe Sollers avant de se suicider en décembre 1974 à 21 ans, c'est son style qui m'a bouleversé

je venais d'avoir 25 ans

 

Bruxelles

Le 29 novembre 1972

phillip Solers,

Je vous jette des grands signes de loin en patin a roulettes. toute petite verte glissant sur le plafond en criant il flotte le monde etc... arrivée à côté de vous vous me racontez l’étrange aventure. nous décidons d’aller la trouver dans la crique ou elle se repose de la magnifiquence de ses derniers trajets. nous rions tous aspiré par la gluante fraîcheur du fumier orduriel. (haletera un long spasme qui nous donne le sommeil). une nourrice explique notre oubli en carré noir. l’éttouffement soudain s’empare de la gorge et nous maintient siddéré sur un thème de magie noire où il y a victoire. Je ne crois pas que demain il faudra acheter ou ne pas acheter du pain ou autre chose. heu... c’est équivoque ceux qui parle du savoir savent connaître le savoir comme une methode énergique motrice. Je suis un merle parleur. je suis une flaque d’huile. Je suis un enfant assis par terre qui attend une recompense. tu as vu des cerveaux les uns dans les autres. c’est vrai qu’ils crient ? l’escadron déboutonné des chats sur l’échelle se rendent chez moi. nous irons à la chorale des chameaux bouddhistes qui se rendent sur le bateau des naufragés de la névrose des blancs dégénérés. (nous ne sommes jamais que les assistants du vide). Je veux voir que nous sommes aucun mais au moins nous sommes deux chacun dans la ligne qui nous rejoint en nous internant deux dans chacun aussi Bien qu’autant deux dans aucun

AMICALEMENT

Sophie
http://www.pileface.com/sollers/article.php3?id_article=918#section3
« Les cheveux du soleil sont nos mains aussi.
L’écriture pompiérise tout signe alarme continue. Lettre à tous les mondes. Vous êtes tous des cons - ou bien vous êtes pas défoncés ou vous flipez comme des cons - parce que c’est ici une planète de cons qu’on comprendra jamais et on y comprend rien à rien. »

« RENDEZ LES COULEURS — LES VOYAGES QUE VOUS AVEZ PRIS !
Ils veulent que je prenne le temps de CREVER — Donc je suis une crevure noble — pas un épistolaire du siècle
rue de l’ancienne comédie... »

Sophie Podolski,
Le Pays où tout est permis, 1973
(premières lignes et derniers mots).

 

chacun comprendra qu'il y a du Rimbaud dans ces lignes

Sophie avait trop d'avance sur nous

et ça me bouleverse

JC

 

http://books.google.fr/books?id=NlYqut4rJQMC&pg=PA475&lpg=PA475&dq=sophie+Podolski+le+pays+o%F9+tout+est+permis&source=bl&ots=rJKWffYBm1&sig=NdSs0cUJVC_sd-LhJV4SqiERJ6o&hl=fr&ei=vjq5SvnuIpOsjAepuOn_BQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=7#v=onepage&q=sophie%20Podolski%20le%20pays%20o%C3%B9%20tout%20est%20permis&f=false

 

 

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5 octobre 2009 1 05 /10 /octobre /2009 18:13

Compte rendu

Antonio Lobo Antunes : "Un livre est comme un organisme vivant"

LE MONDE | 05.10.09



Au début, je faisais des plans très détaillés, ce qui m'ôtait toute la surprise du livre parce que je savais déjà qui était le criminel. Et puis, je n'étais pas content parce que je ne voulais pas raconter des histoires. Je voulais autre chose. Un livre est comme un organisme vivant, il a ses propres lois. (...)

http://www.lemonde.fr/livres/article/2009/10/05/antonio-lobo-antunes-un-livre-est-comme-un-organisme-vivant_1249463_3260.html

 

Quelquefois, quand on est couché, quand on est dans cette sorte de phase crépusculaire, entre le sommeil et la veille, on a la sensation d'avoir découvert le secret du monde et de la vie. Et comme on a conscience qu'on est presque endormi, on essaie de se réveiller pour ramener ce secret à la surface. Mais quand on est réveillé, on n'a plus rien. Je me demandais comment avoir cela, écrire dans cette sorte d'état second où vous avez la sensation d'avoir accès à des choses auxquelles vous n'avez pas accès quand vous êtes totalement réveillé. Et j'ai compris que si j'étais très fatigué, j'aurais tout cela : il faut que mes mécanismes logiques soient relâchés, que la police politique intérieure qui vous interdit de penser d'une façon non cartésienne, rationnelle, etc. cède le pas à une autre logique, celle des émotions.

Je n'ai jamais de plan. Pour ce livre-là, Je ne t'ai pas vu hier dans Babylone, j'avais seulement dans la tête une question qui me persécutait depuis très longtemps, depuis que je suis enfant : comment la nuit se transforme-t-elle en matin ? Quand j'étais petit, j'allais me coucher, et tout de suite, c'était le matin, il y avait du soleil à la fenêtre. Qu'est-ce qui s'était passé pendant ce laps de temps ? Cela m'intriguait toujours. C'était la seule idée que j'avais pour le livre. Je voulais comprendre comment la nuit se transforme en matin. Mais je n'arrivais pas à commencer le livre, il fallait un déclic.

J'habite dans un quartier au centre de Lisbonne, qui ressemble à une petite province avec des merceries, des boulangeries, des couturières et des petits bistrots. Comme je vis seul, je mange dans un de ces petits bistrots. Une très vieille actrice, âgée d'environ 90 ans, dîne toujours toute seule dans ce bistrot. Elle arrive seule et s'habille pour aller dîner. Elle porte des robes en soie, des boucles d'oreilles, des bagues et elle va se faire coiffer chez des coiffeurs de quartier, qui font des choses assez moches. Elle a donc une sorte d'armure, un casque de cheveux très blancs autour de son visage. Un jour, je me suis approché d'elle et je lui ai dit : vous avez un si beau sourire, madame. Elle a baissé la tête - c'était très curieux, elle était en train de manger -, elle a cherché son rouge à lèvres (il fait le geste de se passer le bâton de rouge sur la bouche) et elle a levé les yeux et m'a souri. C'était la première fois que j'ai vu un sourire à l'intérieur d'une larme. Je ne savais pas qu'il pouvait y avoir des sourires à l'intérieur des larmes. C'était le déclic et j'ai commencé le livre. Il n'y avait aucune décision intellectuelle ou rationnelle, c'était purement émotionnel. Ce sourire de vieille dame a tout déclenché. Car en même temps, il éclatait de jeunesse. Soudain, elle n'avait pas de rides, une jeune fille droite avec des yeux très émus. Elle avait 18 ans, elle était beaucoup plus jeune que moi. (...)

Pendant que j'écrivais, j'avais tout le temps dans la tête l'impression que j'écrivais pour son sourire et pour son immense solitude. Le patron du bistrot m'a dit : "Ah, vous savez, elle se couche toujours à 3 heures du matin, comme si elle travaillait encore au théâtre." Elle regardait la télé, elle lisait des revues. Elle continuait à vivre comme elle avait toujours vécu - elle avait été assez connue, mais ce n'était pas une grande actrice -, elle conservait les mêmes habitudes qu'avant. Et là, j'ai compris comment on peut vivre dans une immense dignité et en même temps avoir la soif de tendresse de cette femme-là, dans sa solitude. Et j'ai dit : "Maintenant, je peux écrire."


Je ne t'ai pas vu hier dans Babylone, Christian Bourgois, 572 p., 28 €.



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11 août 2009 2 11 /08 /août /2009 16:04

Le Grand Livre de la méchanceté, anthologie de Pierre Drachline, J'ai lu, 2006

 

Commentaire de l'éditeur : 1600 citations de personnalités contemporaines et historiques dont l'acidité réjouit. Hommes d'État, politiciens, écrivains, artistes et humoristes affûtent leurs piques et touchent leurs cibles en plein cœur. Pierre Drochline nous offre une invitation à ne plus se priver du bonheur de la méchanceté.

 

Petit florilège perso :

 

« Je préfère le méchant à l'imbécile, parce que l'imbécile ne se repose jamais » Alexandre Dumas

 

« Il y a des temps où l'on ne doit dispenser le mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux » F-R de Chateaubriand

 

« Quand une femme se reconnaîtra dans sa photographie, j'enverrai un bouquet au pape » James Joyce

 

« Il existe une sorte d'homme toujours en avance sur ses excréments » René Char

 

« L'amour, c'est l'infini à portée des caniches » L-F Céline

 

« Dès qu'on sort dans la rue, à la vue des gens, extermination est le premier mot qui vient à l'esprit » Emil Cioran

 

« Pénélope était la dernière épreuve qu'Ulysse eut à subir à la fin de son voyage » Jean Cocteau

 

« Un peu d'embonpoint, un certain avachissement de la chair et de l'esprit, je ne sais quelle descente de la cervelle dans les fesses, ne messiéent pas à un haut fonctionnaire » Jules Romains

 

« Pour les ravigoter, on remonte les riches, à chaque dix ans, d'un cran dans la Légion d'Honneur comme un vieux nichon et les voilà occupés pendant dix ans encore » L-F Céline

 

« Toute mère, au bal, est un notaire déguisé » Léon Golzan

 

« En hommage aux victimes du football de Sheffield, le bombardement de Beyrouth a été suspendu pendant une heure »  Marcel Mariën

 

« Quand Zola regarde une mare à purin, il croit voir son armoire à glace » Jules Barbey d'Aurevilly

 

« Quel homme aurait été Balzac s'il eût su écrire ! » Flaubert

 

« Le Goncourt, c'est la seule distraction annuelle de ces vieux messieurs si heureux de recevoir enfin un coup de projecteur sur leur figure oubliée » Paul Morand

 

« Zola : Tant qu'il n'aura pas dépeint complètement un pot de chambre plein, il n'aura rien fait » V Hugo

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19 juillet 2009 7 19 /07 /juillet /2009 18:30
Luz Casal

Piensa en mi

1991
Bande originale du film de Pedro Almodovar, "Talons aiguilles".

 

Si tienes un hondo penar, piensa en mi
Si tienes ganas de llorar, piensa en mi
Ya ves que venero tu imagen divina
Tu parvula boca, que siendo tan nina
Me enseno a pecar

 

Piensa en mi cuando sufras,
Cuando llores, tambien piensa en mi,
Quando quièras quitarme la vida
No la quiero, para nada
Para nada me sirve sin ti

 


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18 avril 2009 6 18 /04 /avril /2009 17:45

 

Pour accompagner la photo de rose qu'Euphrasie a prise avant que ne tombent les premiers pétales (voir post du 9 mars « elle a dessus la place, Las ! las ses beautéz laissé cheoir »), je ne ferai pas appel cette fois à Ronsard. Vous aurez droit à quelques bouffées de rose, inaltérables, quelque part entre le rouge et l'ivoire.

 

D'abord, le célèbre poème de Du Bellay

 

Sur un chapelet de roses du Bembe

 

Tu m'as fait un chapeau de roses
Qui semblent tes deux lèvres closes,
Et de lis fraîchement cueillis
Qui semblent tes beaux doigts polis,
Les liant d'un fil d'or ensemble,
Qui à tes blonds cheveux ressemble.
Mais si, jeune, tu entendais
L'ouvrage qu'ont tissu tes doigts,
Tu ferais, peut être, plus sage
A prévoir, ton futur dommage.
Ces roses plus ne rougiront,
Et ces lis plus ne blanchiront
La fleur des ans, qui peu séjourne,
S'en fuit, et jamais ne retourne,
Et le fil te montre combien
La vie est un fragile bien.
Pourquoi donc m'es tu si rebelle ?
Mais pourquoi t'es tu si cruelle ?
Si tu n'as point pitié de moi,
Aie au moins pitié de toi.

 

La phrase bien connue de Malherbe dans sa Consolation à Monsieur du Périer sur la mort de sa fille : « Et rose elle a vécu ce que vivent les roses, l'espace d'un matin »

 

Le quatrième et avant-dernier sizain de Stances I 29 de Théophile de Viau

« La rose en rendant son odeur,
Le Soleil donnant son ardeur,
Diane et le char qui la traine,
Une Naïade deans l'eau,
Et les Grâces dans un tableau,
Font plus de bruits que ton haleine. »

 

 

Un madrigal de Habert de Cerisy dans La Guirlande Julie (1634)

Alors que je me vois si belle et si brillante
Dans ce teint dont l'éclat fait naître tant de voeux,
L'excès de ma beauté moi-même me tourmente ;
Je languis pour moi-même, et brûle de mes feux,
Et je crains qu'aujourd'hui la Rose ne finisse
Par ce qui fit jadis commencer le Narcisse.
et enfin le sonnet « La Belle Matineuse » de Vincent Voiture

Des portes du matin l'Amante de Céphale,
Ses roses épandait dans le milieu des airs,
Et jetait sur les cieux nouvellement ouverts
Ces traits d'or et d'azur qu'en naissant elle étale,

Quand la Nymphe divine, à mon repos fatale,
Apparut, et brilla de tant d'attraits divers,
Qu'il semblait qu'elle seule éclairait l'Univers
Et remplissait de feux la rive Orientale.

Le Soleil se hâtant pour la gloire des Cieux
Vint opposer sa flamme à l'éclat de ses yeux,
Et prit tous les rayons dont l'Olympe se dore.

L'Onde, la terre et l'air s'allumaient alentour
Mais auprès de Philis on le prit pour l'Aurore,
Et l'on crut que Philis était l'astre du jour.

 

Vers 1635, ce type de joute entre le lever du soleil et le rayonnement de la jeune femme aimée était monnaie courante. A chaque fois, le soleil avait perdu d'avance. Les familiers de la marquise de Rambouillet se disputèrent des mois durant pour savoir si c'était le sonnet de Voiture ou celui de Claude de Malleville ci-dessous qui l'emportait. Elle en avait de la chance la jeune Philis.

 

Le silence régnait sur la terre et sur l'onde,
L'air devenait serein et l'Olympe vermeil,
Et l'amoureux Zéphir affranchi du sommeil
Ressuscitait les fleurs d'une haleine féconde.

L'Aurore déployait l'or de sa tresse blonde
Et semait de rubis le chemin du Soleil ;
Enfin ce dieu venait au plus grand appareil
Qu'il soit jamais venu pour éclairer le monde,

Quand la jeune Philis au visage riant,
Sortant de son palais plus clair que l'Orient,
Fit voir une lumière et plus vive et plus belle.

Sacré flambeau du jour, n'en soyez point jaloux !
Vous parûtes alors aussi peu devant elle
Que les feux de la nuit avaient fait devant vous.

 

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30 mars 2009 1 30 /03 /mars /2009 16:26
Une fois n'est pas coutume, le billet du jour sera fait d'un encouragement aux 10 admissibles rényonés à l'agreg de Lettres (5 classiques, 5 modernes). C'est énorme. On les soutient jusqu'à la passerelle de l'avion. Même Théophile de Viau, qu'ils ont au programme les soutient, avec des sonnets de 1622 que Sigmund Freud a dû aimer ou aurait aimés. L'épopée malgache reprend demain.


Ministre du repos, Sommeil père des songes,
Pourquoi t'a-t-on nommé l'image de la mort ?
Que ces faiseurs de vers t'ont jadis fait de tort,
De le persuader avecque leurs mensonges !

Faut-il pas confesser qu'en l'aise où tu nous plonges,
Nos esprits sont ravis par un si doux transport,
Qu'au lieu de raccourcir, à la faveur du sort,
Les plaisirs de nos jours, Sommeil, tu les allonges.

Dans ce petit moment, ô songes ravissants !
Qu'Amour vous a permis d'entretenir mes sens,
J'ai tenu dans mon lit Élise toute nue.

Sommeil, ceux qui t'ont fait l'image du trépas,
Quand ils ont peint la mort ils ne l'ont point connue,
Car vraiment son portrait ne lui ressemble pas.

II 6


Chère Isis, tes beautés ont troublé la nature,

Tes yeux ont mis l'Amour dans son aveuglement,

Et les dieux occupés après toi seulement,

Laissent l'état du monde errer à l'aventure.


Voyant dans le soleil tes regards en peinture,

Ils en sentent leur cœur touché si vivement

Que s'ils n'étaient cloués si fort au firmament,

Ils descendraient bientôt pour voir leur créature.


Crois-moi qu'en cette humeur ils ont peu de souci

Ou du bien ou du mal que nous faisons ici ;

Et, tandis que le Ciel endure que tu m'aimes,


Tu peux bien dans mon lit impunément coucher.

Isis, que craindrais-tu, puisque les dieux eux-mêmes

S'estimeraient heureux de te faire pécher ?


II 9
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