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15 décembre 2008 1 15 /12 /décembre /2008 15:55
quand je pense qu'on a survolé le volcan hier matin et qu'il n'y avait rien



Volcan

Le volcan en éruption

CLICANOO.COM | Publié le 15 décembre 2008
Le volcan est à nouveau en éruption. La crise sismique a débuté cette nuit. La lave s’écoule à mi-pente à l’intérieur du cratère Dolomieu.

Dans un communiqué, la préfecture indique que "depuis 2h45, cette nuit, une éruption de faible intensité est en cours, après une reprise de l’activité sismique. La lave s’écoule à mi-pente à l’intérieur du cratère Dolomieu. Sous réserve d’analyses plus complètes qui seront réalisées dans la matinée, cette éruption semble d’intensité comparable aux deux précédentes. Elle ne présente, à ce stade, aucun danger particulier pour la population. Compte-tenu de ces éléments et en l’absence de risque supplémentaire, l’autorité préfectorale maintient le niveau de « vigilance volcanique » du plan de secours spécialisé volcan, en vigueur depuis le 14 octobre dernier. L’accès au public à l’enclos reste strictement limité aux itinéraires balisés. L’accèssentier dit du « tour des cratères » et l’accès au cratère lui-même restent interdits. Toute évolution significative de la situation fera l’objet d’un nouveau communiqué".

La troisième de l’année

L’observatoire volcanologique du piton de la Fournaise a enregistré hier, entre 10h20 et 14h20, une crise sismique considérée comme "de forte ampleur, avec plusieurs centaines de séismes". "Plusieurs séismes de forte intensité (d’une magnitude supérieure à 2,5) ont été observés", précisait hier Thomas Staudacher, responsable de l’équipe scientifique, dans un bulletin d’information mis en ligne sur le site internet de l’observatoire. Cependant, aucune déformation significative du sommet (pouvant indiquer des mouvements d’ascension du magma) n’a été enregistrée, ce qui semblait ne pas accréditer l’hypothèse d’une éruption à très court terme. La situation était stationnaire hier en cours de soirée, des séismes continuant d’être enregistrés toutes les trois à cinq minutes, toujours avec des événements de forte intensité, une crise peu commune, selon Valérie Ferrazzini, sismologue à l’observatoire. Depuis l’effondrement du cratère Dolomieu en avril 2007, deux éruptions se sont succédé ces derniers mois à l’intérieur du cratère Dolomieu, le 21 septembre et le 27 novembre, la seconde apparaissant comme une suite de la première et ayant pris naissance au même endroit exactement, dans une zone où le magma semble trouver facilement sa voie vers la surface. La semaine dernière (notre édition de mercredi), l’observatoire volcanologique estimait une nouvelle éruption possible dans un délai de trois à six semaines.


Volcan

Éruption, acte 3

CLICANOO.COM | Publié le 16 décembre 2008
Au terme d’une très longue crise sismique, qui a débuté dimanche, le piton de la Fournaise est entré en éruption à 2h45 hier matin. Cette troisième phase de l’éruption du 21 septembre a cette fois migré sur le flanc nord-est du Dolomieu mais notre volcan continue à jouer les timides, refusant de se produire en dehors du cratère principal.
http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=198128&page=article

Sortira, sortira pas ? Entre dimanche 10h et hier 2h45 du matin, les scientifiques de l’observatoire volcanologique du piton de la Fournaise se sont interrogés sur les intentions de notre volcan. Une certitude, nous sommes en présence de la troisième phase d’une éruption dont le premier épisode s’est joué à partir du 21 septembre dernier et pendant dix jours, suivi d’un acte deux à partir du 27 novembre, pendant 26 h.

Débit assez faible

Les volcanologues s’attendaient à ce que le magma jaillisse une nouvelle fois dans le cratère Dolomieu mais la lave allait-elle se répandre à partir des mêmes points de sortie que le 21 septembre et le 27 novembre derniers ? La réponse nous est donnée lorsque nous émergeons en lisière du sommet, hier matin peu avant 8 h. Le sommet joue à cache-cache avec les nuages. L’éruption s’est déplacée. Alors que les deux manifestations précédentes se situaient exactement au même endroit au pied du Bory, cette fois, deux fissures se sont ouvertes. La première se situe au nord-nord-est, un peu à l’est de la Soufrière en grande partie effondrée, la seconde zèbre le rempart nord-est, opposé au cratère Bory. L’éruption n’a que quelques heures, mais elle a déjà construit deux petits cônes à mi-pente sur le flanc nord - nord-est. L’un d’entre eux est complètement ouvert et laisse apercevoir des entrailles de feu. De petites projections montent par instant vers le ciel. Deux bras de coulée descendent vers le lac figé alimenté par les deux manifestations précédentes. Une tache noire plus sombre s’élargit en surface. L’autre, de construction presque parfaite, est ouverte à sa base. Face au Bory, l’activité est moins intense. Les coulées ont du mal à rejoindre le plancher du cratère. Alors que dans l’ensemble l’activité se joue sur un mode mineur, parfois les choses s’emballent. Le cône ouvert se met à bouillonner intensément. Des coulées dévalent la pente soulevant des nuages de poussière. En fond sonore, le roulement sourd des éboulements que l’on entend mais que l’on a du mal à voir. Le Dolomieu joue comme une vaste caisse de résonance.

La fête jusqu’à noël ?

Notre volcan continuera-t-il à faire la fête jusqu’à Noël et le jour de l’an ? Bien malin celui qui pourrait lire dans ses pensées. Hier soir, le trémor éruptif semblait commencer à baisser, corroborant les observations visuelles selon lesquelles la sortie de lave dans le rempart est du Dolomieu semblait tarie. A cette heure, à peine un quart des coulées du mois de septembre dernier était recouvert par les nouvelles laves. Aucun prélèvement n’a été possible hier : le débit trop faible et l’absence de vent n’ont pas permis la dispersion des gouttelettes de lave comme cela s’était produit lors des deux premières phases éruptives. Aucun cheveu de Pélé n’a pu être collecté

Textes et photos : Alain Dupuis François Martel-Asselin


Coup de chapeau au sommet

Thomas Staudacher, directeur de l’observatoire volcanologique du piton de la Fournaise depuis 1995, s’est porté comme à l’accoutumée au chevet de l’éruption hier matin. Le 1er janvier, il confiera l’intérim de la direction à sa collègue sismologue Valérie Ferrazzini en attendant mi-2009 l’arrivée de son successeur Andrea di Muro, comme cela a été annoncé au mois d’octobre dernier. Notre volcan a-t-il voulu saluer à sa manière le départ de Thomas Staudacher ? On ne lui avait peut-être pas tout dit : si le scientifique laisse la barre de l’observatoire, il demeure plus que jamais fidèle au piton de la Fournaise qu’il continuera à ausculter en tant que chercheur, déchargé des tâches administratives. En treize années de présence, il a déjà assisté à près de trente éruptions

La première de Gilbert

Avant de quitter la Réunion pour s’installer à Toulouse il y a de cela 34 ans, Gilbert n’avait jamais assisté à une éruption du piton de la Fournaise. Il n’était même jamais monté au volcan. Depuis son départ pour la métropole, Gilbert n’avait jamais revu son Saint-Denis natal. “Quand j’ai décidé de revenir en vacances, confie-t-il, ma famille qui habite encore ici avait prévu une sortie au volcan. Pas pour voir une éruption, simplement pour me montrer le sommet. C’était programmé depuis des mois.” Hier matin, Gilbert accompagné de ses proches et de Jacky, un Réunionnais habitant Lyon, prennent le chemin du pas de Bellecombe. Ils ne savent pas qu’une éruption a débuté dans le Dolomieu quelques heures plus tôt. La petite troupe descend dans l’enclos, traverse en direction de la chapelle de Rosemont et là, ignorant l’interdiction d’accès au sommet, pourtant plantée bien en évidence, elle s’engage sur le sentier en direction du Bory. Le balisage blanc dissimulé sous de la peinture noire ne l’arrête pas. Au sommet du Bory, Gilbert et ses compagnons découvrent médusés l’éruption à leurs pieds. “Vous avez devant vous un créole heureux”, confie-t-il à chaud. “Quelle chance tu as”, lui glisse à l’oreille une parente. “Ces photos valent de l’or.” Juste le temps d’immortaliser l’événement et Gilbert et sa famille s’éclipsent prestement. L’hélicoptère de la gendarmerie n’est pas bien loin…



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15 décembre 2008 1 15 /12 /décembre /2008 09:45
















voilà un poisson fragile
si on s'approche trop, il est stressé, il se gonfle, monte à la surface et ne peut plus redescendre


photos : Dom2
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15 décembre 2008 1 15 /12 /décembre /2008 08:31
Un collègue passionné de plongée, Dominique D, vient de me donner des photos qu'il a faites entre 20m et 60m, devant saint-gilles et saint-paul. Comme il va s'écouler de nombreux mois avant que je maîtrise les techniques de plongée et de prises de vues sous-marines, j'ai obtenu son accord pour vous donner à voir ces premières photos exclusives. Peut-être dans 8 jours une vidéo d'une baleine à bosse avec son baleineau faite en octobre (mise en ligne en métropole car ici il y a un plafond de 3G° et un bas débit).





photos : Dom2
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14 décembre 2008 7 14 /12 /décembre /2008 09:27

Histoire de se préparer à l’ascension du Piton des neiges dimanche prochain, histoire de se préparer aussi au vol
Saint-Denis-Orly trois jours après, je viens de faire le tour de l’île à bord d’un Piper PA28 piloté par mon collègue Philippe M.. Sylvie (Lettres classiques) et Olivier (EPS) étaient également de la partie. Aucune difficulté pour se lever à 4 heures du matin chez ces quatre veinards.


Check-list au bord de la piste de Pierrefonds à Saint-Pierre :
- test gouvernes - vérifier entrée moteur - vérifier saumons - vérifier Karman - vérifier pitot - purger les réservoirs - générateur sur On - sortir 10° d’ailerons - altimètre sur 60 pieds - batterie sur On - allumer radio - pression huile - vérifier témoins - vérifier réchauffage - 800 tours/mn test moteur freins serrés
rappel pour celles zé ceux qui n'ont pas lu assez de BD dans leur enfance : tenir le cap à la boussole, tirer le manche pour monter, le pousser pour descendre, aider l'appareil à virer (à gauche ou à droite) en mettant un peu de palonnier


Puis c’est le décollage, avec la satisfaction de voir que des nuages certes, il y en a, mais ils stationnent sur Saint-Pierre et ne semblent pas bien méchants au-dessus des cirques et du volcan.


Peu à peu, on monte et on survole le port de Saint-Pierre, Le Tampon, la plaine des cafres, le cratère Commerson et la plaine des Sables.








la plaine des sables

l'entrée dans l'enclos

le flanc nord du dolomieu




La vitesse est stable : 100 noeuds (180 km/h). Le compte-tours aussi : 2400 t/mn en croisière, 2200 en descente. Le variomètre, c'est-à-dire le Badin, aussi : 600 pieds/mn en montée et en descente. L'altimètre indique 8200 pieds, on va monter à 9000 pieds (3000 mètres) pour passer d'un cirque à l'autre en toute sécurité.



la plaine des sables (play it again Sam)



vers le trou du fer

cirque de salazie


au loin : saint-denis

dans le cirque de Mafate

la rivière des galets et Le Port

objectif : les 3 salazes





cilaos

ilet à cordes


cilaos et le piton des neiges

retour vers pierrefonds
sur le côté gauche de la piste, le papi est allumé : 4 lumières blanches, t'es trop haut ; 4 lumières rouges, t'es trop bas
il en faut 2 blanches à gauche, 2 rouges à droite, et sans être trop court ni trop long
on met 800 tours/mn, on plane et on applaudit



ben nou gaign

le talent de philippe a été contagieux : en août prochain, je commence la formation pour piloter un ULM

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13 décembre 2008 6 13 /12 /décembre /2008 17:17
A la réunion, il n'est aucune fenêtre dont on puisse dire qu'elle ne reçoit jamais la lumière du soleil tant ce dernier se montre au fil de l'année, et pas seulement dans une moitié du ciel. Dans une semaine, c'est le solstice d'été, les journées vont devenir plus courtes, mais l'écart est bien moindre qu'en métropole.


hier soir


pleine lune ce matin à 4h30 (1h30 heure métropole)
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13 décembre 2008 6 13 /12 /décembre /2008 16:46


Danses d'hier


J'entends encore les staccatos

Le prolongement des sons des tam-tams

Des tam-tams du temps jadis


Alors les collines s'enflamment

Dans la nuit sèche

Les pieds des danseurs

Se baignent dans la fine poussière

De latérite

Et leurs pas scandent sauvagement

Un rythme endiablé


J'entends encore les notes rapides

La voix étouffée du « commandeur »

Se modulant dans l'air tiède du soir.


Alors les échines s'arc-boutent

Les unes aux autres

Et les hanches roulent comme des houles

Les ventres des danseuses voluptueuses

Ondulent lascivement...

Et des voix confuses s'interpellent

Impudemment.


Je perçois toujours les staccatos

Les grondements des « grosses caisses »

Par delà les années de mon enfance ...

Je les porte en moi

Comme des stigmates.


Antoine Abel (né en 1934)



Le baptême de sable


O gouttes de pluie

Crépitantes de chaleur invisible

De chaleur trouée

O gouttes pleurées

Ruisselantes

De chaleur vide


Peau de jungle et peau d'amour

Peau de drame

Peau vivante

Tiède charnelle de chaleur que tu contiens


Ouvre-moi le chemin de l'oiseau

Indique-moi la fleur cachée

Le soleil volé

L'étoile violée

Lampe rouge miroitée – dure dans le bois d'ébène qui sillonne le coeur


La clé !

La clé suspendue dans le mur

Du silence qui sépare les êtres ; qui sépare deux flammes

Je cherche

Je cherche le long de tes bras

Et je trouve enfin tes mains

Qui serrent le sable baptisé.


Patrick Mathiot (né en 1960)

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12 décembre 2008 5 12 /12 /décembre /2008 17:33

47

Grâce à remue.net, un billet du Journal de la Réunion et à un article de Libération hier, on apprend qu'une pièce de Jean-Luc Raharimanana est interdite par le ministère des Affaires étrangères dans les centres culturels français de l'océan indien.
Plutôt que de m'indigner, je vous laisse lire des extraits du dossier de remue.net constitué à partir des documents transmis par JL R, le billet clicanoo et l'article de Libé.

Présentation de Remue :
Composé « à la mémoire des insurgés du 29 mars 1947, Madagascar », 47 a été créé les 19 et 20 septembre 2008 au centre culturel Albert-Camus d’Antananarivo, Madagascar. Interprété par Romain Lagarde et Sylvian Tilahimena, 47 a été ensuite représenté les 26 et 27 septembre 2008 au festival Les Francophonies en Limousin, Limoges, le 14 octobre à la Halle aux Grains, scène nationale, Blois, le 21 octobre au Théâtre de Cavaillon, scène nationale, Cavaillon, les 5 et 6 novembre à Bonlieu scène nationale, Annecy. Des spectateurs l’ont donc vu, applaudi. La presse en a parlé. Une tournée devait le conduire, en 2009, dans les centres culturels de l’océan Indien et de l’Afrique australe. Il n’en sera rien. Cette pièce autorisée sur le territoire français se voit interdite de représentation dans les centres culturels français de cet espace géographique.

Libé hier :
Le cas 47 RENÉ SOLIS et MARIE-CHRISTINE VERNAY 47 est tiré d’un texte de l’auteur malgache Jean-Luc Raharimanana, qui traite de la répression par l’armée française du soulèvement nationaliste de mars 1947. Mis en scène par Thierry Bedard, créé le 19 septembre dernier au Centre culturel Albert- Camus à Antananarivo, ce spectacle ne tournera pas dans la zone de l’Afrique australe orientale et de l’océan Indien. C’est pourtant là que cette pièce, déjà présentée en France (Limoges, Annecy, lire ci-contre), aurait pris tout son sens. Mais il semblerait que le ministère français des Affaires étrangères en a décidé autrement. Dans une lettre à Bernard Kouchner, datée du 15 novembre, les créateurs parlent de «censure d’Etat» et expliquent : «A la demande de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), le spectacle soutenu pourtant et coproduit par Culturesfrance, a été retiré des propositions de programmation.» Ce qui veut dire que la tournée prévue au printemps et en septembre 2009 s’écroule, puisque, bien qu’il ne s’agisse pas d’une interdiction officielle avec lettre ou circulaire à l’appui, aucun centre culturel ou alliance française ne se risquerait à présenter un spectacle «déconseillé», évacué de la liste des productions diffusables. Aucun argument artistique ou politique n’a été avancé quant à la raison de cette interdiction de fait. Trouille. Que s’est-il passé ? Les autorités malgaches seraient-elles montées au créneau ? Il semblerait que non. La première du spectacle à Antananarivo n’a pas provoqué de polémique et le gouvernement malgache a plutôt intérêt à ce que ce pan douloureux de l’histoire, souvent passé sous silence, revienne sur le devant de la scène. De nombreux historiens malgaches ont participé à l’élaboration de 47 et ils devraient se réunir pour un colloque en mars 2009. Qui a pu redouter que ce spectacle fasse des vagues au point de créer des incidents diplomatiques ? Sans doute pas l’ancien ambassadeur Gilles Le Lidec, en froid avec les autorités locales, qui a quitté son poste en août, un mois avant la première du spectacle. Et pas non plus son successeur, qui n’est pas encore en poste. Alors ? L’initiative d’un chargé d’affaires trop zélé ou d’un haut responsable du ministère tétanisé d’avance par la peur de l’incident ? Un connaisseur des habitudes du Quai d’Orsay émet l’hypothèse d’«une réaction de panique en chaîne qui remonte jusqu’à Paris, comme une trouille que la diplomatie s’impose à elle-même». «Points de blocage».Dans leur lettre à Bernard Kouchner, les intéressés interrogent : «Est-il impossible de présenter notre travail, exemplaire, sous la responsabilité "morale" du ministère des Affaires étrangères ?» L’écrivain et le metteur en scène ajoutent : «Nous ressentons donc évidemment l’interdit de présenter notre travail comme une "censure d’Etat" rare et incompréhensible.» Une «censure» vigoureusement démentie par le cabinet de Kouchner. «Lors de la réunion d’évaluation des projets pour la région tenue début novembre à Addis-Abeba, celui-ci n’a pas été retenu. C’est une procédure parfaitement normale.» En attente de signature, la réponse du ministre devrait par ailleurs être rendue publique très prochainement. Salvador Garcia, directeur de Bonlieu, scène nationale d’Annecy, où Thierry Bedard est artiste associé, déplore la situation. «Même si je ne sais pas où sont les points de blocage, ce spectacle, explique-t-il, pose le problème de la représentation française à l’étranger et c’est particulièrement sensible à Madagascar qui est une poudrière. Ce n’est pas un spectacle français puisqu’il est cocréé avec un auteur malgache. C’est absolument dommage qu’il ne soit pas vu dans l’océan Indien car il pose la question du traitement de la mémoire pour les Français, mais aussi pour les Malgaches. Il est juste sur tous les plans, y compris artistiquement.» Thierry Bedard se souvient des représentations à Antananarivo :«C’était un moment très intense, il y avait beaucoup d’étudiants dans le public. Le sujet est sensible parce que c’est un Français et un Malgache qui traitent ensemble de l’effroi.» 

extrait du texte de JL Raharimanana :
 On appela cela coopération. Mutisme et complicité. Dictature. Corruption. Silence toujours. L’oubli a succédé. Les générations furent autant de couches de linceuls naturelles. C’est ce qu’on a cru.  La parole insoumise  Silence pèse sur la mémoire. Les langues se délient. Des hommes et des femmes voudront comprendre. Dans ce désir, réel cette fois-ci, de vivre ensemble. Des hommes et des femmes, au-delà des frontières de l’histoire et des rapports de force, voudront savoir. Pourquoi en 47, deux ans après le carnage, deux ans après le « plus jamais ça », pourquoi à Madagascar s’est-il perpétré l’un des plus grands massacres coloniaux ? Un massacre commis par les vainqueurs du nazisme ? Par ceux qui ont vu de près les horreurs de la guerre ?  C’est ce silence qu’explore le spectacle 47, créé en septembre 2008 au centre culturel français d’Antananarivo, de concert avec Thierry Bedard, metteur en scène, de concert avec Sylvian Tilahimena et Romain Lagarde, comédiens malgache et français. Une histoire commune. Violente. Sensible. Un théâtre qui nous ramène dans ce désir de vivre ensemble, de comprendre ce qui a déchiré, les corps malmenés et torturés, les paroles étouffées et les non-dit qui corrompent les âmes. Pour un langage du présent, un langage partagé. Enfin.  Mais ainsi en a décidé le « bureau politique » de la DGCID [Direction générale de la Coopération internationale et du Développement au ministère français des Affaires étrangères.]]. Coopération et développement ? Silence sur 47. Censure sur le spectacle. Interdiction d’emmener cette parole dans les centres culturels africains et alliances françaises. Étouffer les mémoires pour perpétuer quelle tradition ? Quelle domination ? La France grande et rayonnante ? Mère du progrès et de la civilisation ?  Ainsi, le spectacle ne peut tourner dans ces centres culturels vitrines de la France et de sa capacité de dialoguer avec le monde, vitrines de sa culture, vitrines des cultures. Une vitrine, selon la DGCID, ne saurait comporter la moindre trace de salissure - ces pages sombres de l’histoire coloniale… Il est vrai qu’accorder vitrine à l’histoire coloniale française, c’est plonger dans un puits de vérité vertigineux, c’est plonger dans une saleté sans mesure et inavouable. La mission des centres culturels serait-elle politique, idéologique, partisane ? La culture a-t-elle réellement sa place quand s’exprime une certaine tendance politique du ministère des Affaires étrangères qui a droit de veto sur la programmation des centres en question ? « Bureau politique » de la DGCID ? Quel est ce bureau qui n’apparaît dans aucun organigramme officiel ?  Et dans cette affaire, le devoir de réserve imposé à ces responsables culturels ne vire-t-il pas à l’obligation de collaborer à une politique discriminatoire, un déni de l’histoire des colonies, un déni de l’histoire de France ?  Alors que la politique africaine de la France est déjà un désastre, obligerait-on les hommes et femmes de culture français à trahir leurs éthiques et convictions ? Faut-il qu’ils s’alignent sur le même plan que ceux qui ont terni pour longtemps l’image de la France : ces aventuriers politiques qui n’ont jamais considéré les Africains, ces barbouzes et autres prédateurs économiques du continent ?  Mais la mémoire se moque bien de la censure même si c’est une censure d’État. Le désir est profond de comprendre d’autant plus que nous avons maintenant le recul nécessaire pour tout entendre, pour enfin échanger.  Auteur, ancré dans les deux cultures - malgache, française -, j’ai la conviction que ces actes et discours stigmatisant la légitime revendication des mémoires ne sont que les sursauts d’une certaine France imbue encore de culture coloniale. Le monde d’aujourd’hui a aboli les frontières, le monde d’aujourd’hui est un monde où la parole peut être infiniment plus libre si on se donne la peine d’utiliser tous les moyens à notre disposition, le monde d’aujourd’hui est un monde où la parole se multiplie, se diversifie, un monde excitant où l’Autre se trouve au bout d’un clic, au bout d’un fil, au bout d’une lettre. Oui, j’ai cette conviction… À moins qu’une période totalitaire ne se prépare et que je ne m’illusionne, à moins que cette période ne fasse table rase de toutes ces paroles incontrôlables, insoumises, à moins que ces régimes –politiques, économiques - qui ont déjà le sort du monde en main, ne deviennent réellement fous et ne viennent à effacer toute velléité de culture, de mémoire, de résistance, à moins que…  Mais le 29 mars 1947, les rebelles ne sont pas tombés pour ça… Raharimanana, Antananarivo, le 30 novembre 2008.

http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=197804&page=article
Le billet

1947 censuré en 2008 !

CLICANOO.COM | Publié le 12 décembre 2008

Comment ne pas être d’accord avec ceux qui pensent qu’en matière de mémoire, comme de justice, il y a deux poids deux mesures ? Vous voulez parler de Shoah ? Non seulement c’est permis mais c’est même devenu obligatoire. Vous voulez parlez d’esclavage, de mémoire coloniale ? C’est beaucoup plus difficile. Et il n’est pas besoin d’utiliser une censure officielle pour cela, la censure de fait étant plus efficace encore. Ainsi le spectacle « 47 » tiré d’un texte de Jean-Luc Raharimanana, qui devait tourner en Afrique australe orientale et dans l’océan Indien, n’ira pas plus loin que Tananarive où il a été créé le 19 septembre dernier au centre culturel Albert-Camus. A la demande de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), le spectacle a été retiré de la programmation. Conséquence, aucun centre culturel ou Alliance française ne devrait l’accueillir. Pourquoi ce spectacle, pourtant produit par Culturesfrance, n’a-t-il pas été choisi ? Faute de réponse de la part du ministère des Affaires étrangères, j’en suis réduit à émettre des suppositions. De quoi parle le spectacle de Jean-Luc Raharimanana, auteur malgache dont on a eu l’occasion de parler en septembre dernier quand le recteur de La Réunion avait cru bon de faire du zèle (déjà !) en sanctionnant un professeur qui avait lu un de ses textes en classe ? Il parle, documents d’époque et photos à l’appui, de l’insurrection nationaliste du 29 mars 1947 à Madagascar durement réprimée par l’armée française au prix de milliers de morts. On conçoit que le gouvernement Sarkozy et la majorité UMP, adeptes de la « colonisation positive », ait des hauts le cœur rien qu’à l’idée que l’on puisse voir des militaires français à l’œuvre dans leur mission civilisatrice ! Pour une fois, le poids des mots et le choc des photos (rien à voir avec Paris-Match, le torche-cul du président !) auront été fatals à la distribution d’une création et à la connaissance de notre passé. On dit merci à qui ?

Bruno Testa

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12 décembre 2008 5 12 /12 /décembre /2008 02:54

Mercredi dernier, j'accompagnais des secondes au Salon de la littérature jeunesse au Port. Khuistres et Imbudeumêmes de se gausser, surtout ceux qui n'ont pas d'élèves, ni surtout d'élèves-en-difficulté (la gôchcaviar eût parlé d' « élèves intellectuellement défavorisés »). Pourtant, la France de demain, et même la France des DOM-TOM, a su échanger avec une auteure sympa, détendue, attentive, capable de s'exposer autrement que sur la Une de VSD, de se dire, de répondre patiemment aux questions (préparées) des poupons, de faire entrevoir la mise de celles/ceux qui mettent leur vie en jeu sur le tapis vert de la publication et qui choisissent l'écriture. En tout cas, les poupons ont rencontré une écrivain à qui ils ont demandé si ça posait des problèmes de glisser des phrases créoles dans ses romans. Réponse : Non. Frappant : la narratrice a 11 ans. Comme dans What Maisie knew de Henry James. Comme si on savait déjà tout à cet âge (intuitivement) et qu'ensuite on radote. Possible. Et alors, cette littérature qu’on dit jeunesse est parfois littérature tout court.


Résumé de l'éditeur :

Sensitive, ce sont les lettres qu'une petite Mauricienne de 11 ans adresse au Bondié. Mais les écrit-elle vraiment ? Peu importe, puisqu'elles lui permettent de parler, avec ses mots à elle, de son institutrice, de ses amis Ton Faël et Nadège, des ouvrières de l'usine qui va fermer. De sa mère, de l'amour/haine qui les lie. Et, pesant sur sa vie, comme une ombre à peine visible, de son beau-père.

Shenaz Patel nous plonge dans le conflit insoluble qui déchire cette petite fille, partagée entre son appétit de vivre et sa révolte devant l'injustice – celle qui lui est faite comme celle qui frappe les autres.

 

Voici l'incipit de Sensitive (L'Olivier, 2003)

 

Hier je suis morte.

Enfin, je croyais. J'ai cru.

C'est étrange.

De penser qu'une chose comme ça puisse arriver et qu'on ne disparaisse pas après. Qu'on continue à rester debout, à avancer un pas puis l'autre, à faire comme ci, comme ça, à jouer. Comme quelqu'un qui est encore entier quoi. Comme un enfant ordinaire. Alors qu'à l'intérieur tu te sens comme un grand tas de confettis.

Remarque tu me diras, je ne sais pas comment se sent un tas de confettis. Peut-être qu'il est joyeux, parce que c'est joyeux, parce que c'est joli, et gai, un tas de confettis qu'on éparpille.

Du moins c'est ce qu'on croit.

Mais au fond on n'en sait rien.

Peut-être que les confettis ne sont pas si contents que ça d'être lancés en l'air, d'être séparés et de retomber, seuls, fanés, sur des planchers parcourus par de grosses chaussures qui menacent à chaque instant de les écraser, ou dans des cheveux gras que des doigts et ongles sales viennent grattouiller. D'ailleurs, tu as vu à quel point ils retombent lentement, en planant, comme s'ils voulaient ralentir leur chute, se retenir encore un peu, un moment.

Tout compte fait, je crois que ce n'est pas si formidable que ça une vie de confettis.

Alors je me sens comme un tas de confettis.

Je me demande si Lui, il sait quel effet ça fait. Un jour, c'est sûr, je lui montrerai. Avec un pétard canon que je demanderai à Mam de m'acheter pour Noël, un gros canon rouge, je l'exploserai en quatre mille morceaux.

Ou dix mille.

Ou mille millions.

Tu imagines, des petits bouts de Lui, éparpillés partout, avec des éclats de papier rouge, collés sur les murs, au plafond, par terre, bravo, bravo, applaudissez notre nouvelle décoratrice, mam'zelle pétomane.

J'ai lu ce mot quelque part et il m'a plu dès que je l'ai prononcé, il sonne vraiment bien sur les lèvres, contre les dents. Mais quand je suis allé voir dans le dictionnaire à l'école, j'ai compris que ce n'était pas du tout ce que je voulais dire. Faudra que je trouve autre chose, quelque chose d'un peu moins, enfin un peu plus distingué quand même. C'est pas la peine si c'est pour qu'on me chicane.

Mais pour tout ça, il faudra que j'espère encore.

Il paraît que je suis trop petite.

Alors, en attendant, je voulais juste te dire que je suis si contente de t'avoir créé.

Oui je sais, on dit que c'est l'inverse. Que c'est Dieu qui crée les hommes. Mais bon...

On dit beaucoup de choses.

En ce moment, on n'arrête pas de répéter qu'il faut prendre en compte les enfants parce qu'ils sont les adultes de demain. J'aimerais que quelqu'un dise qu'on est les enfants d'aujourd'hui. Mais on a tellement de projets pour nous.

C'est sûr, la Miss n'aimerait pas que je dise ça. Elle répète que je dois laisser mes extravagances et mes expressions « baroques » à la porte de l'école. Comme si on pouvait avoir envie de confier quoi que ce soit à cette vilaine porte, avec sa peinture grise pelée et couverte de gale. Moi, je serais bien contente si j'arrivais à l'abattre, ou juste à la garder un peu ouverte.

Mais ici on ne vient pas pour être content, on vient pour apprendre.


Extrait (p103 à 109) lu par l'auteure :

http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/patel_sensitive.html

 

En 2005, Shenaz Patel a fait paraître Le Silence des Chagos (sur le déracinement).










http://www.lehman.edu/ile.en.ile/paroles/patel.html

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10 décembre 2008 3 10 /12 /décembre /2008 15:42

Madagascar, où je me rends en mars, a la superficie de la France. 17,5 millions d'habitants (dont 30000 français) y vivent. Dans ce pays qui est l'un des plus pauvres du monde, le taux de fécondité est de 6 enfants par femme. Il y a autant de zébus que d'habitants (17 millions) : cet animal indispensable à l'économie, sacré, signe extérieur de richesse et symbole de sagesse, est l'emblème malgache par excellence.

 

pour aider les malgaches qui veulent acquérir un zébu :

www.zob-madagascar.org



photo : Philippe M.

ZEBU


Voûté comme les cités d'Imerina*

en évidence sur les collines

ou taillées à même les rochers ;

bossu comme les pignons

que la lune sculpte sur le sol,

voici le taureau puissant

pourpre comme la couleur de son sang.


Il a bu aux abord des fleuves,

il a brouté des cactus et des lilas ;

le voici accroupi devant du manioc

lourd encore du parfum de la terre,

et devant des pailles de riz

qui puent violemment le soleil et l'ombre.


Le soir a bêché partout,

et il n'y a plus d'horizon.

Le taureau voit un désert qui s'étend

jusqu'aux frontières de la nuit.

Ses cornes sont comme un croissant qui monte.


Désert, désert,

désert devant le taureau puissant

qui s'est égaré avec le soir

dans le royaume du silence,

qu'évoques-tu dans son demi-sommeil ?

Est-ce les siens qui n'ont pas de boss e

et qui sont rouges comme la poussiè re

que soulève leur passage ,

eux, les maîtres des terres inhabitées ?

Ou ses aïeux qu'engraissaient les paysans

et qu'ils amenaient en ville, parés d'oranges mûres,

pour être abattus en l'honneur du Roi ?


Il bondit, il mugit,

lui qui mourra sans gloire,

puis se rendort en attendant

et apparaît comme une bosse de la terre.


Presque-songes, 1934

Jean-Joseph Rabearivelo


* Imérina = région des plateaux

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9 décembre 2008 2 09 /12 /décembre /2008 17:53


Je suis comme beaucoup : parmi les blogs auxquels je rends souvent visite, il y a celui de Pierre Assouline :
J'approuve assez souvent ses analyses et j'ai fort goûté son indignation à chaque fois (quatre fois) que le Président de la République française a, sans crainte du ridicule, vomi, éructé, jappé et glapi sur
La Princesse de Clèves. Mais avant-hier, Passou a affirmé son dégoût pour Le Clézio sans prouver grand chose. Il se trouve que je partage depuis longtemps les idées de J-M Le Clézio, aussi je vais coller ici dans ce blog, et c'est légal, les passages de son discours à l'Académie Nobel sur lesquels Passou ne dit rien et qui, à mon humble avis, devraient être médités par les trissotins de tous les pays.
exemple de méchanceté gratuite : "
Le Clézio, arpenteur des forêts mais certainement pas écrivain voyageur".


J.M.G. Le Clézio : Dans la forêt des paradoxes

© LA FONDATION NOBEL 2008
Les journaux ont l’autorisation générale de publier ce texte dans n’importe quelle langue après le 7 décembre 2008 17h30 heure de Stockholm. L’autorisation de la Fondation est nécessaire pour la publication dans des périodiques ou dans des livres autrement qu’en résumé. La mention du copyright ci-dessus doit accompagner la publication de ’intégralité ou d’extraits importants du texte.

"L’écrivain, le poète, le romancier, sont des créateurs . Cela ne veut pas dire qu’ils inventent le langage, cela veut dire qu’ils l’utilisent pour créer de la beauté, de la pensée, de l’image. C’est pourquoi l’on ne saurait se passer d’eux. Le langage est l’invention la plus extraordinaire de l’humanité, celle qui précède tout, partage tout. Sans le langage, pas de sciences, pas de technique, pas de lois, pas d’art, pas d’amour. Mais cette invention, sans l’apport des locuteurs, devient virtuelle. Elle peut s’anémier, se réduire, disparaître. Les écrivains, dans une certaine mesure, en sont les gardiens. Quand ils écrivent leurs romans, leurs poèmes, leur théâtre, ils font vivre le langage. Ils n’utilisent pas les mots, mais au contraire ils sont au service du langage. Ils le célèbrent, l’aiguisent, le transforment, parce que le langage est vivant par eux, à travers eux et accompagne les transformations sociales ou économiques de leur epoque.

Lorsque, au siècle dernier, les théories racistes se sont fait jour, l’on a évoqué les différences fondamentales entre les cultures. Dans une sorte de hiérarchie absurde, l’on a fait correspondre la réussite économique des puissances coloniales avec une soi-disant supériorité culturelle. Ces théories, comme une pulsion fiévreuse et malsaine, de temps à autre ressurgissent ça et là pour justifier le néo-colonialisme ou l’impérialisme. Certains peuples seraient à la traîne, n’auraient pas acquis droit de cité (de parole) du fait de leur retard économique, ou de leur archaïsme technologique. Mais s’est-on avisé que tous les peuples du monde, où qu’ils soient, et quel que soit leur degré de développement, utilisent le langage ? Et chacun de ces langages est ce même ensemble logique, complexe, architecturé, analytique, qui permet d’exprimer le monde – capable de dire la science ou d’inventer les mythes.


Aujourd’hui, au lendemain de la décolonisation, la littérature est un des moyens pour les hommes et les femmes de notre temps d’exprimer leur identité, de revendiquer leur droit à la parole, et d’être entendus dans leur diversité. Sans leur voix, sans leur appel, nous vivrions dans un monde silencieux.

La culture à l’échelle mondiale est notre affaire à tous. Mais elle est surtout la responsabilité des lecteurs, c’est-à-dire celle des éditeurs. Il est vrai qu’il est injuste qu’un Indien du grand Nord Canadien, pour pouvoir être entendu, ait à écrire dans la langue des conquérants – en Français, ou en Anglais. Il est vrai qu’il est illusoire de croire que la langue créole de Maurice ou des Antilles pourra atteindre la même facilité d’écoute que les cinq ou six langues qui règnent aujourd’hui en maîtresses absolues sur les médias. Mais si, par la traduction, le monde peut les entendre, quelque chose de nouveau et d’optimiste est en train de se produire. La culture, je le disais, est notre bien commun, à toute l’humanité. Mais pour que cela soit vrai, il faudrait que les mêmes moyens soient donnés à chacun, d’accéder à la culture. Pour cela, le livre est, dans tout son archaïsme, l’outil idéal. Il est pratique, maniable, économique. Il ne demande aucune prouesse technologique particulière, et peut se conserver sous tous les climats. Son seul défaut – et là je m’adresse particulièrement aux éditeurs – est d’être encore difficile d’accès pour beaucoup de pays. A Maurice le prix d’un roman ou d’un recueil de poèmes correspond à une part importante du budget d’une famille. En Afrique, en Asie du Sud-Est, au Mexique, en Océanie, le livre reste un luxe inaccessible. Ce mal n’est pas sans remède. La coédition avec les pays en voie de développement, la création de fonds pour les bibliothèques de prêt ou les bibliobus, et d’une façon générale une attention accrue apportée à l’égard des demandes et des écritures dans les langues dites minoritaires – très majoritaires en nombre parfois – permettrait à la littérature de continuer d’être ce merveilleux moyen de se connaître soi-même, de découvrir l’autre, d’entendre dans toute la richesse de ses thèmes et de ses modulations le concert de l’humanité. [...]

C’est à elle, Elvira, que j’adresse cet éloge – à elle que je dédie ce Prix que l’Académie de Suède me remet. À elle, et à tous ces écrivains avec qui – ou parfois contre qui j’ai vécu. Aux Africains, Wole Soyinka, Chinua Achebe, Ahmadou Kourouma, Mongo Beti, à Cry the Beloved Country d’Alan Paton, à Chaka de Tomas Mofolo.. Au très grand Mauricien Malcolm de Chazal, auteur, entre autres de Judas. Au romancier mauricien hindi Abhimanyu Unnuth, pour Lal passina (Sueur de sang), la romancière urdu Hyder Qurratulain pour l’épopée de Ag ka Darya (River of fire). Au Réunionnais Danyèl Waro, le chanteur de maloyas, l’insoumis, à la poétesse kanak Dewé Gorodé qui a défié le pouvoir colonial jusqu’en prison, à Abdourahman Waberi le révolté. À Juan Rulfo, à Pedro Paramo et aux nouvelles du El llano en llamas, aux photos simples et tragiques qu’il a faites dans la campagne mexicaine. À John Reed pour Insurgent Mexico, à Jean Meyer pour avoir porté la parole d’Aurelio Acevedo et des insurgés Cristeros du Mexique central. À Luis González, auteur de Pueblo en vilo. À John Nichols, qui a écrit sur l’âpre pays dans The Milagro Beanfield War, à Henry Roth, mon voisin de la rue New York à Albuquerque (Nouveau Mexique) pour Call it Sleep. À J.P. Sartre, pour les larmes contenues dans sa pièce Morts sans sépulture. À Wilfrid Owen, au poète mort sur les bords de la Marne en 1914. À J.D. Salinger, parce qu’il a réussi à nous faire entrer dans la peau d’un jeune garçon de quatorze ans nommé Holden Caufield. Aux écrivains des premières nations de l’Amérique, le Sioux Sherman Alexie, le Navajo Scott Momaday, pour The Names. A Rita Mestokosho, poétesse innue de Mingan (Province de Québec) qui fait parler les arbres et les animaux. À José Maria Arguedas, à Octavio Paz, à Miguel Angel Asturias. Aux poètes des oasis de Oualata, de Chinguetti. Aux grands imaginatifs que furent Alphonse Allais et Raymond Queneau. À Georges Perec pour Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cou? Aux Antillais Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau, au Haitien René Depestre, à Schwartz-Bart pour Le Dernier des justes. Au poète mexicain Homero Aridjis qui nous glisse dans la vie d’une tortue lyre, et qui parle des fleuves orangés des papillons monarques coulant dans les rues de son village, à Contepec. À Vénus Koury Ghata qui parle du Liban comme d’un amant tragique et invincible. À Khalil Jibran. À Rimbaud. À Emile Nelligan. À Réjean Ducharme, pour la vie.

À l’enfant inconnu que j’ai rencontré un jour, au bord du fleuve Tuira, dans la forêt du Darién. Dans la nuit, assis sur le plancher d’une boutique, éclairé par la flamme d’une lampe à kérosène, il lit un livre et écrit, penché en avant, sans prêter attention à ce qui l’entoure, sans se soucier de l’inconfort, du bruit, de la promiscuité, de la vie âpre et violente qui se déroule à côté de lui. Cet enfant assis en tailleur sur le plancher de cette boutique, au cœur de la forêt, en train de lire tout seul à la flamme de la lampe, n’est pas là par hasard. Il ressemble comme un frère à cet autre enfant dont je parle au commencement de ces pages, qui s’essaie à écrire avec un crayon de charpentier au verso des carnets de rationnement, dans les sombres années de l’après-guerre. Il nous rappelle les deux grandes urgences de l’histoire humaine, auxquelles nous sommes hélas loin d’avoir répondu. L’éradication de la faim, et l’alphabétisation.

Dans tout son pessimisme, la phrase de Stig Dagerman sur le paradoxe fondamental de l’écrivain, insatisfait de ne pouvoir s’adresser à ceux qui ont faim – de nourriture et de savoir – touche à la plus grande vérité. L’alphabétisation et la lutte contre la famine sont liées, étroitement interdépendantes. L’une ne saurait réussir sans l’autre. Toutes deux demandent – exigent aujourd’hui notre action. Que dans ce troisième millénaire qui vient de commencer, sur notre terre commune, aucun enfant, quel que soit son sexe, sa langue ou sa religion, ne soit abandonné à la faim ou à l’ignorance, laissé à l’écart du festin. Cet enfant porte en lui l’avenir de notre race humaine. À lui la royauté, comme l’a écrit il y a très longtemps le Grec Héraclite."

J.M.G. Le Clézio , Bretagne, 4 novembre 2008


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