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13 novembre 2009 5 13 /11 /novembre /2009 19:59

fin de la lettre à son neveu Henry Parny, 25 germinal An X

Sixième élégie

 

J'ai cherché dans l'absence un remède à mes maux ;

J'ai fui les lieux charmans qu'embellit l’infidelle.

Caché dans ces forêts dont l'ombre est éternelle,

J'ai trouvé le silence, et jamais le repos.

Par les sombres détours d'une route inconnue,

J'arrive sur ces monts qui divisent la nue.

De quel étonnement tous mes sens sont frappés !

Quel calme ! Quels objets ! Quelle immense étendue !

La mer paraît sans borne à mes regards trompés,

et dans l'azur des cieux est au loin confondue ;

Le zéphyr en ce lieu tempère les chaleurs ;

De l'aquilon par fois on y sent les rigueurs ;

Et tandis que l'hiver habite ces montagnes,

Plus bas l'été brûlant dessèche les campagnes.

 

Le volcan dans sa course a dévoré ces champs ;

La pierre calcinée atteste son passage :

L' arbre y croît avec peine ; et l'oiseau par ses chants

N' a jamais égayé ce lieu triste et sauvage.

Tout se tait, tout est mort ; mourez, honteux soupirs ;

Mourez, importuns souvenirs,

Qui me retracez l'infidelle,

Mourez, tumultueux desirs,

Ou soyez volages comme elle.

Ces bois ne peuvent me cacher ;

Ici même, avec tous ses charmes,

L'ingrate encor me vient chercher ;

Et son nom fait couler des larmes

Que le tems aurait dû sécher.

O dieux ! ô rendez-moi ma raison égarée ;

Arrachez de mon coeur cette image adorée ;

Eteignez cet amour qu'elle vient rallumer,

Et qui remplit encor mon ame toute entière.

Ah ! L'on devrait cesser d'aimer

Au moment qu'on cesse de plaire.

 

Tandis qu'avec mes pleurs, la plainte et les regrets

Coulent de mon ame attendrie,

J'avance, et de nouveaux objets

Interrompent ma rêverie.

Je vois naître à mes pieds ces ruisseaux différens,

Qui, changés tout-à-coup en rapides torrens,

Traversent à grand bruit les ravines profondes,

Roulent avec leurs flots le ravage et l'horreur,

Fondent sur le rivage, et vont avec fureur

Dans l'océan troublé précipiter leurs ondes.

Je vois des rocs noircis, dont le front orgueilleux

S'élève et va frapper les cieux.

Le tems a gravé sur leurs cimes

L'empreinte de la vétusté.

Mon oeil rapidement porté

De torrens en torrens, d'abîmes en abîmes,

S'arrête épouvanté.

O nature ! qu'ici je ressens ton empire !

J'aime de ce désert la sauvage âpreté ;

De tes travaux hardis j'aime la majesté ;

Oui, ton horreur me plaît ; je frissonne et j'admire.

 

Dans ce séjour tranquille, aux regards des humains

Que ne puis-je cacher le reste de ma vie !

Que ne puis-je du moins y laisser mes chagrins !

Je venais oublier l’ingrate qui m'oublie,

Et ma bouche indiscrète a prononcé son nom ;

Je l'ai redit cent fois, et l'écho solitaire

De ma voix douloureuse a prolongé le son ;

Ma main l'a gravé sur la pierre ;

Au mien il est entrelacé.

Un jour le voyageur, sous la mousse légère,

De ces noms connus à Cythère

Verra quelque reste effacé.

Soudain il s'écrira : son amour fut extrême ;

Il chanta sa maîtresse au fond de ces déserts.

Pleurons sur ses malheurs, et relisons les vers

Qu'il soupira dans ce lieu même.

 

 

MA RETRAITE

 

Solitude heureuse et champêtre,

Séjour du repos le plus doux,

La raison me ramène à vous ;

Recevez enfin votre maître.

Je suis libre ; j'échappe à ces soins fatigans,

A ces devoirs jaloux qui surchargent la vie.

Aux tyranniques lois d'un monde que j'oublie

Je ne soumettrai plus mes goûts indépendants.

Superbes orangers, qui croissez sans culture,

Versez sur moi vos fleurs, votre ombre, et vos parfums ;

Mais surtout dérobez aux regards importuns

Mes plaisirs, comme vous enfans de la nature.

On ne voit point chez moi ces superbes tapis

Que la Perse, à grands frais, teignit pour notre usage.

Je ne repose point sous un dais de rubis ;

Mon lit n’est qu’un simple feuillage.

Qu’importe ? Le sommeil est-il moins consolant ?

Les rêves qu’il nous donne en sont-ils moins aimables ?

Le baiser d’une amante en est-il moins brûlant,

Et les voluptés moins durables ?

Pendant la nuit, lorsque je peux

Entendre dégoutter la pluie,

Et les fils bruyans d’Orythie

Ébranler mon toit dans leurs jeux ;

Alors si mes bras amoureux

Entourent ma craintive amie,

Puis-je encor former d’autres vœux ?

Qu’irois-je demander aux dieux

À qui mon bonheur fait envie ?

 

Je suis au port, et je me ris

De ces écueils où l’homme échoue.

Je regarde avec un souris

Cette fortune qui se joue,

En tourmentant ses favoris ;

Et j’abaisse un œil de mépris

Sur l’inconstance de sa roue.

 

La scène des plaisirs va changer à mes yeux.

Moins avide aujourd’hui, mais plus voluptueux,

Disciple du sage Epicure,

Je veux que la raison préside à tous mes jeux.

De rien avec excès, de tout avec mesure,

Voilà le secret d’être heureux.

Trahi par ma jeune maîtresse,

J'irai me plaindre à l'Amitié,

Et confier à sa tendresse

Un malheur bientôt oublié.

Bientôt ? Oui, la raison guérira ma faiblesse.

Si l’ingrate Amitié me trahit à son tour,

Mon cœur navré longtems détestera la vie ;

Mais enfin, consolé par la philosophie,

Je reviendrai peut-être aux autels de l’Amour.

La haine est pour moi trop pénible ;

La sensibilité n’est qu’un tourment de plus ;

Une indifférence paisible

Est la plus sage des vertus.

 

Poésies érotiques, livre III (édition de 1808)

 

VERS GRAVÉS SUR UN ORANGER

 

Oranger, dont la voûte épaisse

Servit à cacher nos amours,

Reçois et conserve toujours

Ces vers, enfans de ma tendresse ;

Et dis à ceux qu’un doux loisir

Amènera dans ce bocage,

Que si l’on mourait de plaisir,

Je serais mort sous ton ombrage.

 

Poésies érotiques, livre I (édition de 1808)

 

 

ELEGIE III

 

Bel arbre, pourquoi conserver

Ces deux noms qu'une main trop chère

Sur ton écorce solitaire

Voulut elle-même graver ?

Ne parle plus d’Eléonore ;

Rejette ces chiffres menteurs ;

Le tems a désuni les cœurs

Que ton écorce unit encore.

 

Poésies érotiques, livre IV (édition de 1808)

 

 

PROJET DE SOLITUDE

 

Fuyons ces tristes lieux, ô maîtresse adorée !

Nous perdons en espoir la moitié de nos jours,

Et la crainte importune y trouble nos amours.

Non loin de ce rivage est une île ignorée,

Interdite aux vaisseaux, et d'écueils entourée.

Un zéphyr éternel y rafraîchit les airs ;

Libre et nouvelle encor, la prodigue nature

Embellit de ses dons ce point de l’univers ;

Des ruisseaux argentés roulent sur la verdure,

Et vont en serpentant se perdre au sein des mers ;

Une main favorable y reproduit sans cesse

L’ananas parfumé des plus douces odeurs ;

Et l’oranger touffu, courbé sous sa richesse,

Se couvre en même tems et de fruits et de fleurs.

Que nous faut-il de plus ? Cette île fortunée

Semble par la nature aux amans destinée.

L'océan la resserre, et deux fois en un jour

De cet asile étroit on achève le tour.

Là, je ne craindrai plus un père inexorable.

C’est-là qu’en liberté tu pourras être aimable,

Et couronner l’amant qui t'a donné son cœur.

Vous coulerez alors, mes paisibles journées,

Par les nœuds du plaisir l’une à l’autre enchaînées ;

Laissez-moi peu de gloire et beaucoup de bonheur.

Viens, la nuit est obscure et le ciel sans nuage ;

D’un éternel adieu saluons ce rivage,

Où par toi seule encor mes pas sont retenus.

Je vois à l’horizon l’étoile de Vénus ;

Vénus dirigera notre course incertaine.

Eole, exprès pour nous, vient d’enchaîner les vents ;

Sur les flots aplanis Zéphyre souffle à peine ;

Viens ; l’amour jusqu' au port conduira deux amans.

 

Poésies érotiques, livre I (édition de 1808)

 

DEMAIN

 

Vous m’amusez par des caresses,

Vous promettez incessamment,

Et vous reculez le moment

Qui doit accomplir vos promesses.

Demain, dites-vous tous les jours.

L’impatience me dévore;

L’heure qu’attendent les amours

Sonne enfin, prêt de vous j’accours;

Demain, répétez-vous encore,

 

Rendez grâce au dieu bienfaisant

Qui vous donna jusqu’à présent

L’art d’être tous les jours nouvelle;

Mais le temps, du bout de son aile,

Touchera vos traits en passant;

Dès Demain vous serez moins belle,

Et moi peut-être moins pressant.

Poésies érotiques, livre I, (édition 1808)

 

 

 

EPITAPHE

 

Ici gît qui toujours douta.

Dieu par lui fut mis en problème ;

Il douta de son être même.

Mais de douter il s’ennuya ;

Et las de cette nuit profonde,

Hier au soir il est parti,

Pour aller voir en l’autre monde

Ce qu’il faut croire en celui-ci.

 

Mélanges

 

LE REVENANT

 

Ma santé fuit ; cette infidelle

Ne promet pas de revenir ;

Et la nature qui chancelle

A déjà su me prévenir

De ne pas trop compter sur elle.

Au second acte brusquement

Finira donc ma comédie ;

vite je passe au dénouement,

La toile tombe, et l’on m’oublie.

 

J’ignore ce qu’on fait là-bas.

Si du sein de la nuit profonde

On peut revenir en ce monde,

Je reviendrai, n’en doutez pas.

Mais je n’aurai jamais l’allure

De ces revenans indiscrets,

Qui précédés d’un long murmure,

Se plaisent à pâlir leurs traits,

Et dont la funèbre parure,

Inspirant toujours la frayeur,

Ajoute encore à la laideur

Qu’on reçoit dans la sépulture.

De vous plaire je suis jaloux,

Et je veux rester invisible.

Souvent du zéphir le plus doux

Je prendrai l’haleine insensible ;

Tous mes soupirs seront pour vous ;

Ils feront vaciller la plume

Sur vos cheveux noués sans art,

Et disperseront au hasard

La faible odeur qui les parfume.

Si la rose que vous aimez

Renaît sur son trône de verre,

Si de vos flambeaux rallumés

Sort une plus vive lumière,

Si l'éclat d’un nouveau carmin

Colore soudain votre joue,

Et si souvent d’un joli sein

Le nœud trop serré se dénoue ;

Si le sopha plus mollement

Cède au poids de votre paresse ;

Donnez un souris seulement

À tous ces soins de ma tendresse.

Quand je reverrai les attraits

Qu’effleura ma main caressante,

Ma voix amoureuse et touchante

Pourra murmurer des regrets ;

Et vous croirez alors entendre

Cette harpe qui sous mes doigts

Sut vous redire quelquefois

Ce que mon cœur savait m’apprendre.

Aux douceurs de votre sommeil

Je joindrai celles du mensonge ;

Moi-même, sous les traits d’un songe,

Je causerai votre réveil.

Charmes nus, fraîcheur du bel âge,

Contours parfaits, grâce, embonpoint,

Je verrai tout : mais quel dommage !

Les morts ne ressuscitent point.

 

Poésies érotiques, livre I, (édition 1808)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A la Réunion, il y a une rue Parny (et une rue Bertin) à Saint-Denis, une à saint-Paul, une à Saint-Pierre, une à la Possession, une au Port et sans doute dans d'autres localités. Il y a une école primaire Evariste Parny à la Possession, il y a un lycée Evariste Parny à Saint-Paul. Mais j'ai bien l'impression qu'il n'y a aucun établissement scolaire en métropole. Cependant, il y a au moins une avenue Evariste Parny à Beauchamp (Val d'Oise 95250), merci à Thierry M pour l'info !

 

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Le Tampon (terrain fleuri)

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13 novembre 2009 5 13 /11 /novembre /2009 18:35

Le Fonds Barquissau de la médiathèque de Saint-Pierre (conservatrice : Linda Koo-Seen-Lin, qu'elle soit remerciée !) possède une édition de 1778 qui se présente comme imprimée à l'Isle de Bourbon. Argument commercial ? Humour ? Etant donné le nombre de créoles ayant eu la chance d'apprendre à lire, on imagine le nombre de livres vendus sur place ! ah, c'est vrai, c'était de la littérature érotique....
Rappel : Avec les Chansons madécasses (1787), on peut considérer que Parny est l'inventeur du poème en prose. On comprend que Baudelaire, qui a passé 45 jours à l'Isle Bourbon en 1841 ("A une Dame Créole", "La chevelure", "La Belle Dorothée" etc.), ait écrit un recueil de poèmes en prose 75 ans après Parny. La pseudo-traduction du malgache était un procédé (assez courant) pour contourner la sacro-sainte tradition des rimes. Photos : mon édition personnelle de 1808.









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13 novembre 2009 5 13 /11 /novembre /2009 18:24

Le colloque international "Bernardin de Saint-Pierre et l'océan indien" qu'organise l'Université de Saint-Denis du 30 novembre au 4 décembre promet d'être remarquable. Pas moins de 40 communications sans compter les tables rondes et les concerts. Le programme, téléchargeable dans le site univ-reunion, a ceci de sympathique qu'il parle de mon lycée !
J'ai donc le devoir de vous donner quelques précisions supplémentaires :

"Hommage à un poète injustement oublié : Evariste Parny"

 

Jeudi 26 novembre 15h

Vernissage de l'exposition consacrée au poète éponyme du lycée au CDI : éditions anciennes et récentes des oeuvres de Parny, correspondance, illustrations, archives, photographies, dessins inspirés des poèmes etc.

L'exposition sera visible jusqu'au 18 décembre.

 

Vendredi 27 de 14h à 17h

- 14h-14h30 : interprétation vocale des /Chansons madécasses/ (élèves de 1ère et de 2de)
- 14h30-15h : Conférence de Catriona Seth (Nancy II) "De Saint-Paul à l'Académie française, itinéraire d'un poète créole"
- 15h-15h30 : Conférence de Jean-Michel Racault (Université de la Réunion) "analyse de la Ve Chanson Madécasse : autour de l'anticolonialisme et du primitivisme"
- 15h30-16h : Pause et présentation de l'expo au CDI
- 16-17h : Table Ronde "Comment redécouvrir l'oeuvre de Parny aujourd'hui ?"
Participants ayant donné leur accord : Catriona Seth, Jean-Michel Racault, Nicolas Geraudou, Laurence Macé directrice de la bibliothèque départementale, Alain-Marcel Vauthier ancien directeur de la Bibliothèque départementale, Chantale Meure
La réception de Parny est un peu problématique et son oeuvre mérite d'être réévaluée. Ce poète majeur peut-il rester oublié ? Pourquoi l'est-il davantage en France qu'en Russie ? En quoi est-il moderne ? Est-ce le Parny anti-colonialiste et anti-esclavagiste qui va le plus assurer sa postérité ? (importance des commémorations et célébrations en ce début de millénaire) Quels rôles vont jouer les bibliothèques numériques dans cette redécouverte ? Une édition papier des Œuvres complètes établie de manière scientifique ne reste-elle pas indispensable ? Quelle place Parny peut-il et doit-il prendre dans l’ensemble de la culture créole ? Qu’attendre des institutions, des élus, des acteurs culturels (Région et MCUR, Département, Education nationale, DAAC, Université, bibliothèques etc), des éditeurs ?
Nous pensons qu'en croisant les points de vue, ces préoccupations seront susceptibles d'intéresser les lycéens présents (entre 100 et 150) et de les encourager à poser des questions. Nous réaliserons un enregistrement qui sera conservé dans les archives du lycée.

Mercredi 2 décembre 9h30

Conférence de Marcel Dorigny (PU Paris VII) : Réalités de l'esclavage et de la traite dans l'océan indien à la fin du XVIIIè siècle (destinée à des élèves de 2de et de 1ère)


Vendredi 11 décembre 14-17h

Mise en voix des Chansons madécasses et d'autres poèmes
Plusieurs exposés de 15' :
a/ autour d'un Parny au carrefour des cultures : exposés sur la Boston tea party et l'épître aux insurgens, exposé d'Axel Gauvin sur l'édition bilingue kréol / français, de Mireille Habert sur la traduction en latin du docteur Petit-Radel.
b/ autour d'un Parny poète de l'éternel exil : exposé de Gérard Delmas sur la situation historique de l'Océan indien, exposé de Nicolas Geraudou « Les Chansons Madécasses, scène primitive de la poésie réunionnaise ? »
Nous commencerons aussi à exploiter les enregistrements audio et vidéo des journées précédentes (interview de Boris Gamaleya, conférences de Catriona Seth, de J-M Racault et de Marcel Dorigny, Table Ronde du 27)

 

Autres événements :

Participation à l’opération 100 noms "Commémoration nationale des mémoires de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions" (MCUR)

Participation à l’opération : Une citation pour les casiers des scolaires à la Bibliothèque départementale inaugurée le 18 décembre

Réalisation d’anthologies poétiques comportant des poèmes de Parny

Réalisation de marque-pages décorés d’une citation de Parny

Articles publiés dans la Revue Culturelle : interview de Boris Gamaleya par une élève de 2de et biographie de Parny

 

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1 novembre 2009 7 01 /11 /novembre /2009 04:50
stèle correspondante à Fort-Dauphin (photo prise le 21 octobre 2009)
1er novembre beaucoup d'occidentaux fêtent Halloween. Dans l'océan indien, on continue l'histoire d'Antigone : on cherche à donner une sépulture aux âmes errantes. Hier, à Saint-Louis, le Président du Conseil régional a dévoilé "une stèle en hommage aux ancêtres morts sans sépulture. Au son du kayamb, un chant a été entonné à la mémoire des ancêtres morts sans sépulture et une stèle dédiée à ceux décédés aux quatre coins de l’île, essentiellement entre 1665 et 1848, a été dévoilée. "Ceux qui, esclaves ou marrons, étaient à l’époque classés par le Code noir sous l’appellation de « biens meubles ». Venus de Madagascar, du Mozambique, puis d’Inde et de Chine, leurs corps n’ont jamais pu reposer dans leur dernière demeure. Victimes de la « conspiration du silence », les traces de leur présence ont peu à peu été balayées par le souffle du temps. Leur âme dispose désormais d’un lieu de souvenir et de recueillement au milieu du cimetière du père Lafosse, à Saint-Louis. L’acte de réparation a eu lieu hier matin dans ce lieu chargé d’histoire, à l’initiative de la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise (MCUR). Tour à tour, les représentants des différentes communautés et confessions religieuses de l’île se sont succédé pour des prières en guise d’hommage préalable". Devant un parterre d’officiels - politiques, culturels, religieux -, Paul Vergès a évoqué ce « scandale incroyable dans l’histoire des peuples ». “Le début même de la différenciation entre l’espèce humaine et les autres se trouve dans le culte des morts. Pendant près de deux cents ans, des centaines de milliers de personnes n’ont pas eu ce droit. Le pire, c’est qu’on a voulu nous priver de cette histoire et renier le martyre de nos ancêtres. »

"Evoquant à la fois cet épisode comme « une tragédie, mais aussi un trésor à découvrir », le président de la Région a fait de ce 31 octobre « le point de départ d’une reconquête de l’histoire de La Réunion ». L’historien Sudel Fuma s’est quant à lui félicité de cette nouvelle étape franchie, symbole d’un travail entamé depuis 1999 avec la chaire Unesco et l’association Historun, qui s’est soldée par la pose de stèles commémoratives à Fort-Dauphin, Saint-Paul, Maurice, Mayotte et au Mozambique."  Source : Le Journal de l'île de la Réunion / Clicanoo

http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=226294&page=article

stèle de Fort-Dauphin (21 octobre 2009)

Pour les stèles de Saint-Paul, voir mon billet du 20 avril 09 (reprise des violences à Tana)
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31 octobre 2009 6 31 /10 /octobre /2009 06:28

je te salue
                         île incandescente

             grésillent
                         la chair
                                                  et le bois
le vent élève vers nos faces
l'encens
                 d'une fumée pestilentielle

 

 

zanaar ô ! tu es ma douleur mon ivresse
la danse de la feuille en prélude à l'averse
la transe de la cible aux trilles de l'éclair
débassine engluée en le cri de ma race !

tu es mon sang ma sainte face
cœur de cime où pulse la séquence du feu
soleil qui processionne au cuivre des karlons
agile communion de sagaies et d'étoiles

zanaar ô ! tu es la riposte à l'impur
l'oméga absolu camouflé sur ma rampe
à l'aube tintera le doux nom de la reine
un oiseau flamboyant sur l'or des orchidées

zanaar ô ! tu es le sud régénéré
marine où le couchant incinère ses ombres
mascarine du vent sur les croix délétères
longue route aux fumées de la nuit éclatée

 

 

 

Zanaar
induis en tentation
l'identité

fais que mon île
éclate
             au monde
jusqu'à très loin
             au fond de l'univers
et qu'au tableau
             de la nuit étoilée
soit aux dieux
                          bonne note
                          portée
INFINI CALEBASSE         (Zanaar parmi les coqs)


 

Ombline, ou le volcan à l'envers

Le récitant

Enfin, il nous est donné de pouvoir être
tout cela. Une plaine de sable en surplomb
du Cratère. Le vent glacé. Ses voix de fond.
« Pahoé oé o Pahoé oé é ».
Le brouillard monte mystifier les remparts.
Je devine la lune comme un feu où nos souffles
se mélangent. Elle prépare dans son caldère
l'araignée d'or, la mère Kale du temps.
Mais n'allons pas trop vite, liberté,
il manque une lampe à ta fournaise...

Simangavole

Marron va cime vole – ne tirez pas sur la lune –
ne marchons pas trop vite...

Matouté

Une âme pulse à l'horizon – ma mémoire ouvre un
œil – est-ce une île ? une étoile ? Une pointe
d'oiseau...

Le Chœur

     ... La porte acérée de la nuit !

 

 

L'aiguille force les ondes courtes jusque dans leurs petits serrés. Elle nasille, fait la grosse mouche énervée (ou la mozarelle râpée) s'emberlificote dans des bouchons de hoquets, tronçonne d'hétéroclites collisions, tombe sur l'Imaginary Landscape n° 4 pour douze postes de radio de John Cage, trébuche, déraille, se reprend . . .  Enfin comme un ange qui aurait délaissé la voile du Trisagion pour le parapente, elle descend apaisée et s'arrête subjuguée. Du fond de quelque Circassie, une voix s'élève:

          . . . proschaï . . . poïmi . . . prosti . . .
               (adieux . . . comprends . . . pardonne . . . )

          Bien sûr!
          L'étoile de la Sourate peuple les pentes de coqs d'anthologie.
Ne pars pas et que l'œuvre dans son meilleur trait se renouvelle.

          ............
          oi oi
          fond halluciné d'un quartier chaud
          un rire
                                                  et tout se brise
          Stridence ondulante d'une vieille canalisation dans la salle de bains d'un lêve-tôt.
          Au petit jour, la tondeuse du voisin . . .
          Le ciel est clair et pourtant l'esprit glisse sur une pente savonneuse. Et l'aiguille n'a pas tout dit . . . fa sol la do ré fa . . . le papillon dansant redevient chenillette . . . tali-tata . . . au théâtre des étoiles chante encore Nusrat Fateh Ali Khan

 

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23 octobre 2009 5 23 /10 /octobre /2009 21:20
ho hisse
c'était mardi 13
10 jours déjà
à Ramena, près de Diego-Suarez







tsingy noirs


là tout n'est qu'ordre et beauté
luxe calme et volupté
j'ai longtemps habité sous de vastes portiques
que les soleils marins teignaient de mille feux




Elle est retrouvée Quoi ? – L'Eternité. C'est la mer allée Avec le soleil
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11 octobre 2009 7 11 /10 /octobre /2009 07:38
coeur de boeuf
C'était le 4 septembre dernier, un petit tour du Petit Marché de Saint-Denis

Ce blog s'arrête jusqu'au samedi 24 octobre. Je pars en effet à Mada demain matin aux aurores (Diego, Tana, Fort-Dauphin) et je sais qu'il me sera difficile de me connecter suffisamment pour bloguer. Enfin, on verra.

papayes
mangues rougail
evis
bibasses (nèfles)
pépinos
mangues carottes
le vendeur a tenu absolument à poser avec sa radio
et Madame aussi
Adèle est célèbre
mais c'est logique : elle a guéri tellement de gens avec des zerbaz !
pour ma part, j'ai fait le plein de faham pour mon rhum arrangé et de plantes pour mon arthrose

Le Benjoin lutte efficacement contre la fièvre, la grippe et la toux. Les quintes de cette dernière peuvent-être terrassés par les forces et vertus du quinquina.

A chaque âge de la vie son remède ! Le curcuma sera administré à un « marmaille » alors que le bois de fer est recommandé en cas de fatigue chez l’homme mûr.

Les plantes ont aussi leur mot à dire dans le traitement de maux à caractère chronique. Par exemple, une décoction de prêle associée à du bois de [rénan], bue avec assiduité, fera baisser le taux du mauvais cholestérol. De même [l’arnette] est prescrite en cas d’arthrose.











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9 octobre 2009 5 09 /10 /octobre /2009 22:11
photos : John






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8 octobre 2009 4 08 /10 /octobre /2009 19:43
voici quelques photos prises le 7 septembre en allant de Sainte-Rose vers Saint-Philippe
successivement coulées de 1998, 2004, 2001 (cordée) et 2007 (encore chaude)











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5 octobre 2009 1 05 /10 /octobre /2009 18:13

Compte rendu

Antonio Lobo Antunes : "Un livre est comme un organisme vivant"

LE MONDE | 05.10.09



Au début, je faisais des plans très détaillés, ce qui m'ôtait toute la surprise du livre parce que je savais déjà qui était le criminel. Et puis, je n'étais pas content parce que je ne voulais pas raconter des histoires. Je voulais autre chose. Un livre est comme un organisme vivant, il a ses propres lois. (...)

http://www.lemonde.fr/livres/article/2009/10/05/antonio-lobo-antunes-un-livre-est-comme-un-organisme-vivant_1249463_3260.html

 

Quelquefois, quand on est couché, quand on est dans cette sorte de phase crépusculaire, entre le sommeil et la veille, on a la sensation d'avoir découvert le secret du monde et de la vie. Et comme on a conscience qu'on est presque endormi, on essaie de se réveiller pour ramener ce secret à la surface. Mais quand on est réveillé, on n'a plus rien. Je me demandais comment avoir cela, écrire dans cette sorte d'état second où vous avez la sensation d'avoir accès à des choses auxquelles vous n'avez pas accès quand vous êtes totalement réveillé. Et j'ai compris que si j'étais très fatigué, j'aurais tout cela : il faut que mes mécanismes logiques soient relâchés, que la police politique intérieure qui vous interdit de penser d'une façon non cartésienne, rationnelle, etc. cède le pas à une autre logique, celle des émotions.

Je n'ai jamais de plan. Pour ce livre-là, Je ne t'ai pas vu hier dans Babylone, j'avais seulement dans la tête une question qui me persécutait depuis très longtemps, depuis que je suis enfant : comment la nuit se transforme-t-elle en matin ? Quand j'étais petit, j'allais me coucher, et tout de suite, c'était le matin, il y avait du soleil à la fenêtre. Qu'est-ce qui s'était passé pendant ce laps de temps ? Cela m'intriguait toujours. C'était la seule idée que j'avais pour le livre. Je voulais comprendre comment la nuit se transforme en matin. Mais je n'arrivais pas à commencer le livre, il fallait un déclic.

J'habite dans un quartier au centre de Lisbonne, qui ressemble à une petite province avec des merceries, des boulangeries, des couturières et des petits bistrots. Comme je vis seul, je mange dans un de ces petits bistrots. Une très vieille actrice, âgée d'environ 90 ans, dîne toujours toute seule dans ce bistrot. Elle arrive seule et s'habille pour aller dîner. Elle porte des robes en soie, des boucles d'oreilles, des bagues et elle va se faire coiffer chez des coiffeurs de quartier, qui font des choses assez moches. Elle a donc une sorte d'armure, un casque de cheveux très blancs autour de son visage. Un jour, je me suis approché d'elle et je lui ai dit : vous avez un si beau sourire, madame. Elle a baissé la tête - c'était très curieux, elle était en train de manger -, elle a cherché son rouge à lèvres (il fait le geste de se passer le bâton de rouge sur la bouche) et elle a levé les yeux et m'a souri. C'était la première fois que j'ai vu un sourire à l'intérieur d'une larme. Je ne savais pas qu'il pouvait y avoir des sourires à l'intérieur des larmes. C'était le déclic et j'ai commencé le livre. Il n'y avait aucune décision intellectuelle ou rationnelle, c'était purement émotionnel. Ce sourire de vieille dame a tout déclenché. Car en même temps, il éclatait de jeunesse. Soudain, elle n'avait pas de rides, une jeune fille droite avec des yeux très émus. Elle avait 18 ans, elle était beaucoup plus jeune que moi. (...)

Pendant que j'écrivais, j'avais tout le temps dans la tête l'impression que j'écrivais pour son sourire et pour son immense solitude. Le patron du bistrot m'a dit : "Ah, vous savez, elle se couche toujours à 3 heures du matin, comme si elle travaillait encore au théâtre." Elle regardait la télé, elle lisait des revues. Elle continuait à vivre comme elle avait toujours vécu - elle avait été assez connue, mais ce n'était pas une grande actrice -, elle conservait les mêmes habitudes qu'avant. Et là, j'ai compris comment on peut vivre dans une immense dignité et en même temps avoir la soif de tendresse de cette femme-là, dans sa solitude. Et j'ai dit : "Maintenant, je peux écrire."


Je ne t'ai pas vu hier dans Babylone, Christian Bourgois, 572 p., 28 €.



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