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18 octobre 2010 1 18 /10 /octobre /2010 17:38

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Aujourd'hui, travail sur de petites additions simples. Autant dire que malgré la clarté et la patience d'Aretha, pour certains des 20 présents, le sens du signe + n'apparaîtra qu'avec le recours aux petits dessins et aux buchettes pour un bon nombre de semaines encore. Pour la plupart cependant, tout va bien. Mais avec les sommes se rapprochant de 10 (2 boîtes de 5) en novembre, ça va se corser. Je ne reviens que le 8 novembre, à cause des vacances malgaches et françaises. Avec pinceaux, crayons de couleurs, markers, pastilles de gouache, peut-être même zordi...

 

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12 octobre 2010 2 12 /10 /octobre /2010 01:53

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Après une multitude de réparations avant les prochaines, la 4L a bien voulu m'emmener ce matin à Ramena. J'ai été accueilli en musique car Aretha fait bon usage du lecteur audio-video que lui ai apporté samedi 2. Elle avait installé des affichages, les élèves ont travaillé les syllabes, l'oral et la lecture de l'alphabet comme je le souhaitais. Procédé La Martinière à tout moment et c'est ce qu'il faut faire. Je suis passé auprès de chacun pour qu'il me dise son nom "je m'appelle Aïcha", "je m'appelle Augustin" etc Et même les élèves qui s'expriment plus en malgache qu'en français m'ont fait entendre leur voix tout de suite : il faut dire que j'ai été accueilli triomphalement "Bonjour Jean-Claude!". On travaille les couleurs avec une comptine : le lundi est tout gris, jaune clair est le mardi, et voici le mercredi rose, jeudi bleu vient à son tour, vendredi vert le suit toujours, samedi rouge, dimanche blanc, c'est la joie pour les enfants"
Les nouveautés d'aujourd'hui : - de quoi suspendre 5 affichages - 2 dicos - 1 Bled - les crocolivres tome 2 - des ardoises - 4 cédés de comptines en double exemplaire- 7 tampons malgaches d'animaux - un zordi sans son avec clavier naze mais peut lire les formats texte et image.
A la récré, après la première demi-matinée, Aretha allaite Hakim, son fils d'un an, et me demande une trousse à pharmacie pour la prochaine fois. Puis travail sur la numération.

Photos prises ce matin avec le petit Nikon coolpix L16 qui marche encore miraculeusement puisque un chauffeur de taxi indélicat m'a volé ma sacoche vendredi dernier et qu'elle contenait l'Olympus SP570 UZ (+ lunettes de vue, téléphone, clé 3G, carte d'identité, grosse somme d'argent, carnets d'adresse etc)

 

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Beaucoup de photos sur le lavage des mains aujourd'hui car c'est vraiment une cérémonie prise légitimement au sérieux.

 

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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 19:47

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Naissance d'un CP à Ramena
La recette :
1/ apporter en plusieurs voyages depuis la France ou de la Réunion, en bagage soute et cabine, voire frêt cargo, 30 ardoises, 450 buchettes, des séries usagées (Crocolivres, Ratus, Comme un livre, Boscher) (merci Milie, Isabelle, Marielle, Roseline), crayons de couleur, pâte à modeler, jeux, cahiers, craies, gilets gonflables (pour apprendre à nager) etc
2/ avoir la chance d'arriver au moment (mars) où l'association "La maternelle de Ramena" de Swanie, Monique et Dadapierre http://www.normada.com/maternelleramena/, a décidé de se lancer dans l'aventure du CP. Les parents des élèves des 3 sections petite moyenne et grande, 30 élèves chacune, veulent éviter l'école publique (70 élèves / classe). Après beaucoup de péripéties pour trouver le terrain où construire la salle de classe, la situation se débloque fin août. Mais quelqu'un (comme ça personne n'est visé) nous a quand même fait croire plus d'un mois qu'il voulait bien nous louer un terrain ... qui ne lui appartient pas !  
Première semaine de septembre, la présidente se rend à Mayotte et le Lion's club met la main à la poche. C'est gagné
3/ Dadapierre, qui veut créer une autre école au Burkina-Faso, a la bonne idée de me rencontrer en mai et de me demander de prendre la suite de son rôle de conseiller : pour moi qui ai commencé ma carrière d'instit stagiaire en prenant en charge le CP de l'école d'application de l'école normale d'instituteurs d'Angers en octobre 1967, c'est du pain bénit. Oui, 1967, j'avais dû demander une dérogation au recteur car j'étais trop jeune, j'ai retrouvé ça dans mon dossier administratif fin août, 43 ans après, on ne rit pas.

La pratique :
Arrivé le 22 septembre sur la Grande île au lieu du 1er, j'ai d'abord donné la priorité au lycée où 11 classes étaient sans prof d'histoire des arts / arts plastiques depuis 3 semaines. 4 semaines après le cauchemar des 9 jours d'hospitalisation à St-Pierre, la main droite continue bravement de faire le job que la gauche refuse de faire. Et c'est ainsi que dès samedi 25, ma 4L (bien chargée, réparée la veille et l'avant-veille) m'a emmené à Ramena d'une main. Certes, j'ai dû l'abandonner lundi aprem non sans avoir tapé comme un malade sur le démarreur pour le décoller, mais qu'importe ! un petit voyage en taxi-brousse n'a jamais fait de mal à personne. Au départ : 17 passagers. A l'arrivée environ 25 + des chèvres sur le toit. Pour une 404 pick-up, c'est pas mal. Ce qui n'est pas rassurant, ce sont les déformations incessantes de la carrosserie, les crissements du métal lors du franchissement des passages bosselés de la piste, et les kilomètres de descente moteur coupé pour économiser le gas-oil. Mais bon. Une amie malgache m'a dit tout à l'heure que son taxi-brousse avait transporté 40 passagers sur le même trajet la veille. Ajoutons que la vaillante 4L (qui a dépassé les 500 000 kilomètres depuis longtemps) ne démarre le matin que si je lui verse son fond de verre d'essence au fond du gosier (le carbu) comme une bonne alcoolo. J'irai la chercher samedi prochain avec une pompe à essence d'occas.
Je rentre le soir épuisé (maux de ventre en dépit du colicalm et du bactrim, les malgaches eux ont le Kibouvi c'est-à-dire un ventre en fer), vent incessant à décorner les zébus, complications administratives et douanières, torture permanente du spectacle de malgaches qui crèvent la faim, qui font la manche et qui sont persuadés que le vasaha que je suis va les tirer de la misère alors que je ne suis pas résident ou expat mais en contrat local (même salaire qu'un malgache), mais Edwige ma femme de ménage pense à tout : cuisine, lessive, courses, ménage, je n'ai plus qu'à essayer de dormir (pas facile avec la lune et les aboiements des bonchiens).
Donc, lundi matin, Aretha m'accueille dans sa salle de classe. 17 élèves seulement (dont Romain, vasaha) : beaucoup d'absents. La veille, avait eu lieu une grande fête vocale et musicale sur la plage ! Ritualité : les enfants récitent les phrases d'usage : "Bonjour Maîtresse, bonjour les amis ... mains en l'air, mains aux épaules et en avant ... " puis l'appel, chacun répond "présent(e) maîtresse", des petits poulets circulent sous les tables, et on passe à la date du jour : "les 7 jours de la semaine sont lundi, mardi etc [...] quel jour on était hier ?" etc Chaque bonne réponse est suivie d'un fracas d'applaudissements. Mais voilà qu'un petit pleure à chaudes larmes. Son papa ne lui a pas mis de sirop dans sa gourde. Voilà justement le papa (alerté comment ?) qui arrive, parle en malgache à son fils. Que lui dit-il ? Sans aucun doute, qu'il n'a pas d'argent ce matin. Sans doute aussi qu'il en aura demain. Mais personne pour lui expliquer qu'il n'a pas besoin d'acheter du sirop chimique. Un peu de sucre de canne et des fruits de tamarin feraient l'affaire presque gratuitement. Chacun écrit (ou essaie d'écrire) son prénom en minuscules et en majuscules sur son ardoise. Puis l'alphabet, les nombres de 1 à 10, le nombre de doigts que Maîtresse montre.
A la récré, Aretha et moi, on se creuse pour résoudre le problème de l'affichage dans cette salle provisoire. Problème aussi de lecteur MP3. Lavage des mains très soigneux. Des enfants disciplinés et motivés qui m'adoptent. Emouvant.
Aretha ne me cache pas qu'elle compte sur mon soutien. Elle n'a jamais enseigné qu'en maternelle. Je vais faire de mon mieux. Mais samedi prochain, je ne ferai que l'aller-retour, je ne verrai pas les enfants : je dois être à Tana le lendemain pour une semaine de stage d'Histoire des Arts. La veille, dimanche 26, un orchestre (bon) avait égayé les clients du Badamera Café. Un bon moment et une diversité musicale qui passait par des morceaux franco-français des années 50. Nostalgie.
Dès que j'ai un moment, je vous parle un peu de ce que je prévois pour les 250 élèves qu'on me confie au lycée français. Pour l'instant, c'est surtout emmener à la déchetterie des m3 et des m3 de matériaux usagés et nettoyer pour que je puisse entreposer un minimum de matériel de dessin dans ma salle. A côté du cagibi attenant à ma salle de classe, les écuries d'Augias sont une plaisanterie. En dépit de mon onduleur/régulateur, les surtensions ont eu raison de mon acer aspire one en 48h. Dur. Heureusement, j'ai encore le MSI. Et 3 disques durs externes de 500G° bien organisés. J'ai acheté une imprimante/scanner/photocopieuse et elle marche ! Heureusement car trouver de l'aide en informatique ici ce serait difficile difficile.
Pour consoler ceux qui ont peur (je les comprends) et ceux qui n'ont pas l'argent du billet d'avion, voici quelques liens. Pour ceux qui veulent seulement lire, voyez Octave Mannoni, Jean Paulhan, Antoine (le chanteur).
Pas très bien compris les 4 ou 5 collègues qui ont désapprouvé mon départ, le bonheur serait-il dans le fric ? Je rappelle quand même que depuis que j'ai déposé mon dossier de retraite en février, la Réunion (Université, IUFM, Rectorat) ne m'a jamais rien proposé.
http://www.linternaute.com/video/62477/antoine-vous-emmene-a-madagascar/
http://patriciabourgeois.uniterre.com/29409/Passage+du+Cap+d%26%23039%3BAmbre.html
http://spiritua.typepad.com/round-the-world/madagascar/
http://madagascar.blog.lemonde.fr

 

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19 août 2009 3 19 /08 /août /2009 08:53
Sept enfants dans une classe et huit dans l’autre, la rentrée s’est déroulée sans stress à l’école de Grand-Place. (Photo Guy Albalin)

NDLR : aucune voiture à Mafate ; on est à plusieurs heures de marche d'une route goudronnée avec des dénivellés très importants

 Mafate : “c’est la plus belle école de la Réunion”

CLICANOO.COM | Publié le 19 août 2009
RENTRÉE SCOLAIRE. Comme des milliers d’élèves de la Réunion, le Journal de l’île a pris le chemin de l’école. Sac sur le dos, nous sommes allés voir comment se passait la rentrée dans une école du cirque de Mafate. Bienvenue à l’école Léonard Thomas de Grand-Place.

http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=218569&page=article

C’est une école en l’air, un peu à l’écart, perchée dans les hauts de la Possession. Une école mafataise, composée de deux classes bois sous tôle, où la rentrée s’est faite sans stress apparent. Une école dont on pourrait penser a priori qu’y travailler est sans doute un peu galère. Mardi, à 8 h 15 tapantes, l’école Léonard Thomas de Grand-Place ouvre ses portes et ses fenêtres. Le tourniquet arrose en continue les semis de pelouse du futur terrain de foot. Deux enseignants permanents, un autre itinérant et, seulement, quinze élèves y ont rendez-vous pour entamer une nouvelle année scolaire. Avec un effectif aussi réduit, forcément, tout le monde se connaît. Alors rien d’étonnant à ce que la directrice accueille une élève de CM1, d’un “Tiens, voilà notre star !”. La star, c’est Coralie Thomas, en provenance de Cayenne, un charmant îlet situé en contrebas, à dix minutes de marche soutenue. Paillettes dans les cheveux, blouson à damier rose fluo qu’il faut, et, un sac à dos quasi vide, ne contenant que son goûter, Coralie a pris soin de faire une petite bise à sa maman avant de prendre le sentier buissonnier de l’école. Sa grande sœur, Sandrine l’accompagne. Elle travaille comme assistante d’éducation dans l’établissement. Il y a aussi deux journalistes qui l’amusent avec leur appareil photo et l’agacent avec leurs questions. “Alors, t’as la trouille de rentrer à l’école ?”, lui demandent-ils. La réponse est catégorique : “Non !”. Quelques virages plus loin, après s’être signée devant le “ti bondié” , le pas se fait moins pressé. Coralie ne connaît pas vraiment son nouveau maître, Olivier.

Ici, la pédagogie personnalisée est une évidence...

L’inquiétude est vite dissipée. Katia Bréger, la directrice fait tintinnabuler la clochette. Sept “nains” de maternelles et de CP se rassemblent devant sa classe. Les huit grands du cours moyens, en font autant de leur côté. Cette année, il n’y a aura pas de cours élémentaires. “Il y a un trou dans la démographie. C’est comme ça !”, indique, la directrice. Les effectifs de son école ont bien baissé depuis sa création, il y a vingt ans. Mais cette année, il y aura encore un petit nouveau, Miguel. Retour en classe. Une fois les présentations accomplies, Coralie prend la plume. Rédaction. Mister Denis (lire par ailleurs), leur professeur d’anglais, assiste à la scène. C’est sa toute première rentrée. Il sort de la classe et nous rapporte en chuchotant : “C’est incroyable, ça fait à peine quarante minutes qu’on est rentré et Olivier a déjà repéré les failles de chaque élève. Il sait sur quoi il devra travailler avec chacun”. La pédagogie individualisée, différenciée, personnalisée... Appelez-la comme il vous plaira, mais c’est un luxe que nombre d’enseignants des bas voudraient pouvoir mettre en œuvre. Car contrairement à ce que l’on aurait pu penser, enseigner à Grand-Place, c’est avoir la chance de pouvoir faire du “sur-mesure”. Les niveaux multiples dans chaque classe augmentent encore davantage le travail de préparation. Mais la satisfaction est énorme pour les enseignants. Katia est en poste ici depuis trois ans. Elle a du mal à s’imaginer travailler ailleurs. Hormis quelques problèmes d’intendances (lire ci-dessous), rien ne peut venir remettre en cause sa vie d’instit des hauts. La semaine commence ici le lundi après-midi et se termine le jeudi soir. Le mercredi, il y a école ! Mais après, il y a une pause de trois jours pour se remettre. Encore que, avec sept élèves, Katia reconnaît être privilégiée. La tête assommée par le bruit des marmailles, comme dans les grosses écoles d’en bas, elle ne connaît pas. “C’est la plus belle école de la Réunion, assure-t-elle crânement. Celle où les conditions d’enseignement sont les meilleures. On a un lien privilégié avec les enfants, les parents. Moi, mon école m’a manqué pendant les vacances. On s’y investit sans doute un peu plus que les enseignants dans les écoles des bas”. Au vu de cette première journée, on n’était pas loin d’en être persuadé

Yoann Guilloux

Quelques ombres au tableau...

Et vous, si on vous proposait d’enseigner à Grand-Place, vous répondriez quoi ? Les trois professeurs de cette école nous ont convaincus que sur le plan pédagogique, il était difficile de trouver mieux. Les deux classes sont loin, mais alors très loin d’être surchargées (sept et huit marmailles répartis en deux classes). Ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de toutes les écoles mafataises. A Roche-Plate, l’enseignante doit tenir d’une main de maître une classe de 21 élèves. Cela peut sembler tout à fait acceptable. Sauf que tous les niveaux y sont présents. Dur dur ! Rien de tel à Grand-Place. Avec des effectifs réduits, l’enseignement personnalisé devient un vrai plaisir. Mais il y a quelques ombres au tableau. Certes le cadre est magnifique mais, il faut composer avec les dépressions cycloniques, les tempêtes tropicales et même les fortes pluies. Une journée de pluie un lundi peut compromettre le retour de l’équipe. Et puis il y a la logistique. Il faut tout planifier. Encore plus qu’ailleurs. Lundi, un hélicoptère mis à disposition par le rectorat a livré tout le matériel nécessaire pour assurer les cours jusqu’aux vacances de janvier. Ce sera la seule et unique liaison prise en charge. Il faut aussi faire avec les aberrations et les lourdeurs administratives. Par exemple, l’école doit être dotée d’une quinzaine d’ordinateurs portables et d’un tableau numérique interactif, alors qu’il est déjà compliqué de faire tourner à l’énergie solaire l’actuel ordinateur de l’école... Le jour de la pré-rentrée, la directrice de l’école, Katia Bréger, découvrait avec stupéfaction, que les classes n’avaient pas été repeintes par la municipalité de la Possession comme promis. Une mésentente de plus. L’école devait aussi être équipée de deux nouveaux sanitaires - fort coûteux- pour cette rentrée. L’hélicoptère n’a rien livré. Mais le téléphone mafatais fonctionne entre enseignants. La directrice envie les écoles mafataises placées sous la houlette de la municipalité de Saint-Paul, dont le sort s’est paraît-il nettement amélioré.

 

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3 mars 2009 2 03 /03 /mars /2009 07:57

Je publie ce texte parce que depuis 1967 (instituteur stagiaire chargé d'un CP), j'ai ressenti et pensé ceci qu'on peut lire en conclusion : "On entre en pédagogie quand on abandonne toute attitude de mépris envers l'élève qu'on crédite de toute l'intelligence possible, malgré les erreurs qu'il peut faire. Et aussi toujours par une grande colère contre la condition qui est faite aux élèves, aux formés, aux étudiants, aux stagiaires...  du fait des pesanteurs du système et des réformes de gribouille qui prétendent l'améliorer. Or nos réformateurs pratiquent volontiers le mépris." 


Sarkozy pédagogue ?

Michel Fabre (CREN) Université de Nantes

A l'évidence, les réformes actuelles de la formation des maîtres ont une cohérence globale libérale mais sont traversées de tensions multiples. Si le souci de réaliser des économies n'échappe à personne, les composantes proprement idéologiques qui les animent sont plus délicates à démêler. Il semble y avoir quelque tension entre deux courants au moins. Il y a ceux qui veulent liquider les derniers effets de la loi Jospin (l'esprit de 1989 !), comme en témoigne la volonté de dissolution des IUFM. Et ceux qui - malgré tout - ne peuvent se résoudre à évacuer toute formation professionnelle des nouvelles maquettes, comme en témoigne la lettre de cadrage du ministère de l'enseignement supérieur ainsi que les recommandations de l'AERES.

Toutefois, il est plus que probable que - malgré certaines bonnes volontés affichées - les conditions d'organisation des futures Masters de la formation de maîtres ne rendent extrêmement difficile (en particulier pour le second degré) une initiation à la pédagogie, qui me semble pourtant constituer le coeur de la professionnalisation. Il est à craindre que les futurs professeurs aillent au charbon « les mains nues », ce qui est d'autant plus inquiétant que le métier devient de plus en plus difficile.

Ce qui est paradoxal, c'est que l'indifférence pour la pédagogie dans l'enseignement se double d'une inflation de la pédagogie partout ailleurs qu'à l'école. Mr Sarkozy nous dit : vous êtes contre les réformes ? Mais elles ne sont pas mauvaises ! C'est seulement que vous les avez mal comprises ! On va vous les réexpliquer ! D'ailleurs, ce sont les seules possibles. Il n'y a pas d'alternative politique, il y a ceux qui comprennent et ceux qui ne comprennent pas. Le discours politique réduit la pédagogie à la « com » en infantilisant les citoyens, tout en ignorant cette pédagogie qui fait le propre du métier d'enseignant. La pédagogie a droit de cité partout sauf à l'école : les médecins préfèrent prévenir que guérir, les policiers et les juges (mais c'est en train de changer) avertissent avant de sanctionner. Bref, la société pédagogique infantilise les adultes mais prétend que les enseignants n'ont pas besoin de pédagogie pour instruire les enfants.


I. La liquidation des IUFM, face obscure de la masterisation

Il faut lire la dissolution des IUFM dans l'entreprise de liquidation de la loi Jospin de 89, loi éminemment « pédagogique ». Pour les antipédagogues, cette loi recelait (entre autres) trois défauts majeurs :

a) elle prétendait placer « l'élève au centre du système éducatif ».

En convoquant maladroitement l'image du cercle, elle ravivait les vieux débats de l'histoire de la pédagogie (ceux des années 1920 en Europe et aux USA,) entre une école centrée sur l'enfant et une école centrée sur le savoir, comme s'il y avait quelque chose à gagner à apposer ainsi les deux termes ! Ce dualisme paralysant que dénonçait déjà le philosophe John Dewey au début du XXème siècle, se doublait d'une méfiance envers le culte expressionniste d'un enfant roi. C'était oublier que le slogan de « l'école centré sur l'enfant », aussi maladroit fût-il, émanait d'un pédagogue allemand des plus austères, Adolf Diesterweg (1790-1866) et qu'Octave Gréard, collaborateur de Jules Ferry, l'avait repris à son compte en 1892. Ces pédagogues sourcilleux ne militaient pas au nom d'une doctrine permissive et laxiste mais bien dans un souci humaniste d'amélioration de l'enseignement. C'est pourtant cette idolâtrie de l'enfance que bien des intellectuels médiatiques croient combattre en dénonçant la démagogie de la loi de 1989.

b) La loi Jospin recélait un autre défaut majeur, celui de vouloir former, dans une même institution, des instituteurs et des professeurs du secondaire et de promouvoir dans les faits l'unification du corps enseignant.

Qui connaît quelque peu l'histoire de ces corps professionnels appréciera ce qu'avait d'utopique cette résolution. Si l'unification administrative du corps enseignant a été réalisée, on est loin de l'unification idéologique. C'est important pour notre propos : la pédagogie c'est à la rigueur bon pour les instituteurs « ces incapables prétentieux » (d'après le titre de d'un article célèbre de la sociologue Vivianne Isambert-Jamati qui fait une analyse critique du discours méprisant à l'égard des instituteurs (Cf Revue Française de pédagogie, n°73 oct-nov-dec 1985), mais le professeur de lycée, l'homme vraiment cultivé, qui possède le savoir n'en a pas besoin.

c) Le troisième défaut, le plus grave, de la loi Jospin est l'instauration des IUFM, parce que ce geste confère une forme institutionnelle à la formation professionnelle et consacre d'une certaine manière, et sous des formes nouvelles (en particulier l'analyse des pratiques, les didactiques) l'idée de pédagogie. Les IUFM furent accusés, depuis leur mise en place, de vouloir généraliser à l'ensemble du corps professionnel, les pratiques douteuses des Ecole normales d'autrefois et d'infantiliser les futurs maîtres en leur inculquant des recettes pédagogiques en lieu et place d'un véritable savoir académique. La réforme actuelle (la mastérisation) n'impliquait aucunement la dissolution des IUFM. Leur liquidation s'inscrit pourtant dans une stratégie politique assez perverse : 1) premier acte : intégration des IUFM dans l'Université : qui pourrait être contre ? 2) deuxième acte : élévation de la formation des maîtres au niveau Master : qui pourrait être contre ? 3) troisième acte (sans être trop pessimiste !) : l'IUFM Ecole interne de l'université ne conserve que les formations inassimilables par l'université : en gros, les Professeurs d'Ecoles, les Conseillers d'Education et l'enseignement spécialisé. La stratégie est perverse car elle évite toute attaque frontale, entraîne l'adhésion à chacune des étapes, tout en occultant sa finalité : rendre impossible dans les faits, une véritable formation professionnelle des enseignants du secondaire.


II. La pédagogie : pourquoi tant de haine ?

La pédagogie, en France, n'a aucune légitimité. Elle ne fait pas partie de la culture. Elle fait l'objet d'un profond mépris de la part de l'intelligentsia. Il faut entreprendre - le plus scientifiquement possible - la généalogie de cette passion française : la haine de la pédagogie. Parce que mon propos risque d'être pris pour un plaidoyer pro domo, je m'abriterai sous l'autorité d'Emile Durkheim sociologue certes mais aussi historien de l'éducation.

Nous sommes en 1904, autre époque de réforme, celle qui voit se recomposer les curricula des Lycées avec notamment l'introduction d'un enseignent moderne de sciences à côte des humanités. Emile Durkheim fait un cours en Sorbonne aux futurs professeurs de Lycée. Ce n'est donc pas d'aujourd'hui que l'on envisage une formation des enseignants à l'université. Ce qui est plus original, c'est qu'il leur fait un cours de pédagogie (ou plutôt d'histoire de la pédagogie), cours qui sera publié par Maurice Halbwachs, en 1936, sous le titre de L'Evolution pédagogique en France (publié désormais aux PUF). Je vous propose quelques extraits du chapitre liminaire, lesquels ont à peine besoin d'être commentés, tant ils s'avèrent actuels.

Durkheim commence par justifier l'idée d'un cours de pédagogie qui ne semble pas aller de soi :

« Il y a tout d'abord un vieux préjugé français qui frappe d'une sorte de discrédit la pédagogie d'une manière générale. Elle apparaît comme un mode très inférieur de spéculation. Par suite de je ne sais quelle contradiction, alors que les systèmes politiques nous intéressent, que nous les discutons avec passion, les systèmes d'éducation nous laissent assez indifférents, ou même nous inspirent un éloignement instinctif. Il y a là une bizarrerie de notre humeur nationale que je ne me charge pas d'expliquer. Je me borne à la constater ».

Pourtant, continue Durkheim, aujourd'hui il n'y a aucune activité humaine qui puisse s'opérer sans réflexion. Le général réfléchit à ses plans de bataille, c'est la stratégie, le médecin réfléchit à la manière dont il porte ses diagnostics et délivre ses prescriptions, c'est la clinique ; l'homme d'état réfléchit (du moins on l'espérerait aux réformes qu'il entreprend) et c'est la politique. L'enseignant serait-il le seul à ne pas réfléchir à ses pratiques et sur ses pratiques ?

« La pédagogie - dit Durkheim - n'est autre chose que la réflexion appliquée aussi méthodiquement que possible aux choses de l'éducation... La question est de savoir non s'il faut s'en servir, mais s'il faut s'en servir au hasard ou avec méthode ; or, s'en servir méthodiquement, c'est faire de la pédagogie ».

Pour Durkheim, la pédagogie n'est ni un don, ni un art, ni une science. Ce n'est pas un don qu'on recevrait ou non à la naissance ! Pour Durkheim, on ne naît pas pédagogue, on le devient. Et on le devient par l'exercice méthodique de la réflexion sur ce que l'on fait, sur ce que l'on va faire et sur ce que l'on a fait. La pédagogie n'est donc pas un art et ne consiste pas simplement en recettes empiriques apprises sur le tas par compagnonnage, comme le voudrait le ministre Darcos.

La pédagogie n'est pas non plus une science. Elle ne se confond pas avec la ou les sciences de l'éducation. Les sciences de l'éducation éclairent l'acte pédagogique mais les problèmes pédagogiques ne sont pas réductibles aux problèmes scientifiques : ce sont des problèmes de la pratique, ici et maintenant dans ce contexte singulier et le plus souvent dans l'urgence, qui engagent des décisions à la fois techniques et éthiques ! Dans d'autres textes, Durkheim fera de la pédagogie une discipline « praxéologique » comme on dirait aujourd'hui, à l'instar de la médecine ou de la stratégie. Cela signifie que la pédagogie est pour lui de l'ordre de la théorie non de la pratique, mais d'une théorie de la pratique ou comme l'écrira Durkheim relève d'une théorie-pratique ! La pédagogie est donc pour Durkheim une réflexion de l'acteur sur sa pratique en vue de l'améliorer. Il ajoute qu'il faut donner aux enseignants une culture professionnelle à base de sciences humaines, pour éclairer cette réflexion : d'où les sciences de l'éducation.

On écoutera la différence avec le discours du Ministre Darcos surRMC, le 12 février 2009 :

«Aujourd'hui (...) les professeurs passent un concours, ils sont mis dans l'Institut de formation des maîtres, où on leur apprend des théories générales sur l'éducation et de temps à autre, ils vont remplacer un professeur absent. C'est pas comme ça qu'on forme des gens. Autrement dit, ils sont sans arrêt devant un simulateur de vol. Alors que dans le système que je propose, ils ne seront pas dans un simulateur de vol».

On se demande bien ce que serait une formation moderne de pilotes de ligne qui n'utiliserait pas de simulateur de vol et qui enverrait directement les futurs pilotes aux commandes d'un Air Bus ou d'un Boeing, sans même avoir d'instructeur avec eux. Précisément, ce que demande Durkheim, c'est bien quelque chose comme un simulateur de vol. Non pas pour remplacer l'expérience elle-même mais pour l'accompagner, l'analyser et réfléchir sur elle. Ce ne serait pas un mal, ce serait même sans doute un grand progrès si la nouvelle formation des maîtres s'inspirait de celle des pilotes ! Il est vrai qu'elle risquerait de coûter plus cher !


III. La pédagogie c'est bon pour les instituteurs.

Durkheim poursuit sa réflexion sur cette passion française qu'est le mépris de la pédagogie. Même ceux qui sont les plus hostiles à l'idée de pédagogie la réserve à l'école primaire :

« On dit couramment - dit Durkheim - qu'une préparation pédagogique est nécessaire à l'instituteur, mais que, par une grâce d'état, le professeur de lycée n'en a pas besoin. »

Le futur professeur - dit on - est doté d'une large culture acquise à l'université, il a observé comment enseignaient ses maîtres. Sa culture et ses souvenirs lui suffisent donc comme bagage pédagogique. La réponse de Durkheim pourrait paraître banale si elle n'était pas plus que jamais aujourd'hui intempestive. D'abord, répéter demain les gestes de son professeur d'hier alors que le contexte même de l'enseignement aura changé, c'est de la routine. Or la réflexion pédagogique, c'est précisément l'antithèse à la routine. Oui, mais la culture, le savoir ? Conditions nécessaires mais non suffisantes pour enseigner répond Durkheim : « En vérité, on se demande comment, par cela seul que le jeune étudiant sait critiquer les textes anciens, ou parce qu'il est rompu aux finesses des langues mortes ou vivantes, ou parce qu'il possède une érudition d'historien, il se trouverait, par cela seul, au courant des opérations nécessaires pour transmettre aux enfants l'enseignement qu'il a reçu. Il y a là deux sortes de pratiques très différentes et qui ne peuvent être apprises par les mêmes procédés. Acquérir la science, ce n'est pas acquérir l'art de la communiquer ; ce n'est même pas acquérir les notions fondamentales sur lesquelles cet art repose».

On ne fera pas dire à Durkheim que le savoir est inutile pour enseigner. Au moment où le lycée est en recherche de nouvelles humanités scientifiques, il faudra de bons mathématiciens, de bons physiciens pour enseigner. Simplement, Durkheim affirme tranquillement et avec force cette évidence que l'on aurait crue accessible à un ministre de l'éducation, lui-même ancien professeur et ancien inspecteur de l'éducation nationale : la pratique scientifique et la pratique pédagogique sont d'ordres différents. Et elles s'acquièrent par des moyens différents. On dira que Durkheim fait ici un cours magistral d'histoire de la pédagogie. Mais - comme il le souligne lui-même, il ne s'agit pas ici d'érudition. Il s'agit de donner une culture pédagogique c'est-à-dire d'éclairer la réflexion des futurs enseignants.

Durkheim enfonce donc le clou ! Loin que l'on doive réserver la pédagogie à l'école primaire, c'est le secondaire qui en a le plus besoin. Parce c'est un système plus complexe que l'enseignement primaire. Pourquoi ? pour deux raisons dit Durkheim. D'abord parce qu'il y existe une division du travail pédagogique (plusieurs maîtres pour une même classe), ce qui menace l'unité d'esprit de l'enseignement. Comment l'élève va-t-il s'y retrouver dans cette profusion de matières enseignées ? Comment va-t-il pouvoir en faire une synthèse. Deuxième raison, l'enseignement secondaire est fait par des spécialistes, mais n'est pas fait pour former des spécialistes.

Chacun enseigne sa discipline comme si elle était la seule alors qu'il faut se demander quel est le but à atteindre : former un honnête homme, un citoyen. « Très souvent, conclut Durkheim, on raisonne comme si tout le monde savait ce que c'est que former un esprit ».

En fait, dit Durkheim, c'est l'enseignement secondaire qui a le plus besoin de pédagogie, parce qu'il est en crise, parce qu'il faut repenser ce qui est à enseigner et comment l'enseigner. Nous sommes en 1904, la vieille foi dans les humanités s'estompe et le nouvel humanisme fondé sur une culture scientifique n'est pas encore là. Durkheim voit dans la crise de l'enseignement secondaire quelque chose qui touche aux schèmes les plus profonds de l'idéal éducatif de l'école telle que la chrétienté du haut moyen âge nous la légué. Pour lui, l'école moderne (notre école) nait à l'ombre des cathédrales du VIIIème siècle. Alors les chrétiens se posent la question de l'unité de l'enseignement : unité de lieu (une même classe), une même équipe de maîtres soumettant les élèves pendant un temps long à un même influence. Ils de posent aussi la question de l'initiation à l'encyclopédie :

comment initier l'élève aux différentes branches du savoir, sans prétendre tout lui enseigner ni sans en faire un spécialiste ? Ils se posent enfin la question de savoir ce que veut dire former un esprit et pour eux cela ne se résume pas à enseigner des connaissances mais à initier une véritable éducation intellectuelle qui fait que l'esprit en est tout changé, ce qu'ils pensent sous l'idée de conversion. La crise des lycées du début du XXème siècle questionne donc les trois schèmes de l'idéal éducatif de l'école moderne : quelle nouvelle unité d'enseignement proposer ? Comment penser un nouveau curriculum ? Que peut vouloir dire aujourd'hui former un esprit ? C'est donc pour répondre aux questions du présent que Durkheim propose une réflexion pédagogique fondée sur l'histoire. Qui ne voit que les questions que l'on se pose en 1904 sont encore les nôtres ou du moins sont du même genre que les nôtres ? Quand Durkheim qualifie la crise du début du XXème, on croirait entendre notre collègue Philippe Meirieu. Ecoutons plutôt :

« Aussi la nécessité d'une éducation pédagogique apparaît comme beaucoup plus pressante pour le lycée que pour l'école primaire. Il ne s'agit pas simplement d'apprendre à nos futurs professeurs le maniement d'un certain nombre d'heureuses recettes. Il faut poser devant eux le problème de la culture secondaire dans sa totalité. Or, c'est précisément à quoi tend l'étude que nous allons commencer cette année ».

Durkheim critiquerait probablement une réforme qui - dans ses dispositions pratiques - sinon tout à fait dans son esprit, consacrerait à nouveau une nouvelle partition du corps enseignant : aux professeurs du secondaire la vraie culture disciplinaire et savante les dispensant de la pédagogie, celle-ci étant réservée aux instituteurs (pardon aux professeurs des Ecoles), aux CPE et aux autres formations non solubles dans les disciplines universitaires.

Conclusion

En plaçant ma réflexion sous l'autorité de Durkheim, je suis bien conscient qu'il s'agit ici d'un cours de pédagogie en Sorbonne et non pas d'une situation de formation professionnelle en alternance comme on le voudrait aujourd'hui. Mais Durkheim en retraçant l'histoire de la pédagogie tente de restituer les problématiques éducatives que chaque époque a élaborée et les solutions qu'elles y ont trouvées. Il veut ainsi sensibiliser les futurs professeurs à la chose pédagogique et les encourager à développer à nouveaux frais, pour le présent, cette réflexion sur leurs pratiques en vue de les améliorer. Il cherche à leur insuffler - dit il - une foi nouvelle. Et dans d'autres textes, il insistera beaucoup sur la spécificité de la pédagogie comme réflexion sur la pratique en vue de l'améliorer. Or il est à craindre que la foi du pédagogue soit mise en péril par le mépris dont il fait l'objet. Ne serait-ce que par la succession chaotique des réformes plus ou moins pensées dont l'enseignement fait l'objet. Ecoutons une dernière fois Durkheim :

« Mais ce n'est pas tout. L'enseignement secondaire traverse depuis plus d'un demi-siècle une crise grave qui n'est pas encore, il s'en faut, parvenue à son dénouement. Tout le monde sent qu'il ne peut pas rester ce qu'il est, mais sans qu'on voie encore avec clarté ce qu'il est appelé à devenir. De là toutes ces réformes qui se succèdent presque périodiquement, qui se complètent, se corrigent, parfois aussi se contredisent les unes les autres ; elles attestent à la fois les difficultés et l'urgence du problème ».

L'idée de Durkheim était qu'en période de crise, les enseignants auraient besoin d'une solide culture pédagogique pour ne pas se faire étourdir et décourager par les agitations des réformes et contre réformes. Sarkozy et Darcos devraient lire Durkheim. En se souvenant également des enseignements des grands pédagogues. On entre en pédagogie quand on abandonne toute attitude de mépris envers l'élève qu'on crédite de toute l'intelligence possible, malgré les erreurs qu'il peut faire. Et aussi toujours par une grande colère contre la condition qui est faite aux élèves, aux formés, aux étudiants, aux stagiaires...  du fait des pesanteurs du système et des réformes de gribouille qui prétendent l'améliorer. Or nos réformateurs pratiquent volontiers le mépris. Et s'ils s'indignent, ce n'est pas toujours quand il faudrait ! Sarkozy pédagogue ? Concluez vous-même !

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28 février 2009 6 28 /02 /février /2009 15:16
Sarkozy "m' à tuer", par Barbara Cassin
LE MONDE | 28.02.09 |
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/02/28/sarkosy-m-a-tuer-par-barbara-cassin_1161665_3232.html
Il est certain que nous avons un président de la République. C'est le job de Nicolas Sarkozy. Moi je suis chercheur au CNRS, spécialiste de philosophie ancienne, je lis, j'enseigne, j'écris. C'est mon job. Je ne suis pas pour la langue de bois, ni pour le politiquement correct ni d'ailleurs pour le politiquement incorrect.
Je n'ai jamais eu l'agrégation, pas plus que notre président n'a eu son diplôme de l'Institut d'études politiques. Je n'ai pas été mariée trois fois, mais je suis plutôt fière comme citoyenne d'avoir un président qui l'a été et qui a divorcé comme on respire. Et qu'il soit à présent marié avec une étrangère, française pourtant comme lui et comme moi, c'est bon signe. Qu'il aille au turbin tous les matins et prenne à bras-le-corps les problèmes, c'est bon signe.
Pourquoi ai-je alors la sensation que quelque chose de grave est en train de se passer ? Non pas la crise ; la crise est très grave, elle crée et créera du malheur. Mais je ne vais pas manifester contre la crise, contrairement à ce que l'on entend dire avec mise en scène compassionnelle pour cette masse qu'il ne faudrait pas laisser au bord du chemin.
Je vais manifester contre les réformes que Nicolas Sarkozy veut imposer à la faveur de la crise, exactement comme certaines entreprises procèdent à des dégraissages extrêmes sous couvert de crise.
Mon désarroi est enraciné dans une certaine expérience de la langue et de la culture qui n'a rien de rétrograde - qui n'est pas plus rétrograde que la culture elle-même contre laquelle il est arrivé qu'on sorte le revolver. Ce sentiment est lié à l'idée que j'ai de l'idée que le président a de la culture.
Avec cette différence entre lui et moi que lui peut imposer son idée et le fera, à moins qu'on ne l'en empêche en criant très fort. "Nous insistons sur le fait qu'un bon ministre ne se reconnaîtra pas à la progression de ses crédits, mais à ses résultats et à sa contribution à la réalisation du projet présidentiel", telle est la conclusion de toutes les lettres de mission, celle de Christine Albanel comme celle de Valérie Pécresse : à vos "indicateurs de résultats", en avant marche...
Quel est donc le projet présidentiel ? Il est exprimé par des discours et des actes, nombreux, très nombreux. D'ailleurs, chaque discours est une performance, qui agit autant qu'il exprime. Un premier acte, j'en reste durablement troublée, est la présence massive de fautes d'orthographe sur le site de la présidence de la République française.
Critique d'instit ("dans la transmission des valeurs (...), l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur", dira-t-il) ou, pis, de précieuse ridicule héritière de la grammaire ? L'orthographe française est d'autant plus difficile qu'on ne perçoit pas l'histoire de la langue : comme elle est apparemment arbitraire et tordue, on n'a même plus envie de la réformer, alors ignorons-la comme tout le monde, arrêtons d'embêter les enfants et de discriminer les demandeurs d'emploi !
Pourtant, Sarkozy m'a "tuer" : dans le discours prononcé devant les ouvriers de Daher tel qu'il figure sur le site de l'Elysée, je lis, entre autres, ces deux fautes qu'on ne tolère pas en classe parce qu'elles sont le signe que l'élève ne comprend pas le mécanisme de la langue : "Nous on fait confiance et vous adhérer à cette stratégie offensive", et "on apporte aux participations les participations qu'à la Caisse, les participations qu'à l'Etat". Le président ignore ou méprise la syntaxe, soit, mais il n'a pas pu "prononcer" ces fautes d'orthographe. Elles sont écrites cependant.
Quelqu'un a mal fait son boulot ? Un nègre qui n'aurait pas passé l'examen de langue exigé par l'identité nationale ? Ou l'indice que, sachez-le, on s'en fout. "Je" parle comme "eux", j'écris aussi mal qu'eux : ils croiront que je pense comme eux, ils penseront comme moi. Entre imitation et émotion, ça passe ou ça casse. Il s'agit de communiquer, pas de parler.
Tous les niveaux de discours sont confondus, nivelés au ras de la langue par le plus authentique, irrépressible et immédiat "Casse-toi pauv' con". "Faire président" ne garantit plus la fonction présidentielle de règle et de régulation, de cohérence et de cohésion. L'adresse du même discours est sidérante : "Chère Christine Lagarde, (...) monsieur le Sénateur, et tous ceux qui sont importants, bonjour".
De l'ironie, de la provocation, ou vraiment la volonté d'une nouvelle norme, hors langue, hors culture, hors civilité, au profit d'une efficacité supposée, avec pour indice le grand mépris ?
L'efficacité, parlons-en. Je suis pour, tout le monde est pour. Un peu de bon sens (lequel ?) indique qu'elle n'est pas la même dans tous les domaines et qu'on ne la mesure pas de la même manière. "Un chercheur français publie de 30 % à 50 % en moins qu'un chercheur britannique dans certains secteurs. Evidemment, si l'on ne veut pas voir cela, je vous remercie d'être venu, il y a de la lumière, c'est chauffé..." La contre-vérité n'est pas diminuée par le persiflage.
Si Nicolas Sarkozy ne le savait pas (quels mauvais conseillers !), il le sait à présent : les résultats sont faux et les indicateurs inadaptés.
Le CNRS est, chiffres à l'appui, au premier rang européen et au quatrième rang mondial. Dans les "mauvais" secteurs, en philosophie par exemple, le biais linguistique est évident : publions en anglais short and dirty des articles saucissonnés, et notre score va grimper aussitôt.
Mais, une fois pour toutes, en matière de culture et de recherche, la qualité n'est pas une propriété émergente de la quantité. Cette visibilité-là est même un si mauvais critère que les meilleurs Anglo-Saxons le dénoncent et y ont déjà renoncé.
Je pense qu'il pense que la culture ne sert à rien, sinon à l'export et à la visibilité. On la protège, avec l'exception française, comme une marchandise. La culture, c'est d'abord l'éducation. Evidemment, si "on naît pédophile", si "la part de l'inné est immense", l'éducation le cédera à la rétention de sûreté.
Qu'est-ce qui reste alors ? "L'autre jour, je m'amusais, on s'amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d'attaché d'administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d'interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu'elle pensait de La Princesse de Clèves... Imaginez un peu le spectacle !"

Il y revient trois fois, heureux du coup de pied dans la fourmilière, de la désacralisation du beau et de l'oeuvre, d'une oeuvre énigmatique. Nous ne parlerons donc à la guichetière que de guichet, ou de choses qu'elle peut comprendre dans son sous-métier de sous-femme, selon une version plus banale de l'imbécillité ou du sadisme - c'est tout ce qu'elle a besoin de savoir.
Il ne reste plus alors à partager que l'émotion. "Ma petite maman chérie, mon tout petit frère adoré, mon petit papa aimé. Je vais mourir !" : "Ma première décision de président de la République sera de demander au futur ministre de l'éducation nationale que cette lettre soit lue en début d'année à tous les lycéens de France."
Avant de lui demander de mettre en oeuvre la "proposition éducative" faite au dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) : "Cette éducation doit être suffisamment précoce pour toucher aussi les coeurs. (...) C'est pourquoi j'ai demandé à Xavier Darcos de faire en sorte que, chaque année, à partir de la rentrée scolaire 2008, tous les enfants de CM2 se voient confier la mémoire d'un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah."
Cet immédiat-là, si bien intentionné soit-il, est au sens strict un danger public. La culture selon Sarkozy a le choix entre les chiffres indicateurs de performance et l'émotion-glu.
Pas de culture, pas de construction d'un "nous" démocratique, sans respect. De même, la langue supporte toutes les inventions mais pas la maltraitance. "Chaque fois qu'Obama ouvre la bouche, ses sujets et ses verbes s'accordent" : c'est la meilleure manière, la seule respectueuse, de ne pas exclure Joe le Guichetier.
Barbara Cassin est philologue et philosophe, directrice de recherches au CNRS et du Centre Léon-Robin sur la pensée antique. Ses travaux portent sur la sophistique et la rhétorique ainsi que sur les rapports qu'elles entretiennent avec la philosophie. Elle a notamment publié "Vocabulaire européen des philosophies" (Seuil, 2004) et "Google-moi : la deuxième mission de l'Amérique" (Albin Michel, 2007)


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21 février 2009 6 21 /02 /février /2009 04:19


Il y a 3 semaines exactement, Guillemette a animé un atelier d'écriture (ramette, bouteilles d'eau, dictionnaire) dans la maison bleue sur un nouveau thème que je n'ai pas le droit de dévoiler déjà. La phrase 4 m'est échue ! Ceux qui voudraient nous rejoindre ont les explics ci-dessous. Ou me les demandent. J'ai ajouté dans la rubrique "Liens" colonne de droite un lien .html pour accéder au recueil de nouvelles _zistoir_la_fontaine réalisé lors de l'atelier d'écriture maison bleue précédent. Depuis 3 jours, il y avait un lien zistoir_la_fontaine.odt vers le même recueil mais pesant 20M° donc très lourd. Avec les corrections de copies, je n'avais pas le temps de faire la conversion en htm. C'est fait ! En cas de problème, je peux ajouter en pdf.



ATELIER LA FONTAINE   FEVRIER 2009


Consigne : écrire un texte (maxi une feuille A4 RV) qui commence par l'une des phrases tirées au sort ( ça c'est la « contrainte »).

Il n'y a pas d'obligation de « genre ». Chacun adopte le type d'écriture qui lui convient.On donne un titre à son texte.


Voici les phrases :


1 - « Quand il se réveillait dans les bois dans l'obscurité et le froid de la nuit il tendait la main ... »

2- Au commencement, il y eut  ce cri dans la nuit ...


3- Deux hommes accablés roulaient en voiture ...


4- Comme j'entrais dans ce village, je fus conduit par un bruit étrange vers une place pleine de monde ...


5- Il tenait une lettre à la main


6- Suave, l'air est plus chaud dehors que dans le salon -

(Balmy, hotter outside than in the lving room -)



7 -Vert émeraude sur bleu nuit PERIPHERIQUE INTERIEUR FLUIDE  PERIPHERIQUE EXTERIEUR FLUIDE.



8- 27 avril 1992

Je t'écris de F. ! Ce sont les dernières nouvelles que tu recevras de moi.



ð  Les phrases 1 à 6 ont déjà donné lieu à des textes (merci à ceux qui les ont prises de nous envoyer leur texte après éventuelles relectures)

ð  Les phrases 7 et 8 n'ont pas été attribuées : elles sont à votre disposition, que vous ayez ou non déjà écrit.

ð  Ceux qui voudraient écrire sur une des phrases 1à 6 le peuvent aussi, bien sûr

ð  Les participants à l'atelier du 7 ont une nouvelle consigne, ceux qui nous rejoindrons par mail la découvriront dès que j'aurai reçu leur texte ...




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20 février 2009 5 20 /02 /février /2009 01:38
Plus de mille étudiants dans les rues de Saint-Denis
CLICANOO.COM | Publié le 19 février 2009
C'est au son des kayambs et des djembés que les étudiants ont manifesté dans la rue de Paris. Un nouveau blocage de l'université est prévu demain.

Ils étaient plus de 900 étudiants, selon les syndicats, ce matin à manifester dans la rue de Paris contre les réformes de l'éducation nationale. Dans une ambiance festive, les grévistes équipés de kayambs et de sifflets ont défilé dans la rue de Paris en scandant le slogan "Une seule solution, la manifestation !". Rejoins par leurs camarades du Tampon, les manifestants ont pris position devant l'Institut Administration et Entreprise (IAE). " Camarades, nous sommes tous concernés par les réformes des universités. Vous pensez y échapper parce que vous êtes mieux préparé à l'accès au monde professionnel mais on est tous concernés. Alors rejoignez nous dans le mouvement.", a lancé Guillaume Arribau, un porte-parole. Les étudiants de l'IAE resteront sourds à cet appel. Sans plus insister, les manifestants se sont dirigés à la préfecture. Un signe fort renvoyé au préfet qu'ils n'ont cependant pas souhaité rencontrer.
"Une minutes de silence en mémoire du syndicaliste tué en Guadeloupe"
"Nous ne sommes pas là pour rencontrer le préfet. C'est une action symbolique. Le gouvernement ne veut pas entendre nos revendications. Un syndicaliste est mort hier en Guadeloupe parce qu'il voulait avoir une meilleure condition de vie. Nous sommes solidaires avec eux dans ce combat. Nous allons marquer une minute de silence en la mémoire du syndicaliste mort hier.", a invité Gilles Leperlier, vice-président des étudiants. Accompagnés des professeurs et chercheurs de l'université, les étudiants ont siégé tout autour de la préfecture, surveillée par des policiers venus massivement sur les lieux. "Pour nous, cette manifestation relayée au niveau national est une grande réussite. Nous sommes 1000 étudiants aujourd'hui. Nous avons montrer notre motivation. Nous tiendrons ferme. Nous verrons bien qui lâchera le premier ",a déclaré Gilles Leperlier. Les étudiants espèrent maintenant que le gouvernement ne laissera pas pourrir la situation et qu'il réagira vite. Une nouvelle action "fac sans voiture" est prévue pour la journée de demain. "Nous allons bloquer les deux entrées de l'université. Une action "suicide collectif" sera également organisée. Nous n'avons pas encore décidé si ça sera à la fac ou devant le rectorat.", a confié Guillaume Arribau, membre de l'UNEF.
Maïmouna CAMARA
Dans les rangs des manifestants
Juan Prosper, vice-président des étudiants
"Nous manifestons contre les réformes mais également pour une revalorisation du statut des étudiants. Il faut savoir que 50% des étudiants réunionnais sont boursiers. 90% de ces boursiers le sont à l'échelon 6 (soit 400 euros par mois), c'est pour dire à quel point nous sommes touchés par la précarité. Nous voulons que ça change !".
Gilles Leperlier, vice-président de étudiants au CROUS.
"C'est une manifestation nationale. Nous parlons aujourd'hui d'une même voix en espérant qu'on soit entendu. Une assemblée générale sera organisée aujourd'hui à 15 heures. Nous déciderons alors de la suite des opérations à suivre dans les jours à venir."
Lionel Luduc, syndicaliste/ FSU.
"L'université de la Réunion est en danger. Ces réformes ne sont pas un progrès mais une véritable régression. On a des choses à proposer mais le gouvernement ne veut pas nous écouter. Nous n'avons pas d'autres solutions que de descendre dans la rue."
Brigitte Malet, mère et membre de l'UFR.
"Quand on a des enfants on ne peut pas rester insensible à ce mouvement. Ces étudiants sont de futurs salariés. Si on ne leur accorde pas la chance d'y arriver c'est la société qui va le payer. Par ailleurs, nous sommes tous concernés par la hausse du coût de la vie. Nous sommes solidaires avec eux dans ce combat."
Le reportage de clicanoo.tv
Même si le gouvernement, à travers le report de certaines réformes Pécresse, a fait en partie marche-arrière, les étudiants se sont une nouvelle fois mobilisés pour défendre leur université mais aussi, et c'est nouveau, leur pouvoir d'achat. Une délégation de plus qui ira gonfler le flot de mécontents le 5 mars à la Réunion

 

isle-bourbon.com soutient la juste lutte des étudiants et des enseignants-chercheurs

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15 février 2009 7 15 /02 /février /2009 18:08

Dans son billet d'aujourd'hui, Pierre Assouline invite la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche à renoncer à ne voir la Recherche que sous le seul angle du profit et de l'entreprise, et à méditer ces paroles de Pierre Joliot, professeur honoraire au Collège de France et ancien titulaire de la chaire de Bioénergétique cellulaire. Etant donné la surdité ministérielle, les recopier ici ne peut pas nuire.

Extrait de L'avenir de la recherche, la recherche pour l'avenir (CD A voix haute, Gallimard/Collège de France) :

 "[...] Il est bien évident que la recherche appliquée se nourrit des découvertes de la recherche fondamentale, et que la recherche fondamentale ne pourrait pas progresser s'il n'y avait pas les progrès de la recherche appliquée. Donc, ces deux activités sont indissociables, mais sur le plan de la méthode de travail, ce sont deux activités radicalement différentes. Et ceci est très difficile à expliquer, tout particulièrement aux politiques. C'est une notion qui est totalement refusée par les politiques, qui veulent savoir pourquoi ils donnent de l'argent à un certain domaine de recherche. Et néanmoins, si l'on regarde l'histoire des civilisations, on s'aperçoit que les découvertes qui ont eu le plus de conséquences sur le plan des applications sont les découvertes de recherche fondamentale dont les auteurs n'avaient pas la moindre idée des conséquences que pouvaient avoir leurs découvertes [...]

  "Il faut savoir qu'il faut maintenir un effort de recherche dans toutes les directions. On ne sait pas quelles sont les disciplines qui portent en elles des espoirs d'application et, parallèlement, il faut pratiquer une recherche appliquée et là, la démarche est totalement différente dans la mesure où on s'appuie sur des connaissances bien établies, sur des concepts bien établies, sur des concepts bien connus, et là, la notion de programmation est tout à fait défendable et justifiable. Je terminerai en disant que j'oppose totalement la pratique de la recherche fondamentale et la pratique de la recherche appliquée, mais je pense qu'il est bon, dans la mesure du possible, que les mêmes chercheurs pratiquent les deux types de recherche. J'ai pratiqué dans ma vie ces deux types de recherche, eh bien, c'était, sur le plan de mon équilibre mental, un facteur de stabilisation [...]

   "L'alternance de ces deux formes d'activité m'ont été à la fois très utiles sur le plan de l'efficacité de ma recherche [...] et un facteur de stabilité mentale. Parce que, l'on recherche la créativité, on doit accepter l'échec. On doit accepter de faire beaucoup d'erreurs, et ces erreurs, ces échecs, sont souvent très difficiles à supporter. Donc, d'avoir parallèlement des programmes de recherche appliquée qui sont menés d'une manière plus continue, d'une manière plus contrôlée, m'ont beaucoup aidé, même pour ma recherche fondamentale".

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10 février 2009 2 10 /02 /février /2009 18:45
ce blog fuit la polémique, mais parfois je ferai exception
avec ce billet, je ne vais pas me faire des amis, mais j'assume
la curiosité et le plaisir intellectuels ayant incontestablement joué un grand rôle dans mon parcours, j'ai été assez tôt, disons dès 1977, alerté par une représentation qu'on me pressait d'adopter : l'universitaire, ce paresseux cantonné à des recherches inutiles (comprendre : "pendant que Louvrier est exploité")
Comme il se trouve que je ne suis pas universitaire, mais que j'ai été chargé de cours à l'Université de Nantes 10 ans (ça va continuer dès le mois prochain à l'Université de St-Denis), j'ai eu l'occasion de vérifier que les universitaires qui glandent sont une infime minorité. Le genre de déclaration qui provoque un tollé en lycée, et encore plus en collège. Comme j'ai lu Voltaire, je sais ce que cache la haine des intellectuels et je sais la nécessité de les défendre.
Je suis d'accord avec Pierre Jourde (dont j'ai lu la plupart des bouquins) lorsqu'il écrit : "Rien de plus facile que de dénoncer les intellectuels comme des privilégiés et de les livrer à la vindicte des braves travailleurs, indignés qu'on puisse n'enseigner que 7 heures par semaine". Il ne faut pas se tromper de combat.

http://bibliobs.nouvelobs.com/blog/pierre-jourde/20090210/10490/universite-les-faineants-et-les-mauvais-chercheurs-au-travail
Par Pierre Jourde (Écrivain)

Une poignée de mandarins nantis qui ne fichent rien de leurs journées et refusent d'être évalués sur leur travail, manifeste contre la réforme Pécresse pour défendre des privilèges corporatistes et une conception rétrograde de l'université. Au travail, fainéants!


L'ignorance et les préjugés sont tels que c'est à peu près l'image que certains journalistes donnent du mouvement des chercheurs, des universitaires et des étudiants qui se développe dans toute la France. Au Monde, Catherine Rollot se contente de faire du décalque de la communication ministérielle, en toute méconnaissance de cause. Le lundi 9 février, Sylvie Pierre-Brossolette, sur l'antenne de France Info, défendait l'idée brillante selon laquelle, comme un chercheur ne produit plus grand-chose d'intéressant après quarante ans («c'est génétique»!), on pourrait lui coller beaucoup plus d'heures d'enseignement, histoire qu'il se rende utile.


Il aurait fallu mettre Pasteur un peu plus souvent devant les étudiants, ça lui aurait évité de nous casser les pieds, à 63 ans, avec sa découverte du virus de la rage. Planck, les quantas à 41 ans, un peu juste, mon garçon! Darwin a publié L'Evolution des espèces à 50 ans, et Foucault La Volonté de savoir au même âge. Ce sont des livres génétiquement nuls. Aujourd'hui, on enverrait leurs auteurs alphabétiser les étudiants de première année, avec de grosses potées d'heures de cours, pour cause de rythme de publication insuffisant. Au charbon, papy Einstein! Et puis comme ça, on économise sur les heures supplémentaires, il n'y a pas de petits profits.

Mais que Sylvie Pierre-Brossolette se rassure: le déluge de réformes et de tâches administratives est tel que son vœu est déjà presque réalisé. On fait tout ce qu'il faut pour étouffer la recherche. Les chercheurs et les enseignants-chercheurs passent plus de temps dans la paperasse que dans la recherche et l'enseignement. Ils rédigent les projets de recherche qu'ils auraient le temps de réaliser s'ils n'étaient pas si occupés à rédiger leurs projets de recherche. La réforme Pécresse ne fera qu'accroître cela.


Les journalistes sont-ils suffisamment évalués au regard de leurs compétences et de leur sérieux? Est-ce que c'est génétique, de dire des bêtises sur les antennes du service public?

On enrage de cette ignorance persistante que l'on entretient sciemment, dans le public, sur ce que sont réellement la vie et le travail d'un universitaire. Rien de plus facile que de dénoncer les intellectuels comme des privilégiés et de les livrer à la vindicte des braves travailleurs, indignés qu'on puisse n'enseigner que 7 heures par semaine. Finissons-en avec ce ramassis de légendes populistes. Un pays qui méprise et maltraite à ce point ses intellectuels est mal parti.

La réforme Pécresse est fondée là-dessus: il y a des universitaires qui ne travaillent pas assez, il faut trouver le moyen de les rendre plus performants, par exemple en augmentant leurs heures d'enseignement s'ils ne publient pas assez. Il est temps de mettre les choses au point, l'entassement de stupidités finit par ne plus être tolérable.

a) l'universitaire ne travaille pas assez

En fait, un universitaire moyen travaille beaucoup trop. Il exerce trois métiers, enseignant, administrateur et chercheur. Autant dire qu'il n'est pas aux 35 heures, ni aux 40, ni aux 50. Donnons une idée rapide de la variété de ses tâches: cours. Préparation des cours. Examens. Correction des copies (par centaines). Direction de mémoires ou de thèses. Lectures de ces mémoires (en sciences humaines, une thèse, c'est entre 300 et 1000 pages). Rapports. Soutenances. Jurys d'examens. Réception et suivi des étudiants. Elaboration des maquettes d'enseignement. Cooptation et évaluation des collègues (dossiers, rapports, réunions). Direction d'année, de département, d'UFR le cas échéant. Réunions de toutes ces instances. Conseils d'UFR, conseils scientifiques, réunions de CEVU, rapports et réunions du CNU et du CNRS, animations et réunions de centres et de laboratoires de recherche, et d'une quantité de conseils, d'instituts et de machins divers.


Et puis, la recherche. Pendant les loisirs, s'il en reste. Là, c'est virtuellement infini: lectures innombrables, rédaction d'articles, de livres, de comptes rendus, direction de revues, de collections, conférences, colloques en France et à l'étranger. Quelle bande de fainéants, en effet. Certains cherchent un peu moins que les autres, et on s'étonne? Contrôlons mieux ces tire-au-flanc, c'est une excellente idée. Il y a une autre hypothèse: et si, pour changer, on fichait la paix aux chercheurs, est-ce qu'ils ne chercheraient pas plus? Depuis des lustres, la cadence infernale des réformes multiplie leurs tâches. Après quoi, on les accuse de ne pas chercher assez. C'est plutôt le fait qu'ils continuent à le faire, malgré les ministres successifs et leurs bonnes idées, malgré les humiliations et les obstacles en tous genres, qui devrait nous paraître étonnant.

Nicolas Sarkozy, dans son discours du 22 janvier, parle de recherche «médiocre» en France. Elle est tellement médiocre que les publications scientifiques françaises sont classées au 5e rang mondial, alors que la France se situe au 18e rang pour le financement de la recherche. Dans ces conditions, les chercheurs français sont des héros. Les voilà évalués, merci. Accessoirement, condamnons le président de la république à vingt ans de travaux forcés dans des campus pisseux, des locaux répugnants et sous-équipés, des facs, comme la Sorbonne, sans bureaux pour les professeurs, même pas équipées de toilettes dignes de ce nom.

b) l'universitaire n'est pas évalué

Pour mieux comprendre à quel point un universitaire n'est pas évalué, prenons le cas exemplaire (quoique fictif) de Mme B. Elle représente le parcours courant d'un professeur des universités aujourd'hui. L'auteur de cet article sait de quoi il parle. Elle est née en 1960. Elle habite Montpellier. Après plusieurs années d'études, mettons d'histoire, elle passe l'agrégation. Travail énorme, pour un très faible pourcentage d'admis. Elle s'y reprend à deux fois, elle est enfin reçue, elle a 25 ans. Elle est nommée dans un collège «sensible» du Havre. Comme elle est mariée à J, informaticien à Montpellier, elle fait le chemin toutes les semaines. Elle prépare sa thèse. Gros travail, elle s'y consacre la nuit et les week-ends. J. trouve enfin un poste au Havre, ils déménagent.


A 32 ans, elle soutient sa thèse. Il lui faut la mention maximale pour espérer entrer à l'université. Elle l'obtient. Elle doit ensuite se faire qualifier par le Conseil National des Universités. Une fois cette évaluation effectuée, elle présente son dossier dans les universités où un poste est disponible dans sa spécialité. Soit il n'y en a pas (les facs ne recrutent presque plus), soit il y a quarante candidats par poste. Quatre années de suite, rien. Elle doit se faire requalifier. Enfin, à 37 ans, sur son dossier et ses publications, elle est élue maître de conférences à l'université de Clermont-Ferrand, contre 34 candidats. C'est une évaluation, et terrible, 33 restent sur le carreau, avec leur agrégation et leur thèse sur les bras. Elle est heureuse, même si elle gagne un peu moins qu'avant. Environ 2000 Euros. Elle reprend le train toutes les semaines, ce qui est peu pratique pour l'éducation de ses enfants, et engloutit une partie de son salaire. Son mari trouve enfin un poste à Clermont, ils peuvent s'y installer et acheter un appartement. Mme B développe ses recherches sur l'histoire de la paysannerie française au XIXe siècle. Elle publie, donne des conférences, tout en assumant diverses responsabilités administratives qui l'occupent beaucoup.

Enfin, elle se décide, pour devenir professeur, à soutenir une habilitation à diriger des recherches, c'est-à-dire une deuxième thèse, plus une présentation générale de ses travaux de recherche. Elle y consacre ses loisirs, pendant des années. Heureusement, elle obtient six mois de congé pour recherches (sur évaluation, là encore). A 44 ans (génétiquement has been, donc) elle soutient son habilitation. Elle est à nouveau évaluée, et qualifiée, par le CNU. Elle se remet à chercher des postes, de professeur cette fois. N'en trouve pas. Est finalement élue (évaluation sur dossier), à 47 ans, à l'université de Créteil. A ce stade de sa carrière, elle gagne 3500 euros par mois.

Accaparée par les cours d'agrégation, l'élaboration des plans quadriennaux et la direction de thèses, et, il faut le dire, un peu épuisée, elle publie moins d'articles. Elle écrit, tout doucement, un gros ouvrage qu'il lui faudra des années pour achever. Mais ça n'est pas de la recherche visible. Pour obtenir une promotion, elle devra se soumettre à une nouvelle évaluation, qui risque d'être négative, surtout si le président de son université, à qui la réforme donne tous pouvoirs sur elle, veut favoriser d'autres chercheurs, pour des raisons de politique interne. Sa carrière va stagner.

Dans la réforme Pécresse, elle n'est plus une bonne chercheuse, il faut encore augmenter sa dose de cours, alors que son mari et ses enfants la voient à peine. (Par comparaison, un professeur italien donne deux fois moins d'heures de cours). Ou alors, il faudrait qu'elle publie à tour de bras des articles vides. Dans les repas de famille, son beau-frère, cadre commercial, qui gagne deux fois plus qu'elle avec dix fois moins d'études, se moque de ses sept heures d'enseignement hebdomadaires. Les profs, quels fainéants.

***

Personnellement, j'aurais une suggestion à l'adresse de Mme Pécresse de M. Sarkozy et accessoirement des journalistes qui parlent si légèrement de la recherche. Et si on fichait la paix à Mme B? Elle a énormément travaillé, et elle travaille encore. Elle forme des instituteurs, des professeurs, des journalistes, des fonctionnaires. Son travail de recherche permet de mieux comprendre l'évolution de la société française. Elle assure une certaine continuité intellectuelle et culturelle dans ce pays. Elle a été sans cesse évaluée. Elle gagne un salaire qui n'a aucun rapport avec ses hautes qualifications. Elle travaille dans des lieux sordides. Quand elle va faire une conférence, on met six mois à lui rembourser 100 euros de train. Et elle doit en outre subir les insultes du président de la république et le mépris d'une certaine presse. En bien, ça suffit. Voilà pourquoi les enseignants-chercheurs manifestent aujourd'hui.

P.J.

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