16 novembre 2008
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La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée...
Ô bien-aimée.
L’étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure...
Rêvons, c’est l’heure.
Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l’astre irise...
C’est l’heure exquise.
La Bonne chanson Verlaine
Clair de lune
Lune mellifluente aux lèvres des déments
Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands
Les astres assez bien figurent les abeilles
De ce miel lumineux qui dégoutte des treilles
Car voici que tout doux et leur tombant du ciel
Chaque rayon de lune est un rayon de miel
Or caché je conçois la très douce aventure
J'ai peur du dard de feu de cette abeille Arcture
Qui posa dans mes mains des rayons décevants
Et prit son miel lunaire à la rose des vents
Alcools, Apollinaire
Complainte de la Lune en province
Ah ! la belle pleine Lune,
Grosse comme une fortune !
La retraite sonne au loin,
Un passant, monsieur l'adjoint;
Un clavecin joue en face, 5
Un chat traverse la place :
La province qui s'endort !
Plaquant un dernier accord,
Le piano clôt sa fenêtre.
Quelle heure peut-il bien être ? 10
Calme Lune, quel exil !
Faut-il dire : ainsi soit-il ?
Lune, ô dilettante Lune,
A tous les climats commune,
Tu vis hier le Missouri, 15
Et les remparts de Paris,
Les fiords bleus de la Norvège,
Les pôles, les mers, que sais-je ?
Lune heureuse ! ainsi tu vois,
A cette heure, le convoi 20
De son voyage de noce !
Ils sont partis pour l'Écosse.
Quel panneau, si, cet hiver,
Elle eût pris au mot mes vers !
Lune, vagabonde Lune, 25
Faisons cause et moeurs communes ?
O riches nuits ! je me meurs,
La province dans le coeur !
Et la Lune a, bonne vieille,
Du coton dans les oreilles. 30
Complaintes XVII Jules Laforgue