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2 décembre 2008 2 02 /12 /décembre /2008 19:09

Mon île-fougère


Mon île, arbre de poésies

Qui dresse ses branches basaltiques

Vers notre ciel indien de vie,

Elle sent les parfums des tropiques.


Mon île-fougère des ethnies,

Peuple Coromandel et Surate,

Pays de l'Androy, noir paradis !

Bretons dans le cirque de Mafate.


Mon île, arbre de poésies,

Désirs de Parny et du Parnasse,

Regrets de Dierx et la nostalgie

D'un Lacaussade transi qui passe.


Mon île, vieil arbre folklorique

Aux fruits d'ébène du maloya,

La sueur du caïambre typique,

Du bobre aux accents des parias.


Le rouleur qui épouse la transe

D'un passé qui remonte en mémoire,

Comme les laves et cendres denses

De ces volcans assoiffés d'espoir.


Mon île, vieil arbre folklorique

Aux fruits apprivoisés du séga,

Madoré avec son grand soubique

Débordant de misère et d'arack.


Nos ségatiers épris de poussière,

Bal la robée, piment écrasé

Pour faire voltiger le zézère

Dans le ciel d'un pays envoûté.


Mon île, arbre artisanal,

Avenir crucifié des vacoas,

Où est donc la feuille de sisal,

Riche d'or et du miel vert des rois ?


Jours de Cilaos et nos dentelles,

Nos paille-en-queue tournent en rond

Pour avoir perdu leurs grandes ailes,

Si familières aux cris du vent.


Nos brodeuses aux doigts écorchés

Sur les écheveaux hardis du temps.

L'oiseau de la vierge a oublié

Le chemin des prières d'antan.


Ile, arbre de mélancolie

Aux mille pêcheurs acupuncteurs

Qui montent la garde chaque nuit

Sur le ventre ridé de la mer.


Ils murmurent avec les étoiles,

Ecoutent la rumeur océane;

Leur regard est un tramail que voile

L'éclat incertain d'un frangipane.


Ile, arbre de béton et d'acier

Aux cages de poc-poc éclaté

Sur les visages trop émaciés

Des hommes, violés par nos cités.


Il n'est plus de joie pour le lagon,

Déchiqueté et mis en lambeaux ;

Ensevelis les poissons d'argent,

Sous le sable où meurent des châteaux.


Il est quelques femmes aux seins nus,

Accrochées aux récifs de la mer,

Pour s'offrir aux chevaux éperdus

Et embrasser le ciel entrouvert.


Il n'est plus de gamins sur les routes

Pour vendre des arums et des prunes !

Prisonniers de leur âme en déroute,

Ils rêvent de décrocher la lune.


Il n'est plus de Cirques isolés,

Protégés par les tamariniers !

Mafate, Grand-Bassin, saccagés

Souvent par nos bottes araignées.


Il n'est plus de chasse aux Noirs marrons,

Il n'est plus de chabouc, de gibet,

Mais il est une île à élections

Qui se gagnent à coups de galets.


Ile Mascarenhas retrouvée !

La route des Indes sur le dos

Des mustangs portés par l'alizé.

Il n'est plus de chant pour les dodos.


Il n'est plus de vie pour les tortues

Marines ! Fossilisé l'espoir

De découvrir la trace perdue

D'un oeuf, pour recommencer l'histoire.


Valval, 1980

Jean-François Sam-Long



JF Sam-Long est né en 1949 à Sainte-Marie. Il a reçu le Prix de la Société des Gens de Lettres en 1994 pour L'Arbre de violence, le Prix Charles-Brisset en 1992 pour La Nuit cyclone, le Prix des Mascareignes en 1986 pour son roman Madame Desbassayns, le Prix de Madagascar en 1982 pour Terre arrachée. Il a créé une association d'écrivains, l'UDIR, Union pour la Diffusion de l'Identité Réunionnaise, ainsi qu'une maison d'édition et le mouvement Créolie. Il est actuellement Chargé de mission LCR (Langue et Culture Régionales) pour les collèges et lycées.


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commentaires

C
duede <br /> Merci de participez en laissant votre<br /> opinion sur une poésie
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