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17 juillet 2009 5 17 /07 /juillet /2009 19:32

Ka.Ty Deslandes vit et travaille 6 mois par an aux Colimaçons, non loin de ma case, sur la commune de saint-leu, une chance pour moi de goûter à sa peinture doucement aquatique, sensuelle et sereine. Pour ce premier billet sur son oeuvre, je me contente de copier-coller le bel article que Kenneth White lui a consacré en 2004 et de déposer quelques photos que j'ai prises dans son atelier fin juin. Je vous invite à faire un tour dans son site www.katydeslandes.com et à vous rendre à son exposition

« Rives et rivages » Galerie l'Aquarelle Place de l'église, Grez-Neuville

Ka.Ty  invite Lucille Piquenot Frostin pour une « Escale aux confins du monde »

Atelier 18 18 rue du Grand Logis, Grez-Neuville 49220

VERNISSAGES  SAMEDI 4 juillet à 18h00.

Expositions ouvertes jusqu'au 26 juillet tous les week-ends et jours fériés de 15h à 19h et sur rendez vous : tél.  06 75 64 94 01 et 02 41 95 36 07

jute goni, bois flotté, métal rouillé, clous, carton, fibres de coco, sable, tissu, corail, écorce de papacagnaouli, coquillages, algues séchées, ficelle, cordage, lave, bambou, os de seiche

retour vers l'élémentaire, le premier, le primordial, l'avant, l'amniotique, le caressant

avec Ka.Ty, la frontière entre terre et mer s'efface un peu



L'art des rivages de Ka.Ty Deslandes, géopoétique de l'Océan Indien, par Kenneth White

Parmi les artistes dont les travaux font partie du grand courant géopoétique, Ka.Ty Deslandes occupe une place particulière. Occidentale (née près de Paris), blanche (mousoungou , comme on dit à Mayotte), elle connaît bien la spiritualité orientale en général et la spiritualité indienne en particulier. Elle n' ignore pas qu'en Inde, la poésie, et par la même occasion l'art plastique, est un yoga. C'est justement Art Yoga qu'elle intitule la première série de ses travaux (1971-1980), où s'exprime une conception de l'art sortie à la fois de la spiritualité indienne (cf. le livre d'Ajit Mookerjee, Art Yoga , avec ses diagrammes du shri-yantra et ses mandalas) et les théories d'artistes occidentaux modernes tels que Kandinsky (Du spirituel dans l'art ) ou Klee (Théorie de l'art moderne ). Ka.Ty Deslandes connaît aussi, physiquement, le Grand Océan. Mandatée  par le Ministère des Affaires Étrangères françaises pour « développer un art mélanésien contemporain », elle a vécu et travaillé à Vanuatu de 1984 à 1986, fréquentant les îles de Vaté, Tana, Mallicolo... À partir de 1987, elle passe six ans à Mayotte, où elle occupe un atelier qui domine la baie de Boueni, en pleine brousse, et navigue vers Anjouan, la Grande Comore, Mohéli, Madagascar. Depuis 1994 c'est à La Réunion qu'elle a installé son atelier. Au cours de toutes ces années océaniques Ka.Ty Deslandes a fait entrer dans son art toutes sortes d'éléments, et a traversé plusieurs phases. Si l' inspiration reste « yogique » (recherche d'unité et d' harmonie), elle n'a pas échappé à des vicissitudes, des turbulences et des perturbations. Les titres de ses séries de travaux en sont le reflet. Après Art Yoga , il y a eu Failles (1981-1983), les diaporamas « Fantasmes africains », « Chant des failles » et « Terres à rejoindre ». De 1984 à 1998, ce fut Noir-Ethno-Mythique. De 1984 à 1985, Terres d'Océanie. De 1987 à 1993, Métissage , de 1994 à 1999, D'Îles et d'amour . Dans toutes ces séries, sont plus ou moins évidents, outre un élan individuel et une inquiétude personnelle, des thèmes d'époque, ainsi que des références à tel ou tel contexte traditionnel (kanak, australien,africain) qui pouvaient aller jusqu'à des représentations anthropomorphes. Mais ce qui prime chez Ka.Ty Deslandes, ce sont les éléments : eau, terre, air, feu, avec tous les paramètres de l'espace sensible (lumière, couleur). Et sa source primordiale est l'océan même.

Dans Malaise dans la civilisation , Freud évoque ce qu' il appelle « le sentiment océanique » (das ozeanische Gefühl ). « À l'origine, écrit-il, le moi inclut tout. Plus tard, il exclut de lui le monde extérieur. Par conséquent, notre sentiment actuel du moi n'est rien de plus que le résidu rétréci d'un sentiment d'une étendue plus vaste, si vaste qu' il embrassait tout, et qui correspondait à une union plus intime du moi avec son milieu. » Cette notion, que Freud n'évoque qu'en passant, est développée par Sandor Ferenczi dans Thalassa . Dans cette étude, Ferenczi va de la psychanalyse à la biologie, du malaise dans la civilisation (pour Freud, irrémédiable) à un processus d'océanisation. En découvrant « l' inconscient biologique », une « biologie des profondeurs », Ferenczi a l' impression de « débarquer aux rivages d'une nouvelle science. » On pense aussi dans ce contexte à la théorie de l'être humain comme « système ouvert », théorie selon laquelle le langage profond de l'être humain n'est pas fondamentalement différent du langage des choses, du langage de l'univers.

Avec ces références bio-psycho-cosmiques nous sommes en plein dans la pratique artistique de Ka.Ty Deslandes. La jeune enfant qui, dans un jardin près de Paris, observait la nature (feuilles, fleurs, écorces, cailloux...) et se délectait de ses rythmes (nuit et jour, succession des saisons), qui augmentait ces premières sensations au bord de la Loire et de la Mayenne et sur les rivages atlantiques, n'a jamais rien perdu ni rien oublié de son élan et de son ouverture. Ses expériences ultérieures dans le Pacifique et dans l'océan Indien lui ont permis au contraire de leur donner plus d'ampleur et plus d'exactitude. Il y a eu évolution constante.

Si l'espace général de l'art de Ka.Ty Deslandes est océanique, il existe pourtant dans cet espace un lieu spécifique qui l'attire plus particulièrement : c'est le rivage. Sur nos terres construites, souvent surconstruites, voici, enfin, en bout de territoire, un espace en principe sans constructions. L'être peut s'y espacer. Et puis, il se trouve là face à l'ouvert, avec un pied encore dans le contexte humain, mais l'autre dans le contexte non-humain, plus qu' humain. Le rivage est donc un lieu spécialement propice à la méditation. C'est pour cela qu'un vieux texte celte parle du rivage comme d'« un lieu de prédilection pour les poètes. »

Sur les rivages du monde qu'elle a fréquentés, que ce soit ceux de l'Atlantique, ceux du Pacifique ou ceux de l'océan Indien, Ka.Ty Deslandes a toujours accompli cet acte premier qu'est la cueillette : cueillette de galets, d'algues, de coraux, de pierres ponces, de morceaux de lave. Et ce sont les éléments de cette cueillette, alliés à la couleur (huile, acrylique, pastel), sur des supports tels que le bois ou la toile de jute, qui forment la matière de son art.

« Art brut », diront certains, plus soucieux d' insérer des oeuvres dans une catégorie établie que de les voir dans leur espace ouvert, plus soucieux de classifier que de contempler. Non, art géopoétique. Ce qui fait qu'un art est géopoétique, et pas seulement « brut », c'est une dimension - une dimension de l'esprit. Ce qui compte en peinture, disait Klee, c'est la poésie. Et la poésie en question est une poétique du monde.

Dès ses débuts en art, à l'âge de onze ans, Ka.Ty Deslandes voulait, disait-elle, « fabriquer des mondes ». Si de sa mère elle a hérité la capacité d'observer la nature, de voir le monde à l'oeuvre, de son père, artisan menuisier, elle a hérité une habileté manuelle et inventive.

Avec la série Entre vagues et rivages (2000-2004), qui comporte des grands formats sur toiles de jute, des petits et moyens formats réalisés avec des matériaux cueillis sur le rivage, ainsi que des oeuvres en volume et des installations, cet art atteint une plénitude.

Il s'est à la fois épuré et amplifié. Plus de messages thématiques, plus de figures mythiques, plus de symbolisme. Mais des choses, une disposition - et une dimension que je ne veux appeler ni « spirituelle », ni « cosmique » (ces mots, avec d'autres, faisant entrer dans l'espace méditatif trop de connotations), mais, comme je l'ai dit plus haut, géopoétique .

Je regarde « M' Tsanga Baharini » , « Mariage sacré », « Cap Lahoussay » , « Kavadi » « Le souffleur », « Fenêtre bleue », « Tonga soa », « Rivages », « La mer la nuit », « Par 30 noeuds », « Banc de sable », « Le récif », « Enedsa » et je me dis que, malgré le bruit et la fureur, malgré les invasions du pouvoir borné et les colonisations de la bêtise, il est encore possible de vivre géopoétiquement, et de créer un art qui soit à la hauteur du monde, qui réponde aux houles de l'océan, qui suive les étendues du désir d'être.

 

mer d'enfance

 

jeanne brezé (poète)

 

bush hunters

 

goré

 

série des mahaba

 

au-dessus : peinture sans nom ; au-dessous : la pointe des châteaux

 

trébeurdun

 

outre loire

 

outre-loire : gros plan

 

récif

 

récif : détail

 

par 30 noeuds

 

enedsa

 

mandala

 

sculpture de jean-claude barbier

 

namasté

 

bruno scaco

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