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8 décembre 2008 1 08 /12 /décembre /2008 20:02

Ce soir, Jupiter ne laissait voir que 2 satellites. La lune s’affiche toujours plus dodue de soir en soir, si bien qu’il faut se mettre en manuel et prendre la star au 1/1000 de seconde en raison de l’intensité lumineuse.



Joachim Du Bellay n’aurait pas désavoué ces deux poèmes d’exil.

 

Je suis d’ici et d’ailleurs

 

Entre ici et ailleurs

mon âme tangue

Ralé-poussé sans fin

D’un voilier qui cherche

Son port d’identité

 

Entre l’alizé et la mousson

Je joue

A pile ou face

Sur le kéraame de nos mémoires

Pour décoder nos racines

En errance

 

Dans mon ciel d’exil

Le cerf-volant multicolore

S’est mû en fier paille-en-queue

Et mon âme vavangue

Cherche le goût du ticou

 

Au cœur de mes ravines débridées

La mousson s’est frayé un ilet

Où chantent des sources-mères

Où se mêlent les murmures du pays-racines

 

Indianités, 1990

Idriss Issop-Banian

 

 

Qu’est apaisant l’exil

 

Le 26 octobre 1946

 

Qu’est apaisant l’exil, en la nuit tropicale,

assis sur la terrasse où la brise me tend

sa fraîcheur, les parfums exhalés des fleurs pâles,

et le bouquet lointain toujours évanescent

des étoiles… et je rêve aux continents perdus.

Là-bas un froid d’hiver a fait le ciel fragile

et l’espoir maladif d’un été disparu

enchante alors le cœur. Une coupe de neige

en silence effritée, enveloppe la ville.

Et qui ne cherche à fuir vers d’autres sortilèges ?

Est-ce l’exil ici ? A l’aurore j’ai fait

S’entrouvrir la corolle vierge du vanillier

Et j’ai vu dans le ciel d’un bleu frêle et parfait

Des vergers de letchis. Est-ce l’exil ici ?

 

La Croix du sud, 1985

Jean Albany

 

Comme vous ne trouverez pas grand-chose sur Jean Albany dans Wikipedia et que ses recueils de poèmes sont introuvables, je colle ici un article clicanoo de 2007 :

Jean Albany : Poète en créolie

CLICANOO.COM | Publié le 2 décembre 2007
On s’accorde à lui reconnaître le rôle d’initiateur de la modernité dans la poésie réunionnaise. Et, de ce fait, on ne peut plus l’oublier. Un poète, ça vit très très longtemps et le poète Jean Albany est toujours vivant. "Encore quelques lunes et je vais revenir", annonçait-il déjà. Il témoigne du renouveau de notre expression poétique.

Seul un biographe borné oserait affirmer que la vie de Jean Albany se termine le 26 octobre 1984", écrivait Daniel-Rolland Roche, dix ans après ce matin où la Réunion a appris avec émotion la disparition, survenue dans la nuit à 23h30 heure de Paris, de son poète. Oui, depuis, l’île n’a jamais oublié son fils : il est tout simplement parti en vavangue. Au cimetière de la Saline, peut-être que "(son) pauvre corps, fatigué de la nuit, sur la planche de chêne rugueuse d’ennui, a retrouvé repos, douceur et bon chemin", aux côtés de son père (parti sept mois avant lui) et de son aînée Raymonde. La Saline, village au "ciel indien"... Une de ses ancêtres "les plus directes" était une "Malbaraise de jadis", dont il gardait une photographie dans son album de famille... En 1951, paraît le premier recueil de poèmes de Jean Albany. Le titre commence par la dernière de l’alphabet, “Zamal” ! "Zamal, en patois créole, est le nom du Haschich, ou chanvre indien, herbe du rêve", explique-t-il. Sagittaire né le 4 décembre 1917 à Saint-Denis, l’auteur a déjà 35 ans et s’agite beaucoup à Paris, où il exerce en tant que chirurgien-dentiste (il a débuté rue Lepic avec Gabrielle Dupont, la grande dame de la Vallée à Saint-Pierre). Auparavant, il a publié quelques poèmes épars dans diverses revues dont celle d’Air-France... À l’âge de 20 ans, après le lycée Leconte-de-Lisle, ses parents instituteurs l’ont envoyé "à la métropole", entreprendre des études de droit et de chirurgie dentaire. Et il a quitté avec regrets son Saint-Gilles. Deux ans après, il est mobilisé et sert comme élève officier d’artillerie à l’école de Fontainebleau. C’est là que, l’esprit encore adolescent, enfiévré, il écrit ses premiers vers ("Amour oiseau fou", qui sera publié après sa mort). La guerre terminée, Saint-Germain-des-Prés exulte. Démobilisé, Jean participe à l’effervescence.

Dentiste artiste

Puis il peut effectuer un premier retour dans l’île natale, — retour par bateau, cela va de soi pour l’époque. Le récit de sa longue traversée à bord du "Ville d’Amiens" de novembre 1945 à janvier 1946 entre Marseille et la Pointe-des-Galets via Djibouti et Tamatave sera publié également après sa mort sous le titre "La croix du Sud". Il y rend compte de la vie au jour le jour à bord. Mais il s’ennuie sur son île et retourne en métropole, même si le voisinage des maisons de Paris lui semble si "déplaisant" qu’il ne s’y habituera jamais tout à fait. Plus tard, il saura apprécier son île ("Je suis ici pour goûter la volupté d’être dans mon île, de l’avoir retrouvée, d’avoir retrouvé mes parents, mes racines", dira-t-il. Ou : "Je suis comme un convalescent qui retrouve ses souvenirs. Le spectacle de la vie, la beauté de la nature, sa générosité sous les tropiques, tout cela je veux le ranger, je veux le classer"). Pour l’heure, ses fréquentations de là-bas lui manquent peut-être. Il reprend ses études et obtient une licence de droit et un doctorat d’économie politique. Il poursuit celles de chirurgien-dentiste, passe deux ans à l’Institut d’économie politique de Paris et anime des groupements d’étudiants d’Outre-mer. À Paris, autrement dit en exil, Albany écrit beaucoup. Il crée, stimulé par ses rencontres à Saint-Germain-des-Prés, avec des gens célèbres ou pas. Il fréquente les grandes figures de l’après-guerre. Audiberti, qui lui a conseillé de "parler avec les mots de l’île". Les Signoret, Gérard Philippe, etc. Inspiré par la nostalgie de l’île natale, il essaie de retracer par la magie des mots créoles les couleurs et les parfums exotiques, écrira-t-il plus tard au dos de son 33 tours “Jean Albany dit par Jean Albany”. "Zamal" n’a pratiquement pas eu d’écho dans l’île. Il faudra attendre encore une bonne génération pour que les écrivains et poètes de la prolifique décennie 1970 voient en lui un précurseur et le glorifient comme leur initiateur. La plaquette sera rééditée en 1980. Entre-temps, il a obtenu le Grand prix littéraire de la Réunion pour son second recueil, “Miel vert”, paru en 1963. Il y “découvre Paris, la solitude, son angoisse devant Dieu et la vie.” Une angoisse, écrit son compatriote le critique Hyppolite Foucque, qui “teinte parfois de mélancolie ses chants harmonieux.”

En vavangue

Et son premier livre en créole, “Bleu mascarin”, poèmes et chansons, est sorti en 1969. Après "Outremer", sorte de carnet de retour au pays natal. Et après "Archipels", récit de voyage en poèmes et proses évocatrices ramenés de cette Grèce qui l’envoûta. Car, le poète aime les voyages. Dans les pays méditerranéens : Espagne, Algérie, Italie et Grèce. Il revient aussi régulièrement dans l’île, où il ne tardera pas à être reconnu. "Alors dis à moin : quoça qu’un bougr’qu’l’a retrouv’son pays, son famill’, son dalon y peut demand’de plus su’la terre ?" En 1974, en grand défenseur de la langue créole, il publie son fameux “P’tit glossaire, le piment des mots créoles”, que précède “Vavangue”. C’est d’ailleurs dans ce recueil de 1972 qu’il emploie le mot "créolie" : "Je vis en créolie. Je perçois outre l’odeur de l’embrun celle de la fumée d’un feu de bois (...)". Le mot sera vite repris. Suivront “Bal indigo”, “Fare fare”, “Percale”, "Indiennes" et quelques autres recueils. Cette fois, on parle de lui dans l’île : il a laissé parler son île et sa langue. Le poète est reconnu. Grâce au créole qu’il a privilégié comme langue pour son expression poétique. "Pourquoi j’écrivais en créole cafre ? En fait, je sue sang et eau sur chaque mot, pour rester le plus près à la fois de mes souvenirs, de ceux des autres, de la logique et des caprices de la phonétique." Alors que, jusque là, "il n’était pas question d’écrire en créole”, reconnaîtra-t-il dans un entretien au "Quotidien" en 1978. Il a écouté le conseil du greffier poète Audiberti ! Il devient un des auteurs phares de la Réunion. Sous l’impulsion d’Alain Gili, l’Association des écrivains réunionnais diffuse ses oeuvres, enregistre la cassette “Chante Albany”, qui propose des textes mis en musique et interprétés par quelques artistes marginaux comme Alain Péters, Pierrot Vidot, Jean-Claude Viadère, Jean-Michel Salmacis, Hervé Imare, etc. Dès lors, l’île ne l’oubliera plus. Car, un poète, ça ne meurt jamais, ou bien, ça vit très très longtemps ! Et si Jean n’est plus, la fondation qui porte son nom a été créée, avec pour but de promouvoir son oeuvre aux multiples facettes. Une oeuvre qui constitue un véritable trésor qu’on n’a pas fini d’inventorier, riche de photographies, de dessins et peintures, de revues, d’articles de journaux, d’enregistrements sonores, d’une abondante correspondance, de manuscrits inédits, etc. Un trésor de quarante années de vie du poète. "Partout où je suis passé j’ai planté, j’ai tenté de planter quelques graines venues de mon île natale, dans l’espoir qu’elles témoigneront mystérieusement de mon passage..." Et “presque rien n’a été jeté. Même les enveloppes vides, les fleurs séchées, les mèches de cheveux, ont été conservés”, nous confiait sa veuve, Sylvie. Au passionnant “jeu de patience”, le tri a déjà permis de mettre au jour des bouts de poèmes sur des bouts de nappe de restaurants, plusieurs variantes de mêmes textes, différentes frappes de mêmes manuscrits, revues, corrigées, annotées, des maquettes de pochettes de disques ou de couvertures de livres, etc. Un travail de fourmi, pour ne pas dire de bénédictin, qui attend d’être informatisé. Sylvie Albany souhaitait “faire participer la population et pas seulement l’élite universitaire” au fonds documentaire, pour sauver le travail pictural du peintre, dessinateur, illustrateur, photographe que fut son touche-à-tout de mari. Elle souhaitait entre autres dévoiler ses aquarelles illustrant son recueil “Voir Stamboul” toujours inédit, — tout comme “Archipels 2”. Vœu pieux ou... ?

Sulliman ISSOP sulliman@jir.fr Photos D.R. & S.I.

Ils ont dit

• Boris Gamaleya : "Puisque l’île était ailleurs, l’Aventure ne pouvait commencer que par un retour. Il fallait bien que ce jour vienne : l’autre terme du Sud ("Et j’ose te dire Gloire, Gloire à toi, île de gloire…"). Ce souffle nouveau, on le sait, ce 1848 poétique, fut un nom : Jean Albany, un titre : "Zamal", une date : 1951. Le bout du monde se faisait début du monde." (Préface à "Amour Oiseau fou")

• Alain Lorraine : "Lorsque j’ai rencontré Jean, il était blessé par certaines critiques sur son "passéisme". À vrai dire, son statut de barde officiel de la créolité, pendant les années 50/60 avait fait écran et nous dispensait, un peu trop facilement, de bien mesurer l’apport original de ce grand créateur. Tout cela heureusement se dissipa vite. Jean accepta une certaine remise en cause et sa passion pour la langue créole, lemaloya, les racines culturelles de la plantation donna un nouveau souffle à ses ouvrages. Il nous apporta aussi beaucoup."

• Anne Cheynet a habité le “fare-fare” de Jean Albany à la Saline. Pour la poétesse saint-pierroise, “la poésie de Jean, comme sa peinture, est un chant à la vie, un chant plutôt joyeux. Ça me fait penser à un vol de papillon dans les premiers rayons du jour, un papillon qui goûte à tous les parfums, acides, suaves ou amers... Comme c’est souvent le cas pour toute poésie, les poèmes d’Albany gagnent à être dits. On ressent alors parfaitement cette musique aux notes de fugue qui nous fait voyager comme un promeneur heureux dans le kaléïdoscope enchanté des senteurs, des couleurs, des visages de notre île.” Anne confie aussi que le poème de Jean qui l’a le plus marquée, c’est “Unicité” : “C’est un vrai fonnkèr (un fonnlam, plutôt), une sorte de méditation sur le sens de l’être...” Lorsqu’elle a appris sa disparition de Jean Albany, Anne a écrit un poème,“À Jean, poète”, qu’elle n’avait jamais montré avant de nous le confier, fin 2002. Extraits : “Poète en allé / Dans le creux de nos coeurs / Tu laisses des mots / Petits bonheurs / Des perles, des diamants / Sourires de ton âme d’enfant.../ Poète en allé / Tu nous as laissé / Tes rêves esquissés / Couleurs de ton âme d’enfant.../ Je me souviens / C’était au couchant / Quand je l’ai vu / Troubadour revenu / Sur la plage d’enfance... / (...) Quand je l’ai vu / C’était un soir / Un oiseau de mer / Échoué sur la plage / Pleurait vers le grand large... / Nous nous taisions / Nous le regardions.../ Soudain, dans un grand vol blanc / Les voyageurs du ciel / Son arrivés / L’oiseau, joyeux, s’est envolé / Vers ses frères retrouvés.../ Je me souviens / Quand je l’ai rencontré / Nous avons un peu parlé / De quoi, vous me le demandez / ... De beauté !”

• Francky Lauret, écrivain, poète, journaliste : "Jean Albany, peintre et poète, est reconnu comme celui qui a ouvert la voie au mouvement créoliste réunionnais avec la publication de son premier recueil en 1951, intitulé "Zamal" (mot créole pour cannabis). Tous les écrivains de la créolie (Sam-Long, Gilbert Aubry, etc) revendiquent un lien de parenté à sa poésie nouvelle. En 1974, dans le "P’tit Glossaire", il essaye de mettre en valeur "le piment des mots créoles". "Bleu indigo", "Fare Fare", "Percale" poursuivent l’écriture nostalgique des scènes de vie réunionnaise en quête d’authenticité. Autre recueil marquant, "Vavangue", du nom du fruit — la vavangue — mais aussi du verbe vavanguer qui peut signifier marronner en un sens plus agréable.

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7 décembre 2008 7 07 /12 /décembre /2008 07:38
Oscar Wilde a eu bien raison de dire : "c'est la nature qui imite l'art" (The picture of Dorian Gray)
J'en veux pour preuve ces trois tableaux d'une exécution exemplaire et réalisés hier ou avant-hier.
Regardez attentivement la touche de ce ciel nuageux, les traces de la brosse sont visibles : on dirait un Boudin.
"Le soleil du peintre n'est pas celui de l'univers" Diderot


Appréciez à présent la précision avec laquelle l'artiste a su, avec une grande économie de pigments, représenter les ombres et les zones éclairées des cratères lunaires.


Enfin, quelle réussite que cette scène de genre ! avec quel soin, le peintre a-t-il su retrouver le coup de marker maladroit du récoltant  sur le carton ! on croirait voir une photo


ce post était dédié à superfafa*
* dont la célébrité va être durablement assurée quand on connaît ses nombreux talents
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7 décembre 2008 7 07 /12 /décembre /2008 04:50

La saison des cyclones arrive. J'ai trouvé dans mon casier avant-hier un « exercice d'alerte cyclonique ». L'entraînement consiste à rejoindre des parkings où des bus attendent pour emporter les élèves vers leur domicile, en lieu sûr. Comme il n'est pas nécessaire ni souhaitable d'attendre d'être témoin du phénomène pour vous documenter, je copie-colle quelques articles parus récemment dans le Journal de la Réunion / Clicanoo. A la Réunion, le volcan intimide, impose le respect ; mais les cyclones terrorisent. Il y a de quoi.

Dans sa "Lettre sur la Providence", Rousseau répliqua au "Poème sur le désastre de Lisbonne" rédigé par Voltaire en 1755 à la suite du tremblement de terre qui toucha la capitale portugaise et qui avait provoqué des milliers de victimes. Pour Voltaire la fatalité était de mise face aux phénomènes naturels. Rousseau lui oppose l'idée de la responsabilité de l'homme pour améliorer son existence en commençant par ne pas habiter sur des lieux exposés aux risques ou dans des conditions défavorables (surpopulation). Pour l'écrivain et philosophe, si le mal existe dans le monde, c'est l'homme et non Dieu qui en est responsable. Une réflexion appartenant aujourd'hui au passé, même si la mise en œuvre de ces bonnes pratiques aura été longue. Après tout, les Plans de Prévention des Risques (PPR), imaginés par Rousseau, n'ont été rendus obligatoires par le législateur qu'en février 1995. Et ils sont encore loin de couvrir tout le territoire : à la Réunion, douze communes disposent, sur tout ou partie de leur territoire, d'un plan approuvé, essentiellement pour le risque inondation et mouvement de terrain (Dossier départementale des risques majeurs de la Réunion). Deux derniers risques pouvant être engendrés par un seul : le risque cyclonique. Tout simplement la plus grande menace pesant sur la Réunion. Et ce d'une façon uniforme. La seule force capable de tout balayer sur son passage, de faire déborder ravines et rivières, d'anéantir en quelques minutes, quelques heures, les efforts consentis jusqu'alors... Une force incontrôlable, naturelle, pesant sur l'île comme une épée de Damoclès, année après année, saison après saison... Une roulette russe contre laquelle nous ne pouvons que nous prémunir en se félicitant de vivre à une époque où les cyclones sont suivis pas à pas permettant d'alerter plusieurs jours, plusieurs heures à l'avance leur arrivée. Une époque où les bâtiments sont également bien plus solides et l'organisation des secours rodée par des années de pratique et d'exercice. Et si se croire en sécurité était désormais le plus grand risque ? Après tout les dégâts occasionnés par Gamède furent somme toute réduits, si l'on excepte bien sur le pont de la Rivière Saint-Etienne, déjà affaibli. La plupart des secours aux personnes furent d'ailleurs enclenchés pour porter secours à des inconscients trop proches de la jetée ou des ravines, quand ils n'ont pas essayé de les franchir… Rousseau avait raison. Nous avons parfois tendance à l'oublier. Mais prévoir tous les scénarios ne nous rend pas invincibles. Les normes de construction ont un seuil de résistance auquel elles ne peuvent faire face : celui de l'exceptionnel. Les prochains systèmes baptisés pour cette saison s'appelleront Bernard, Dongo, Sama ou Rute… Espérons que leurs noms ne rentreront pas dans l'histoire.

C’est quoi un cyclone ?

http://dossiers.clicanoo.com/index.php?page=article&id_article=196302&id_mot=106

CLICANOO.COM | Publié le 24 novembre 2008

Qu’on les appelle ouragan dans l’Atlantique Nord et les Caraïbes, typhon en Asie, cyclone tropical dans l’Océan indien et le nord de l’Australie, Baguio aux Philippines, nous parlons bien du même phénomène. L’un des plus violents et destructeurs dont est capable la nature, à l’origine des records de vent et de pluviométrie (mondiaux) enregistrés dans l’île.

 

Les cyclones ne naissent pas de rien. Pour qu’ils se forment et survivent, ils ont besoin d’énergie. Du « carburant » fourni par les eaux chaudes de l’océan. Un cyclone - du grec kuklos (cercle, rond) - fonctionne un peu comme une cheminée aspirant à la base de grandes quantités d’air humide et les rejetant en altitude. Pendant leurs ascensions, les masses d’airs vont subir une rapide baisse de pression (détente) et par la suite un refroidissement important, provoquant la condensation de la vapeur d’eau, d’où la formation de nuages et de précipitations. L’énergie libérée par un cyclone atteint les 200 à 300 kilotonnes par seconde. Une puissance à comparer aux vingt kilotonnes de la bombe d’Hiroshima ! Concernant la Réunion, les dépressions se forment durant l’été dans la Zone de Convergence Intertropicale (ZCIT), siège de conflit entre l’alizé austral de sud-est et l’alizé boréal de nord-est, généralement entre le 10ème et le 20ème parallèle, la faiblesse de la force de Coriolis empêchant la formation de tourbillon dépressionnaire à proximité de l’équateur.

Un mur de 14 km !

Plusieurs conditions sont nécessaires pour que s’opère la cyclogénèse : une température de l’océan élevée (plus de 26,5°C), l’existence d’un tourbillon initial, de mouvements verticaux importants (instabilité), l’humidité (présence d’amas nuageux), un renforcement des vents sur une ou plusieurs faces de la dépression initiale accentuant le mouvement tourbillonnaire (poussée de mousson ou d’alizé) et la présence en haute altitude d’une zone de divergence permettant l’écoulement du flux vertical créé par la convection. Quand la perturbation touche terre ou atteint une surface d’eau plus froide, il se désagrège et disparaît. L’apparition d’un « cisaillement » vertical du vent au-dessus du tourbillon peut également mettre fin à l’activité du phénomène. Le cyclone tropical se caractérise par une énorme masse nuageuse d’un diamètre moyen de 500 km, mais pouvant dépasser exceptionnellement 1 000 km. L’activité nuageuse associée au cyclone est organisée en bandes spiralées qui convergent vers un anneau central où les pluies sont torrentielles et les vents d’une violence extrême. Cet anneau, matérialisé par une muraille nuageuse de 14 à 18 km de hauteur, constitue ce que l’on appelle le mur de l’œil du cyclone. Il délimite une zone centrale « d’accalmie » correspondant à l’œil du cyclone, d’un diamètre très variable, de l’ordre de 40 km en moyenne, et où les vents sont faibles et le ciel peu nuageux. Dans l’hémisphère Sud, les cyclones tournent dans le sens des aiguilles, dans le sens inverses dans l’hémisphère Nord.

Une période de retour

Tous les secteurs de l’île sont susceptibles d’être touchés par la partie la plus active d’un cyclone tropical (zone la plus violente, assez réduite, située au cœur du cyclone), même si, statistiquement, il apparaît que les régions est et nord-est de la Réunion sont davantage exposées. Ces mêmes statistiques donnent une période de retour d’environ six ans pour l’observation de vents cycloniques sur l’île. Ceci dit, il est déjà arrivé que deux cyclones ravagent l’île à un an d’intervalle (par exemple en 1944 et 1945). Par ailleurs, les tempêtes tropicales peuvent aussi provoquer des dégâts importants lorsqu’elles passent à proximité immédiate de l’île, de par les pluies abondantes qu’elles peuvent générer. Aussi, si l’on considère l’ensemble des cyclones et tempêtes qui sont passés à moins de 100 km des côtes ces dernières quarante années, la durée de retour d’un tel phénomène s’établit alors à environ deux ans, avec toutefois une répartition très irrégulière dans le temps. Le caractère destructeur des phénomènes cycloniques est dû aux vents et aux fortes précipitations qu’il peut engendrer. Deux phénomènes bien connus de la Réunion où l’on enregistre plusieurs records mondiaux en la matière (voir par ailleurs).

La Réunion, la plus exposée

Les rafales de vent peuvent dépasser les 300 km/h (227 km/h enregisté au Piton Maido lors du passage de Dina). Les changements de direction et les renforcements, souvent brutaux, notamment de part et d’autre du passage de l’œil, peuvent être à l’origine de dégâts considérables. Le vent, lorsqu’il atteint des valeurs très élevées, transforme également en véritables missiles les objets parfois très lourds qu’il est alors capable d’emporter. Les précipitations, souvent torrentielles, peuvent occasionner des inondations, glissements de terrain et des coulées boueuses. Sans oublier une surélévation du niveau de la mer, anormale et temporaire qui, associée à la marée astronomique, donne ce que l’on appelle la « marée de tempête ». Des vagues générées par le vent, hautes d’une dizaine de mètres ou plus (houle cyclonique), peuvent être observées jusqu’à 1 000 km du cyclone ! La Réunion est la région française la plus exposée aux risques naturels. Dans le département, sept risques ont été recensés : les cyclones et vents forts, les mouvements de terrain, les inondations, les éruptions volcaniques, les feux de forêt, les séismes et les houles, marées de tempête et tsunamis… Le plus dangereux vient du ciel.

Dix jours à haut risque ?

Dans le monde, on observe en moyenne chaque année près de 85 tempêtes tropicales dont environ 45 atteignent le stade de cyclone. Dans le bassin Sud-Ouest de l’Océan Indien (la Réunion), une douzaine de systèmes dépressionnaires tropicaux sont observées en moyenne par an. Neuf atteignent au moins le stade de tempête tropicale modérée et sont donc baptisés, quatre d’entre eux atteignent le stade de cyclone tropical. Mais la variabilité interannuelle est très importante La saison cyclonique s’étend habituellement du mois de novembre au mois d’avril, avec une concentration de risques entre janvier et mars. Parfois, des perturbations tropicales peuvent se former en dehors de ces dates, voire même en plein hiver austral (cas de la dépression tropicale observée en août 1996). Des cyclones matures ont déjà été observés dès le mois d’octobre et jusqu’en mai dans le bassin cyclonique du sud-ouest de l’océan Indien. On peut observer une période « critique » allant de début janvier à mi février, avec un pic entre le 20 et le 30 janvier. Pour rappelle Firinga avait touché l’île un 29 janvier, Dina un 22 janvier, le cyclone « 1948 », les 26 et 27 janvier, Hyacinthe entre les 18 et 27 janvier, Colina un 19 janvier…

 L’échelle d’intensité

La classification utilisée dans le Sud-Ouest de l’Océan Indien. A noter : les rafales dépassent en général de 50% les vents moyens sur 10 minutes. Dépression tropicale Apparition d’une circulation tourbillonnaire près du centre, vents moyens entre 52 et 62 km/h (7 Beaufort). Tempête tropicale modérée, vents moyens entre 63 et 88 km/h Forte tempête tropicale Vents moyens entre 89 et 117 km/h (10 à 11 Beaufort). Cyclone tropical Vents moyens entre 118 et 165 km/h (12 Beaufort, ouragan). Cyclone tropical intense Vents moyens entre 166 et 212 km/h. Cyclone tropical très intense Vents moyens supérieurs à 212 km/h.

Plus forts et plus nombreux

Dans l’Atlantique sud, il n’y a théoriquement pas de cyclones. L’eau n’étant pas assez chaude, avec de plus la présence permanente d’un fort cisaillement vertical du vent dans la troposphère. En tout cas, c’est ce qu’on croyait… En mars 2004, un cyclone tropical, baptisé Catarina, a été observé pour la première fois dans la zone touchant les côtes du Brésil avec des vents soufflant jusqu’à 150 km/h. Un fait troublant relevé par l’ouvrage d’Al Gore, « Une vérité qui dérange », selon lequel le réchauffement du climat augmenterait le nombre et la force des cyclones. Inquiétant : en 2005, et pour la première fois, l’Organisation mondiale de la météorologie a dû faire faire à une pénurie de noms ! Des tempêtes tropicales et ouragans ayant été observés bien au-delà de la saison normale. Des affirmations atténués par d’autres et notamment des passionnés de la question à la Réunion, sur les blogs spécialisés de l’île. Ces derniers faisant notamment remarquer que le Pacifique n’a pas connu en 2008 une activité supérieure à la normale, « ni en nombre total de systèmes ni en cyclones intenses ». En rappelant également que des « phénomènes comme La Nina et El Nino sont aussi des facteurs qui peuvent influer sur le nombre de systèmes formés dans les différents bassins cycloniques à travers le monde sur plusieurs années ». Reste que dans une étude récente, portant sur les 25 dernières années, trois chercheurs américains estiment que la vitesse moyenne des vents aurait crû de 225 km/h en 1981 à 251 km/h en 2006, soit une hausse de 11%, tandis que la température des eaux de surface océanique au niveau de la formation de ces cyclones aurait augmenté de 28,2 à 28,5°. D’une façon plus générale, la Croix-Rouge, dans son rapport annuel « sur les catastrophes dans le monde » (décembre 2007) chiffre à 60% l’augmentation du nombre de catastrophes naturels - de tout type - recensés dans le monde entre la période 1997-2006 à la décennie précédente (1987-1996). Sur la même période, le bilan en vie humaine a doublé, passant de plus de 600 000 à plus de 1,2 million de morts, et le nombre de personnes affectées par an a augmenté de 17%, passant d’environ 230 à 270 millions. Quant au coût économique des catastrophes, il a grimpé de 12%. Une hausse qui s’explique à ses yeux « en partie par une meilleure prise en compte des catastrophes de petite envergure », mais également à une « multiplication des désastres majeurs ». Ce qui, selon la Croix-Rouge, témoigne « clairement de l’augmentation des désastres associés au changement climatique ».

A- t-on encore peur des cyclones  ?

CLICANOO.COM | Publié le 24 novembre 2008

« J’avais quinze ans au passage du cyclone Jenny en 1962. A cette époque les constructions n’étaient pas aussi solides qu’aujourd’hui.

Après s’être enfermés pendant des jours et des nuits entières dans notre case à Saint-Leu, de plus en plus menacée par la violence du vent, nous étions obligés d’aller nous réfugier chez des voisins » témoigne Alain Férrère. Les informations qui passaient à la radio n’étaient pas aussi précises que celles d’aujourd’hui. Et ce n’était pas tout le monde qui était équipé de postes transistor. Les gramouns tenaient alors le rôle de prévisionnistes, grâce à l’observation des animaux, des plantes et d’autres signes annonciateurs. « Les marins et les pêcheurs étaient aussi réputés et très écoutés grâce à leurs observations nocturnes du ciel et des fameuses nuées d’astéroïdes ». Par ailleurs, Alain Ferrère se souvient du mécontentement général à l’encontre d’un préfet qui faisait fi des annonces des anciens prédisant l’arrivée de Jenny. Il a noté aussi qu’après les fortes inondations liées au passage de ce cyclone, toute une partie de la commune de Saint-Leu a été déclarée zone non constructible. Il insiste par ailleurs sur la notion de solidarité qui entourait ce qu’il appelle « veillées cycloniques familiales ». Bref, dans tan lontan, c’est en famille que l’on partageait les épreuves difficiles pendant et après le passage des cyclones. Les gens s’entraidaient pour réparer les dégâts au lendemain de la catastrophe. Pas de subventions à attendre de l’État qui avait d’ailleurs fort à faire pour réparer le rare et fragile réseau routier existant.

ON RESTE AU CHAUD

Les temps ont changé. De nos jours, pour certains élèves et salariés, l’alerte rouge est synonyme de journée(s) de congé presque providentiel(s). C’est l’avis d’une mère de famille de Sainte-Suzanne : « Une fois que les provisions d’eau et de nourritures soient prêtes en grande surface, on reste bien au chaud chez soi ou chez des amis pour... jouer aux cartes, cuisiner, regarder des films ou encore s’amuser avec un jeu vidéo. Sans oublier de jeter un coup d’oeil de temps en temps aux infos pour savoir si les vacances continuent ou bien si l’on doit replonger dans le train-train quotidien, le boulot, les cours, les embouteillages et autres courses contre la montre le lendemain ». Il reste quand même des inquiétudes chez une bonne frange de la population, notamment les agriculteurs craignant des pertes de leur production. En tout cas, la hausse des prix des produits notamment les maraîchères est quasi systématique après chaque épisode de fortes pluies. Comme d’habitude, c’est la ménagère qui paye les pots cassés.

Comment la nature nous prévient-elle  ?

CLICANOO.COM | Publié le 24 novembre 2008

http://dossiers.clicanoo.com/index.php?id_article=196295&id_mot=106&page=article

Nos amis les bêtes sentent-elles les choses avant nous ? Des signes précurseurs peuvent-ils nous prévenir de la venue imminente de la tempête ? Les anciens en étaient sûrs, à une époque où il avait pas encore de satellites météo...

 

Avant l’envoi de ces derniers en orbite, à la fin des années soixante, "les connaissances et les informations sur les dépressions de l’Océan Indien étaient assez pauvres. Du fait de l’absence d’îles et de territoires habités à l’est de Rodrigues, l’existence des perturbations n’était connue que des rares bateaux s’aventurant dans la zone", rappelle Météo France Réunion sur son site. Aujourd’hui, des satellites tel METEOSAT (satellite météorologique géostationnaire européen) ou la série des NOAA (satellites à défilement américains), sont nos yeux précieux et permanents. Mais avant ? "Un dicton entendu auprès de gramounes parlent de formation de pétrel volant ensemble et de façon désordonnée quelques heures avant que les effets du cyclone se fassent sentir", se souvient le directeur de la Séor, Marc Salamolard. Un phénomène qu’il a lui-même observé avant l’arrivée de Dina, en 2002, au-dessus de Saint-Denis. Un phénomène rare, les Pétrels ne volant pas en groupe.

Effet de surprise

Les oiseaux marins sentiraient naturellement l’apparition des dépressions. Raison pour laquelle, après Gamède, seuls quelques individus ont été retrouvés échoués sur les grèves (frégates, Fous de Bassan…). Jean-François Acquier, président de l’ADAR et apiculteur, ne veut rien affirmer même s’il a déjà observé une modification dans l’activité de la ruche avant une tempête avec une baise des sorties de butineuses. Une chose est sûre, une fois le météore arrivé, les abeilles savent s’organiser : « on attache les ruches pour éviter qu’elles s’envolent. Les abeilles s’occupent du reste en calfeutrant les trous et ouvertures avec de la propolis". Même constat chez Rico Nourry, propriétaire de la ferme équestre du Grand Etang. Les cyclones, il connaît pour avoir déjà perdu deux toits au-dessus de sa tête ! "Pendant la tempête, je lâche les chevaux. Le stress pourrait être fatal et il y a le risque que l’étable s’effondre. Ils se regroupent en troupeau, têtes contre têtes, la croupe vers l’extérieur et résistent ensemble en mettant les jeunes au centre du troupeau. Je l’ai observé une fois, je regrette de ne pas avoir pris de photo, je le ferai la prochaine fois". Les animaux ont-ils un sixième sens ? Si les faits troublants ne manquent pas, principalement avant un séisme ou une éruption, voire durant le tsunami de 2003, les témoignages manquent concernant les cyclones. Même si pour beaucoup l’observation des insectes serait porteuse d’instruction à l’image d’une fourmilière déménageant avec pertes et fracas. Une image certes peu rassurante ! Reste que pour nos anciens l’effet de surprise était souvent une réalité. "En 1962, pur Jenny, je me souviens qu’il y avait un grand soleil le matin et un cyclone le soir", se souvient une gramoune de Bras-Panon. Avec pour résultat, un temps réduit pour se préparer à affronter la tempête, à la différence d’aujourd’hui.



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6 décembre 2008 6 06 /12 /décembre /2008 16:52

OMBRE


Je m'oubliais au centre de l'été,

ô mon ombre !

quand je t'ai rencontrée.

J'attendais une grande amitié

qui aurait la pérennité

et la transparence des midis !


C'est alors que tu m'as suivi.

silencieuse à jamais

Et je partis frappé

par le mystère de notre destinée.


Aujourd'hui, me mirer en toi

pour me connaître moi-même

et retrouver dans tes frontières

les signes propres de ma beauté !


As-tu rampé

du fond des tombeaux ?

Et quelque message pour moi

n'as-tu jamais osé dire ?


Me mirer en toi

t'interroger sur ton mystère

et retrouver moi-même,

les lignes propres de ma destinée !


Ma solitude est née

de ta présence ;

et celui-là qui te ressemble,

debout à tes pieds

attendait, attendait

une grande amitié.


Mais personne ne s'est présenté.

Quand commencerions-nous

à nous aimer,

ange de solitude ?

Pour nous tendre la main

Et nous refaire une intimité !


Lucien-Xavier Michel Andrianarahinjaka

né en 1929 à Fianarantsoa



VIVRE MA VIE ou JE VEUX TOUT


Laissez-moi

enfant

goulûment vivre ma vie

Laissez-moi au grand air

me remplir les poumons

dilater tout mon être.

Laissez-moi

m'y plonger tout entier

poisson ivre d'eau

oiseau ivre d'air

feuille envolée au vent.

Content d'être

jeté ça et là

emporté par le destin dans les vagues d'infini

-- Laissez-moi humer le soleil

mon soleil

joujou incandescent

or des ors, or vivant

disque fascinateur

disque-dieu des coeurs,

oeil du jour

oeil vivifiant

brasier qui vomit l'amour,

l'amour embrasant les mondes

l'amour-clarté

l'amour-fécondité

l'amour-mère immense des âmes et des corps.

Laissez-moi

manger à belles dents

embrasser à pleine bouche

chanter à plein gosier

courir à toutes jambes

cueillir à pleines mains

donner à pleins bras

lutter de tout mon corps

penser de toute ma tête

travailler de tous mes muscles

aimer de tout mon coeur...

voilà vivre ma vie.


Pas de vide

ni de demi-mesure.

La plénitude.

Le total, l'intégral, la somme toute.

Le soleil entier pour le grain de sable,

le soleil entier pour les univers.


Je veux tout, j'aime tout, je prends tout.

L'uniforme remplit mon âme.

Mon âme contient l'infini.

Je veux tout.

Le détail, l'univers.

Le créé, l'incréé Crater.

L'oeuvre la plus ténue, être d'un jour.

L'insondable, l'Eternel.

--- Je veux tout.

Tout pour la vie, ma vie pour tout.

Je veux tout, je prends tout.

Tout me fait vivre, ma vie veut tout.

--- Tout !


Souffle de Printemps, 1947

Raymond Abraham

né à Antananarivo en 1921

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6 décembre 2008 6 06 /12 /décembre /2008 11:41

PARLEZ FRANCAIS


Ti créole

Dès qu ti rent' l'école

Premié zaffaire y dit à toué :

Parlez Français.

          Ec ton papa, ec ton moman

          Créole ton sèle causement !

          Ec marmaille comme toué

          Quand zot y zoué

          Ec ton patois

          Toué cé lo roi.

Voilà zordi y dit à toué :

Parlez Français !

Ti créole

Toué lé pris dans la colle.

          Toué lé pas bitié, ton bouce y moque

          Ton front y frise

          Ton zié y plisse

          La pas loin ti deviens toc-toc

          Encore un pé

          Toué pou pléré

Lo Maît' la commandé

Parlez Français

Ti créole

Toué le pris dans la colle

          Ti comprends pas quoça li vé

          Alors ton bouce y res' fermé

          Ton zié y commence voilé

          Ti fouille patate dans ton nez

           Lo maît' y grogne

          Tention li cogne

Laisse pas ti créole

Dans la colle

Laisse à li dit son dé mots

Li s'ra pas Victor Higo

Et pi après ?

Li s'ra Rénioné !


Ti Flère la Misère, 1980

Daniel Honoré

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5 décembre 2008 5 05 /12 /décembre /2008 21:33
CHANT III

au Port
            ma mère
                           cette moitié de ciel
selon le grand timonier
se levait tôt
                    le matin
pour voir si les étoiles
scintillaient
                     dans la nuit noire
de la chambre endormie
et ses caresses
                              à la rosée du matin
étaient de l'ambroisie
                                       donnée
aux plus sages de tous


ô Port
                        vavangue
en cette moitié de ciel qui s'étire
loup-couru
                        entre les wagons
dans le chantier du CPR
errance folle
                         plus folle que galaber
avec par-dessus nos têtes
l'hirondelle solitaire
                                   tournoyant
comme le pauvre du vendredi

Pointe et Complainte des galets, 1988
Patrice Treuthardt

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4 décembre 2008 4 04 /12 /décembre /2008 17:26

Et si je te disais


Si je te disais

Ton visage de demain

Gravé à la cime de nos Pitons

Nos trois Cirques marrons

Se donneront la main pour fêter

Ton retour à la terre

Ton retour à la sueur

Ton retour au sang de tes veines

Ton retour à la femme tendresse

Qui se réveille à quatre heures du matin

Pour préparer ton repas du jour

Sur le feu de bois

Sur le feu d'amour

Tandis que le dernier-né sommeille encore

Dans la chaleur de son corps

Evanoui dans la nuit

Des clairs matins

Le coeur crépite à l'aube du jour nouveau

Le regard flamboie

Les mains se réveillent au galop

Se jettent à l'assaut

Des gestes familiers qui font danser

Le soleil en son reposoir

Car seul le couchant ramènera tes pas

A ta case le soir


Si je te disais

Réunionnais

Petits Blancs des Hauts

Malabars de Champ-Borne et de Grand-Bois

Cafres du Littoral accidenté

Z'arabes des villes et des mosquées

Chinois de la rue Sainte-Anne des quartiers

Zoreil de la Métropole créole

Si je vous disais

Votre visage de demain

Scellé dans le ciment de l'Atome

A votre courage

A vos sourires

A vos ancêtres

A vos racines iliennes

Qui n'ont pas oublié la terre de vos mains

Vous vous reconnaîtrez à votre âme

Comme un père reconnaît son fils

Comme la mère reconnaît son chant

Comme le temps naît au beau temps

Comme l'avenir se bâtit au présent

Vous vous reconnaîtrez mille mains

Car il n'est pas d'autre chemin


Si je vous disais

La parole entendue

Le souffle du lagon

Nous danserons au pays des Cirques

Ils se réveillent sous nos pas

Et grandissent dans nos combats

Nous les ferons courir du sud au nord

Des îles aux continents

De l'orient à l'occident

Car nous serons ce rêve éveillé

Qui féconde le monde

Ce cyclone libéré

Qui laboure le ciel

Aux cris des bâtisseurs éternels


En avant âme frangipane

En avant en amont des cascades

En avant amants d'une île

Qui nous ouvre ses flancs

Pour de libres épousailles

En avant flamme océane

Nous ferons chanter la rose des bois.


Le Cri du lagon, 1981

Jean-François Sam-Long

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3 décembre 2008 3 03 /12 /décembre /2008 17:36

Romans émigré


Mon kér i fé pa vativien

Si boulvar Saint-Germain

Li grinp dann santié kabri

I sava si Taïbit

Mil foi mil foi mié vo

De vin fré dan lé o

Kan k savat dé doi la rès devan la port

Ke la nos emigré

Dann péi malizé


Mon kèr i ronn pa

Dann sinéma Paris

Li asiz an roi

Dan la kavérn Dekot


Rann

Mon lodér brann

Kann k briyar i lèv

Kan k la klos boi d ranpar

I sone pa po la mor

Epi kan k vié Picard

Devan volcan i rèv.


Mon kér i fé pa vativien

Si boulvar Saint-Germain

Li grinp dann santié kabri

I sava mon péi.


Romans po détak la lang Démay le ker, 1983

Axel Gauvin

 

 


traduc approximative


Romance émigrée


Mon coeur ne parade pas

sur le Bd St-Germain

il gravit le sentier des chèvres

il s'en va au col de Taïbit


mille fois, mille fois mieux vaut

le vin frais des Hauts

quand les savates sont restées devant la porte

que la noce émigrée

dans un pays mal aisé


mon coeur il ne rentre pas

dans les cinémas parisiens

il s'assied comme un roi

dans la caverne de Cotte


Où est

l'odeur des brandes

quand le brouillard se lève

quand les cloches du bois de rampart

ne sonnent pas le glas

et puis quand le vieux Picard

rêve devant le volcan ?


Mon coeur ne parade pas

sur le Bd St-Germain

il gravit le sentier des chèvres

qui conduit au pays


Né en 1944 à Saint-Denis, Axel Gauvin est agrégé de Sciences naturelles (ENS St-Cloud). Son essai Du créole opprimé au créole libéré paru en 1977 n'a pas pris une ride (si ce n'est que 2 nouvelles graphies du créole sont venues compliquer la mise, la 83 en KWZ et la 2001 dite tangol, j'en parlerai une autre fois). Son premier roman Quartier Trois lettres (1980) a pour cadre Saint-Leu et tresse la langue française et la langue créole. Pour l'instant je n'ai trouvé que la version entièrement en créole (écrite après) en librairie. L'Aimé (1990) a été finaliste au Goncourt. Axel Gauvin publie aussi des recueils de poèmes (Lamour kivi 2002), des pièces de théâtre et des traductions en créole (La Bible, Tintin et textes publiés dans la revue Nout lang). Il enseigne actuellement à l'IUFM de Saint-Denis.
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2 décembre 2008 2 02 /12 /décembre /2008 19:09

Mon île-fougère


Mon île, arbre de poésies

Qui dresse ses branches basaltiques

Vers notre ciel indien de vie,

Elle sent les parfums des tropiques.


Mon île-fougère des ethnies,

Peuple Coromandel et Surate,

Pays de l'Androy, noir paradis !

Bretons dans le cirque de Mafate.


Mon île, arbre de poésies,

Désirs de Parny et du Parnasse,

Regrets de Dierx et la nostalgie

D'un Lacaussade transi qui passe.


Mon île, vieil arbre folklorique

Aux fruits d'ébène du maloya,

La sueur du caïambre typique,

Du bobre aux accents des parias.


Le rouleur qui épouse la transe

D'un passé qui remonte en mémoire,

Comme les laves et cendres denses

De ces volcans assoiffés d'espoir.


Mon île, vieil arbre folklorique

Aux fruits apprivoisés du séga,

Madoré avec son grand soubique

Débordant de misère et d'arack.


Nos ségatiers épris de poussière,

Bal la robée, piment écrasé

Pour faire voltiger le zézère

Dans le ciel d'un pays envoûté.


Mon île, arbre artisanal,

Avenir crucifié des vacoas,

Où est donc la feuille de sisal,

Riche d'or et du miel vert des rois ?


Jours de Cilaos et nos dentelles,

Nos paille-en-queue tournent en rond

Pour avoir perdu leurs grandes ailes,

Si familières aux cris du vent.


Nos brodeuses aux doigts écorchés

Sur les écheveaux hardis du temps.

L'oiseau de la vierge a oublié

Le chemin des prières d'antan.


Ile, arbre de mélancolie

Aux mille pêcheurs acupuncteurs

Qui montent la garde chaque nuit

Sur le ventre ridé de la mer.


Ils murmurent avec les étoiles,

Ecoutent la rumeur océane;

Leur regard est un tramail que voile

L'éclat incertain d'un frangipane.


Ile, arbre de béton et d'acier

Aux cages de poc-poc éclaté

Sur les visages trop émaciés

Des hommes, violés par nos cités.


Il n'est plus de joie pour le lagon,

Déchiqueté et mis en lambeaux ;

Ensevelis les poissons d'argent,

Sous le sable où meurent des châteaux.


Il est quelques femmes aux seins nus,

Accrochées aux récifs de la mer,

Pour s'offrir aux chevaux éperdus

Et embrasser le ciel entrouvert.


Il n'est plus de gamins sur les routes

Pour vendre des arums et des prunes !

Prisonniers de leur âme en déroute,

Ils rêvent de décrocher la lune.


Il n'est plus de Cirques isolés,

Protégés par les tamariniers !

Mafate, Grand-Bassin, saccagés

Souvent par nos bottes araignées.


Il n'est plus de chasse aux Noirs marrons,

Il n'est plus de chabouc, de gibet,

Mais il est une île à élections

Qui se gagnent à coups de galets.


Ile Mascarenhas retrouvée !

La route des Indes sur le dos

Des mustangs portés par l'alizé.

Il n'est plus de chant pour les dodos.


Il n'est plus de vie pour les tortues

Marines ! Fossilisé l'espoir

De découvrir la trace perdue

D'un oeuf, pour recommencer l'histoire.


Valval, 1980

Jean-François Sam-Long



JF Sam-Long est né en 1949 à Sainte-Marie. Il a reçu le Prix de la Société des Gens de Lettres en 1994 pour L'Arbre de violence, le Prix Charles-Brisset en 1992 pour La Nuit cyclone, le Prix des Mascareignes en 1986 pour son roman Madame Desbassayns, le Prix de Madagascar en 1982 pour Terre arrachée. Il a créé une association d'écrivains, l'UDIR, Union pour la Diffusion de l'Identité Réunionnaise, ainsi qu'une maison d'édition et le mouvement Créolie. Il est actuellement Chargé de mission LCR (Langue et Culture Régionales) pour les collèges et lycées.


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1 décembre 2008 1 01 /12 /décembre /2008 20:13
gros gros effort ce soir sur l'Olympe où l'ordre a été donné de laisser les mortels s'amuser avec leurs téléscopes

Ce soir, Jupiter ne laissait voir que deux satellites, mais dans le 150mm Célestron de mon voisin John, j'ai pu voir de belles bandes de couleur à la surface.



de 18h30 à 20h30, Jupiter n'a cessé de se rapprocher de la lune (mouvement apparent), sans doute soucieux comme nous de scruter de près les cratères de la belle, si bien que cette dernière jouait son rôle à merveille : "monsieur Jupiter, approchez-vous donc que je vous présente mademoiselle Vénus, une de nos créatures les plus appréciées, je suis sûre que vous allez vous entendre à merveille hihihi"


18h30

18h35

18h40

18h45

18h55

19h05

19h10

19h25

19h40

19h55

20h15

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