La bonne nouvelle est tombée le mois dernier : un timbre-poste sera bien émis l'an prochain pour commémorer le bicentenaire de la mort du poète Evariste Parny.
J'en profite pour remercier les dizaines et dizaines de personnalités et d'amis d'Evariste qui m'ont envoyé une lettre destinée à enrichir le dossier de candidature : élus réunionnais, écrivains créoles, universitaires, enseignants, poètes, éditeurs, conservateurs, bibliothécaires etc. Sans eux, Phil@poste et madame la ministre Fleur Pellerin n'auraient peut-être pas été aussi convaincus par notre proposition.
Remerciements particuliers à l'Association Philatélique de l'Océan Indien et à son Président Jean-Yves Vacher-Chicane. Non seulement leur signature était obligatoire dans le dossier mais le bureau de l'APOI a financé l'achat des 10 portraits lithographiés de Parny auprès de la BNF (numérisation haute définition), portraits qu'il était nécessaire de joindre à titre de proposition de maquettes. Cela représente tout de même 239,20 € ! Si, comme je l'espère, une Association des Amis d'Evariste Parny naît en 2014, cet argent lui permettra de mieux faire connaître le poète.
Comme un bonheur ne vient jamais seul, 2014 verra aussi un colloque international Bernardin de Saint-Pierre / Bertin / Parny à l'Université de Saint-Denis (en septembre). Leurs oeuvres sont remarquables dans la mesure où elles disent une tension entre l'Ici et l'Ailleurs, l'expérience du déracinement, du dépaysement, du métissage : en elles émerge une littérature neuve, propre à l'Océan indien.
Le comité scientifique propose trois axes d'étude :
- les questions d'ici et d'ailleurs, de centre et de périphérie, d'altérité et d'identité, voire aussi le processus de créolisation
- l'ailleurs spatial et l'ailleurs temporel : au sein des oeuvres, mais aussi au niveau de leur postérité
- le contexte de production et notamment la question du positionnement littéraire de ces auteurs
Parny n'a pas toujours été absent des manuels de lycée : dans la petite histoire illustrée de la littérature française de Jean Calvet (1966), on lit que Parny continue Voltaire "avec encore plus de polissonnerie" !
2014 sera sans doute l'année où beaucoup de réunionnais et de français vont redécouvrir l'oeuvre d'Evariste.
Ci-dessous, un poème sans prétention mais plein de charme : Le Cabinet de toilette.
LE CABINET DE TOILETTE
Voici le cabinet charmant
Où les Graces font leur toilette.
Dans cette amoureuse retraite
J’éprouve un doux saisissement.
Tout m’y rappelle ma maîtresse,
Tout m’y parle de ses attraits,
Je crois l’entendre, et mon ivresse
La revoit dans tous les objets.
Ce bouquet, dont l'éclat s’efface,
Toucha l’albâtre de son sein ;
Il se dérangea sous ma main,
Et mes lèvres prirent sa place.
Ce chapeau, ces rubans, ces fleurs,
Qui formaient hier sa parure,
De sa flottante chevelure
Conservent les douces odeurs.
Voici l’inutile baleine
Où ses charmes sont en prison.
J’apperçois le soulier mignon
Que son pied remplira sans peine.
Ce lin, ce dernier vêtement...
Il a couvert tout ce que j’aime ;
Ma bouche s’y colle ardemment,
Et croit baiser dans ce moment
Les attraits qu’il baisa lui-même.
Cet asile mystérieux
De Vénus sans doute est l’empire.
Le jour n’y blesse point mes yeux ;
Plus tendrement mon cœur soupire ;
L’air et les parfums qu’on respire
De l’amour allument les feux.
Parais, ô maîtresse adorée !
J’entends sonner l’heure sacrée
Qui nous ramène les plaisirs ;
Du tems viens connaître l’usage,
Et redoubler tous les desirs
Qu’a fait naître ta seule image.
Poésies érotiques, livre III