Sauf surprise de taille, Mayotte deviendra dimanche le 101e département français. Et on n’en parle pas plus que ça, ni à La Réunion, ni en Métropole. Les journalistes métropolitains font même
très fort. Il faut avoir entendu David Pujadas du service public évoquer cette histoire sans même mentionner que cette consultation allait se faire en violation du droit international !
Idem pour le journal Le Figaro, hier. Pourtant l’ONU (et a fortiori le gouvernement central comorien) n’a jamais accepté que Mayotte reste dans le giron français après l’indépendance des
Comores. Est-ce à dire que la France s’assoit sur le droit international ? La deuxième chose qui pose problème, c’est la situation même de Mayotte. Rien à voir avec La Réunion, île vierge
à l’origine, dont la matrice politique est, qu’on le veuille ou non, française. A Mayotte, il existe une culture millénaire, avec sa langue, ses mœurs, qui n’a que très peu à voir avec la
tradition française ou européenne. Dire oui au département, donc à la République, c’est accepter de renoncer à la polygamie, aux tribunaux musulmans. C’est accepter que l’islam ne structure
plus la société, n’irrigue plus le droit. C’est accepter de se couler dans un moule culturel totalement différent. Les Mahorais en sont-ils suffisamment informés ? Troisième chose enfin.
On sait qu’aujourd’hui, les clandestins comoriens représentent un tiers de la population. Avec le développement que ne manquera pas d’induire la départementalisation, cette immigration ne peut
que s’accélérer. Un département peut-il gérer de tels flux migratoires sans être déstabilisé ? Ainsi, et avant même que Mayotte ne soit « définitivement » arrimée à la
République, on ne peut qu’imaginer l’ampleur des problèmes qui vont se poser. Déjà qu’à La Réunion c’est pas simple, qu’à la Guadeloupe c’est compliqué… Je plains par avance le préfet et tous
les futurs Jégo qui devront se coltiner les revendications des prochains déçus de la République. Les cadis sont morts, vivent les caddies !
Mayotte : la campagne est lancée
CLICANOO.COM | Publié le 10 janvier 2009
Le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, Yves Jégo a dévoilé, hier, la question qui sera posée aux Mahorais lors du référendum du 29 mars. Il a aussi indiqué qu'il était "assez favorable" à une
assemblée unique.
"Si vous choisissez de devenir un département, Mayotte deviendra département, un département à 100 %, un département comme tous les autres départements français, avec les mêmes droits et les
mêmes devoirs." Le message passé par Yves Jégo se voulait clair, hier, sur la place publique de Mtsamboro, un village situé dans le nord de l'île. Cette déclaration a été accueillie sous les
applaudissements des trois cents personnes venues assister au lancement de la campagne d'information pour la consultation du mois de mars. "L'Etat restera neutre, mais donnera des moyens financiers
aux différents partis politiques pour qu'ils fassent leur campagne", a précisé le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer. Quatre pages écrites en arabe feront la synthèse de la feuille de route et seront
distribuées dans toutes les boîtes aux lettres, ainsi qu'un autre document, écrit en français, qui reprendra cette feuille de route dans son intégralité. Yves Jégo espère ainsi que le choix qui
sera fait le 29 mars prochain sera "appuyé sur la réalité". "Les élus sont dans une très large majorité favorable à cette évolution, il faut maintenant que ce soit le peuple qui s'exprime." La
principale annonce de la journée a eu lieu à la Case Rocher, en Petite Terre, lors d'une conférence de presse tenue juste avant son départ. La question qui sera posée aux Mahorais a en effet été
choisie, et sera articulée ainsi : "Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée département régi par l'article 73 de la Constitution et exerçant les
compétences dévolues aux départements et aux régions d'outre-mer ?"
"LE CHOIX QUI A ÉTÉ FAIT IL Y A PLUS DE TRENTE ANS NE PEUT ÊTRE REMIS EN CAUSE"
Le président du conseil général, Ahamed Attoumani Douchina, s'est déclaré "très content" du choix de la question qui est "très simple" et qui, selon le secrétaire d'Etat, appel une double
réponse : "Il s'agit de savoir à la fois si les Mahorais approuvent la transformation de Mayotte en département, mais aussi s'ils veulent d'une collectivité unique qui réunisse le département
et la région." Quant au mode de scrutin qui serait alors utilisé, "les élus doivent nous dire ce qu'ils souhaitent. Mais je serai assez sensible à une élection dont une partie se ferait dans les
cantons et une autre partie sur la proportionnelle". Les élus mahorais ont également obtenu, comme ils le souhaitaient, qu'un débat ait lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat. Il devrait se tenir
dès le mois de février, mais sera purement informel : "il n'aboutira pas sur un vote" précise M. Douchina, Si, le 29 mars, le "non" venait à l'emporter - "car nous sommes une démocratie
et qu'il ne faut jamais présager des choix de la population" - Mayotte resterait une collectivité telle qu'aujourd'hui. "Mayotte resterait une terre française, ça ne remettrait pas une seconde en
cause l'appartenance de Mayotte. Le choix qui a été fait il y a plus de trente ans ne peut être remis en cause par qui que ce soit", a-t-il précisé, en allusion à l'Union des Comores qui réclame
l'île de Mayotte. "Mais quel que soit votre choix, je reviendrai en avril", a promis M. Jégo à la population de Mtsamboro, avouant être "très heureux et très fier d'être le ministre"
susceptible de "voir aboutir un combat historique". "Les deux mois à venir seront primordiaux pour vous", a-t-il signalé. Toutes les personnes inscrites sur les listes électorales de Mayotte
pourront prendre part aux votes.
Fabien Dombre, à Mayotte
PAS DE SECOND DÉPUTÉ À MAYOTTE Déception des élus mahorais à l'annonce de la décision des sages du Conseil Constitutionnel, jeudi, remettant en cause certaines modalités du redécoupage
électoral prévu par le gouvernement en 2009. Et notamment remettant en cause l'argumentation du député mahorais Aly Abdoulatifou plaidée le 18 novembre 2008 en commission des lois de l'Assemblée
nationale selon laquelle un second député sera attribué automatiquement à Mayotte lors de la mise en place de la départementalisation. Juriste de profession, l'élu s'appuyait sur la règle, héritée
d'une tradition remontant à la IIIe République, qui instaurait un minimum de deux députés par département, quel que soit le nombre d'habitants. Hélas pour Aly Abdoulatifou et les élus mahorais, le
Conseil Constitutionnel vient de censurer cette règle. Il n'y aura donc qu'un seul siège de député à Mayotte lors des élections législatives de 2012.
JEGO "ASSEZ FAVORABLE" À L'ASSEMBLÉE UNIQUE Face aux élus mahorais, Yves Jégo s'est dit, hier, "assez favorable à l'idée une île, une collectivité, une
assemblée" pour l'organisation institutionnelle outre-mer. "C'est un principe simple". Le secrétaire de l'Outre-mer a ajouté qu'il savait que "ça fait débat" et que "la Réunion est contre",
tandis que "la Guyane réfléchit", "la Guadeloupe s'interroge" et que la Martinique est pour. Si les électeurs mahorais disent oui à la départementalisation, Mayotte serait dotée d'une assemblée
unique et non pas de deux assemblées, selon la "feuille de route" arrêtée le 16 décembre par le président Sarkozy et qui va être distribuée avec traduction dans les langues locales. "Je crois que
dans l'air du temps, les Français veulent une simplification du mille-feuilles (administratif), Mayotte peut faire école", a affirmé Yves Jégo, précisant que si les quatre DOM actuels devaient
aussi être dotés d'une assemblée unique à terme, "ça ne peut se faire qu'après consultation des populations". Cette réunion de compétences est "dans l'air du temps. Le comité Balladur travaille
actuellement sur ce dossier. Mayotte sera assez regardée et son cas pourrait faire école", a signalé Yves Jégo qui serait "assez favorable" à une assemblée unique. "On peut inventer la
collectivité du XXIe siècle à Mayotte."
http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=199524&page=article
"Il ne faudra pas donner le sentiment que les Réunionnais veulent faire une OPA sur Mayotte"
CLICANOO.COM | Publié le 9 janvier 2009
Forte de transferts financiers plus conséquents, la départementalisation de Mayotte ouvrira à court terme un nouveau marché important pour les entreprises réunionnaises, déjà bien implantées sur
l'île aux parfums. Mais selon Guy Dupont, président de la fédération des entreprises d'Outre-mer, elles devront avant tout savoir se faire accepter.
Quel est votre regard sur la très probable départementalisation de Mayotte ? Je constate que la volonté de la population mahoraise est très forte, et qu'en pareil cas cela finit toujours par
se faire. Cela dit, je pense que les politiques n'ont pas fait apparaître assez tôt les contraintes de la départementalisation. Du coup, on se dirige vers un choix précipité sur une base
moyennement éclairée. Le gouvernement va devoir mener un exercice délicat.
Quel développement économique peut entraîner la départementalisation à Mayotte ? D'un point de vue pessimiste, il pourrait se développer une économie qui n'aurait pour vocation que de recycler
les prestations sociales et les transferts financiers venant de Paris. Ce qui entrainerait un développement de la valeur ajoutée et de l'import-substitution à Mayotte, comme cela a été le cas à La
Réunion. Mais cela me semble trop restreint. D'un point de vue plus optimiste, je pense que Mayotte peut nourrir d'autres ambitions et jouer la carte originale d'une Île en devenir qui focaliserait
en plus ses efforts sur un ou deux secteurs en pointe.
À quels secteurs de pointe pensez-vous ? D'abord à l'exploitation de son environnement naturel exceptionnel, son lagon notamment, à travers le tourisme et l'environnement. Ensuite au milieu de
la santé, dans lequel Mayotte pourrait Être capable de vendre ses prestations dans son secteur de l'océan indien et d'en tirer un avantage économique.
Quels secteurs vont se développer le plus vite selon vous ? Le BTP, les services, la distribution. Cela va créer de l'emploi mais ne donnera pas de visibilité externe à Mayotte. Or, tout le
monde en a besoin.
Vous attendez-vous à un essor économique rapide ? Oui, il y aura certainement un gros boom. Le système va changer brutalement et il faudra y apporter des adaptations. En 20-30 ans, Mayotte va
faire le chemin qu'a fait La Réunion en 60 ans. Ce qui va entraîner des frictions qui pourraient être fâcheuses si elles sont mal gérées. La Réunion en a connues tous les 15-20 ans, Mayotte en
connaîtra sans doute plus fréquemment. Le sens de l'Histoire est écrit mais tout dépendra des attitudes des uns et des autres.
Les entreprises réunionnaises sont idéalement placées pour bénéficier de ce nouveau marché. Pressentez-vous un grand rush ? Le monde économique réunionnais est déjà très présent à Mayotte,
dans l'agroalimentaire, le BTP, les services, les commerces, l'industrie... Le mouvement va en effet s'amplifier considérablement. Mais attention, il ne faut pas donner le sentiment que les
Réunionnais veulent faire une OPA sur Mayotte. Il faudra d'une part associer la population locale dans les entreprises, et d'autre part nouer des liens étroits avec les entreprises mahoraises.
Cette mainmise réunionnaise sur le gâteau est-elle déjà mal perçue à Mayotte ? Cette présence a parfois été ressentie comme une sorte de tutelle. Il faudra donc beaucoup de doigté. Oui, les
Mahorais ont déjà dit qu'ils se sentaient envahis. C'est pourquoi il faudra des relations beaucoup plus étroites, avec par exemple des participations au capital dans les deux sens. Il faudra éviter
aussi une trop forte mainmise dans certains secteurs comme la téléphonie, les services, la distribution, le BTP...
S'agit-il d'une réelle chance pour l'économie réunionnaise ? Si les Réunionnais n'entraînent pas de rejet, cela peut en effet donner un vrai relais de croissance aux entreprises de La Réunion,
qui sont arrivées localement au bout de leur marché. Et ceci dès le court et moyen terme. Cela va aller vite. Mais cela peut aussi donner la possibilité aux Mahorais de venir à La Réunion.
Les conditions d'implantation sont-elles les mêmes à Mayotte qu'à La Réunion ? Aujourd'hui, les avantages de la défiscalisation sont identiques. Les salaires sont plus bas. Avec la
départementalisation, les charges et les salaires augmenteront mais il y aura plus d'exonérations de charges. Le renforcement de la société de consommation, dans une Île encore très traditionnelle,
ne comporte-t-il pas de forts risques sociaux ? La société de consommation va s'accentuer rapidement, alors que les salaires resteront moins importants pendant un moment. Cela va forcément
entraîner des frustrations très fortes de la population. Il y aura des poussées d'humeur, car les Mahorais n'auront pas tout de suite tous les avantages d'un département français
Propos recueillis par Sylvain Amiotte
http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=199470&page=article
“Si les Mahorais disent “oui”, le processus sera enclenché immédiatement”
CLICANOO.COM | Publié le 8 janvier 2009
Après une halte à la Réunion, le secrétaire d’État à l’Outre-mer entame aujourd’hui une visite de deux jours à Mayotte afin de préparer le référendum du 29 mars sur la départementalisation. Yves
Jégo veut surtout expliquer “la feuille de route” du gouvernement. Et répéter que le processus sera long et progressif.
Quel est l’objectif de votre visite ? Avez-vous le sentiment d’arriver avec un cadeau de Noël historique pour les Mahorais ? Yves Jégo : “Cette visite, la quatrième pour moi en 9
mois, suit de quelques semaines la réunion que le Président de la République a tenue avec les élus sur le sujet essentiel de l’évolution statutaire de l’île. J’ai conscience de l’importance de
l’enjeu pour les Mahorais qui attendaient ce rendez-vous depuis tant d’années. Il s’agit tout simplement de tenir les engagements du Président Sarkozy et de préparer l’avenir sur une base claire et
connue à l’avance.
La Départementalisation de Mayotte est inscrite dans la loi. Pour l’Etat, l’impression est qu’il s’agit d’un mariage forcé alors que chez beaucoup de Mahorais on parle d’histoire d’amour... Il n’y
a aucune contrainte de part et d’autre dans le dossier de la départementalisation. Bien au contraire, je rappelle que c’est l’Etat, par la voix du Président de la République, qui a initié le
processus actuel, ce qui a permis au conseil général de Mayotte de se prononcer clairement sur la départementalisation. La délibération du conseil général du 18 avril a été suivie par une réflexion
locale, par de nombreux échanges que j’ai conduits avec les élus et par un intense travail interministériel. Aujourd’hui, il s’agit que les Mahorais, dont la volonté sur ce sujet a été constamment
réaffirmée par leurs élus, fassent un choix en toute connaissance de cause. La feuille de route que je viens leur présenter nous engagera tous pour les années à venir. Il n’y aura pas de
surprise : si les Mahorais le décident, le gouvernement proposera ensuite au Parlement dès cet été des textes qui déclineront ce document. Et si, comme cela est toujours possible, les Mahorais
ne le souhaitaient pas, l’État poursuivra, comme nous le faisons depuis des années, un partenariat renforcé et dynamique avec Mayotte qui garderait alors le statut de collectivité d’Outre-mer au
sein de la République. L’amour exige plus que des discours langoureux, il exige, pour être durable, de se fonder sur un pacte de vérité.
La très grande progressivité (de 20 à 25 ans) de la mise en place des nouvelles prestations sociales, notamment l’instauration du RMI, ne risque-t-elle pas d’être mal accueillie à Mayotte et
d’accroître les frustrations de la population ? La départementalisation de Mayotte sera progressive et adaptée, Nicolas Sarkozy l’a écrit aux Mahorais dans sa lettre de campagne électorale.
Dois-je rappeler qu’en métropole et dans les DOM toutes les prestations qui existent aujourd’hui n’ont pas été créées en un jour. Elles sont le résultat de politiques successives, d’avancées
sociales. Il faut surtout prendre garde à ne pas bouleverser la structure et l’équilibre social à Mayotte. Nous ne voulons pas non plus, en mettant en place brutalement certains dispositifs,
accroître de façon insupportable les charges qui pèsent sur les entreprises et les salariés pour les prestations dont le bénéfice est lié aux cotisations prélevées sur les entreprises. Toutefois,
dès 2010/2011, les allocations pour les personnes âgées, pour les adultes handicapés seront augmentées, de même pour les allocations familiales. Et puis nous allons faire un effort pour le logement
puisque l’allocation logement actuelle verra son niveau aligné sur celui de la métropole et des DOM en 2010/2011 et que nous prévoyons de créer une allocation de logement social qui n’existe pas
encore à Mayotte. Vous le voyez, si les Mahorais disent oui, le processus n’attentera pas 20 ans il sera enclenché immédiatement.
Combien l’État investira-t-il dans les retards structurels de l’île ? Lesquels vous semblent prioritaires ? Combien “coûtera” la Départementalisation à l’État par rapport à ses transferts
financiers aujourd’hui et au contrat Etat-Mayotte pour la période 2008-2014 ? L’Etat a d’ores et déjà prévu d’investir 340 millions d’euros entre 2008 et 2014, c’est l’engagement du contrat de
projet, qui concerne de nombreux secteurs et notamment les infrastructures dont a besoin Mayotte pour se développer. Mais évidemment, Mayotte va bénéficier aussi des mesures d’investissement du
plan de relance. Par ailleurs, dans la feuille de route nous prévoyons la création d’un fond spécial dédié à Mayotte.
Pensez-vous que la Départementalisation s’accompagnera d’une ruée d’investisseurs extérieurs sur l’île ? Le monde économique réunionnais semble idéalement placé pour se lancer dans
l’aventure... J’espère bien sûr que Mayotte va d’avantage s’ouvrir sur l’extérieur et prioritairement sur l’océan Indien. Les investisseurs réunionnais sont les bienvenus ! Mayotte offre de
réelles opportunités pour le tourisme, l’aquaculture, l’agriculture ou encore les nouvelles énergies. Nous voulons enclencher une nouvelle dynamique économique pour créer de l’emploi local et de la
richesse.
Certains détracteurs de la départementalisation - ils ne sont pas nombreux - reprochent à la départementalisation de créer une société basée sur l’assistanat et la consommation. En clair de gommer
l’identité mahoraise. Que répondez-vous ? Je ne veux pas rentrer dans la campagne électorale. L’Etat est neutre dans ce scrutin. Nous ferons une campagne d’explication pour que chaque Mahorais
connaisse et mesure bien les enjeux de son choix. Mais ce n’est pas à moi d’argumenter en faveur d’une option ou d’une autre. Il est clair que la départementalisation, si elle est choisie, va créer
un bouleversement avec de nouveaux droits et de nouveaux devoirs, et qu’il faudra que chacun s’adapte.
La fin de la justice cadiale va bouleverser l’organisation et les traditions mahoraises. Ne craignez-vous pas de fortes résistances ? Les cadis sont-ils prêts à ne jouer qu’un rôle de
“médiation sociale” ? Plus généralement, les nouvelles règles voulues par l’Etat sur l’égalité homme-femme ou les exigences dans la maîtrise du français ne vont-elles pas accentuer ces
résistances ? J’évoquais à l’instant les nouveaux droits et les nouveaux devoirs liés à la départementalisation. Le maintien de la justice cadiale est incompatible avec un processus de
départementalisation. Ce qui est possible c’est de rendre la justice sur la base des textes qui fondent le statut de nombreux Mahorais. C’est ce que l’on appelle le statut personnel, qui est
garanti par notre constitution. Les magistrats de l’ordre judiciaire ont tout à fait la capacité à rendre la justice sur ces bases. S’agissant de la place des femmes dans la société mahoraise je
sais que leur rôle est essentiel, et j’ai d’ailleurs prévu pendant mon séjour à Mayotte une rencontre spécifique avec leurs représentantes. L’alignement de leurs droits sur celui des hommes,
notamment pour le mariage, est une évolution inséparable de l’idée de départementalisation. Sur ces sujets il faut que chacun soit informé des conséquences de son vote et puisse alors décider
librement et en toute conscience.
Pensez-vous que la départementalisation, qui sera longue à mettre en place, va contribuer à un retour au pays des Mahorais installés en métropole ou à la Réunion ? La départementalisation, si
elle est choisie, débutera très rapidement avec une élection en 2011. Je me réjouirais si ce processus permettait à de nombreux Mahorais de revenir à Mayotte et d’y développer de l’activité. L’une
des forces de Mayotte c’est en effet cette diaspora qui souvent a réussi en dehors de l’Île.
La départementalisation risque de démultiplier l’immigration clandestine à Mayotte, en provenance des autres îles comoriennes et d’Afrique de l’Est. La France n’est-elle pas en train de construire
le rocher de Monaco au milieu d’un océan de misère ? Nous aspirons au développement de toute la région, c’est le sens de la visite que j’ai effectué il y a quelques mois avec mon collègue
Alain Joyandet en charge de la coopération au Gouvernement. Nous avons rencontré le Président de l’Union des Comores et j’ai bon espoir que les travaux du Groupe de travail de haut niveau
aboutissent dès 2009 à de nombreux accords bilatéraux pour permettre à la fois de faire évoluer dans le bon sens la question migratoire mais aussi d’envisager les bases d’un nouveau développement
partagé des quatre îles sœurs de l’archipel. Mais la question de la départementalisation ne changera pas grand-chose à la nature de ces questions qui demeureront cruciales quelle que soit la
décision des Mahorais en mars prochain.
Pour beaucoup de Comoriens, “Mayotte est comorienne et le restera à jamais”. Comment expliquez-vous au président de l’Union qu’un référendum va avoir lieu ? J’ai rencontré au Québec au sommet
de la francophonie le président Sambi et j’ai eu l’occasion de lui dire que cette consultation sur la départementalisation n’était en rien liée à ce débat. Les Mahorais ont fait un choix il y a 35
ans. Chacun doit respecter ce choix comme chacun doit respecter le choix différent fait par les autres îles.
Les investissements français aux Comores, les mesures prises dans le cadre du groupe de travail seront-elles suffisantes pour empêcher le déferlement de kwassa ? Nous continuerons de lutter
contre l’immigration irrégulière avec des moyens renforcés et nous mettrons aussi l’accent, dès cette année, sur une lutte sans pitié pour ceux qui embauchent des clandestins et favorisent ainsi la
poussée migratoire. J’ai demandé aux autorités d’être extrêmement sévères sur ce point. Les pistes que nous explorons dans le cadre du groupe de travail de haut niveau entre la France et les
Comores pour favoriser les échanges réguliers entre les deux pays sont plus que jamais d’actualité. C’est bien par le développement des échanges commerciaux, économiques, culturels que la création
de richesses et d’emplois dans les pays voisins, contribuera à maintenir leur population chez elles.”
A Mayotte, en brousse, “on n’est pas naïfs”
“Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, les Mahorais ne veulent pas la départementalisation pour le RMI ou les allocations. Ils la veulent parce qu’ils souhaitent être Français à
part entière”, répètent régulièrement les élus mahorais, à commencer par le député Abdoulatifou Aly. Ils n’ont pas tort : le départementalisme effréné des Mahorais est bien plus profond que
cette considération, même si, dans les villages, elle fait partie des priorités… Ouangani, en fin de matinée début décembre. Les ruelles grouillent de monde : les mères s’apprêtent à aller
chercher leur enfant à l’école, les vieux reviennent des champs, les jeunes poursuivent leurs palabres. Autant de personnes placées dans la catégorie “inactifs” dans les statistiques officielles.
Dans ce village du centre de Mayotte comme dans tous les autres, les hommes qui n’ont pas de travail sont légion. Pour eux, le département sonne comme une deuxième chance. “Moi, j’ai arrêté mes
études au collège. Après, j’ai erré de formation en formation. Je n’ai aucun diplôme. Je n’ai jamais travaillé. Alors, bien sûr, que j’espère qu’avec le département, on aura droit au minimum pour
vivre ici”, affirme sans hésiter Madjid, 25 ans. Il dit s’en sortir “grâce à la solidarité familiale”. “Mais pour combien de temps encore ?” s’inquiète-t-il. Selon son compagnon de palabres,
Kamel, “beaucoup de Mahorais attendent de la départementalisation qu’elle nous offre les mêmes chances qu’en métropole. Pas seulement au niveau des allocations, mais aussi au niveau de l’éducation.
Parce que si nous en sommes là nous, à discuter toute la journée au lieu de travailler, c’est parce qu’on n’a pas eu la même chance que les enfants de métropole ou des DOM.” Avec ce nouveau statut,
croient-il savoir, ce sont des moyens financiers en plus qui alimenteront l’économie locale et les administrations.
“Comme une deuxième religion”
Quelques kilomètres plus loin, à Sada, Fatima, 33 ans, mère de trois enfants, espère elle aussi que ce fameux statut rimera avec RMI. “Cela permettra de stopper le départ de toutes les femmes à la
Réunion ou en métropole. Rien que dans le quartier, il doit y en avoir 4 ou 5 qui sont parties faire “femme seule” à la Réunion ces derniers temps. Si le RMI est ici, alors elles reviendront.” Elle
aussi y a pensé, mais elle a préféré rester. Elle ne se fait cependant guère d’illusions. “On n’est pas naïfs non plus. On a bien compris que la France ne nous donnera pas tout dès le début Le RSA
ne sera applicable qu’en 2012, ndlr. Elle fonctionne comme ça depuis quarante ans. Mais on le veut quand même ce département. C’est une question d’honneur. On est français ou on l’est pas ! “
Le souhait du département est ainsi plus profond que la seule volonté d’obtenir plus de subsides de l’Etat. “On nous réduit souvent à de futurs gros consommateurs d’allocations. Peut-être. C’est
vrai qu’il y a un grand nombre de potentiels chômeurs ou RMIstes. Mais cela ne veut pas dire qu’on veut la départementalisation uniquement pour cette raison”, assure Jihad, instituteur à Chiconi.
“Pour les Mahorais, la départementalisation est surtout une assurance de ne plus jamais revenir dans le giron des Comores”, tranche-t-il. “Ce n’est pas une question d’attachement aux valeurs de la
République, comme veulent le faire croire nos élus”, estime un de ses collègues, qui a tenu à garder l’anonymat. “Nous, on est musulmans et on croit en des valeurs musulmanes, pas françaises. Mais
c’est une question d’égalité. Nos parents ont voulu être français ; nous le voulons aussi. Pourtant, nous ne le sommes toujours pas et nous vivons toujours sous le joug d’une administration
coloniale. Seule la départementalisation permettra d’en finir avec ça et avec les patrons voyous.” “Réduire la volonté des Mahorais à une simple question financière est une sorte d’insulte”, pense
Mlaïli, un enseignant de Chirongui, au sud. “Depuis tout petit, on nous apprend que le département est le statut qu’il nous faut. C’est ancré en nous ! Comme une deuxième religion. Certes, on
le sait, avec un département, ce sont plus de sous qui arriveront. Mais pour nous, cela va plus loin”. Fabien Dombre, à Mayotte
http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=199408&page=article
Pour documenter ceux qu'intéresse le référendum sur la départementalisation de Mayotte, je copie-colle un article récent de Clicanoo/JlR
Mayotte : les enjeux du référendum
CLICANOO.COM | Publié le 7 janvier 2009
DÉPARTEMENTALISATION -Yves Jégo, secrétaire d’État à l’Outre-mer, se rend demain à Mayotte pour y préparer le référendum du 29 mars sur la départementalisation. Ce devrait être l’une des dernières
étapes d’un processus qui se fait désirer depuis cinquante ans. Quelques clefs pour comprendre ce moment historique.
Pourquoi un référendum le 29 mars ? La demande des élus mahorais remonte à 1958 alors même que les Comores appartiennent encore aux colonies françaises. Face à cette revendication
répétée mais jamais prise en compte par les gouvernements successifs, le Premier ministre Lionel Jospin commande en 1998 un rapport qui débouche sur la signature, le 27 janvier 2000, des “Accords
sur l’avenir de Mayotte”. Le document prévoit que “l’appartenance de Mayotte dans la République française s’inscrit dans la Constitution”. Ce qui est le cas depuis 2003. De collectivité
territoriale, Mayotte devient une collectivité départementale pour une durée de dix ans permettant le passage vers le droit commun. La loi prévoit que le conseil général de Mayotte pourra adopter
en 2010 une résolution portant sur la modification du statut de l’île. En 2004, le conseil général récupère des compétences dévolues à l’Etat. Et, en 2008, la plupart des lois et règlements en
vigueur en métropole sont applicables à Mayotte. En 2006, Mansour Kamardine, alors député, obtient du président Chirac l’avancement en 2008 de la consultation des Mahorais. Une résolution du
conseil général est votée le 18 avril 2008 demandant au gouvernement d’organiser le fameux référendum. Entre-temps, le candidat Sarkozy s’était engagé en mars 2007 à respecter la parole du
gouvernement. Le 16 décembre dernier, les élus mahorais sont invités à L’Élysée pour prendre connaissance de la “feuille de route” tracée par le gouvernement. Nicolas Sarkozy leur annonce que le
référendum aura lieu le 29 mars 2009.
Quel est le calendrier retenu par le gouvernement ? Si les Mahorais votent “oui”, leur île ne sera pas, le soir du 29 mars, le cinquième département français d’outre-mer et le 101e département
français. Il leur faudra attendre avril 2011 et l’installation d’une nouvelle assemblée unique résultat d’élections prévue début 2011. Le processus sera “long et progressif”. “Nous voulons des
évolutions réalistes et acceptées car expliquées. Cela nécessite du temps”, souligne bien le “Pacte pour la départementalisation de Mayotte” rédigé par le gouvernement. Le calendrier fixe une série
d’échéances. Il est prévu jusqu’à 2011 l’adoption d’une série de textes législatifs et réglementaires prévoyant les adaptations nécessaires à Mayotte au droit commun. S’agissant des prestations
sociales, le gouvernement “considère qu’il n’est ni possible ni souhaitable de les verser immédiatement au même taux qu’en métropole ou dans les DOM”. Le RMI, l’allocation de parent isolé et
allocation de solidarité spécifique, se situeront “à compter de leur mise en place en 2012, à environ un quart de ce qu’elles représentent en métropole ou dans les DOM”. La montée en charge de ces
prestations “sera ensuite progressive sur une période de 20 à 25 ans, éventuellement plus rapide en fonction du rythme de développement économique de Mayotte”. La fiscalité de droit commun (taxe
d’habitation, taxe foncière, taxe sur les ordures ménagères...) entrera en vigueur au 1er janvier 2014.
Pourquoi un tel attachement des Mahorais au département ? Dans un article publié par le mensuel Kashkazi (n°59, janvier 2007), le journaliste Rémi Carayol analyse comment la
revendication départementaliste ressemble à une religion. Une revendication qui se transmet de génération en génération. “Le statut de département fait figure de Graal à atteindre coûte que coûte -
un Graal qui permet souvent aux élus de se dédouaner de leurs insuffisances et de détourner l’attention des électeurs”. Interrogé par le journal, Bacar Ali Boto, l’un des rares hommes politiques
mahorais à s’être prononcé contre, explique qu’on ne peut que difficilement remettre en cause la départementalisation. “Quand on est contre, on est banni, c’est un sacrilège, mieux vaut pêcher,
Dieu pardonnera, que s’opposer au département”. Dans Kashkazi, le député Abdoulatifou Aly souligne que les Mahorais veulent avant tout le droit commun. “Il est fondamental de demander la dignité
d’être des Français comme tous les autres. Aujourd’hui, cette dignité, les Mahorais fuient la Réunion ou en métropole pour la trouver car, là-bas, ils jouissent totalement de la citoyenneté
française et européenne”. Pour les Mahorais, la départementalisation représente surtout un ancrage définitif dans la République face à l’Union des Comores qui revendique ce territoire. Abdoulatifou
Aly explique aussi qu’il s’agit “d’un réflexe sécuritaire pour nous protéger des autres îles”. Exprimant un sentiment partagé par beaucoup, le député dit se méfier des gouvernements français “qui
font sans cesse des reculades” (pour en savoir plus, lire sur le site du CRESOI des articles sur l’histoire de Mayotte http://www.centre-histoire-ocean-indien.fr).
Le résultat du référendum peut-il réserver une surprise ? La seule incertitude du référendum n’est pas de savoir si les Mahorais voteront “oui” mais dans quelle proportion. En 2000,
72,94% avaient voté en faveur des accords de Paris avec un taux de participation de 76%. Et la plupart de ceux qui avaient voté “non” estimaient que le processus de départementalisation était trop
long à se mettre en route. L’attente est donc énorme. Dans ses voeux pour 2009, “année de la départementalisation”, le président du conseil général Ahamed Attoumani Douchina, a souhaité aux
Mahorais de “vivre leur rêve, un rêve qui est né il y a plus de cinquante ans”. Mais certains intellectuels critiquent la vision paradisiaque du département reprochant à leurs compatriotes de
n’être attirés que par l’argent des prestations sociales et une société d’assistanat. Les critiques visent aussi les coups portés à la culture et aux traditions mahoraises et le déluge de lois et
de règlements auxquels doit se plier désormais Mayotte.
La départementalisation de Mayotte va-t-elle provoquer un nouvel afflux de clandestins ? L’arrivée encore plus régulière de kwassa-kwassa, la perspective de dizaines d’hommes, de femmes
et d’enfants qui périssent en mer : c’est évidemment ce que craignent par-dessus tout le gouvernement français et les autorités mahoraises. Avec la départementalisation, le niveau de vie va
encore progresser dans l’île française. Ces dernières années, le SMIC y a régulièrement augmenté. Le 1er juillet 2010, il doit représenter 85% du SMIC national. Mayotte sera encore plus attractive
pour un pays aussi pauvre que les Comores. Paris veut donc éviter “un nouvel appel d’air qui aggraverait l’immigration irrégulière”. Dans son “Pacte pour la départementalisation”, il prévient que
des outils juridiques adaptés à la situation mahoraise sont nécessaires et veut rassurer les élus locaux. Autrement dit, le gouvernement se montrera encore plus ferme dans sa politique et compte
bien dépasser les 16 000 expulsions par an. Mais les méthodes employées par les autorités françaises sont pointées du doigt. Amnesty International a condamné la France fin décembre après la vidéo
du centre de rétention de Pamandzi où l’on voit des sans-papiers entassés les uns sur les autres. Afin de “dissuader les flux illégaux”, Paris veut également mettre en avant la coopération
économique et la recherche d’un accord, à travers le Groupe de travail de haut niveau (GTHN) sur la circulation des biens et des personnes entre Mayotte et les Comores. Optimiste, Yves Jégo affirme
avoir jeté les bases d’une “nouvelle entente” entre les deux pays après son voyage en mai dernier.
Qu’est-ce qui va changer pour la société mahoraise ? De nouveaux impôts. L’instauration d’une fiscalité de droit commun sera le revers de la médaille pour les Mahorais. Ceux-ci devront
s’acquitter de nouveaux impôts qu’ils ne payaient pas jusqu’ici : la taxe d’habitation, les taxes foncières et la taxe sur les ordures ménagères. Ces ressources permettront aux 17 communes de
l’île de disposer de moyens aujourd’hui inexistants pour assurer leurs missions (aide sociale, logement, assainissement, développement économique etc.). Les communes ne bénéficient actuellement que
des transferts de l’Etat et du conseil général. Pour ce dernier, l’enjeu est également primordial, puisque les droits de douanes et l’essentiel des impôts (taxes sur les sociétés et sur le revenu
par exemple) n’abonderont plus son budget comme aujourd’hui, mais celui de l’Etat. La fin de la polygamie. L’instauration du droit commun approfondira l’égalité hommes-femmes à Mayotte, notamment
dans le mariage. L’âge minimum des femmes pour se marier sera relevé de 15 à 18 ans. Toute référence au tuteur matrimonial devra disparaître. Le mariage religieux n’est pas interdit mais le mariage
civil devra avoir été célébré au préalable en mairie. Surtout, les mariages polygames seront formellement interdits, sous peine de sanctions, ce qui constitue une révolution même si la pratique de
la polygamie serait en déclin ces dernières années. La fin de la justice cadiale. Élément de la culture mahoraise, la justice des cadis (juges musulmans), obéissant à la loi coranique, sera
définitivement abolie car jugée incompatible avec les principes républicains. L’activité notariale des cadis concernant les biens immobiliers a disparu au 1er janvier 2008, celle concernant
l’état-civil se limitera à un conseil et non à l’établissement d’actes généraux de droit. Le rôle des cadis, porteurs des traditions et parlant couramment les langues locales, serait recentré sur
des fonctions de médiation sociale.
Quels sont les principaux freins à la départementalisation ? L’état civil : Le casse-tête de la régularisation de l’état civil à Mayotte est un gros frein à la départementalisation.
Nombre de Mahorais sont actuellement sans papiers. La CREC (commission de révision de l’état civil), en place depuis 2000 à Mayotte, avait encore en juin 2008 un stock de 14 000 dossiers en attente
sans compter les nouvelles demandes. Les délais de traitement varient de 3 à 4 ans. La défenseure des enfants, Dominique Versini, a pointé du doigt une “situation extrêmement préjudiciable” après
sa visite à Mayotte en octobre dernier. Sans carte d’identité, ni passeport, ni certificat de nationalité, ces Français d’Outre-mer ne peuvent se déplacer sur le territoire national, ne peuvent
poursuivre des études supérieures hors Mayotte. Ils ne peuvent pas non plus se prévaloir de droits sociaux, notamment dans le domaine de la santé, ni de droits électoraux. Le pacte pour la
départementalisation assure que “en 2009, la CREC va se renforcer pour accélérer le traitement des dossiers”. Jusqu’ici les moyens humains et informatiques ont été largement insuffisants. L’État
s’engage à organiser “une opération générale de recensement de tous les Mahorais”. La langue française : 73 000 élèves sont actuellement scolarisés à Mayotte (contre 8 000 il y a 20 ans).
L’État ne veut “pas opposer la maîtrise du français à la culture mahoraise”. Mais, il en appelle aux familles, aux structures locales et “à RFO” pour améliorer la diffusion du français, aux côtés
de l’Éducation nationale. Selon le rapport de la défenseure des enfants, les familles parlent “à 70 % le mahorais et à 22 % le bushi”. L’échec scolaire est important. “80 % des
jeunes de 6e ne sauraient pas lire”, relève Dominique Versini.
Quel impact pour l’économie locale ? “La départementalisation doit rimer avec développement économique.” C’est le discours volontariste de l’Etat qui pense que de nouveaux moyens
pourraient provoquer “un électrochoc”. “Le but n’est pas de créer un département pour créer un département”, souligne-t-on rue Oudinot. Le contrat de projet pour la période 2008-2014 prévoit 550
millions d’euros d’investissement, notamment avec les chantiers phares de l’extension du port de Longoni et la piste longue de l’aéroport de Pamandzi, ou encore la résorption de l’habitat
insalubre. De nouveaux crédits d’Etat viendront compléter ce dispositif. Une chose est sûre les besoins sont immenses en terme d’infrastructures (assainissement, routes, bâtiments publics). Jusqu’à
l’an passé, un collège et un lycée étaient inaugurés tous les ans. Le secteur privé doit connaître lui aussi un boom des investissements, notamment en matière de services. Le niveau de vie des
Mahorais va augmenter avec la hausse programmée du SMIC, et les nouvelles prestations sociales. Comme cela s’est vu avec la forte poussée des ventes de voitures dans l’Ile aux Parfums, la hausse
moyenne des revenus des Mahorais doit entraîner une croissance de la consommation locale.
Mayotte accédera-t-elle au statut de RUP de l’Europe ? Normalement oui. En devenant Département français, Mayotte pourra prétendre à rejoindre les sept territoires ayant le statut de
région ultrapériphérique (RUP) de l’Union européenne, et dont la spécificité est reconnue. Ce qui lui donnerait notamment accès aux riches dotations des fonds structurels comme le Fonds européen de
développement régional (Feder) et le Fonds social européen (FSE). Mais la procédure, complexe, suppose entre autres que Mayotte puisse faire face à l’application de l’ensemble des règles
communautaires.
La départementalisation, nouvelle crise en perspective entre Paris et Moroni ? “Mayotte est comorienne et le restera à tout jamais.” L’affiche qui trône à Moroni résume le combat mené
depuis l’indépendance en 1975 par beaucoup d’hommes politiques et d’intellectuels comoriens. Pour une très large partie de l’opinion publique comorienne, il est inconcevable que l’île voisine
appartienne une fois pour toute à la République française. Après l’épisode Bacar, la perspective du référendum ouvre à coup sûr la voie à une nouvelle crise en Paris et Moroni. Autre certitude, ce
scrutin risque d’affaiblir encore un peu plus le président Ahmed Abdallah Sambi auquel beaucoup de Comoriens reprochent de ne pas avoir tenu ses promesses en matière de logement et de lutte contre
la corruption. Sans parler du niveau de vie. Le président Sambi doit donc faire face à une forte pression de son opinion publique qui n’accepte pas que les Comores perdent la face. D’autant plus
que beaucoup n’oublient pas qu’en septembre dernier, il a retiré de l’ordre du jour de l’assemblée général de l’ONU l’épineuse question de Mayotte. L’autre certitude est que le chef d’Etat comorien
ne souhaite pas se brouiller avec la France. Lors du dernier sommet de la Francophonie, on sait qu’Yves Jego l’a rencontré durant plus d’une heure pour lui expliquer que la départementalisation
était le fruit d’un processus institutionnel mis en place depuis 2000. Ahmed Abdallah Sambi n’a pas semblé hermétique à ces explications. Reste que le chef d’Etat, qui vient d’obtenir du FMI une
enveloppe de 17,5 millions de dollars d’aide d’urgence, ne peut se permettre de tourner le dos à son électorat. Le 28 décembre, à l’occasion de l’avènement de l’an 1 430 de l’Hégire, il a annoncé
qu’il allait organiser au premier semestre un référendum pour mener la réforme institutionnelle du pays. Et il a fait savoir qu’il voulait rester un an de plus au pouvoir, jusqu’en 2011.
Dossier : Jérôme Talpin, Bérengère Nauleau, Sylvain Amiotte Photos : JT Demain la suite de notre dossier
REPÈRES
LES DATES CLEFS 25 avril 1841 : Mayotte devient colonie française après avoir été sous le joug d’un roi Sakalava de Madagascar. 24 septembre 1946 : Les Comores accèdent au statut de
Territoire d’Outre-Mer (TOM). 14 mai : l’assemblée des Comores vote le transfert de la capitale de Dzaoudzi (Mayotte) vers Moroni (Grande Comore). Ce que n’accepteront jamais les Mahorais. 2
novembre 1958 : Réunion des notables mahorais de Tsoundzou qui demandent la départementalisation à Paris. 22 décembre 1974 : Référendum d’autodétermination des Comores (Mayotte dit non à
l’indépendance à 65,47 %). 6 juillet 1975 : Déclaration unilatérale de l’indépendance des Comores. 8 février 1976 : Nouvelle consultation de Mayotte (Mayotte souhaite demeurer au
sein de la République Française à 99,4 %) 24 décembre 1976 : Mayotte collectivité territoriale. Condamnation de l’assemblée générale des Nations unies et de l’Union africaine. 27 janvier
2000 : Signature “de l’accord sur l’avenir de Mayotte”. 16 décembre 2008 : Nicolas Sarkozy présente aux élus mahorais à Paris le Pacte pour la départementalisation.
186 500 HABITANTS À MAYOTTE
Selon le recensement de juillet 2007 de l’Insee, Mayotte compte 186 500 habitants contre 160 265 en 2002. Près de 35% de la population de l’île est constituée d’étrangers. Impossible de
savoir combien y vivent de clandestins. En 2004, le taux de fécondité à Mayotte était l’un des plus important de France avec 4,5 enfants par femmes.
Depuis 2006, plus de 16 000 clandestins sont expulsés chaque année aux Comores.
Tous les ans, environ 10 000 Mahorais quittent leur île pour s’installer à la Réunion ou en métropole attirés par la qualité de l’enseignement, des soins mais aussi le RMI et les allocations
familiales.
Fin 2005, plus de 35 000 Mahorais étaient installés à la Réunion dont 52% de femmes seules avec des enfants (chiffres de l’ODR). Mais les jeunes Mahorais préfèrent plutôt le départ vers la
métropole en raison des problèmes de racisme dans notre île.
http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=199299&page=article
“Si les Mahorais disent “oui”, le processus sera enclenché immédiatement”
Lesmahorais sont consultés sur la départementalisation de leur territoire par référendum en mars prochain. La commission des lois du Sénat écrit le 4 décembre : "la situation de Mayotte apparaît porteuse de risques
et d'inquiétudes. Elle demandera donc d'importants efforts aux habitants, aux élus et à l'État. L'avenir de l'archipel repose sur un équilibre fragile, que l'accès au statut de département et
région d'outre-mer ne doit pas compromettre mais renforcer.
Le rapport souligne que Mayotte doit relever les défis d'une forte pression migratoire et d'une explosion démographique qui paraissent annihiler les efforts de développement.
L'archipel doit à la fois éduquer et former une population jeune, lui assurer un avenir professionnel et entrer pleinement dans la modernité en assimilant l'ensemble des principes républicains.
La commission des lois juge que Mayotte a accompli des progrès tangibles et que les retards s'expliquent par le poids de certaines traditions (place des cadis et incompatibilités du statut
personnel avec les droits fondamentaux), par la mise en œuvre de moyens insuffisants de la part de l'État (révision de l'état civil) et par l'inertie de la collectivité (action insuffisante en
matière d'aide sociale à l'enfance).
Elle considère que si la population de Mayotte, informée des efforts qu'une telle évolution implique, fait le choix de la départementalisation, le nouveau statut de l'archipel devra en faire
un département et une région d'outre-mer.
Les conséquences de cette évolution statutaire devront toutefois être progressives, pour être assimilées sans heurts par la société et par l'économie mahoraises.
Le rapport souligne que l'accès au statut de département et région d'outre-mer impliquera :
- la modification du statut personnel pour le rendre entièrement compatible avec les principes et les droits fondamentaux, en particulier en ce qui concerne l'égalité des femmes et
des hommes : interdiction de toute nouvelle union polygame, élévation à 18 ans de l'âge légal du mariage des femmes relevant du statut personnel ;
- la suppression des fonctions judiciaires et notariales des cadis ;
- l'achèvement rapide de la révision de l'état civil, ce qui suppose le renforcement des effectifs de la commission de révision de l'état civil par un vice-président et une équipe de
fonctionnaires spécialisés, chargés d'encadrer les rapporteurs ;
- la mise en place d'une fiscalité locale, qui nécessite d'abord l'évaluation de la valeur locative des parcelles ;
- le maintien d'une seule assemblée exerçant les compétences du département et de la région ;
- le plein exercice, par le conseil général, de ses compétences en matière d'aide sociale à l'enfance."
Dans le dernier n° de la revue de mon lycée, deux élèves ont interviewé l'un des deux réalisateurs du film Mayotte, où va la République ? (visionné
récemment à Saint-Gilles)
voici l'interview :
le numéro de Libération qui sort demain jeudi 18 décembre :
Centre de rétention de Mayotte: la vidéo qui accuse
Extrait d'une vidéo exclusive tournée à l'intérieur du centre de rétention de Pamandzi. Demain, Libération publie un dossier complet sur ce scandale, et LibéLabo diffuse le document intégral.
Libération propose demain jeudi en kiosque une série d'articles et de reportages sur la situation des migrants à Mayotte. Et vous retrouverez l'intégralité de cette vidéo sur
Libération.fr
Le centre de rétention administratif de Mayotte est «indigne de la République». D’une capacité théorique de 60 places, ce sont très régulièrement 80 à 90 personnes s’y entassent sur de
«pauvres nattes» à même un sol de «béton brut dégradé». Parfois elles sont 200, «exceptionnellement 220». Ce constat accablant, c’est celui rendu en avril dernier par
la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS).
Son enquête avait été diligentée après le naufrage en décembre 2007 d’une embarcation de clandestins percutée par une vedette de la police qui naviguait tous feux éteints. Une femme et un
bébé avaient alors trouvé la mort.
Depuis, d’autres «kwassa» - les mauvaises barques empruntées par les candidats à l’émigration - ont fait naufrage. Six morts et 16 disparus en juillet. Quatorze morts et 7 disparus en novembre.
A bord, souvent des habitants d’Anjouan, l’île comorienne distante de seulement 70 kilomètres de Mayotte. Plus de 200 «kwassa» auraient été interceptées en 2008 par les autorités françaises,
qui ont installé trois radars au sud de l’île.
A Mayotte, le nombre de reconduites serait de l’ordre de 16000 par an, soit près de 10% de la population de l’île, d’après une estimation du député PS René Dosière, qui a présidé une mission
sur le sujet. Son produit intérieur brut est neuf fois supérieur à celui des Comores. Autant dire que Mayotte représente pour les clandestins un évident eldorado économique.
La maternité de Mamoudzou ayant, elle, la réputation d’être la première de France en nombre annuel de naissances, l’ex-secrétaire d’Etat à l’outre-mer Christian Estrosi avait trouvé une
solution «de droite décomplexée» pour endiguer le phénomène: la fin du droit du sol à Mayotte. «Nous pourrions prendre une décision exceptionnelle qui fasse que tout enfant né de parents en
situation irrégulière ne puisse plus réclamer son appartenance à la nationalité française», avait-il lancé en février dernier.
Le projet a été enterré quand Estrosi a été remplacé par Yves Jégo en mars. Le nouveau secrétaire d’Etat a promis l’ouverture d’un nouveau centre de rétention administrative en 2010.