Le créole est plus vivant que jamais. De plus en plus, la signalisation routière lumineuse s’en sert, la publicité s’en sert, le français et le créole s’épaulent au lieu de se concurrencer.
Un petit indice parmi d’autres : si vous faites le n° de Corsairfly (08 20 04 20 42), vous entendez : « Corsairfly bonjour et bienvenue, merci d’attendre un instant, un conseiller va répondre à zot’ » Je trouve ça très sympathique.
à la question coman i lé ? il faut répondre : lé gaillard ! le mot recouvre plusieurs sens : bien, agréable, sympathique, beau, joli, à l’aise, en bonne santé, courageux
bonbon moustache = sexe de la femme
cendriner = fariner (en parlant de la bruine)
codindé = couvert de taches de rousseur
coplas = ruban adhésif
dakatine = pâte de cacahuètes et de pistaches qui peut remplacer le rougail ou le massalé dans certains plats
documentaliss = documentaliste
doktèr la têt = psychiatre
en missouk = en douce, en cachette
être en misère de = manquer ; nous l’est misère chouchous
faire kadadak = faire sauter un marmail sur ses genoux
fin-fin = microscopique
fion = amoureux, petit ami
flèche = lance-pierres
fleur de 6 mois = hortensia
fonkèr = poème
fraidir = (se) refroidir
fraise : clitoris
franciscéa : jasmin d’Afrique qui dégage un parfum entêtant le soir
fromage tête de mort = édam
gagne galop = s’enfuir
galapente : fougère
gameur, gameuse = joueur/se, séducteur/trice, enjôleur/euse
gaouée = prostituée
gardien cabri = chevrier
gauf’ = rayon de miel
gogotte = sexe de l’homme
goni = sac de jute
goulapia = gourmand, goulu
gousse = quartier d’orange ou de pamplemousse
goût = plaisir ; N’a d’goût écoute à ou causer = c’est un plaisir de t’entendre parler
goûter = petit déjeuner
graffiner = égratigner, griffer
graines = testicules
grains = grains secs sortis de leur enveloppe (lentilles, pois, haricots secs, fèves etc.)
gramoun lao = Dieu
gran matin = de bonne heure
grandes gens : mi vive à l’heure grandes gens = je vis sur un grand pied
grand-mère Kalle = vieille femme rényonaise légendaire qui annonce la nuit, par plaintes lugubres, la mort prochaine de quelqu’un
grègue = cafetière traditionnelle créole, souvent en tôle soudée mais certaines sont magnifiques (voir les billets sur le café)
gris = se dit de la couleur du pti blanc des hauts
gros doigts = malhabile, maladroit
gros monmon = grand-mère
gros papa = grand-père
guêpe la frais = femme désagréable
guérit-vite = plante à cataplasmes, cicatrisante
guétali : de guette à li = regarde-le ; terrasse aménagée dans le haut du mur pour observer le spectacle de la rue (dans les vieilles demeures créoles) ; le mot guétali date de 1933, c’est une création du poète Toudoir, de La Plaine des Palmistes
guildive = 1/ jus brut de canne à sucre 2/ rhum agricole
installé = mort ; exposé sur son lit de mort
jabot = ventre
jacquot = danseur de rue presque nu, peint de couleurs vives accompagnant autrefois les cortèges malabars en grimaçant et en se contorsionnant, effrayant les enfants
joliesse = beauté, charme
joue de fesse = fesse
jour sécurité = jour de paiement de l’argent braguette (allocations familiales)
jument = fille facile, garce
jurage = serment
kabar = service religieux rendu aux ancêtres selon les croyances animistes malgaches
kabar fonkèr = assemblée de poètes, de conteurs et de diseurs de mots qui se réunissent pour écouter de la poésie de manière festive
kajou fesses roses = guenon
kalianon = mariage tamoul
kalmandron = funérailles malbares
kalou = vin de cocotier
kapok = ouate des gousses du kapokier (pour garnir un oreiller ou une poupée)
kax = casque
kayout = sexe de la femme
kriké kraké : formule initiale rituelle prononcée avant de raconter un conte créole
l’article 12 = une embrassade
l’ombril = le nombril
la tit mer = le lagon ; la grand mer = la haute mer, le large
lève-tête = premier verre de rhum de la journée
lézard = margouillat ou gecko
ligne gouvernement = limite du domaine
linceul = draps
linge dentelle = vêtement élégant
lit’ = bouteille (quelle que soit sa capacité)
loi = police, gendarmerie
loriot = bonbon
macaouèle = prostituée
makave = chinois
makouba = tabac plus ou moins licite, cultivé chez soi
maladie arrangée = maladie qu’on croit provoquée par un mauvais sort
maladie bon dieu = maladie naturelle
maladie volaille = maladie diplomatique, permettant de ne pas aller travailler
malle de France = nom des premiers voiliers porteurs de colons, de marchandises et de courrier ; il y avait la malle des Indes ; il y avait la malle des Messageries maritimes
maloya = chant et danse exécutés au son du rouleur, du kayamb et du bobre, par les esclaves, le soir, dans leur campement. Lancinant, répétitif, sensuel, le maloya, à ses débuts, chantait les misères du peuple noir sous les fers, la nostalgie du pays perdu ou l’amour.
manchy = chaise à porteurs d’origine indienne (manjil, manjeel) portée par des esclaves puis par des engagés indiens, elle a longtemps servi à conduire les belles dames créoles à la messe du dimanche ; le manchy a été immortalisé par Leconte de Lisle en 1858 (ci-dessous)
melon = pastèque
même : se place après le mot qu’il renforce : ça lé vrai même = c’est bien vrai ; ça même même = exactement ça ; là même même = juste là
mon gouvernement = ma femme
moral = esprit
mouches à miel = abeilles
moufia = raphia produit par un palmier qui a donné son nom au quartier de l’Université à Saint-Denis
moune = monde
museau = visage
musique la gueule = harmonica
narvu = on se revoit, à plus
socialiss = socialiste
tit guiguine = un tout pti peu, presque rien
tortue i trouv pa son queue = à l’impossible nul n’est tenu
un nous-deux = un roman photo
voul voul = petits moutons, petits morceaux de coton qui restent accrochés sur un vêtement sombre
zieux boutonnière = yeux bridés (asiatiques)
Je me suis beaucoup inspiré de Le Grand lexique créole de Armand Gunet, Azalée éditions, 2001, qui est malheureusement épuisé
à suivre
Le 3 juin, j’avais donné une réécriture d’élève « à la manière de Raymond Queneau » en langue créole. En voici une autre, réalisée dans la même classe. L’élève est parti du récit suivant :
Un homme se promène dans la rue. Il bouscule une dame pour lui prendre son sac. La dame était en fait ceinture noire de karaté. Elle le frappe avec son sac et le pousse sur la route, au moment où arrive un van transportant un cheval. Sous le choc, le cheval sort. L'homme reste inanimé sur la chaussée. La dame saute sur le dos de l'animal et s'enfuit au galop.
Un boug té promèn a li su la route. Li bouscule un vié madam pou cap son sac. Femme la té enfaiti ceinture noire di karaté. Li langet a li cou sac et pouss’ a li su la chaussé. Li tampone un loto que té transporte un cheval. Loto tampone le boug, le verrou box cheval y casse, cheval y tay. Vié madame saute si son dos et tay’ la route.
Le Manchy
Sous un nuage frais de claire mousseline,
Tous les dimanches au matin,
Tu venais à la ville en manchy de rotin,
Par les rampes de la colline.
La cloche de l'église alertement tintait
Le vent de mer berçait les cannes
Comme une grêle d'or, aux pointes des savanes,
Le feu du soleil crépitait...
Et tandis que ton pied, sorti de la babouche,
Pendait, rose, au bord du manchy,
A l'ombre des Bois-Noirs touffus et du Letchi
Aux fruits moins pourprés que ta bouche ;
Tandis qu'un papillon, les deux ailes en fleur,
Teinté d'azur et d'écarlate,
Se posait par instants sur ta peau délicate
En y laissant de sa couleur ;
On voyait, au travers du rideau de batiste,
Tes boucles dorer l'oreiller,
Et, sous leurs cils mi-clos, feignant de sommeiller,
Tes beaux yeux de sombre améthyste.
Tu t'en venais ainsi, par les matins si doux,
De la montagne à la grand'messe,
Dans ta grâce naïve et ta rose jeunesse,
Au pas rythmé de tes Hindous.
Maintenant, dans le sable aride de nos grèves,
Sous les chiendents, au bruit des mers,
Tu reposes parmi les morts qui me sont chers,
Ô charme de mes premiers rêves !
Leconte de Lisle