
Merci et pardon aux assidues de ce blog de s'être inquiétées de mon silence. Les raisons sont nombreuses mais cachent mal ma paresse : rendez-vous médicaux, copies, cours à préparer, connexions quasiment impossibles à Mada, météo (neige en métropole puis pluies diluviennes ici), deuils, retards des avions (6 en 4 semaines), paperasses, courrier, préparation de 2010-11 etc. Je vais essayer peu à peu de me rattraper.
et hop, un billet de 5000 ariarys (1,7 €) donné au conducteur du taxi-deuche
Commençons par recopier mon cahier de voyage samedi et dimanche derniers
J'ai lu dans le blog d'une amie en poste à Fort-Dauphin (adresse dans les liens de isle-bourbon.com) ses tribulations au bureau de poste local. J'ai expliqué en commentaire que j'avais dû moi-même me rendre à ce bureau de poste 3 fois pour parvenir à la valeur de 2700 ariarys, coût de l'envoi d'une lettre en France (env 1€). Je fais l'hypothèse que c'est la crainte d'avoir trop de timbres présents dans le guichet, autrement dit une tentation trop forte pour les voleurs, qui explique cette parcimonie. A Tana, les chauffeurs de taxi achètent leur essence litre par litre (avec l'argent de la course payée d'avance) afin de ne pas trop perdre dans le cas où le réservoir est siphonné pendant leur sommeil et surtout de ne pas encourager le vol du véhicule. Depuis 10 ans la pauvreté s'est considérablement aggravée. Mais depuis un an la paupérisation s'accélère de façon dramatique, et cela se voit par le nombre de voleurs partout dans Tana, les grandes villes et même, c'est nouveau, en brousse.
arrivée de la deudeuche Place de l'Indépendance
Mon chauffeur de taxi préféré, monsieur Sylvestre, m'a expliqué en me conduisant à Ivato, qu'en ce moment, dans la province de Tulear, des malgaches ne mangent plus depuis une semaine. Ils ont tout vendu, même leurs ustensiles de cuisine. Et à présent, ils sucent des morceaux de bois. Hier, dans les rues de Tana, j'ai vu les petits vendeurs des trottoirs cacher précipitamment leur marchandise dans des baluchons car la police municipale arrivait. Ils n'ont plus le droit de vendre sur les trottoirs du centre ville depuis 8 jours mais la menace des amendes n'a eu aucun effet évidemment puisqu'il s'agit de survivre. Et aussi de compléter l'offre des produits neufs des magasins. « Madagascar est un pays riche où les gens sont pauvres » m'a dit monsieur Sylvestre.
Pas tous, car on a aussi croisé des Hummer flambant neufs et des 4X4 rutilants, « des voleurs de bois de rose et de saphirs » m'a dit Sylvestre . Mardi dernier, place de l'Indépendance, sous mes yeux, une amie malgache (malgache) s'est fait voler un collier en or de 80€ (une fortune ici). Les malgaches se volent à présent entre eux. J'ai entendu parler, par les gens les plus sérieux, de tortue volée pour être mangée et dans aucun pays je n'ai vu aussi peu de moumoutes et de bonchiens.
C'est notoire, la police ferme sans cesse les yeux sur d'innombrables infractions, tant l'attraction exercée par un billet de quelques ariarys est efficace. Qui ne voit que l'hyperpauvreté et la corruption (facilitant la rapacité des grandes puissances) expliquent largement ces dérives ? Cercle vicieux.
en 4L d'Ivato au centre de Tana
Revenons aux guichets de poste. Il y a un instant, j'ai voulu acheter des timbres-poste. Problème : comment payer les centimes ? J'en avais pour 7320 ariarys (2,5€). Voyant que l'employé ne me rend que 2600 sur mon billet de 10000, je lui dis que je lui faisais cadeau des 80 centimes, que trouver des pièces (10c, 20c, 50c) relève de l'impossible. Il m'a proposé une solution : lui acheter un timbre de 120 ariarys avec un simple billet de 100 ariarys ! Inutile de dire qu'il ne m'a pas proposé 2 timbres à 0,80 qu'il avait pourtant : toutes les combines sont bonnes pour recueillir un peu d'argent et ici la ruse est une vertu. Pour me connecter en wifi, je n'achète plus de cartes MOOV de 10000 ariarys à l'aéroport. Elles sont (rendues volontairement) illisibles au grattage, récupérées dans les poubelles, scannées et échangées gratuitement contre des neuves chez MOOV etc. Je suis certain que même un joueur de bonneteau parisien très entraîné se fera plumer s'il change de l'argent dans le hall de l'aéroport d'Ivato sans passer par un guichet de banque.
Aucun taxi-brousse ne part l'après-midi. Pour rallier Tulear, ils ont à présent l'habitude de rouler en convoi et en journée. Le temps des attaques de diligences dans un défilé montagneux est revenu. A la place des scalps de peaux-rouges : des voyageurs malgaches et vasahas dépouillés.
pousse-pousses de Tana
Il y a un livre à écrire sur les pousse-pousses. Certains sont deschaux, d'autres avec sandales, mais tous avec casquette. Je pensais ne jamais les employer tant ils symbolisent l'exploitation de l'homme par l'homme. Mais j'ai vite compris que donner de l'argent sans contrepartie est plus humiliant encore. Prendre un pousse-pousse, c'est permettre à une famille de manger.
ci-dessus et ci-dessous : Antsirabé
A Antsirabé, les pousse-pousses se comptent par milliers.