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17 septembre 2008 3 17 /09 /septembre /2008 14:25
J'habite un village des Hauts qui s'appelle La Fontaine si bien que vous aurez droit aujourd'hui à une version créole d'une des fables les plus célèbres (fable à l'origine de ma confusion entre tang et papang avant-hier)
 
l' papang é l'chatmaon 
 
n papang su n pié d boi monté 
tien dan son mawgoulett n tang boucané 
l'chatmaon flatte a lu é lu di : 
"chante a moi piti séga" 
l'papang répon a lu : 
"ou pren a moi pou n couillon d zoreill" 
 
traduction approximative :
 
la buse et le renard 
 
une buse perchée sur un arbre 
tenait dans son bec un hérisson fumé/séché 
le renard le flatte et lui dit : 
chante moi une petite chanson 
la buse lui répond : 
"tu me prends pour un couillon de métro blanc?" 
 
ww.mi-aime-a-ou.com

Difficile de descendre sur la côte jusqu'à dimanche : c'est la fête de la Salette. En 1859, un bateau, le Mascareignes, introduisit le cholera et l'épidémie fit plus de 2000 morts. La construction d'une chapelle à Saint-Leu eut lieu au moment où l'épidémie épargna les habitants de cette bourgade. Des guérisons miraculeuses suivirent. Depuis, chaque 19 septembre, c'est un immense pélerinage populaire et j'ai vu avant-hier la fête foraine s'installer. 
 
Hier matin, un spécialiste du chik (envoyé par la préfecture?) est passé dans chaque maison pour inspecter (pas d'eau sous les pots de fleurs) et les premiers moustiques sont arrivés en effet, j'ai été piqué 3 ou 4 fois hier soir. guillemette m'a dit de sortir les serpentins. Il n'y a plus de chik dit-on, mieux vaut dire que les précautions continuent de s'imposer. Environ 7000 réunionnais ont été infectés par le chikungunya, un bébé en est mort, et aujourd'hui plusieurs centaines ont des séquelles (chiffres controversés). Par exemple, j'ai une collègue qui doit, depuis 3 ans 1/2, aller dormir 2h toutes les 4h. Le lundi, à 14h, je vais la réveiller en salle des profs. Avant-hier, elle n'a pas eu la force d'aller faire cours. L'administration n'est pas parvenue à lui donner son emploi du temps en 5 demi-journées.
 
Pour aller au lycée, je franchis la ravine Saint-Gilles. Rien de tel, pour savoir à quoi elle ressemble, que de lire le poème que Leconte de Lisle (1818-1894) lui a consacrée (et que j'ai lu dans l'avion à l'aller car j'avais mis _Les poèmes barbares_ (1862) dans mon bagage cabine ; je suis allé photographier sa tombe à Saint-Paul 3 jours plus tard). On sait peu qu'il a vécu à Nantes de 1822 à 1832, entre Rennes et Dinan entre 1837 et 1843.
Demain, je vous parlerai des filaos qui accompagnent mes trajets quotidiens. 

La ravine Saint-Gilles

La gorge est pleine d'ombre où, sous les bambous grêles,
Le soleil au zénith n'a jamais resplendi, 
Où les filtrations des sources naturelles 
S'unissent au silence enflammé de midi.
 
De la lave durcie aux fissures moussues,
Au travers des lichens l'eau tombe en ruisselant, 
S'y perd, et, se creusant de soudaines issues, 
Germe et circule au fond parmi le gravier blanc.
 
Un bassin aux reflets d'un bleu noir y repose,
Morne et glacé, tandis que, le long des blocs lourds, 
La liane en treillis suspend sa cloche rose, 
Entre d'épais gazons aux touffes de velours.
 
Sur les rebords saillants où le cactus éclate,
Errant des vétivers aux aloès fleuris,
Le cardinal, vêtu de sa plume écarlate, 
En leurs nids cotonneux trouble les colibris.
 
Les martins au bec jaune et les vertes perruches, 
Du haut des pics aigus, regardent l'eau dormir, 
Et, dans un rayon vif, autour des noires ruches,
On entend un vol d'or tournoyer et frémir.
 
Soufflant leur vapeur chaude au-dessus des arbustes, 
Suspendus au sentier d'herbe rude entravé, 
Des boeufs de Tamatave, indolents et robustes, 
Hument l'air du ravin que l'eau vive a lavé ;
 
Et les grands papillons aux ailes magnifiques, 
La rose sauterelle, en ses bonds familiers, 
Sur leur bosse calleuse et leurs reins pacifiques 
Sans peur du fouet velu se posent par milliers.
 
À la pente du roc que la flamme pénètre,
Le lézard souple et long s'enivre de sommeil, 
Et, par instants, saisi d'un frisson de bien-être,
Il agite son dos d'émeraude au soleil.
 
Sous les réduits de mousse où les cailles replètes
De la chaude savane évitent les ardeurs,
Glissant sur le velours de leurs pattes discrètes
L'oeil mi-clos de désir, rampent les chats rôdeurs.
 
Et quelque Noir, assis sur un quartier de lave,
Gardien des boeufs épars paissant l'herbage amer,
Un haillon rouge aux reins, fredonne un air saklave,
Et songe à la grande Île en regardant la mer.
 
Ainsi, sur les deux bords de la gorge profonde, 
Rayonne, chante et rêve, en un même moment, 
Toute forme vivante et qui fourmille au monde 
Mais formes, sons, couleurs, s'arrêtent brusquement.
 
Plus bas, tout est muet et noir au sein du gouffre, 
Depuis que la montagne, en émergeant des flots, 
Rugissante, et par jets de granit et de soufre, 
Se figea dans le ciel et connut le repos.
 
À peine une échappée, étincelante et bleue,
Laisse-t-elle entrevoir, en un pan du ciel pur, 
Vers Rodrigue ou Ceylan le vol des paille-en-queue,
Comme un flocon de neige égaré dans l'azur.
 
Hors ce point lumineux qui sur l'onde palpite,
La ravine s'endort dans l'immobile nuit ;
Et quand un roc miné d'en haut s'y précipite, 
Il n'éveille pas même un écho de son bruit.
 
Pour qui sait pénétrer, Nature, dans tes voies,
L'illusion t'enserre et ta surface ment :
Au fond de tes fureurs, comme au fond de tes joies,
Ta force est sans ivresse et sans emportement.
 
Tel, parmi les sanglots, les rires et les haines, 
Heureux qui porte en soi, d'indifférence empli, 
Un impassible coeur sourd aux rumeurs humaines, 
Un gouffre inviolé de silence et d'oubli !
 
La vie a beau frémir autour de ce coeur morne, 
Muet comme un ascète absorbé par son Dieu ; 
Tout roule sans écho dans son ombre sans borne,
Et rien n'y luit du ciel, hormis un trait de feu.
 
Mais ce peu de lumière à ce néant fidèle,
C'est le reflet perdu des espaces meilleurs !
C'est ton rapide éclair, Espérance éternelle, 
Qui l'éveille en sa tombe et le convie ailleurs !
 
 
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