La visite du musée de Stella Matutina à Piton Saint-Leu commence par ces machines à vapeur qui
fonctionnaient pendant la première moitié du XXè siècle.
Au cycle annuel culture-coupe-extraction du jus de canne-sucre se superpose une histoire qui va du moyen
âge à 2009.
les européens découvrent la canne lors des croisades en Palestine
tout au long du moyen-âge ils transforment les îles méditerranéennes en "îles à sucre"
ce sucre que l'on nommait alors "poudre de Chypre"
On m'a dit en métropole au début du mois que le créole envahit mes mails et qu'on comprend de moins en moins ce que j'écris. Les quelques mots de créole que j'avais donnés dans le billet du 24
août sont donc devenus très insuffisants. Pour remédier à la situation, je vous offre un petit lexique, incomplet certes mais c'est mieux que rien. Pour les noms, il faut savoir qu'il n'y a pas
de genre. C'est toujours un ou le.
babafig = fleur de bananier
babouk = araignée
batay-kok = combat de coqs
bébèt bondié = coccinelle
bébèt larzan = scarabée
béko = bisou
bertel = hotte plate en vacoa tressé
bonbon la fès = suppositoire
bougg = homme
bourik = âne
bred = feuilles diverses (chouchou, cresson, cœurs de citrouille, pariétaire, morelle, lastron, chou de chine, songe)
brinzhel = aubergine
daborin = premièrement
dada = grand frère
dalon = copain
danfon laba = très loin
dantel-lakaz = lambrequin
dodo = bière de la Réunion
ek = avec
fanm-toussël = mère célibataire
farfar = grenier
fer dantel = frimer
ferblan = bidon
flèr soley = tournesol
fouké = puffin
fourmi gran galo = fourmi à longues pattes
gardien dlo = libellule
gato patat = gâteau à base de patates douces
gouté = petit-déjeuner
gramoun = personne âgée
gran koudvan = cyclone
GSM = téléphone portable
kabri = chèvre
kanbar = igname
kapïshon = imperméable
karo = fer à repasser
koté soulié = chaussure
koté zië = œil
kotonmili = coriandre
koudsek = petit verre de rhum
kouvertur péi = fille pour la nuit
kozman = paroles
kroizé-shëmin = carrefour
labriz-lamer = vent diurne
labriz-later = vent nocturne
landormi = caméléon
lëgrin = lentilles/haricots secs/pois
lontan = autrefois
mâl kabri = bouc
marmay = garçonnet ou fillette
marmay-koméla = la jeunesse actuelle
massalé = mélange de coriandre, cumin, girofle, piment, poivre
modiss = couturière
mon gaté = mon kaf = mon noi = ma chérie, mon chéri
mous a mièl = abeille
nafer = affaire
nassion = ethnie
palto = veste
panié-salad = voiture de police
papié kabiné = papier de toilette
pié fig = bananier
pié filao = filaos
pié salad = laitue
piedboi = arbre
piédri = bon parti, fonctionnaire qui subvient aux besoins de son conjoint
pilon = mortier
poud-savon = lessive
rékin = prostituée
roké = bonchien
roulèr = tambour
safran = curcuma
sanpié = scolopendre
sapèl malbar = temple tamoul
savat doidpié = tongues
shatmaon = renard
shatt = moumoute
shoushout = sexe de la femme
sokolatine = pain au chocolat
somin' nfèr = roulé à la confiture
tanp sinoi = temple bouddhiste
tantine larou = fille qui drague les hommes possédant une voiture
Louis-Antoine Roussin, Album de La Réunion, 1886, lithographie en couleurs St-Louis MFMC
p2 de couverture du catalogue de l'expo
coffea arabica
deborah roubane d'après michel garnier huile sur toile 44 X 55 cm St-Louis MFMC p2 du catalogue et site de la
région
Au moment d'écrire ce billet sur la petite expo qui a lieu jusqu'au 30 juin au musée des arts décoratifs de l'Océan Indien à Saint-Louis : « Le café à Bourbon 1708-1946 des origines à
la départementalisation », je me rends compte que je connais bien mal la boisson préférée de Balzac et qu'Internet doit inventer le parfum et le goût numériques rapidement.
Café est un de ces mots qui, avec hôtel et taxi, sont utilisés chaque jour dans tous les pays avec ses variantes café con leche, caffè, Kaffee, coffee, koffie, café sketo/glyko
etc. Non seulement le mot désigne cette boisson consommée en quantité considérable (deuxième bien de consommation échangé dans le monde, derrière le pétrole et avant le charbon, la viande, le blé
et le sucre) mais il désigne aussi un lieu symbole de convivialité.
Les dictionnaires nous apprennent que le mot arabe "qahwa" (قهوة), désignait cette boisson provenant de la province de Kaffa, se transforma en "qahvè" en Turquie puis "caffè" en Italie et
en kawa dans l'argot français.
Il était/est interdit de prendre des photos dans l'expo et je crois deviner pourquoi : beaucoup de documents et d'objets sont des prêts provenant de contrées lointaines : Guadeloupe,
Brésil, Annam, Tonkin, Nouvelle-Calédonie, Madagascar, Lorient, Nice. Le transport, les assurances, la réalisation des vitrines ont dû coûter déjà très cher pour cette expo gratuite. Il était
donc sans doute compliqué de payer des droits de l'image aux prêteurs. Comme j'ai expliqué à l'entrée que pour faire un peu de publicité à cette expo réussie je scannerais 2 ou 3 gravures du
catalogue, vous aurez quand même droit à quelques illustrations. Je me rends compte que les journaux locaux n'ont mis eux aussi qu'1 ou 2 photos : que ce soit une incitation pour tous à
aller voir l'expo elle-même.
D'ailleurs j'ajouterai quelques photos pendant l'année à l'occasion : caféiers lorsque je serai à Diego-Suarez en mars, objets liés à la culture, à la torréfaction, à la cérémonie du café
dans les musées de l'île etc Je pense en particulier au musée de Villèle et au musée des métiers lontan de la plaine des grègues car une grègue, en créole, c'est une cafetière (en breton
aussi je crois). Je proposerai l'achat du remarquable catalogue par le CDI de mon lycée.
L'expo est d'une grande diversité : herbiers, huiles, aquarelles, cartes postales anciennes, registres du XVIIIè s., cartes, bornes à parfums, meules, mortiers, pilons, tarares, grilloirs,
épices, cafetières, verseuses, moulins, services à café (porcelaine), accessoires pour le sucre
Comment oublier que pendant toute mon enfance, j'ai été réveillé chaque matin par l'odeur du café que ma mère moulait avec un moulin à manivelle ? que ce moulin n'a été remplacé par un engin
électrique que depuis peu d'années ? Qu'à 78 ans, elle continuait d'aller en bus acheter son café en grains de l'autre côté de la ville de Tours, à 6 ou 7 kms, chez le torréfacteur « La
Cafetière » où mes grands-parents s'approvisionnaient déjà dans les années 40 et 50 ?
Dimanche 1er février, à 14h30, aura lieu une torréfaction à l'ancienne et une dégustation (gratuite) avec du café récolté dans la caféière.
Deux grandes parties dans cette expo :
I/ Aspects botaniques, historiques, agronomiques et paysagers
le temps des savants
- distinctions entre les différentes appellations : café arabique, moka, péi, Bourbon rond, indigène, marron, sauvage, Leroy, Bourbon pointu
- les herbiers, le travail de Linné, Diderot (il a rédigé l'article Café de l'Encyclopédie), Lamarck, Antoine Galland (le traducteur des 1001 nuits), Jussieu (qui présente son « Histoire du
café » à l'Académie des sciences en 1715).
- Dans la première moitié du XVIIIè, les puissances européennes parviennent à briser le monopole commercial détenu par le Yemen et l'Arabie en se lançant dans la culture du café dans leurs
colonies. Pour la France, ce sera l'île Bourbon, malgré la difficulté pour les navires, d'y accoster.
2. le temps des sultans
de la cueillette des baies sauvages à la culture du caféier
les routes commerciales du Yemen vers le monde islamisé
Surate et Moka
les circuits de distribution de café vers l'Europe
Marseille et le café du Levant
Le temps des plantations coloniales
la compagnie de St-Malo
plantation des 3ers caféiers à Bourbon
- pratiques et techniques de la culture du café
- préparation des grains en vue de leur commercialisation
4. Le temps des espoirs et des déceptions
- ressourcement yéménite
- lutte contre les animaux et les maladies
- coopération scientifique internationale
II/ De la préparation à la dégustation du breuvage
3. L'outil à moudre
meule à grains, mortier, moulins à café, moulins broyeurs à épices et à céréales, moulins industriels
2. La préparation du café
modes de préparation aux XVII et XVIIIè
usages pharmaceutiques
la décoction ou café à la turque
l'infusion
les boissons exotiques et sucrées
l'eau chaude
la cafetière à filtre incorporé
3. Manières de boire
des ustensiles pour servir le café
gobelet, tasse, coupe
présentation du sucre
les services à café
départ des esclaves pour la récolte du café (1883)
page 53 du catalogue
Après la cueillette ou l'égrappage, le séchage consiste en une série d'opérations compliquées qui se font à la main dans la plupart des pays producteurs. Il faut retirer la partie charnue qui
enveloppe les fèves par séchage et ratissage pendant quelques jours. Pour obtenir le café vert, il faut ensuite débarrasser les cerises de café de leur coque. Décortiqués, les grains de café vert
sont alors vendus. Arrivés à destination, les grains sont torrefiés (fortement chauffés, on parle aussi de brûlage ou de grillage), ce qui développe leur arôme et leur couleur foncée. Ils sont
ensuite moulus. La finesse de la mouture est essentielle à la qualité de la boisson. Plus l'exposition à l'eau brûlante est courte, plus la mouture doit être fine pour libérer rapidement les
arômes alors que si le contact avec l'eau est prolongé, la mouture doit rester plus épaisse pour éviter de produire un café trop imprégné, au goût fort et amer.
Récole du café à l'île Bourbon
Jean-Joseph Patu de Rosemont, aquarelle sur papier, vers 1800
page 58 du catalogue
Très torréfié à ses débuts, le café bourbon, amer, se consommait très chaud et sucré. A la grande époque du café (XVIIIè) a succédé la grande époque de la canne à sucre (XIXè). Il était logique
qu'après avoir rendu visite au café avant-hier, j'aille au musée du sucre, à Stella Matutina, hier. Aurai-je le temps de vous mettre en ligne un article sur la canne, le sucre et le rhum
demain : peut-être mais pas sûr. Disons lundi au plus tard.
séchage au Tampon vers 1830
page 97 du catalogue
Saint-Denis, archives départementales, p95 du catalogue
DANS tout l'Outre-mer français, le domaine de Maison Rouge est le dernier domaine caféier du début du 18ème siècle à avoir gardé l'intégralité des traces au sol de son implantation primitive avec
son cortège de bâtiments annexes et celles de ses développements successifs. Il était donc légitime que la salle d'exposition de ce lieu chargé d'histoire accueille la première grande exposition
du MADOI, consacrée au café à Bourbon. L'enjeu n'était pas de conter l'histoire économique d'une culture pour laquelle de nombreux auteurs émérites ont déjà abondamment écrit, mais plutôt de
s'enquérir de l'histoire agricole de la caféiculture à Bourbon. « Cette exposition retrace l'épopée du café depuis les premières graines venues d'Ethiopie. De la botanique des
différentes espèces cultivées à La Réunion et de l'invention de la caféiculture à travers les instruments et outils, tels que la grègue, le moulin, etc... pour le torréfier jusqu'à la dégustation
du breuvage. L'art de la table est également présent avec les services de porcelaines de Chine », explique le conservateur du MADOI, Thierry Nicolas Tchakaloff. Ce sont les anciennes
écuries du domaine qui accueillent l'exposition.
« Enjeu historique, culturel et touristique »
Notons que la totalité du site de Maison Rouge est protégée au titre des Monuments Historiques. Le MADOI est labellisé Musée de France. L'ensemble des collections, placées sous la tutelle
scientifique de Monsieur Thierry Nicolas Tchakaloff, conservateur habilité par la Direction des Musées de France, comprend un fonds de près de 2.000 numéros (mobiliers, textiles, métaux,
céramiques et objets d'art). SP
Infos pratiques Exposition ouverte du 20 décembre 2008 au 30 juin 2009 : Du mardi au vendredi : 9h30 à
12h30 et 14h00 à 17h30, Samedi après midi : 14h00 à 17h30 Le premier dimanche de chaque mois : 14h00 à 17h30 (Fermée 25 décembre et 1er janvier) Visite de la caféière sur inscription préalable obligatoire. Accessibilité aux personnes à mobilité réduite assurée. Médiateur présent pendant les
heures d'ouverture. Visite scolaire encadrée par un animateur culturel (RDV obligatoire).
vous soufflez le froid et le chaud, Lecteur, tout n'est pas symétrique dans ma schizophrénie, il ne s'agit pas de choisir entre deux hémisphères : peut-on choisir ?
Il est 12h50. Je suis assis à la terrasse d'un café de Saint-Pierre. A cinquante mètres, du haut du minaret, le muezzin roucoule et psalmodie des versets. Dans le marché couvert, je vois passer
des dames comoriennes, des malbars, des mahorais, des chinois, des z'arabs, des zoreys, des ouvriers malgaches, une famille mauricienne/rodriguèse, des cafrines, des créoles blancs, des marmays,
des gramounes. Ils parlent entre eux, nous nous parlons. Nous sommes de tous les sols. Nous venons de différentes époques. Nous n'accordons pas une importance démesurée au papier. Nous ne
choisissons pas entre l'Etoile polaire et la Croix du sud : nous prenons les deux.
Le Père Noël, cette année, a multiplié les douceurs et friandises. Beaucoup sont restées en métropole, certaines sont invisibles, comme ces cours d'espagnol que j'ai pu suivre grâce à
Fani.
Mais sur cette photo, vous devriez apercevoir quand même :
- Un tee-shirt offert par la mignonne guatémaltèque Christel
- Une boite à crayons fabriquée à l'ashram de Sri Aurobindo à Pondichéry et que m'ont rapportée et offerte Euphrasie et John
- Un boomerang venu de Sydney où est repartie la mignonne Marianna hier. Julien Gracq passait beaucoup de temps, à la fin de sa vie, à lancer
et réceptionner un boomerang dans les prés de Saint-Florent (merci de l'info Laurent M)
- Un livre de l'Oulipo : _Pièces détachées_, offert par la mignonne Manoha 11 ans. Je vous en recopie ci-dessous un passage (une
nouvelle d'Olivier Salon), après quoi, vous pourrez admirer le coucher de soleil de ce soir. Visite de l'expo sur le café demain car les photos étaient interdites et mon scanner ne fonctionnera
que demain soir (pour reproduire 2 ou 3 gravures du catalogue).
Va chez la voisine
L'autre soir j'étais au compère, assis près d'une voisine, vous savez, une de ces voisines qu'il faut supporter contre temps effarés.
Tenez, imaginez que vous soyez allé au compère écouter une nymphe aussi. Une nymphe aussi de Malheur, par exemple. Au rébus, votre voisine, vous n'y avez prêté attention ; mais elle a tôt
fait de sortir de sa réserve et de vous faire sentir sa régence.
Est-ce qu'elle s'enduit au compère ? Est-elle là pour se faire remorquer ? Nul ne le sait. Quoi qu'il en soit, voilà qu'elle s'habite sur son piège. Elle remue. Et son piège grince,
évidemment. Pire, il couine. On dirait qu'elle pousse de petits prix. Ou qu'elle glousse.
Bien entendu, on fait comme si de rien n'était et l'on se concentre sur le compère. La ratière est belle, les sonorités luisantes, les harmoniques chiches. Le chef se démène comme un beau fiable.
Ça y est, on est dedans. Ça commence à être beau.
Tiens, elle a fait tomber quelque rose de sa cloche. Elle se penche et commence à gargouiller par terre. Ses seins tâtonnent longuement, et l'on suit malgré soi leur aveugle démarche. Ah, voilà,
elle l'a retrouvé. Et non, après eczéma, ce n'était pas ça. Elle se repenc he, elle regargouille et retâtonne.
On la poudroie du retard ; elle nous ignore et se recale au fond de son piège.
Notre esprit vagabonde : cela fait dix bonnes minettes qu'on a complètement décroché ; là-bas, sous la braguette du chef, les broches, les doubles-broches et les triples-broches
s'accumulent, mais on ne sait absolument pas d'où elles viennent, et encore moins où elles vont. On essaie de se raccrocher aux baises et aux véroles.
C'est alors qu'elle rapplique au ballot : elle sort le grand feu. C'est d'abord une simple déglutition. Le préambule, en somme. Et bientôt, elle se râcle la forge. Oh, discrètement, bien
sûr. Mais tout autour d'elle on n'a d'oseille que pour ce raclement. On dirait qu'elle a une cachuète coincée aux gonds de la forge. Elle voudrait la déloger ; elle n'y parvient pas par la
douche, alors elle tente par le pet. Elle renifle donc. Elle renifle parce qu'elle n'a pas de bougeoir. Et forcément elle n'a pas de bougeoir, puisqu'elle n'est pas allumée.
Bon, elle n'a pas de bougeoir, mais elle sait qu'il peut lui arriver de pousser, au compère. Ça peut arriver à tout le monde. Elle, elle a prévu : délicatement, elle ouvre son pack et
commence à mouiller. Elle mouille dans son pack et en extirpe une bastille. Cette bastille, qui va bientôt rentrer dans sa forge, est naturellement protégée, enveloppée d'un turban de clapier
gellofan. Alors, par zestes diaboliquement lents, elle déroule par ses extrémités la bastille qui tourne entre ses noix. Il s'ensuit des fruits minuscules, des croissements, des glissements
subreptices qui parviennent par à-coups successifs et qui couvrent la nymphe aussi. Ce serait plutôt un concerto pour toux majeure.
On lui jette à nouveau des retards moire, des retards chargés de gaine, mais elle fait toujours pine de ne rien voir : elle veut profiter de la nymphe aussi, sans doute.
Ou alors, elle nous montre sa forge avec un zeste d'impuissance : elle nous fait comprendre qu'elle est vraiment dézobée.
Ça y est ! elle suçote la bastille, et sa moue va passer.
Mais nous, on attend, naturellement. Comment ça qu'est-ce qu'on attend ? Mais on attend la prochaine teinte de cou, le prochain chuintement, reniflement, sifflement, borborygme, et l'on
s'impatiente même qu'il n'arrive pas, car tant qu'on ne l'aura pas joui, on ne pourra pas profiter du compère.
Brusquement, elle éternue.
Alors là, on n'en peut plus. On sait que le compère est définitivement fourchu. On se tourne vers elle d'un seul bout, et, au comble de l'exaspération, on lui jette : « Mais baisez-vous
donc à la fin ! Baisez-vous donc ! »
Ce moumoute habite rue de l’Union et s’appelle Lachate.
Chaque année, pendant quelques mois elle vit avec un deuxième moumoute, on
l’appelle alors Lablanch. Elle est ici photographiée en compagnie d’un moumoute ingrat souvent parti courir le guilledou et qui réside à quelques centaines de mètres.
Gratouille et Chatouille (qui est albinos) sont souvent mortes de trouille à tel point qu’elles ont déjà été réanimées deux fois par un bouche à bouche assez improbable mais finalement efficace.
Elles ne mesurent que 2,5 cm et seront peut-être un jour considérées comme des tapas par des moumoutes ayant un petit creux.
Lapin agile est un moumoute femelle et non mâle si bien que son petit nom est peu utilisé. C’est une enfant trouvée sur le parking de l’école de Legé et elle aime faire pipi dans la couette.
Zora est la star du Sud Loire (Bouaye), la plus douce, la plus caline, la plus plus.
Sam est un labrador boxer c’est-à-dire un bonchien qui a presque autant de classe que le prestigieux Royal Bourbon. Près de Legé, ce chien fou
passe son temps à faire des trous dans le terrain. Il lui est interdit de « garder » les chèvres et les moutons (sinon il les boufferait).
Cookie a un an. C’est un Border Collie croisé cocker. Le
bonchien le plus affectueux que je connaisse.
On terminera par le petit Margouillat qui me rend visite assez souvent dans ma varangue.
Prochainement : Zeph’, Zizifus, Mycose, Chablis et Clairette.
le voila ! lé rvenu ! létépamor !
problèmes informatiques, courrier en retard, bagages pour 6 mois etc.
malgré la connexion à 256K° (qu'on peut chiffrer 32K° depuis qu'une fibre optique a été cassée par un chalut en Méditérranée fin décembre), l'ordinateur naze remplacé par un mini Acer aspire one
au pied levé aujourd'hui, je vais essayer de rattraper le retard
Dans les jours qui viennent, vous aurez des choses sur le sucre, sur le café, l'esclavage, moumoutes et bonchiens entre autres.
C'était donc hier 15h45 à Orly sud le décollage avec le même Boeing 747-400 Corsairfly que le 30 juillet et le 24 décembre. La conclusion s'impose : pour avoir un
hublot et l'avoir du bon côté (gauche dans le sens métropole/Réunion, droit dans l'autre sens), il faut arriver dans les 1ers à l'enregistrement. Ajoutons que le vol de nuit n'est pas idéal pour
les photos et je choisirai un AR en juillet-août prochain qui profitera de l'expérience acquise.
Les 1ers vols commerciaux du 747 remontent à janvier 1970. Boeing avait pris des risques financiers, avait fait des choix techniques audacieux et il a finalement remporté un succès commercial de
35 ans jusqu'à la sortie de l'Airbus 380. L'avion pouvant emporter le plus grand nombre de passagers (580), avant l'A380, c'était lui.
Pendant la plus grande partie du vol, les passagers peuvent lire sur un écran l'altitude, vitesse, la température extérieure, la durée de vol restante avec mise à jour permanente et des infos
données par le commandant de bord au micro :
altitude entre 28000 et 37000 pieds (entre 9000 m et 12000m), vitesse entre 577 mph et 670 mph (entre 930 et 1130 km/h selon la direction du vent), une température
moyenne de moins 50° avec pointe à moins 59° en sortant du continent africain au niveau de Djibouti (équateur)
décollage à 310 km/h
poids à vide : 180 tonnes
130 tonnes de kérosène embarquées (400 passagers seulement aujourd'hui alors que le 747-400 peut en contenir 600), 110 tonnes seront consommées en vol
Polluant, gourmand, bruyant, le 747 est en fin de vie. Mais quand je me souviens de mon voyage avec sac à dos en Asie du sud-est pendant tout l'été 1974
(injoignable)grâce à lui, je dis Merci aux ingénieurs de Boeing.
Pour cette fois, ce sera donc une promenade dans les nuages et seulement les premiers et derniers moments de la balade. Dans la navette Air France qui m'emmène à 9h
vers Orly, le thermomètre extérieur indique 4°C.
doucement ! c'est ma valise !
quand le ciel bas et lourd ...
c'est parti mon kiki (pour 11h de vol)
c'est la ouate qu'elle préfère
c'est la ouate
avec le mouvement de l'avion (1000km/h), son roulis, le mouvement des nuages et
la rotation de la terre, le soleil se couche à l'ouest, se relève, se recouche, se rerelève, se rerecouche : moment de pureté absolue au-dessus de Malte (vers 21h hier)
5 ou 6h plus tard, au niveau de Mayotte, il se relève pour de bon à l'est
moins 59°
ça y est on voit Le Port
la descente se poursuit vers Gillot / Ste-Marie
on est posé, inversion des réacteurs
attente des bagages
c'était ce matin, à 6h, heure rényonnaise. Il fait 26°
La critique universitaire a longtemps dédaigné Jules Verne. Même à Nantes où il est né. Etroitement scientiste et positiviste dans ses thèmes, de quelle innovation
pouvait-on créditer son écriture romanesque ? Ne s'agissait-il pas d'une simple littérature pour enfants ? De passage devant le musée Jules Verne de Nantes cette après-midi, je me suis
arrêté un instant pour me détourner de ces simplismes.
L'année du centenaire de sa mort, 2005, a été en effet l'occasion de deux nouveautés à Nantes :
- la restauration, modeste mais réussie de ce petit musée
- la tenue d'un colloque international « Jules Verne, les machines et la science », organisé par l'Ecole Centrale de Nantes, plus exactement par mon ami
Philippe Mustière (Directeur du département des langues et communication à l'Ecole Centrale) et par Michel Fabre (P.U. Sc de l'educ Nantes).
Le XXè siècle a admiré comment, une par une, les prévisions de Jules Verne se sont réalisées : invention du cinéma, mise au point d'aéronefs variés parcourant
l'atmosphère, l'espace et le cosmos, sous-marin remontant à la surface au pôle même, trajet vers la lune à la minute près etc. Mais, à mes yeux, le regain d'intérêt actuel pour Jules Verne vient
d'ailleurs :
1/ Le vieux projet « comment instruire la jeunesse de façon ludique » reste d'actualité : illustrations, canevas narratifs dynamiques, technologies
de pointe, voyages extraordinaires (62 !), inventions et découvertes, héros admirables, paris chronométrés etc Qui ne voit que, plus que jamais, le succès et la liberté appartiennent à ceux
qui sont cultivés ? Avec le Magasin d'éducation et de récréation, les boulimiques de culture sont à leur affaire
2/ Verne, comme Baudelaire, développe une poétique moderne : celle de l'acier, de la machine, des dangers et des merveilles scientifiques. Son œuvre n'est pas
un apologue de la technologie mais de la puissance créatrice de l'homme. Elle annonce Huxley père et fils, Boris Vian, la science-fiction et les explorateurs d'aujourd'hui : Jean-Louis
Etienne, Auguste Jacques et Bertrand Picard, Steve Fossett etc.
3/ Il nous aide à penser notre monde rétréci par internet, les satellites (TNT, GPS), les lignes aériennes, le TGV et les téléphones cellulaires : les vrais
voyages ne sont pas des courses de vitesse (ses personnages de scientifiques échouent souvent) mais le déploiement d'un imaginaire, une course à l'inventivité. Verne s'insère dans une chaîne de
grands démiurges qui part de Prométhée pour aller vers De Foe, Poe, Lautréamont, Rimbaud, Nietzsche, Gracq, Tournier. Les inventions humaines apparaissent dérisoires face aux éléments
déchaînés : volcanisme, houle polaire, cyclone, tsunami, séisme, maelström, ce n'est pas aux rényonés que je l'apprendrai. Comme Pascal, Valéry, Vian, Roubaud, Calvino, Borges, Guillevic,
Queneau, Perec, et tant d'autres, Jules Verne m'aide à refuser cette question entendue dans la plupart des conseils de classe : « il est littéraire ou scientifique ? ».
Prochain voyage extraordinaire : Amiens !
maquette du nautilus
les deux Jules
"L'épouvante", orthoptère, amphibie, automobile, navire et aéroplane inventé pour Robur le conquérant
le monument de Georges Barreau
consacré à Jules Verne au Jardin des Plantes de Nantes
on y trouve des allusions au Tour du monde en 80 jours, à De la Terre à la lune et à Cinq semaines en ballon
Mayotte : la campagne est lancée
CLICANOO.COM | Publié le 10 janvier 2009
Le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, Yves Jégo a dévoilé, hier, la question qui sera posée aux Mahorais lors du référendum du 29 mars. Il a aussi indiqué qu'il était "assez favorable" à une
assemblée unique.
"Si vous choisissez de devenir un département, Mayotte deviendra département, un département à 100 %, un département comme tous les autres départements français, avec les mêmes droits et les
mêmes devoirs." Le message passé par Yves Jégo se voulait clair, hier, sur la place publique de Mtsamboro, un village situé dans le nord de l'île. Cette déclaration a été accueillie sous les
applaudissements des trois cents personnes venues assister au lancement de la campagne d'information pour la consultation du mois de mars. "L'Etat restera neutre, mais donnera des moyens financiers
aux différents partis politiques pour qu'ils fassent leur campagne", a précisé le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer. Quatre pages écrites en arabe feront la synthèse de la feuille de route et seront
distribuées dans toutes les boîtes aux lettres, ainsi qu'un autre document, écrit en français, qui reprendra cette feuille de route dans son intégralité. Yves Jégo espère ainsi que le choix qui
sera fait le 29 mars prochain sera "appuyé sur la réalité". "Les élus sont dans une très large majorité favorable à cette évolution, il faut maintenant que ce soit le peuple qui s'exprime." La
principale annonce de la journée a eu lieu à la Case Rocher, en Petite Terre, lors d'une conférence de presse tenue juste avant son départ. La question qui sera posée aux Mahorais a en effet été
choisie, et sera articulée ainsi : "Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée département régi par l'article 73 de la Constitution et exerçant les
compétences dévolues aux départements et aux régions d'outre-mer ?"
"LE CHOIX QUI A ÉTÉ FAIT IL Y A PLUS DE TRENTE ANS NE PEUT ÊTRE REMIS EN CAUSE"
Le président du conseil général, Ahamed Attoumani Douchina, s'est déclaré "très content" du choix de la question qui est "très simple" et qui, selon le secrétaire d'Etat, appel une double
réponse : "Il s'agit de savoir à la fois si les Mahorais approuvent la transformation de Mayotte en département, mais aussi s'ils veulent d'une collectivité unique qui réunisse le département
et la région." Quant au mode de scrutin qui serait alors utilisé, "les élus doivent nous dire ce qu'ils souhaitent. Mais je serai assez sensible à une élection dont une partie se ferait dans les
cantons et une autre partie sur la proportionnelle". Les élus mahorais ont également obtenu, comme ils le souhaitaient, qu'un débat ait lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat. Il devrait se tenir
dès le mois de février, mais sera purement informel : "il n'aboutira pas sur un vote" précise M. Douchina, Si, le 29 mars, le "non" venait à l'emporter - "car nous sommes une démocratie
et qu'il ne faut jamais présager des choix de la population" - Mayotte resterait une collectivité telle qu'aujourd'hui. "Mayotte resterait une terre française, ça ne remettrait pas une seconde en
cause l'appartenance de Mayotte. Le choix qui a été fait il y a plus de trente ans ne peut être remis en cause par qui que ce soit", a-t-il précisé, en allusion à l'Union des Comores qui réclame
l'île de Mayotte. "Mais quel que soit votre choix, je reviendrai en avril", a promis M. Jégo à la population de Mtsamboro, avouant être "très heureux et très fier d'être le ministre"
susceptible de "voir aboutir un combat historique". "Les deux mois à venir seront primordiaux pour vous", a-t-il signalé. Toutes les personnes inscrites sur les listes électorales de Mayotte
pourront prendre part aux votes.
Fabien Dombre, à Mayotte
PAS DE SECOND DÉPUTÉ À MAYOTTE Déception des élus mahorais à l'annonce de la décision des sages du Conseil Constitutionnel, jeudi, remettant en cause certaines modalités du redécoupage
électoral prévu par le gouvernement en 2009. Et notamment remettant en cause l'argumentation du député mahorais Aly Abdoulatifou plaidée le 18 novembre 2008 en commission des lois de l'Assemblée
nationale selon laquelle un second député sera attribué automatiquement à Mayotte lors de la mise en place de la départementalisation. Juriste de profession, l'élu s'appuyait sur la règle, héritée
d'une tradition remontant à la IIIe République, qui instaurait un minimum de deux députés par département, quel que soit le nombre d'habitants. Hélas pour Aly Abdoulatifou et les élus mahorais, le
Conseil Constitutionnel vient de censurer cette règle. Il n'y aura donc qu'un seul siège de député à Mayotte lors des élections législatives de 2012.
JEGO "ASSEZ FAVORABLE" À L'ASSEMBLÉE UNIQUE Face aux élus mahorais, Yves Jégo s'est dit, hier, "assez favorable à l'idée une île, une collectivité, une
assemblée" pour l'organisation institutionnelle outre-mer. "C'est un principe simple". Le secrétaire de l'Outre-mer a ajouté qu'il savait que "ça fait débat" et que "la Réunion est contre",
tandis que "la Guyane réfléchit", "la Guadeloupe s'interroge" et que la Martinique est pour. Si les électeurs mahorais disent oui à la départementalisation, Mayotte serait dotée d'une assemblée
unique et non pas de deux assemblées, selon la "feuille de route" arrêtée le 16 décembre par le président Sarkozy et qui va être distribuée avec traduction dans les langues locales. "Je crois que
dans l'air du temps, les Français veulent une simplification du mille-feuilles (administratif), Mayotte peut faire école", a affirmé Yves Jégo, précisant que si les quatre DOM actuels devaient
aussi être dotés d'une assemblée unique à terme, "ça ne peut se faire qu'après consultation des populations". Cette réunion de compétences est "dans l'air du temps. Le comité Balladur travaille
actuellement sur ce dossier. Mayotte sera assez regardée et son cas pourrait faire école", a signalé Yves Jégo qui serait "assez favorable" à une assemblée unique. "On peut inventer la
collectivité du XXIe siècle à Mayotte."
http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=199524&page=article
"Il ne faudra pas donner le sentiment que les Réunionnais veulent faire une OPA sur Mayotte"
CLICANOO.COM | Publié le 9 janvier 2009
Forte de transferts financiers plus conséquents, la départementalisation de Mayotte ouvrira à court terme un nouveau marché important pour les entreprises réunionnaises, déjà bien implantées sur
l'île aux parfums. Mais selon Guy Dupont, président de la fédération des entreprises d'Outre-mer, elles devront avant tout savoir se faire accepter.
Quel est votre regard sur la très probable départementalisation de Mayotte ? Je constate que la volonté de la population mahoraise est très forte, et qu'en pareil cas cela finit toujours par
se faire. Cela dit, je pense que les politiques n'ont pas fait apparaître assez tôt les contraintes de la départementalisation. Du coup, on se dirige vers un choix précipité sur une base
moyennement éclairée. Le gouvernement va devoir mener un exercice délicat.
Quel développement économique peut entraîner la départementalisation à Mayotte ? D'un point de vue pessimiste, il pourrait se développer une économie qui n'aurait pour vocation que de recycler
les prestations sociales et les transferts financiers venant de Paris. Ce qui entrainerait un développement de la valeur ajoutée et de l'import-substitution à Mayotte, comme cela a été le cas à La
Réunion. Mais cela me semble trop restreint. D'un point de vue plus optimiste, je pense que Mayotte peut nourrir d'autres ambitions et jouer la carte originale d'une Île en devenir qui focaliserait
en plus ses efforts sur un ou deux secteurs en pointe.
À quels secteurs de pointe pensez-vous ? D'abord à l'exploitation de son environnement naturel exceptionnel, son lagon notamment, à travers le tourisme et l'environnement. Ensuite au milieu de
la santé, dans lequel Mayotte pourrait Être capable de vendre ses prestations dans son secteur de l'océan indien et d'en tirer un avantage économique.
Quels secteurs vont se développer le plus vite selon vous ? Le BTP, les services, la distribution. Cela va créer de l'emploi mais ne donnera pas de visibilité externe à Mayotte. Or, tout le
monde en a besoin.
Vous attendez-vous à un essor économique rapide ? Oui, il y aura certainement un gros boom. Le système va changer brutalement et il faudra y apporter des adaptations. En 20-30 ans, Mayotte va
faire le chemin qu'a fait La Réunion en 60 ans. Ce qui va entraîner des frictions qui pourraient être fâcheuses si elles sont mal gérées. La Réunion en a connues tous les 15-20 ans, Mayotte en
connaîtra sans doute plus fréquemment. Le sens de l'Histoire est écrit mais tout dépendra des attitudes des uns et des autres.
Les entreprises réunionnaises sont idéalement placées pour bénéficier de ce nouveau marché. Pressentez-vous un grand rush ? Le monde économique réunionnais est déjà très présent à Mayotte,
dans l'agroalimentaire, le BTP, les services, les commerces, l'industrie... Le mouvement va en effet s'amplifier considérablement. Mais attention, il ne faut pas donner le sentiment que les
Réunionnais veulent faire une OPA sur Mayotte. Il faudra d'une part associer la population locale dans les entreprises, et d'autre part nouer des liens étroits avec les entreprises mahoraises.
Cette mainmise réunionnaise sur le gâteau est-elle déjà mal perçue à Mayotte ? Cette présence a parfois été ressentie comme une sorte de tutelle. Il faudra donc beaucoup de doigté. Oui, les
Mahorais ont déjà dit qu'ils se sentaient envahis. C'est pourquoi il faudra des relations beaucoup plus étroites, avec par exemple des participations au capital dans les deux sens. Il faudra éviter
aussi une trop forte mainmise dans certains secteurs comme la téléphonie, les services, la distribution, le BTP...
S'agit-il d'une réelle chance pour l'économie réunionnaise ? Si les Réunionnais n'entraînent pas de rejet, cela peut en effet donner un vrai relais de croissance aux entreprises de La Réunion,
qui sont arrivées localement au bout de leur marché. Et ceci dès le court et moyen terme. Cela va aller vite. Mais cela peut aussi donner la possibilité aux Mahorais de venir à La Réunion.
Les conditions d'implantation sont-elles les mêmes à Mayotte qu'à La Réunion ? Aujourd'hui, les avantages de la défiscalisation sont identiques. Les salaires sont plus bas. Avec la
départementalisation, les charges et les salaires augmenteront mais il y aura plus d'exonérations de charges. Le renforcement de la société de consommation, dans une Île encore très traditionnelle,
ne comporte-t-il pas de forts risques sociaux ? La société de consommation va s'accentuer rapidement, alors que les salaires resteront moins importants pendant un moment. Cela va forcément
entraîner des frustrations très fortes de la population. Il y aura des poussées d'humeur, car les Mahorais n'auront pas tout de suite tous les avantages d'un département français
Propos recueillis par Sylvain Amiotte
http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=199470&page=article
Conversation avec Paul Vergès - 4/4 -
« Nous ouvrons une nouvelle ère de civilisation »
Voici la 4ème et dernière partie de l'entretien accordé par Paul Vergès à Patrick Singaïny (voir nos éditions depuis samedi). Après la question de la mémoire de l'esclavage, celle de l'identité
culturelle réunionnaise et celle du développement durable, cette conversation se termine par l'évocation de notre avenir...
Patrick Singaïny : Votre obsession, c'est l'égalité.
Paul Vergès : C'est notre avenir. Tout à l'heure, je posais cette question : comment allons-nous vivre économiquement et de façon égalitaire avec les pays de la COI
? Eh bien, en nous appuyant sur nos avantages spécifiques ! Le nôtre est celui de la formation.
Vous n'avez pas répondu finalement à la question : n'êtes-vous pas en train de faire rejouer aux Réunionnais leur naissance par les missions de la MCUR ?
Les Réunionnais sont en devenir. Il faut susciter les conditions d'un accouchement, mais un accouchement organisé et orchestré par les Réunionnais eux-mêmes. Quand
ils vivront les valeurs exaltées par la Maison des Civilisations et de l'Unité Réunionnaise et qu'ils verront que ce n'est pas une utopie, mais la réalité, je pense qu'ils seront enchantés et
transformés.
À cause des siècles d'esclavage et de colonisation, les Réunionnais conservent les stigmates d'une personnalité intravertie. Ils pensent, pour se conformer aux préjugés coloniaux : « le colonisé
est hypocrite », « il ne dit pas ce qu'il pense », « quand il dit oui, il faut comprendre non ». La Maison des Civilisations et de l'Unité Réunionnaise contribuera à aider les Réunionnais à
sortir d'eux-mêmes et à montrer les valeurs créatrices qu'ils ont forgées malgré des siècles d'humiliations, de douleurs et de tragédies.
Peut-on être autre dans un ensemble français (quand on n'est pas maître de son parcours) ? Peut-on encore considérer aujourd'hui que la loi de départementalisation consentie par la France est un
acte de fondation ? Aujourd'hui, peut-on la considérer dans notre présent comme émancipatrice ? N'a-t-on pas besoin d'une autre utopie émancipatrice plus en rapport avec la situation
d'aujourd'hui ?
Je vous ai dit tout à l'heure que les auteurs de la loi du 19 mars 1946 voulaient en finir avec les inégalités sociales issues de la colonisation. Le mérite de
cette loi a été de créer les conditions objectives pour atteindre très rapidement cette égalité.
L'égalité sociale a été réalisée avec les dernières lois sociales en 1996. Un demi-siècle tout de même pour la conquérir intégralement ! C'est long sur l'échelle d'une vie humaine, même s'il faut
l'apprécier à l'échelle du temps historique.
Cependant, il importe que cette égalité institutionnelle soit dépassée. On ne peut pas, par exemple, demander que cette loi égalitaire nous permette de dépasser le niveau du SMIC. Tout ce qui a
constitué l'arsenal des revendications sociales de La Réunion n'est plus actualisable depuis 1996.
Nous devons donc continuer notre marche vers le progrès en dépassant ce contenu de la loi de 1946 tout en nous appuyant sur elle pour créer une nouvelle étape vers l'appropriation d'une égalité
non seulement sociale mais aussi culturelle. Cela ne signifie surtout pas uniformisation, mais accomplissement de ce que nous portons en nous.
Co-développement, MCUR...
Exactement. On parle beaucoup de développement durable. Les pays qui ont connu la loi de 1946 et qui ont épuisé les revendications de progrès social doivent
réfléchir à cette nouvelle étape.
Comment un pays balayé toute l'année par les alizés pouvait n'avoir aucune éolienne ? Comment une île baignée par l'océan pouvait ne pas utiliser l'énergie de la mer ? Comment un pays dont le
soleil est un argument majeur pour les touristes pouvait-il ne pas voir que c'est, pour lui, la source d'énergie la plus importante ? Nous allons utiliser toutes ces énergies !
Notre objectif est l'autonomie énergétique de La Réunion en 2025, par l'utilisation des chutes d'eau, du vent, du soleil, de la mer, de la chaleur du volcan. Actuellement, nous avons en projet,
dans le Sud de La Réunion, une centrale utilisant la houle de l'Antarctique qui vient mourir sur nos côtes et qui est une force permanente. Outre l'énergie mécanique des vagues, nous allons
utiliser la différence de température entre les eaux de surface et les eaux profondes (ETM : l'énergie thermique de la mer). Nous pouvons espérer bannir les climatiseurs sur le littoral en
utilisant l'eau des profondeurs, qui est à 5 degrés.
Nous avons l'ambition d'être le premier territoire du monde habité par des êtres humains qui vont assurer leur croissance économique uniquement par des énergies propres, des énergies
renouvelables. C'est la rupture avec un modèle occidental vieux de deux siècles et l'aube d'une nouvelle ère de civilisation. Par cette combinaison du rééquilibre démographique, du rééquilibre
technologique, scientifique, de la reconnaissance de l'égalité culturelle, nous ouvrons une nouvelle ère de civilisation.
Aux Antilles et en Guyane, peu après l'instauration du régime départementaliste, la recherche d'un nouveau statut s'est imposée rapidement et dans une certaine clarté. Ici, il n'en a jamais été
question. Mais comprenez-vous qu'on ait pu et qu'on veuille en venir à ce nouveau statut que finalement Césaire n'a jamais réprouvé ?
Dans les années 1957-59, les forces progressistes des Antilles, de la Guyane et de La Réunion ont fait la promotion d'un statut d'autonomie. Pour nous, c'était à la
fois la tentative de conserver les avantages d'une citoyenneté française et d'assurer la responsabilité réunionnaise, c'est-à-dire la conduite de nos propres affaires.
Aujourd'hui, avec les transformations du monde et la mondialisation des économies, on a dépassé le stade de la correspondance mécanique entre une économie nationale et un État-Nation. La grande
discussion actuelle porte sur le modèle qui permettra de concilier la mise en commun des forces productives du monde et la défense de la caractéristique nationale.
Dans ce grand débat mondial, il s'agit pour nous non pas de renoncer aux avantages de notre citoyenneté française, mais d'affirmer que nous sommes une réalité humaine inscrite dans une réalité
géographique et géopolitique spécifique. Trouvons donc la solution de conciliation ! Là est la solution d'avenir. Nous pensons que, nous, à La Réunion, devons approfondir notre histoire, celle de
l'esclavage, de l'engagisme, de la colonisation non pas pour ne pas en bouger, mais pour en tirer les enseignements et pour créer nous-mêmes notre développement durable.
Chercher ce qui correspond à la fois à nos aspirations passées et aux nécessités de l'avenir, forger un nouveau modèle de développement, telle est la responsabilité de notre génération. Nous ne
désespérons pas que notre mode de développement que nous sommes en train de construire soit non pas un modèle mais un exemple. La période esclavagiste a été dépassée par la période coloniale, qui
elle-même a été dépassée par la revendication d'intégration. Aujourd'hui, nous sommes à la fin des limites de la départementalisation et nous devons, en fidélité à notre passé, forger un avenir
qui ne soit pas le prolongement mais, au contraire, le dépassement vers un nouveau modèle. Là est notre responsabilité politique présente.
Dans un entretien que j'ai eu avec Aimé Césaire en 2001, à propos de la nécessaire différenciation entre racine (enracinement) et origines (composantes ancestrales), entre la martiniquanité et la
stratification du peuplement martiniquais, il m'a demandé laquelle des parties était, selon moi, la plus importante. Je lui avais répondu « racine » ; lui, index levé et dans le même instant, «
origine » (sans le pluriel). Et vous, Paul Vergès, que répondriez-vous ?
Césaire exprime là son profond ressenti, sa qualité de Martiniquais habité par sa négritude. Pour lui, c'était, bien que périlleux à exprimer à l'époque, une
évidence. Pour nous, Réunionnais, la négritude ne peut être la seule clé d'entrée à l'affirmation de soi ; il y a également à prendre en considération d'autres clés : le caractère chinois, le
caractère indien, le caractère européen, etc... Nos composantes sont différentes. Quand on parle de racines, lesquelles désigne-t-on ?
Un journal avait exhumé l'existence d'une ancêtre malgache commune au Président Pierre Lagourgue et à moi-même. Quand je lui en ai parlé, il m'a répondu que c'était là notre fierté commune. Je
trouve fantastique que Pierre Lagourgue, qui pouvait être classé comme « gros Blanc », ait considéré cette ascendance comme un enrichissement. Cette prise de conscience des Réunionnais, qui est
passée de la déification du Blanc au 17ème siècle à la reconnaissance de leur intraculturalité, est un apport historique.
Nous sommes un mélange. Dans la composante de notre identité, l'Histoire ne nous a pas apporté une seule origine, car les générations cumulées nous donnent en partage toutes les valeurs de
l'Afrique, de l'Asie et de l'Europe. C'est une chance extraordinaire : nous sommes tous des descendants d'étrangers, tous des descendants d'immigrés, et c'est notre fierté.
« Nous ouvrons une nouvelle ère de civilisation »
Témoignages du mercredi 7 janvier 2009 (page 3)
http://www.temoignages.re/article.php3?id_article=34420