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17 décembre 2009 4 17 /12 /décembre /2009 14:47

DSC05871 (Large)Nicolas Gerodou à la valiha (prononcer vali ; cithare tubulaire malgache) et deux élèves interprétant les Chansons madécasses Vè et IXè en créole

Une égide qui rassemble : Evariste Parny (1753-1814)

 

Depuis le début de l'année 2009, plusieurs professeurs du lycée Evariste Parny rêvaient de sortir de l'oubli le poète qui a donné son nom à leur lycée. C’est chose faite. L’hommage que ce poète réunionnais méritait lui a été rendu entre le 26 novembre et le 18 décembre, avec trois temps forts : les 26 novembre, 2 et 11 décembre. Une exposition, des lectures publiques de poèmes, sept conférences, deux tables rondes, des interviews, la réalisation prochaine d’un DVD permettent de relire ce poète de façon neuve à la lumière de recherches récentes. Pour le plus grand profit des lycéens.

Plusieurs universitaires ont contribué au succès de cet hommage à un poète trop méconnu. Catriona Seth (Nancy II) a retracé la vie et l’œuvre de Parny dans une conférence intitulée « De Saint-Paul à l'Académie française, itinéraire d'un poète créole ». Jean-Michel Racault (Université de la Réunion) a analysé la « Chanson Madécasse V : autour de l'anticolonialisme et du primitivisme ». Marcel Dorigny (Paris VIII) a présenté les « Réalités de l'esclavage et de la traite » à l’époque de Parny. Mireille Habert (IUFM de la Réunion) a retracé l’itinéraire du Docteur Petit-Radel, traducteur des poèmes de Parny en latin.

Des professeurs du lycée ont également prononcé des conférences : Gérard Delmas a parlé de la situation historique de l'Océan indien, Nicolas Gerodou des Chansons Madécasses comme « scène primitive de la poésie réunionnaise ».

Des élèves de seconde ont présenté l'épître aux insurgens et la Boston Tea Party. Un poème de Pouchkine a été lu en russe et en français. La poésie versifiée de Parny a également fait l’objet d’une performance vocale. Plusieurs chansons madécasses ont été interprétées en créole par des élèves de seconde et de première, dans la traduction qu’en ont donné Axel et Robert Gauvin. Ce dernier a su expliquer à quel point il fallait faire preuve d’ingéniosité pour traduire ces premiers poèmes en prose sans les trahir.

Grâce à Chantale Meure (IUFM La Réunion), Catriona Seth, Jean-Michel Racault, Nicolas Gerodou, Laurence Macé (directrice de la bibliothèque départementale), Alain-Marcel Vauthier (ancien directeur de la Bibliothèque départementale), Robert Gauvin, les Tables rondes des 27 novembre et 11 décembre ont permis de découvrir un poète créole très moderne qui ne peut être réduit à son anticolonialisme et son anti-esclavagisme : ses poèmes et ses écrits disent aussi le déracinement et la double culture. Pris entre deux mondes, parisien à Bourbon, créole à Paris, Parny invente une poésie cosmopolite et élégiaque, qui dit le décalage entre l'enracinement créole et la culture française.

L'exposition consacrée au poète éponyme du lycée a lieu dans une case reconstituée à partir d’un dessin de la sienne en 1835 à Saint-Gilles : éditions anciennes et récentes de ses oeuvres, correspondance, illustrations, archives, arbre généalogique, photographies, dessins, sculpture, diaporama, marque-pages, enregistrements audio et vidéo.

Le nombre important d’élèves (environ 400) impliqués dans ces rencontres, la qualité des interventions, la spontanéité et la contagion qui les ont caractérisées correspondent à un regain d’intérêt pour ce poète majeur auquel de grands noms ont rendu hommage : Voltaire, Chateaubriand, Lamartine, Baudelaire, Pouchkine, Sainte-Beuve, Maurice Ravel par exemple. Plusieurs rééditions et traductions récentes des œuvres du poète ainsi que des articles universitaires témoignent d’ailleurs de ce regain.

Le lycée Evariste de Parny dispose désormais de nouveaux outils : un travail vocal en cours, des enregistrements vidéo, une collaboration fructueuse qui commence avec la Bibliothèque départementale, les Archives départementales, le Fonds Barquissau de Saint-Pierre et l'Université : l’effet Parny a bien eu lieu.

 

DSC05875 (Large)

27 novembre : de gauche à droite : Nicolas Gerodou, Laurence Macé, Alain-Marcel Vauthier, Catriona Seth, Jean-Michel Racault

 

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à droite : Robert Gauvin et Chantale Meure

 

evariste-parny-6 2719 (Large)

11 décembre : Gérard Delmas


evariste-parny-6 2738 (Large)11 décembre : Robert Gauvin

evariste-parny-6 2739 (Large)des représentants de la MCUR, du rectorat, de la municipalité de Saint-Paul et des corps d'inspection ont assisté aux conférences

evariste-parny-6 2743 (Large)Mireille Habert

evariste-parny-6 2747 (Large)Nicolas Gerodou

parny 27nov09 1élèves de 1STG
parny 27nov09 3élèves de 1ES

PC110001 (Large)l'expo au CDI

PC110009 (Large)Parmi les très nombreuses personnes qui doivent être remerciées, il y en a 3 qui se détachent : Dani Tioucagna, Agnès Lafourcade (toutes deux documentalistes) et Nicolas Gerodou (professeur). Sans leur travail colossal, les Journées Parny n'auraient tout simplement pas existé !
Je voudrais aussi que soit remerciée chaleureusement Catriona Seth, qui a su, par son dynamisme, séduire et captiver les élèves. J'ai encore entendu aujour'dhui "ça y est, les élèves savent enfin qui est Evariste Parny". C'est le travail de Catriona.
Enfin, comment ne pas signaler que sans le cadeau de mes collègues du lycée Alcide d'Orbigny (44830) en juin 2008, un camescope JVC everio, il n'y aurait eu aucun enregistrement vidéo de ces journées ?! d'ailleurs sans John, mon ami John Leunens (Arts Plastiques, IUFM La Réunion), non plus ; la qualité des enregistrements c'est lui. Et mon amie Guillemette, Guillemette de Grissac (Lettres Modernes, IUFM La Réunion), mirmerci grandman de ot bonté ! Le travail vocal si applaudi, c'est elle.
Je déposerai bientôt des fragments des vidéos ici, mais le débit adsl est lent à la Réunion, donc patience. 

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13 novembre 2009 5 13 /11 /novembre /2009 19:59

fin de la lettre à son neveu Henry Parny, 25 germinal An X

Sixième élégie

 

J'ai cherché dans l'absence un remède à mes maux ;

J'ai fui les lieux charmans qu'embellit l’infidelle.

Caché dans ces forêts dont l'ombre est éternelle,

J'ai trouvé le silence, et jamais le repos.

Par les sombres détours d'une route inconnue,

J'arrive sur ces monts qui divisent la nue.

De quel étonnement tous mes sens sont frappés !

Quel calme ! Quels objets ! Quelle immense étendue !

La mer paraît sans borne à mes regards trompés,

et dans l'azur des cieux est au loin confondue ;

Le zéphyr en ce lieu tempère les chaleurs ;

De l'aquilon par fois on y sent les rigueurs ;

Et tandis que l'hiver habite ces montagnes,

Plus bas l'été brûlant dessèche les campagnes.

 

Le volcan dans sa course a dévoré ces champs ;

La pierre calcinée atteste son passage :

L' arbre y croît avec peine ; et l'oiseau par ses chants

N' a jamais égayé ce lieu triste et sauvage.

Tout se tait, tout est mort ; mourez, honteux soupirs ;

Mourez, importuns souvenirs,

Qui me retracez l'infidelle,

Mourez, tumultueux desirs,

Ou soyez volages comme elle.

Ces bois ne peuvent me cacher ;

Ici même, avec tous ses charmes,

L'ingrate encor me vient chercher ;

Et son nom fait couler des larmes

Que le tems aurait dû sécher.

O dieux ! ô rendez-moi ma raison égarée ;

Arrachez de mon coeur cette image adorée ;

Eteignez cet amour qu'elle vient rallumer,

Et qui remplit encor mon ame toute entière.

Ah ! L'on devrait cesser d'aimer

Au moment qu'on cesse de plaire.

 

Tandis qu'avec mes pleurs, la plainte et les regrets

Coulent de mon ame attendrie,

J'avance, et de nouveaux objets

Interrompent ma rêverie.

Je vois naître à mes pieds ces ruisseaux différens,

Qui, changés tout-à-coup en rapides torrens,

Traversent à grand bruit les ravines profondes,

Roulent avec leurs flots le ravage et l'horreur,

Fondent sur le rivage, et vont avec fureur

Dans l'océan troublé précipiter leurs ondes.

Je vois des rocs noircis, dont le front orgueilleux

S'élève et va frapper les cieux.

Le tems a gravé sur leurs cimes

L'empreinte de la vétusté.

Mon oeil rapidement porté

De torrens en torrens, d'abîmes en abîmes,

S'arrête épouvanté.

O nature ! qu'ici je ressens ton empire !

J'aime de ce désert la sauvage âpreté ;

De tes travaux hardis j'aime la majesté ;

Oui, ton horreur me plaît ; je frissonne et j'admire.

 

Dans ce séjour tranquille, aux regards des humains

Que ne puis-je cacher le reste de ma vie !

Que ne puis-je du moins y laisser mes chagrins !

Je venais oublier l’ingrate qui m'oublie,

Et ma bouche indiscrète a prononcé son nom ;

Je l'ai redit cent fois, et l'écho solitaire

De ma voix douloureuse a prolongé le son ;

Ma main l'a gravé sur la pierre ;

Au mien il est entrelacé.

Un jour le voyageur, sous la mousse légère,

De ces noms connus à Cythère

Verra quelque reste effacé.

Soudain il s'écrira : son amour fut extrême ;

Il chanta sa maîtresse au fond de ces déserts.

Pleurons sur ses malheurs, et relisons les vers

Qu'il soupira dans ce lieu même.

 

 

MA RETRAITE

 

Solitude heureuse et champêtre,

Séjour du repos le plus doux,

La raison me ramène à vous ;

Recevez enfin votre maître.

Je suis libre ; j'échappe à ces soins fatigans,

A ces devoirs jaloux qui surchargent la vie.

Aux tyranniques lois d'un monde que j'oublie

Je ne soumettrai plus mes goûts indépendants.

Superbes orangers, qui croissez sans culture,

Versez sur moi vos fleurs, votre ombre, et vos parfums ;

Mais surtout dérobez aux regards importuns

Mes plaisirs, comme vous enfans de la nature.

On ne voit point chez moi ces superbes tapis

Que la Perse, à grands frais, teignit pour notre usage.

Je ne repose point sous un dais de rubis ;

Mon lit n’est qu’un simple feuillage.

Qu’importe ? Le sommeil est-il moins consolant ?

Les rêves qu’il nous donne en sont-ils moins aimables ?

Le baiser d’une amante en est-il moins brûlant,

Et les voluptés moins durables ?

Pendant la nuit, lorsque je peux

Entendre dégoutter la pluie,

Et les fils bruyans d’Orythie

Ébranler mon toit dans leurs jeux ;

Alors si mes bras amoureux

Entourent ma craintive amie,

Puis-je encor former d’autres vœux ?

Qu’irois-je demander aux dieux

À qui mon bonheur fait envie ?

 

Je suis au port, et je me ris

De ces écueils où l’homme échoue.

Je regarde avec un souris

Cette fortune qui se joue,

En tourmentant ses favoris ;

Et j’abaisse un œil de mépris

Sur l’inconstance de sa roue.

 

La scène des plaisirs va changer à mes yeux.

Moins avide aujourd’hui, mais plus voluptueux,

Disciple du sage Epicure,

Je veux que la raison préside à tous mes jeux.

De rien avec excès, de tout avec mesure,

Voilà le secret d’être heureux.

Trahi par ma jeune maîtresse,

J'irai me plaindre à l'Amitié,

Et confier à sa tendresse

Un malheur bientôt oublié.

Bientôt ? Oui, la raison guérira ma faiblesse.

Si l’ingrate Amitié me trahit à son tour,

Mon cœur navré longtems détestera la vie ;

Mais enfin, consolé par la philosophie,

Je reviendrai peut-être aux autels de l’Amour.

La haine est pour moi trop pénible ;

La sensibilité n’est qu’un tourment de plus ;

Une indifférence paisible

Est la plus sage des vertus.

 

Poésies érotiques, livre III (édition de 1808)

 

VERS GRAVÉS SUR UN ORANGER

 

Oranger, dont la voûte épaisse

Servit à cacher nos amours,

Reçois et conserve toujours

Ces vers, enfans de ma tendresse ;

Et dis à ceux qu’un doux loisir

Amènera dans ce bocage,

Que si l’on mourait de plaisir,

Je serais mort sous ton ombrage.

 

Poésies érotiques, livre I (édition de 1808)

 

 

ELEGIE III

 

Bel arbre, pourquoi conserver

Ces deux noms qu'une main trop chère

Sur ton écorce solitaire

Voulut elle-même graver ?

Ne parle plus d’Eléonore ;

Rejette ces chiffres menteurs ;

Le tems a désuni les cœurs

Que ton écorce unit encore.

 

Poésies érotiques, livre IV (édition de 1808)

 

 

PROJET DE SOLITUDE

 

Fuyons ces tristes lieux, ô maîtresse adorée !

Nous perdons en espoir la moitié de nos jours,

Et la crainte importune y trouble nos amours.

Non loin de ce rivage est une île ignorée,

Interdite aux vaisseaux, et d'écueils entourée.

Un zéphyr éternel y rafraîchit les airs ;

Libre et nouvelle encor, la prodigue nature

Embellit de ses dons ce point de l’univers ;

Des ruisseaux argentés roulent sur la verdure,

Et vont en serpentant se perdre au sein des mers ;

Une main favorable y reproduit sans cesse

L’ananas parfumé des plus douces odeurs ;

Et l’oranger touffu, courbé sous sa richesse,

Se couvre en même tems et de fruits et de fleurs.

Que nous faut-il de plus ? Cette île fortunée

Semble par la nature aux amans destinée.

L'océan la resserre, et deux fois en un jour

De cet asile étroit on achève le tour.

Là, je ne craindrai plus un père inexorable.

C’est-là qu’en liberté tu pourras être aimable,

Et couronner l’amant qui t'a donné son cœur.

Vous coulerez alors, mes paisibles journées,

Par les nœuds du plaisir l’une à l’autre enchaînées ;

Laissez-moi peu de gloire et beaucoup de bonheur.

Viens, la nuit est obscure et le ciel sans nuage ;

D’un éternel adieu saluons ce rivage,

Où par toi seule encor mes pas sont retenus.

Je vois à l’horizon l’étoile de Vénus ;

Vénus dirigera notre course incertaine.

Eole, exprès pour nous, vient d’enchaîner les vents ;

Sur les flots aplanis Zéphyre souffle à peine ;

Viens ; l’amour jusqu' au port conduira deux amans.

 

Poésies érotiques, livre I (édition de 1808)

 

DEMAIN

 

Vous m’amusez par des caresses,

Vous promettez incessamment,

Et vous reculez le moment

Qui doit accomplir vos promesses.

Demain, dites-vous tous les jours.

L’impatience me dévore;

L’heure qu’attendent les amours

Sonne enfin, prêt de vous j’accours;

Demain, répétez-vous encore,

 

Rendez grâce au dieu bienfaisant

Qui vous donna jusqu’à présent

L’art d’être tous les jours nouvelle;

Mais le temps, du bout de son aile,

Touchera vos traits en passant;

Dès Demain vous serez moins belle,

Et moi peut-être moins pressant.

Poésies érotiques, livre I, (édition 1808)

 

 

 

EPITAPHE

 

Ici gît qui toujours douta.

Dieu par lui fut mis en problème ;

Il douta de son être même.

Mais de douter il s’ennuya ;

Et las de cette nuit profonde,

Hier au soir il est parti,

Pour aller voir en l’autre monde

Ce qu’il faut croire en celui-ci.

 

Mélanges

 

LE REVENANT

 

Ma santé fuit ; cette infidelle

Ne promet pas de revenir ;

Et la nature qui chancelle

A déjà su me prévenir

De ne pas trop compter sur elle.

Au second acte brusquement

Finira donc ma comédie ;

vite je passe au dénouement,

La toile tombe, et l’on m’oublie.

 

J’ignore ce qu’on fait là-bas.

Si du sein de la nuit profonde

On peut revenir en ce monde,

Je reviendrai, n’en doutez pas.

Mais je n’aurai jamais l’allure

De ces revenans indiscrets,

Qui précédés d’un long murmure,

Se plaisent à pâlir leurs traits,

Et dont la funèbre parure,

Inspirant toujours la frayeur,

Ajoute encore à la laideur

Qu’on reçoit dans la sépulture.

De vous plaire je suis jaloux,

Et je veux rester invisible.

Souvent du zéphir le plus doux

Je prendrai l’haleine insensible ;

Tous mes soupirs seront pour vous ;

Ils feront vaciller la plume

Sur vos cheveux noués sans art,

Et disperseront au hasard

La faible odeur qui les parfume.

Si la rose que vous aimez

Renaît sur son trône de verre,

Si de vos flambeaux rallumés

Sort une plus vive lumière,

Si l'éclat d’un nouveau carmin

Colore soudain votre joue,

Et si souvent d’un joli sein

Le nœud trop serré se dénoue ;

Si le sopha plus mollement

Cède au poids de votre paresse ;

Donnez un souris seulement

À tous ces soins de ma tendresse.

Quand je reverrai les attraits

Qu’effleura ma main caressante,

Ma voix amoureuse et touchante

Pourra murmurer des regrets ;

Et vous croirez alors entendre

Cette harpe qui sous mes doigts

Sut vous redire quelquefois

Ce que mon cœur savait m’apprendre.

Aux douceurs de votre sommeil

Je joindrai celles du mensonge ;

Moi-même, sous les traits d’un songe,

Je causerai votre réveil.

Charmes nus, fraîcheur du bel âge,

Contours parfaits, grâce, embonpoint,

Je verrai tout : mais quel dommage !

Les morts ne ressuscitent point.

 

Poésies érotiques, livre I, (édition 1808)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A la Réunion, il y a une rue Parny (et une rue Bertin) à Saint-Denis, une à saint-Paul, une à Saint-Pierre, une à la Possession, une au Port et sans doute dans d'autres localités. Il y a une école primaire Evariste Parny à la Possession, il y a un lycée Evariste Parny à Saint-Paul. Mais j'ai bien l'impression qu'il n'y a aucun établissement scolaire en métropole. Cependant, il y a au moins une avenue Evariste Parny à Beauchamp (Val d'Oise 95250), merci à Thierry M pour l'info !

 

P5082069.resized

Le Tampon (terrain fleuri)

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13 novembre 2009 5 13 /11 /novembre /2009 18:35

Le Fonds Barquissau de la médiathèque de Saint-Pierre (conservatrice : Linda Koo-Seen-Lin, qu'elle soit remerciée !) possède une édition de 1778 qui se présente comme imprimée à l'Isle de Bourbon. Argument commercial ? Humour ? Etant donné le nombre de créoles ayant eu la chance d'apprendre à lire, on imagine le nombre de livres vendus sur place ! ah, c'est vrai, c'était de la littérature érotique....
Rappel : Avec les Chansons madécasses (1787), on peut considérer que Parny est l'inventeur du poème en prose. On comprend que Baudelaire, qui a passé 45 jours à l'Isle Bourbon en 1841 ("A une Dame Créole", "La chevelure", "La Belle Dorothée" etc.), ait écrit un recueil de poèmes en prose 75 ans après Parny. La pseudo-traduction du malgache était un procédé (assez courant) pour contourner la sacro-sainte tradition des rimes. Photos : mon édition personnelle de 1808.









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13 novembre 2009 5 13 /11 /novembre /2009 18:24

Le colloque international "Bernardin de Saint-Pierre et l'océan indien" qu'organise l'Université de Saint-Denis du 30 novembre au 4 décembre promet d'être remarquable. Pas moins de 40 communications sans compter les tables rondes et les concerts. Le programme, téléchargeable dans le site univ-reunion, a ceci de sympathique qu'il parle de mon lycée !
J'ai donc le devoir de vous donner quelques précisions supplémentaires :

"Hommage à un poète injustement oublié : Evariste Parny"

 

Jeudi 26 novembre 15h

Vernissage de l'exposition consacrée au poète éponyme du lycée au CDI : éditions anciennes et récentes des oeuvres de Parny, correspondance, illustrations, archives, photographies, dessins inspirés des poèmes etc.

L'exposition sera visible jusqu'au 18 décembre.

 

Vendredi 27 de 14h à 17h

- 14h-14h30 : interprétation vocale des /Chansons madécasses/ (élèves de 1ère et de 2de)
- 14h30-15h : Conférence de Catriona Seth (Nancy II) "De Saint-Paul à l'Académie française, itinéraire d'un poète créole"
- 15h-15h30 : Conférence de Jean-Michel Racault (Université de la Réunion) "analyse de la Ve Chanson Madécasse : autour de l'anticolonialisme et du primitivisme"
- 15h30-16h : Pause et présentation de l'expo au CDI
- 16-17h : Table Ronde "Comment redécouvrir l'oeuvre de Parny aujourd'hui ?"
Participants ayant donné leur accord : Catriona Seth, Jean-Michel Racault, Nicolas Geraudou, Laurence Macé directrice de la bibliothèque départementale, Alain-Marcel Vauthier ancien directeur de la Bibliothèque départementale, Chantale Meure
La réception de Parny est un peu problématique et son oeuvre mérite d'être réévaluée. Ce poète majeur peut-il rester oublié ? Pourquoi l'est-il davantage en France qu'en Russie ? En quoi est-il moderne ? Est-ce le Parny anti-colonialiste et anti-esclavagiste qui va le plus assurer sa postérité ? (importance des commémorations et célébrations en ce début de millénaire) Quels rôles vont jouer les bibliothèques numériques dans cette redécouverte ? Une édition papier des Œuvres complètes établie de manière scientifique ne reste-elle pas indispensable ? Quelle place Parny peut-il et doit-il prendre dans l’ensemble de la culture créole ? Qu’attendre des institutions, des élus, des acteurs culturels (Région et MCUR, Département, Education nationale, DAAC, Université, bibliothèques etc), des éditeurs ?
Nous pensons qu'en croisant les points de vue, ces préoccupations seront susceptibles d'intéresser les lycéens présents (entre 100 et 150) et de les encourager à poser des questions. Nous réaliserons un enregistrement qui sera conservé dans les archives du lycée.

Mercredi 2 décembre 9h30

Conférence de Marcel Dorigny (PU Paris VII) : Réalités de l'esclavage et de la traite dans l'océan indien à la fin du XVIIIè siècle (destinée à des élèves de 2de et de 1ère)


Vendredi 11 décembre 14-17h

Mise en voix des Chansons madécasses et d'autres poèmes
Plusieurs exposés de 15' :
a/ autour d'un Parny au carrefour des cultures : exposés sur la Boston tea party et l'épître aux insurgens, exposé d'Axel Gauvin sur l'édition bilingue kréol / français, de Mireille Habert sur la traduction en latin du docteur Petit-Radel.
b/ autour d'un Parny poète de l'éternel exil : exposé de Gérard Delmas sur la situation historique de l'Océan indien, exposé de Nicolas Geraudou « Les Chansons Madécasses, scène primitive de la poésie réunionnaise ? »
Nous commencerons aussi à exploiter les enregistrements audio et vidéo des journées précédentes (interview de Boris Gamaleya, conférences de Catriona Seth, de J-M Racault et de Marcel Dorigny, Table Ronde du 27)

 

Autres événements :

Participation à l’opération 100 noms "Commémoration nationale des mémoires de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions" (MCUR)

Participation à l’opération : Une citation pour les casiers des scolaires à la Bibliothèque départementale inaugurée le 18 décembre

Réalisation d’anthologies poétiques comportant des poèmes de Parny

Réalisation de marque-pages décorés d’une citation de Parny

Articles publiés dans la Revue Culturelle : interview de Boris Gamaleya par une élève de 2de et biographie de Parny

 

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23 novembre 2008 7 23 /11 /novembre /2008 13:30

Le 15 septembre, j’ai évoqué brièvement ici Evariste Parny en recopiant un fragment de lettre anticolonialiste, un extrait de chanson madécasse et un bref poème érotique. J’ai aussi fait un copié-collé depuis wikipédia pour les grandes dates et titres d’œuvres. Ce n’est pas assez : je viens de lire une bonne partie de son œuvre, une grosse étude biographique sur l’homme et on se réjouit de sentir (au grand nombre d’erreurs qui apparaissent quand on croise les documents, aux nombreuses zones d’ombre, aux témoignages élogieux venus de Chateaubriand, Baudelaire, Sainte-Beuve etc) qu’un gros travail reste à faire.

Je commence par corriger 3 infimes erreurs voilà ce qui arrive quand on fait du copié-collé :

- La jeune fille dont s’éprend Evariste à 20 ans (elle en a 13/14) s’appelle Esther Lelièvre (et non Lelivre) ; certains livres disent qu’elle s’appelle Esther Trousail, c’est une erreur. Encore Evariste ne l’appelle-t-il jamais autrement qu’Eléonore : l’initiale commune E avant tout

- Un point d’interrogation, dans l’évocation de cette idylle par Wikipedia, fait douter de la sincérité des sentiments du poète. Non seulement la question ne se pose pas car ces poèmes lyriques vivent depuis 2 siècles détachés de la circonstance référentielle, mais les nombreuses lettres authentiques que j’ai lues ne permettent pas de douter des sentiments de l’un et de l’autre. Celles des pères des jeunes gens, en particulier. Mais les biographes ont toujours eu des relations difficiles avec l’objectivité

- Il n’y a pas lieu non plus de douter du lieu d’écriture des Chansons madécasses, elles ont bien été écrites à Pondichéry, entre mars et septembre 1785. A mes yeux, ce sont ces Chansons madécasses et les Elégies qui sont les plus remarquables. En librairie, les œuvres sont soit épuisées, soit difficiles à trouver, soit incomplètes, soit truffées d’erreurs. Mais à la longue, l’œuvre d’Evariste sera « réévaluée » comme on dit aujourd’hui. Pour un étudiant en master de Lettres modernes qui veut traiter un sujet vierge et se rendre utile, Evariste c’est du pain bénit. La (seule) spécialiste, c’est Catriona Seth, Professeur à l’Université de Nancy II  (littérature du XVIIIè siècle).

En 1779, Evariste écrit déjà la souffrance amoureuse comme le fera Musset 40 ans plus tard. Les paysages naturels sont miroirs de l’âme, révélateurs d’émotions et de déchirures profondes, à la manière des romantiques. Evariste a perdu sa mère à quatre ans.

Le tapuscrit que je viens de lire (238 pages) a été écrit par Léon de Forges de Parny qui habite près de Dax et qui l’a terminé en 1976. Il contient 60 lettres qu’il présente comme inédites pour la plupart. Je croyais avoir affaire à un inédit, mais en fait le livre Evariste Parny : Poésies érotiques et autres poèmes publié en 2001 aux éditions Grand Océan contient toute la partie biographique. Gilles de Forges de Parny, a donc transmis un exemplaire de l’ouvrage de son oncle au directeur des éditions Grand Océan, Jean-François Reverzy, et il a très bien fait.

L’ironie du sort veut que Grâce Vally (mariée à Evariste en 1802), Esther Lelièvre et Evariste Parny soient tous les 3 nés à l’isle Bourbon, entre 1753 et 1760, soient venus en métropole peu avant la Révolution, soient morts et enterrés à soixante ans environ en métropole.

Dans les années 1780, Chateaubriand, plus jeune de 15 ans qu’Evariste, écrit : « Je savais par cœur les élégies du chevalier de Parny, et je les sais encore. Je lui écrivis pour lui demander la permission de voir un poète dont les ouvrages faisaient mes délices ; il me répondit poliment : je me rendis chez lui rue de Cléry. Je trouvai un homme assez jeune encore (Parny avait 35 ans), de très bon ton, grand, maigre, le visage marqué de petite vérole. Il me rendit ma visite. Je le présentai à mes sœurs. Il aimait peu la société et il en fut bientôt chassé par la politique. Il était alors du vieux parti. Je n’ai point connu d’écrivain qui fût semblable à ses ouvrages : poète et créole, il ne lui fallait que le ciel de l’Inde, une fontaine, un palmier et une femme. Il redoutait le bruit, cherchait à glisser dans la vie sans être aperçu, sacrifiait tout à sa paresse, et n’était trahi dans son obscurité que par ses plaisirs qui touchaient, en passant, sa lyre ».

Dans Le voyage de Baudelaire à l’île Maurice et à la Réunion (Sham’s éditions) 2000, Emmanuel Richon, écrivain et spécialiste de Baudelaire, écrit page 48 : « Les Chansons madécasses de Parny faisaient partie des lectures de Baudelaire, c’est attesté. L’œuvre de Parny faisait partie des livres que lui avait légués son père. Mais ce sont les poèmes érotiques de Parny qui exercent la plus forte influence sur Baudelaire. Le poète parisien était suffisamment habité par ses propres souvenirs tropicaux pour ne pas avoir besoin de recourir à ceux du Réunionnais. L’influence principale est d‘ordre érotique, bien que l’érotisme baudelairien aille encore plus loin. Pourtant Parny n’était pas non plus un enfant de chœur en la matière. Baudelaire s’est aussi inspiré de Parny pour ses Petits Poèmes en Prose. Parny fut l’un des premiers à avoir inventé le genre. C’est aussi lui qui a introduit la figure du nègre dans la littérature. Il était aussi « moderne » que Baudelaire avant l’heure. »

J’ai choisi de recopier ici un « Billet » (coquin), un poème doux et douloureux comme un regret de Du Bellay qui s’appelle « Complainte » et la 6è élégie que j’ai l’intention de faire étudier à mes élèves de 1S et 1ES (l’examinateur fera-t-il le lien avec le nom du lycée ?).

 

Billet

Apprenez, ma belle,

Qu'à minuit sonnant,

Une main fidèle,

Une main d'amant,

Ira doucement,

Se glissant dans l'ombre,

Tourner les verrous

Qui dès la nuit sombre,

Sont tirés sur vous.

Apprenez encore

Qu'un amant abhorre

Tout voile jaloux.

Pour être plus tendre,

Soyez sans atours,

Et songez à prendre

L'habit des Amours.

 

 

Complainte

 

Naissez, mes vers, soulagez mes douleurs,

Et sans effort coulez avec mes pleurs.

 

Voici d'Emma la tombe solitaire,

Voici l'asile où dorment les vertus.

Charmante Emma ! tu passas sur la terre

Comme un éclair qui brille et qui n'est plus.

J'ai vu la mort dans une ombre soudaine

Envelopper l'aurore de tes jours ;

Et tes beaux yeux se fermant pour toujours

A la clarté renoncer avec peine.

 

Naissez, mes vers, soulagez mes douleurs,

Et sans effort coulez avec mes pleurs.

 

Ce jeune essaim, cette foule frivole

D'adorateurs qu'entraînait sa beauté,

Ce monde vain dont elle fut l'idole

Vit son trépas avec tranquillité.

Les malheureux que sa main bienfaisante

A fait passer de la peine au bonheur,

N'ont pu trouver un soupir dans leur coeur

Pour consoler son ombre gémissante.

 

Naissez, mes vers, soulagez mes douleurs,

Et sans effort coulez avec mes pleurs.

 

L'amitié même, oui, l'amitié volage

A rappelé les ris et l'enjouement ;

D'Emma mourante elle a chassé l'image ;

Son deuil trompeur n'a duré qu'un moment.

Sensible Emma, douce et constante amie,

Ton souvenir ne vit plus dans ces lieux ;

De ce tombeau l'on détourne les yeux ;

Ton nom s'efface, et le monde t'oublie.

 

Naissez, mes vers, soulagez mes douleurs,

Et sans effort coulez avec mes pleurs.

 

Malgré le temps, fidèle à sa tristesse,

Le seul Amour ne se console pas,

Et ses soupirs renouvelés sans cesse

Vont te chercher dans l'ombre du trépas.

Pour te pleurer je devance l'aurore ;

L'éclat du jour augmente mes ennuis ;

Je gémis seul dans le calme des nuits ;

La nuit s'envole, et je gémis encore.

 

Vous n'avez point soulagé mes douleurs ;

Laissez, mes vers, laissez couler mes pleurs.

 

 

Sixième élégie

 

J'ai cherché dans l'absence un remède à mes maux ;

j'ai fui les lieux charmans qu'embellit l’infidelle.

Caché dans ces forêts dont l'ombre est éternelle,

j'ai trouvé le silence, et jamais le repos.

Par les sombres détours d'une route inconnue,

j'arrive sur ces monts qui divisent la nue.

De quel étonnement tous mes sens sont frappés !

Quel calme ! Quels objets ! Quelle immense étendue !

La mer paroît sans borne à mes regards trompés,

et dans l'azur des cieux est au loin confondue ;

le zéphyr en ce lieu tempère les chaleurs ;

de l'aquilon par fois on y sent les rigueurs ;

et tandis que l'hiver habite ces montagnes,

plus bas l'été brûlant dessèche les campagnes.

 

Le volcan dans sa course a dévoré ces champs ;

la pierre calcinée atteste son passage.

L' arbre y croît avec peine ; et l' oiseau par ses chants

n' a jamais égayé ce lieu triste et sauvage.

Tout se taît, tout est mort ; mourez, honteux soupirs ;

mourez, importuns souvenirs,

qui me retracez l' infidelle ;

mourez, tumultueux desirs,

ou soyez volages comme elle.

Ces bois ne peuvent me cacher ;

ici même, avec tous ses charmes,

l' ingrate encor me vient chercher ;

et son nom fait couler des larmes

que le tems auroit dû sécher.

ô dieux ! Oh ! Rendez-moi ma raison égarée ;

arrachez de mon coeur cette image adorée ;

éteignez cet amour qu'elle vient rallumer,

et qui remplit encor mon ame toute entière.

Ah ! L'on devroit cesser d'aimer

au moment qu'on cesse de plaire.

Tandis qu' avec mes pleurs, la plainte et les regrets

coulent de mon ame attendrie,

j'avance, et de nouveaux objets

interrompent ma rêverie.

Je vois naître à mes pieds ces ruisseaux différens,

qui, changés tout-à-coup en rapides torrens,

traversent à grand bruit les ravines profondes,

roulent avec leurs flots le ravage et l'horreur,

fondent sur le rivage, et vont avec fureur

dans l'océan troublé précipiter leurs ondes.

Je vois des rocs noircis, dont le front orgueilleux

s'élève et va frapper les cieux.

Le tems a gravé sur leurs cimes

l'empreinte de la vétusté.

Mon oeil rapidement porté

de torrens en torrens, d'abîmes en abîmes,

s'arrête épouvanté.

ô nature ! Qu'ici je ressens ton empire !

J'aime de ce désert la sauvage âpreté ;

de tes travaux hardis j'aime la majesté ;

oui, ton horreur me plaît ; je frissonne et j'admire.

 

Dans ce séjour tranquille, aux regards des humains

que ne puis-je cacher le reste de ma vie !

Que ne puis-je du moins y laisser mes chagrins !

Je venois oublier l’ingrate qui m'oublie,

et ma bouche indiscrète a prononcé son nom ;

je l'ai redit cent fois, et l'écho solitaire

de ma voix douloureuse a prolongé le son ;

ma main l'a gravé sur la pierre ;

au mien il est entrelacé.

Un jour le voyageur, sous la mousse légère,

e ces noms connus à Cythère

verra quelque reste effacé.

Soudain il s'écrîra : son amour fut extrême ;

il chanta sa maîtresse au fond de ces déserts.

Pleurons sur ses malheurs, et relisons les vers

qu' il soupira dans ce lieu même.

 

http://www.academie-francaise.fr/immortels/index.html

 

 

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15 septembre 2008 1 15 /09 /septembre /2008 20:53

le site académique de la Réunion accorde une petite place au poète qui a donné son nom à mon lycée (sous l'égide duquel je me suis placé si vous préférez) :

http://pedagogie2.ac-reunion.fr/lyvergerp/Culture/Evariste_de_Parny.htm

1750 élèves, 140 profs, 3 BTS

un carillon délicieux sonne les heures

taux de réussite au bac :

L = 94%

ES = 87%

S = 95 %

Sc ing = 90%

SVT = 96 %

52% avec mention

La sélection qui précède l'année de terminale est sans doute plus exigeante à la Réunion qu'en métropole

Mais quand même, quand je lis Evariste, je me dis qu'il est pour quelque chose dans ces résultats (j'ai recopié un de ses poèmes à la fin de ce post)

Evariste PARNY

né le 6 février 1753 à Saint-Paul (île Bourbon).

Vers dix ans, il est envoyé en France, au collège de Rennes; plus tard il hésite entre se faire moine ou la carrière militaire. Il fréquente la Cour, Versailles, où il rencontre Antoine BERTIN (1752-1790), lui aussi originaire de Bourbon, ainsi que Nicolas-Germain LEONARD (né à la Guadeloupe, 1744-1793). Ils forment un groupe de poètes soldats qui se réunissent chez PARNY, l'hiver à Paris, l'été dans la vallée de Feuillancourt. Ils appellent leur société «la Caserne» où la vie intellectuelle se mêle aux autres plaisirs de la vie en société de jeunes officiers.

Un retour à Bourbon à l'âge de vingt ans, une liaison amoureuse (?) avec Esther Lelivre qu'il nomme Eléonore dans sa poésie. En 1778, parution des Poésies Erotiques, rééditées et complétées en 1784 par les Elégies (inspirées par le mariage d'Eléonore).

Le père de PARNY s'oppose à son mariage avec Esther-Eléonore.

Le Lendemain

« Enfin, ma chère Eléonore,

Tu l'as connu ce péché si charmant.

Que tu craignais même en le désirant :

En le goûtant, tu le craignais encore.

Eh bien, dis-moi, qu'a-t-il de si effrayant?

Que laisse-t-il après lui dans ton âme?

Un léger trouble, un tendre souvenir,

L'étonnement de sa nouvelle flamme,

Un doux regret, et surtout un désir »>

(Premier texte des Poésies Erotiques)

 Il retourne à Paris dont il regrette la vie intellectuelle et brillante, comparée à la monotonie de la vie à Bourbon, «[la nature] est toujours la même : un vert triste et sombre vous donne toujours la même sensation. Ces orangers, couverts en même temps de fruits et de fleurs, n'ont pour moi rien d'intéressant, parce que jamais leurs branches dépouillées ne furent blanchies par le frimas» Dans la même lettre à BERTIN (janvier 1775), il exprime aussi sa révolte contre l'esclavage : «Je ne saurais me plaire dans un pays où mes regards ne peuvent tomber que sur le spectacle de la servitude, où le bruit des fouets et des chaînes étourdit mon oreille et retentit dans mon coeur. Je ne vois que des tyrans et des esclaves, je ne vois pas mon semblable. On troque tous les jours un homme contre un cheval : il est impossible que je m'accoutume à une bizarrerie si révoltante.»>

En 1783, nouveau voyage à Bourbon, l'île de France et en Inde. Il aurait composé les Chansons Madécasses pendant son séjour à Pondichéry.

Publication des Chansons Madécasses en 1787.

PARNY est ruiné par la Révolution, il travaille dans divers ministères, fait paraître des oeuvres, La Guerre des Dieux, Le Portefeuille Volé, Les Déguisements de Vénus.> Marié en 1802, Académie Française en 1803.

Donné par l'Anthologie Poétique française, XVIII° siècle, Garnier-Flammarion, peu d'ouvrages le citent comme membre de l'Acad. Fr., parfois on le donne simplement comme membre de l'Institut de France, fondé en 1795, regroupant les académies Française, des inscriptions et Belles-lettres (fondée en 1664) des sciences (1666), des beaux-arts (1816) et des sciences morales et politiques (1832)

Pensionné par Napoléon en 1813 (pension supprimée par la Restauration), il meurt le 5 décembre 1814 en ayant connu une notoriété certaine.

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Grâce à ma documentaliste préférée, Agnès, je sais enfin où est enterré Evariste Parny : c'est au père Lachaise. Vous devrez attendre janvier pour avoir la photo de sa tombe.

http://www.appl-lachaise.net/appl/article.php3?id_article=101&var_recherche=parny

Pour vous donner une idée de ce qu'est une chanson madécasse, je vous recopie la chanson n°2 (bien connue)

Belle Nélahé, conduis cet étranger dans la case voisine. Etends une natte sur la terre, et qu'un lit de feuilles s'élève sur cette natte; laisse tomber ensuite la pagne qui entoure tes jeunes attraits. Si tu vois dans ses yeux un amoureux désir; si sa main cherche la tienne, et t'attire doucement vers lui; s'il te dit : Viens, belle Nélahé, passons la nuit ensemble; alors assieds-toi sur ses genoux. Que sa nuit soit heureuse, que la tienne soit charmante; et ne reviens qu'au moment où le jour renaissant te permettra de lire dans ses yeux tout le plaisir qu'il aura goûté.

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Je recopie sa lettre à Bertin envoyée de l'île Bourbon en janvier 1775, où l'on voit ses positions anti-esclavagistes :

"L’enfance de cette colonie a été semblable à l’âge d’or : d’excellentes tortues couvraient la surface de l’île ; le gibier venait de lui-même s’offrir au fusil ; la bonne foi tenait lieu de code. Le commerce des Européens a tout gâté : le Créole s’est dénaturé insensiblement ; il a substitué à ses mœurs simples et vertueuses, des mœurs polies et corrompues ; l’intérêt a désuni les familles ; la chicane est devenu nécessaire ; le chabouc a déchiré le nègre infortuné ; l’avidité a produit la fourberie ; et nous en sommes maintenant au siècle d’airain.

Je te sais bon gré, mon ami, de ne pas oublier les nègres dans les instructions que tu me demandes; ils sont hommes, ils sont malheureux; c'est avoir bien des droits sur une âme sensible. Non, je ne saurais me plaire dans un pays où mes regards ne peuvent tomber que sur le spectacle de la servitude, où le bruit des fouets et des chaînes étourdit mon oreille et retentit dans mon coeur. Je ne vois que des tyrans et des esclaves et je ne vois pas mon semblable. On troque tous les jours un homme contre un cheval : il est impossible que je m'accoutume à une bizarrerie si révoltante. Il faut avouer que les nègres sont moins maltraités ici que dans nos autres colonies; ils sont vêtus; leur nourriture est saine et assez abondante: mais ils ont la pioche à la main depuis quatre heures du matin jusqu'au coucher du soleil; mais leur maître en revenant d'examiner leur ouvrage répète tous les soirs: "Ces gueux-là ne travaillent point". Mais ils sont esclaves mon ami; cette idée doit bien empoisonner le maïs qu'ils dévorent et qu'ils détrempent de leur sueur. Leur patrie est à deux cents lieues d'ici ; ils s'imaginent cependant entendre le chant des coqs et reconnaître la fumée des pipes de leurs camarades. Ils s'échappent quelquefois au nombre de douze ou quinze, enlèvent une pirogue et s'abandonnent sur les flots. Ils y laissent presque toujours la vie; et c'est peu de chose lorsqu'on a perdu la liberté. Quelques-uns cependant ont eu le bonheur de gagner Madagascar ; mais leurs compatriotes les ont tous massacrés, disant qu’ils revenaient d’avec les blancs, et qu’ils avaient trop d’esprit. Malheureux ! ce sont plutôt ces mêmes blancs qu’il faut repousser de vos paisibles rivages. Mais il n’est plus temps ; vous avez déjà pris nos vices avec nos piastres. Ces misérables vendent leurs enfants pour un fusil ou quelques bouteilles d’eau de vie."

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